L'histoire de Manuel (29/09/2007)

travail"Comme le fleuve qui coule" de Paulo Coelho, vous connaissez?

La rentrée des écoles est déjà derrière et avec elle, les autres activités de ce travail qui occupent notre temps. Ce travail occupe de plus en plus de réflexions dans les partis qui s'opposent sur le degré de sa fréquentation.

De l'auteur, Paulo Coelho, j'en avais déjà entendu parler. Né en 1947, au Brésil, écrivain à succès. Je n'en avais pas lu une ligne jusqu'ici. Je me suis plongé dans ce "J'ai lu" et je n'ai pas été déçu. Ce livre est construit sur une série de petits chapitres en constatation de situations et événements de la vie. Sur un schéma d'une série de blogs, il manifestait sa vision d'homme mûr et qui avait voyagé de par le monde. Trois chapitres ont attiré ma curiosité par son côté allégorique. Il s'agit de l'histoire de Manuel.

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J'ai hésité à le transcrire. Les droits d'auteurs sont ce qu'ils sont. Droits réservés. Je me suis tourné sur son site pour en obtenir une autorisation. Puis en continuant à lire, je me suis attardé sur un chapitre dans lequel il parlait de ce qu'il faisait des livres de sa bibliothèque. Ses écrits m'ouvraient une porte de la diffusion implicitement. D'après lui, la lecture et la qualité du texte devraient voyager par l'intermédiaire de livres et passer de sa bibliothèque dans d'autres mains pour être touché, d'autres yeux pour en jouir. Pour un auteur qui cherche ses marques dans les fils de la grande toile, il me semblait qu'un copier-coller soit permis pour en discuter par après. C'en est un. Je le dis et le répète. Pas de gloire. Je ne signerais évidemment pas ce qui était écrit.

Mais, si vous ne vous reconnaissez pas dans ce premier texte, c'est que vous venez d'une autre planète. Alors, allons-y pour le juger et y gagner en interactivité.

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Manuel est un homme important et nécessaire.

Manuel doit être occupé. Sinon, il pense que sa vie n'a pas de sens, qu'il perd son temps, que la société n'a pas besoin de lui, que personne ne l'aime, que personne ne veut de lui.

Par conséquent, à peine réveillé, il a une série de tâches à accomplir: regarder les nouvelles à la télévision (il a pu se passer quelque chose pendant la nuit), lire le journal (il a pu se passer quelque chose la veille), prier sa femme de ne pas laisser les enfants se mettre en retard pour l'école, prendre une voiture, un taxi, un autobus, un métro, mais toujours concentré, regardant le vide, regardant sa montre, si possible donnant quelques coups de téléphone sur son mobile et faisant en sorte que tout le monde voie qu'il est un homme important, utile au monde.

Manuel arrive au travail, se penche sur la paperasse qui l'attend.

S'il est fonctionnaire, il fait son possible pour que le chef voie qu'il est arrivé à l'heure.

S'il est patron, il met tout le monde au travail immédiatement: s'il n'y a pas de tâches importantes en perspective, Manuel va les développer, les créer, préparer un nouveau projet, établir de nouvelles lignes d'action.

Manuel va déjeuner, mais jamais seul.

S'il est patron, il s'assied avec ses amis, discute des nouvelles stratégies, dit du mal des concurrents, garde toujours une carte dans sa manche, se plaint avec une certaine fierté de la surcharge de travail.

S'il est fonctionnaire, il s'assied aussi avec des amis, se plaint du chef, dit qu'il fait beaucoup d'heures supplémentaires, affirme avec désespoir et une grande fierté que beaucoup de choses dans l'établissement dépendent de lui.

Manuel - patron ou employé- travaille tout l'après-midi. De temps à autre, il regarde sa montre, il est bientôt temps de rentrer à la maison, mais il reste un détail à résoudre par-ci, un document à signer par-là. C'est un homme honnête, il doit faire de son mieux pour justifier son salaire et répondre aux attentes des autres, aux rêves de ses parents, qui ont fait tant d'efforts pour lui donner l'éducation nécessaire.

Enfin, il rentre chez lui. Il prend son bain met un vêtement plus confortable et va dîner avec sa famille. Il s'enquiert des devoirs des enfants, des activités de sa femme. De temps en temps, il parle de son travail, uniquement pour servir d'exemple. Il n'a pas l'habitude d'apporter des soucis à la maison. Le dîner terminé, les enfants qui se moquent bien des exemples, des devoirs ou des choses de ce genre, sortent aussi de table aussitôt et s'installent devant l'ordinateur. Manuel, à son tour, va s'asseoir devant ce vieil appareil de son enfance, appelé télévision. Il regarde de nouveau les informations. Il a pu se passer quelque chose l'après-midi.

Il va toujours se coucher avec un livre technique sur la table de nuit, qu'il soit patron ou employé, il sait que la concurrence est rude et que celui qui ne se met pas à jour court le risque de perdre son emploi et de devoir affronter le père des malédictions: rester inoccupé.

Il cause un peu avec sa femme. Après tout, c'est un homme gentil, travailleur, affectueux, prenant soin de sa famille et prêt à la défendre en toutes circonstances. Le sommeil vient tout de suite. Manuel s'endort, sachant que le lendemain, il sera très occupé et qu'il doit recouvrer son énergie.

Cette nuit-là, Manuel fait un rêve. Un ange lui demande:

- Pourquoi fais-tu cela?"

Il répond qu'il est un homme responsable. L'ange continue :

- Serais-tu capable, au moins quinze minutes dans la journée, de t'arrêter un peu, regarder le monde, te regarder toi-même et simplement, ne rien faire?"

Manuel dit qu'il adorerait, mais qu'il n'a pas le temps.

- Tu te moques de moi, affirme l'ange. Tout le monde a le temps, ce qui manque c'est le courage. Travailler est une bénédiction quand cela nous aide à penser à ce que nous sommes en train de faire. Mais cela devient une malédiction quand cela n'a d'autre utilité que de nous éviter de penser au sens de notre vie".

Manuel se réveille en pleine nuit, il a des sueurs froides. Courage? Comment cela, un homme qui se sacrifie pour les siens n'a pas le courage de s'arrêter quinze minutes?

Il vaut mieux qu'il se rendorme, tout cela n'est qu'un rêve, ces questions ne mènent à rien, et demain il sera très, très occupé.

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Manuel est un homme libre

Pendant trente ans, Manuel travaille sans arrêt,; il élève ses enfants, donne le bon exemple, consacre tout son temps au travail et ne demande jamais "Est-ce que ce que je suis en train de faire à un sens?". Son seul souci, c'est l'idée que plus il sera occupé, plus il sera important aux yeux de la société.

Ses efants grandissent et quittent la maison, il a une promotion, un jour on lui offre une montre ou un stylo pour le récompenser de toutes ces années de dévouement, ses amis versent quelques larmes, et arrive le moment tant attendu: le voilà retraité, libre de faire ce qu'il veut.

Les premiers mois, il se rend de temps à autre à son ancien bureau, bavarde avec ses vieux amis, et s'accorde le plaisir dont il a toujours rêvé: se lever plus tard. Il se promène sur la plage ou dans la ville, il a une maison de campagne qu'il s'est acheté à la sueur de son front, il a découvert le jardinage et il pénètre peu à peu le mystère des plantes et des fleurs. Manuel a du temps, tout le temps du monde. Il voyage grâce à une partie de l'argent qu'il a pu mettre de côté. Il visite des musées, apprend en deux heures ce que les peintres et les sculpteurs, de différentes époques ont mis des siècles à développer, mais du moins a-t-il la sensation d'accroître sa culture. Il fait des centaines, des milliers de photos, et les envoie à ses amis. Après tout, ils doivent savoir qu'il est heureux. [...]

Il cherche quelqu'un avec qui partager ses opinions. Plongés dans le fleuve de la vie, ils envient Manuel pour sa liberté. 

Il cherche du réconfort auprès de ses enfants, mais eux aussi ont d'autres soucis, même s'ils se font un devoir de prendre part au déjeuner dominical. 

Manuel est un homme libre, dans une situation financière raisonnable, bien informé, il a un passé impeccable, mais maintenant? Que faire de cette liberté si durement conquise? Personne n'a de temps pour lui et Manuel se sent triste, inutile.[...]

La liberté n'est autre qu'un exil déguisé. 

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Manuel va au Paradis

Manuel finit par mourir un jour.

Question : quelle est la chose la plus importante de notre existence?

Personne ne peut vivre pour nous. Il faut savoir diriger où diriger nos efforts, quel est l'objectif suprême à atteindre?  [...]

"L'optimisme comme le pessimisme finissent par mourir. Mais ils ont tous les deux profité de la vie d'une manière complètement différente.

 Paulo Coelo,

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Rien d'original, vous direz-vous?

Peut-être.

Serait-ce un autre "Alexandre le bien heureux" ou une Eloge à la paresse, encore une fois?

Non, il ne s'agit pas de cela, mais d'une tentative de prise de conscience de qui constitue l'essentiel de l'individu. Encore faut-il pouvoir l'assumer. L'homme moderne s'est harnaché d'une série de casseroles et de boulets à la cheville. Et pas seulement du côté du travail. Essayez de prendre rendez-vous avec quelqu'un qui se dit actif. Je vois d'ici son agenda qui aura certainement des tendance à l'"overflow".

Sur mon site, j'ai ajouté récemment une horloge avec comme commentaire « Time is more precious than money » pour exprimer mon intime conviction. Le "time is money" est anachronique.

travailLa qualité de la vie reste le but à atteindre.

A New York, la "Sieste business" fait, parait-il recette. Elle deviendrait payante et ce n'est pas en rêve. Cette ville qui ne dort jamais, comme le chante Sinatra, se payerait le luxe d'un business en pleine expansion. Le salon Yelo propose à ses clients au coin de Central Park de faire une petite sieste régénératrice "Power Nap" pour 12 dollars de l'heure.


En attendant, le citoyen français, après les dernières élections françaises, n'en finit pas de s'interroger sur Agoravox et ailleurs:

"Perdons-nous notre temps à gagner notre vie?"

"Travailler rend-il malade?"

L'idée qui a passé la rampe tout récemment est simplement: "Pour gagner plus, il faut travailler plus".

Alors, je dis plutôt: l'adverbe à utiliser n'est pas "plus" mais "mieux". Chacun a certainement eu un moment de réflexion en fin de journée et s'est dit : "mais, qu'ai-je fait de réellement productif aujourd'hui?".

Le travail, en poussant seulement sur le champignon, doit correspondre à une réalité vis-à-vis des potentiels réels et actuels. Le potentiel de travail a diminué de fait  dans certains secteurs, reprend de la vigueur pour se développer ailleurs. Le progrès par les automatismes a remplacé progressivement les tâches les plus répétitives. Les tâches les moins spécialisées sont devenus de plus en plus considérées comme destinées à des travailleurs en provenance de pays qui, du moins, temporairement, seront moins favorisés et moins exigeant du côté des horaires ou des salaires bien payés. La tendance est de créer du travail, mais sous quelles conditions? N'est ce pas une glissade du "potentiel poche" vers le bas? Je ne parle pas, ici, de salaire.

Les idées originales qui en génèrent d'autres sont les pièces montées de l'avenir. Prester seulement ne motive pas. Aimer son boulot en le considérant comme une sorte de hobby, ne serait-il pas un but à atteindre? Pour cela, seul un partage de l'information vertical et horizontal dans une parfaite collaboration est nécessaire. La rémunération du "travail efficace" est-il à la hauteur, qu'il soit intellectuel ou manuel?

Le système Toyota même s'il ne peut pas être compris tel quel par les moeurs occidentales par ses côtés d'exagération, contient néanmoins un guide de conduite après quelques adaptations. Il correspond à une tendance à faire participer dans les décisions, tous les échelons de la production. Cela n'empêche pas de garder un pied près du frein si la face privée de soi est prise de vitesse par les obligations publics.

Ce système est tout aussi suprenant pour le Japon lui même. Amélie Nothomb écrivait son expérience d'une petite Belge perdue au milieu d'un monde japonnais hiérarchisé dans "Stupeur et tremblements". Initiative et individualisme ne faisaient pourtant pas partie de ce monde qu'elle décrivait. Pourtant, les jeunes Japonnais veulent rivaliser d'excentricités pour faire ressortir leur ego. Le National Geogaphic de septembre écrivait dans la même lignée que le Japonnais est séduit par les Mangas. Sorte de bandes dessinées qui traitent les événements de tous les jours sous forme de pamphlets politiques et dans lesquelles, il tente de s'évader en se prêtant à jeu de rôle.

Une société dynamique, multiraciale, multiethnique et mutliculturelle existe aussi en Malaisie d'après Joseph Stiglitz (Echo 19 sept). Au palmarès mondial de la croissance, la Malaisie occupe une place au côté de la Chine, Taiwan, la Corée du Sud et la Thailand. Les écarts de revenus entre les différents groupes ethniques suivent un nivellement par le haut. Les pays occidentaux en pertes de vitesse avec le nivellement qui s'opère progressivement par le bas? Les investissements dans les projets d'avenir pour le bien être de tous font partie de la réussite malaise. Une recette du bonheur ou une prospérité économique? Où serait la différence?

En France, la défiscalisation des heures sup' profiterait aux bas salaires. Les secteurs qui emploient des cadres rémunérés au forfait ne se sentiraient pas concernés.

Sarkozy soutenait d'une part la force du travail supplémentaire et la laissait libre sans être taxée, sans penser que ces heures supplémentaires étaient parfois le seul moyen de nouer les différents bouts d'une famille. D'un autre côté, il affirmait sa volonté de sanctionner les parents qui ne feraient pas attention à leurs enfants. Très antagonistes, ces deux projets, c'est le moins que l'on puisse ajouter.

Attention, quand, on parle de travailler mieux, cela doit aussi privilégier le travailleur.

Le travail mènera toujours à tout à condition de pouvoir en sortir un jour.

...

Un petit poème destiné à Manuel: 

On ne t'a pas appris à choisir

Ce n'était pas une partie de plaisir

Mais la vie n'est pas une course

Pour ne chercher qu'à remplir sa bourse

Se tromper de voie, c'est l'errance

Sans espoir pour un pas de danse

Tout âge mérite raisonnement

Espérance de rêves, de voir autrement.

 

L'enfoiré,

 

Citations:

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