L'argent du beurre (03/01/2006)

Les blocs économiques se réveillent l’un après l’autre, chacun plaçant le précédent dans l’ombre. Le mondialisme a tout de même un côté positif, par l’interdépendance.

L'argent du beurre_00.jpgL'histoire d'une civilisation se construit à l'image de l'homme et par son interdépendance avec ceux qui l'entourent:

•La naissance avec ses balbutiements et la recherche de son identité.
•L'adolescence avec son affirmation de sa suprématie vraie ou fictive par ses grands 'coups de gueule' militaires et de son positionnement dans l'échelle des puissances par ses conquêtes.
•L'apogée caractérisée par une opulence et une puissance qui permettent à sa population de vivre de ses acquis dans un plus grand luxe de raffinement.
•Le déclin reflété dans le manque d'initiatives nouvelles, une stagnation, un protectionnisme, un manque d'entretien de son économie ou un conformisme généré par une fausse idée d'immortalité.

Durant la phase de déclin, quelques coups de boutoir ralentissent la chute mais la disparition de la civilisation n'en a été que retardée. Une courbe en cloche ayant la production  en ordonnée se dessine souvent plus étirée dans sa montée que dans sa descente. Les guerres n'ont souvent été que les catalyseurs du progrès ou du déclin.
La force de l'un a été utilisée pour supplanter l'autre plus faible dans un instant de l'histoire commune de deux civilisations. Après les 2 dernières grandes guerres mondiales, ce ne sont plus les armes conventionnelles militaires qui déterminent la place dans l'échelle de la puissance des civilisations. La guerre économique et financière, plus pacifique en apparence mais tout aussi acharnée, a pris sa succession.

De grands blocs politiques associant le côté économique se succèdent sur le pavois de la réussite, tour à tour, challenger. Mais cela fonctionne si les niveaux sont compensés ou presque à la même hauteur. La physique et les vases communicants nous montrent ce qui se passerait dans le cas contraire.

L'Europe, d'abord non unifiée et grâce à son industrie lourde, s'est développée au cours des siècles derniers. Sa population a recherché et revendiqué son bien être en y ajoutant de plus en plus d'aspects sociaux.

internationalLes États-Unis, premiers challengers avec une population d’origine européenne, ont utilisé les fondements des pays d'origine et ont bâti un nouveau monde plein de promesses libertaires dans lequel tout semblait ouvert au développement. A leur tour, ils se sont vus talonnés par le Japon et leurs exportations de voitures qui devenaient un danger pour leur propre production.

Plus récemment, la Chine, toujours animée ou entravée par un régime non démocratique et autoritaire, a commencé à attaquer les deux blocs cités précédemment grâce à la mondialisation qui devrait lui permettre de déverser sur tous les marchés du monde sa production à des prix défiant toutes concurrences. Le manque de démocratie permet d'aller plus vite au but à atteindre, à condition que les dirigeants prennent toujours les bonnes initiatives.

A quoi devons-nous cette mondialisation accusée de tous les maux?
Le commerce existe depuis toujours. Les importations et les exportations ont été les moteurs de l'économie. Ce qui s'est accru d'une manière drastique plus importante et à un rythme plus accéléré, ce sont les moyens de production, les déséquilibres entre importation et exportation. Au 20ème siècle, le progrès, les technologies et l’automatisation ont créé des excédents qui dépassaient toute consommation locale en Occident. Excédents qu’il fallait écouler dans des pays disposant d’une population de plus en plus importante sous peine d'en étouffer. L'ouverture voulue sans contrainte par l'OMC et les industriels et qui permet le libre échange entre les pays qui en font parties, a été rendue possible par une mondialisation débridée, sans beaucoup de garde-fous pour accélérer le mouvement des marchandises. Ce principe nécessite une acceptation des échanges commerciaux dans les deux sens. Très vite, il s’avéra pourtant que les équilibres commerciaux n’allaient pas être respectés et le désenchantement du côté occidental s’ensuivit. Le mouvement des marchandises ne pouvait jamais se limiter aux seules marchandises d'ailleurs. Les échanges culturels, le choc des civilisations étaient planifiés dans cet ensemble de migrations.
internationalLes règles de production n’étant pas les mêmes, pour les nouveaux challengers, et les anciens. Continuer à produire tout azimut comme auparavant et espérer rester concurrentiel est devenu souvent un leurre et certains pans du marché international demandent une remise en question fondamentalement.

Les prix bas ou dumpés bouleversent les habitudes et des faillites retentissantes commencent à tomber tout d'abord dans les secteurs qui touchent à l’habillement dans le monde occidental. Ces craquements rendent notre environnement et notre monde d’organisation tout à coup obsolètes ou trop chers quitte à devenir caduque. Le beau, la qualité n'ont plus l'importance d'avant et seule la quantité permet de garder un bénéfice suffisant dans les échanges. Ce revirement est difficilement accepté face à cette fuite en avant obligatoire enclenchée par le progrès. Certains analystes n'ont pas hésité à affirmer que le libre-échange semble être le vecteur de décroissance de "la vieille Europe" (Luigi Chiavarini, professeur économie).  L'urgence d'un ralentissement de la croissance est évoquée pour revenir à des échanges plus équilibrés.

La rémunération du facteur travail est perçue, par l'entreprise, comme un coût  qu'il faut ajuster et minimiser. Les délocalisations des entreprises, l'outsourcing-offshore du travail coulent, dès lors, de source quand la concurrence égare les buts à atteindre: produire au moindre coût, pour qui? Pour l'homme ou pour la nature qui reste limitée dans ses ressources propres?

Je ne vais pas tomber dans le piège et montrer d'un doigt accusateur les Chinois (on m'en a fait le procès d'intention). Il s'agit d'un constat, sans plus. Il faut produire avec le plus de chance de ne pas gaspiller lors de la création du produit et plus tard, lors de son utilisation.

Il est indéniable que, dans cette "vieille Europe", des efforts financiers ont été consentis pour sauver des activités qui à terme n'avaient plus un avenir assuré d'un rendement à la mesure de l'effort. Peu populaire et antisocial, un élagage s'est souvent opéré sans douceur et dans la douleur des fermetures d'usines par manque de prévoyance et de vue clairvoyante sur le long terme. En parallèle, de jeunes entreprises qui auraient mérité une attention soutenue par un appui financier plus franc et massif, ne l'ont pas été à temps. Le capital à risque n'est pas vraiment une force de ce côté de l'Atlantique. Les 'pays riches' n'ont peut-être que la monnaie de leurs pièces (volontairement au pluriel) et un retour de manivelle était à prévoir tôt ou tard.
Les différents accords signés depuis belle lurette (Gath, OMC...) ont permis d'accélérer par la même le développement de pays en voie de développement.
Cela allait aussi s'accompagner implicitement et logiquement d'une augmentation du 'return on investment' et des marges bénéficiaires. L'investissement par notre épargne (oui, la vôtre et la mienne), en coulisse, a servi à cela et demandait une rentabilité de l'argent en échange. Notre argent a donc payé implicitement notre propre virage vers le chômage.
Le problème est maintenant de réajuster le déséquilibre grave qui s'aperçoit à l'horizon avec le moins de vagues possible sous peine de retrouver les solutions dangereuses du passé.
Les entreprises ont besoin de règles acceptables pour travailler, de stabilité pour s'épanouir et faire du bénéfice. Ce dernier est obligatoire pour motiver. Les entreprises ont été créées dans ce but unique.

Les plans de pensions qui ont investis dans les actions, estiment, tout autant, pouvoir espérer un "return" à double chiffres. Comme elles y ont été contrariées par ces nouveaux assauts inattendus de la concurrence des produits importés et qu'elles ne parviennent plus à respecter le cahier des charges vu qu'elles n'ont plus les moyens d'imposer ses propres prix de vente au marché, chercher à diminuer le coût de production est la seule porte de sortie pour rester bénéficiaire. La boucle est bouclée.

Dernière nouvelle, la Chine va réviser nettement son PIB vers la hausse de près de 20% et devient la 4ème puissance mondiale (ex 7ème) pour augmenter sa crédibilité et revenir à une croissance de 7%.

Un équilibre doit sauver chaque bloc par une solidarité forcée.
Le déclin d’une société au profit d’une autre ne peut plus se concevoir comme par le passé. L’imbrication des marchés mondiaux est telle qu'anéantir un bloc concurrent se traduirait par la perte de clients potentiels importants pour sa propre survie et l'ignorer produirait son propre étouffement à courte échéance.

Alors, faudrait-il dire l'argent du beurre ou l'agent du beurre?


L'enfoiré,

 

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