Le choix du danger (24/03/2008)

retro-chine-reporter.jpgCette fois, à Olympie, elle est partie la flamme olympique pour 137.000 kilomètres. Elle transitera par Lhassa, est-il ajouté. Les jeux de 2008 sont la vitrine des réalisations chinoises sur la scène internationale mais ils ont, surtout, une dose de « politique » qui a, semble-t-il, été sous-estimée lors du choix de Pékin. Les événements récents du Tibet n'en sont qu'un début.

Le choix de Pékin pour les JO était-il judicieux le 6 septembre 1999? Mais qu'est-ce que les Jeux Olympiques vont-ils aller faire dans cette galère? La situation politique était connue de tous au moment de ce choix. Pas de surprise, donc.

Cette course éperdue vers le modernisme, commencée en 1999, entamait, inexorablement, une autre vers des problèmes internes et externes au niveau politique et économique. L'explosion de la population tibétaine et celle du commerce sans règles de partage équitable étaient programmées.

Déjà dans la Grèce antique, la politique avait eu son mot à dire. La Pythie conseilla au roi Iphitos d'Ellis d'"occuper les esprits" de la population grecque en réinstaurant, à Olympie, les jeux sportifs, tombés en léthargie. Jeux qui étaient "naturellement" chers aux dieux, mais aussi aux dirigeants. Rétablir la paix en était le but officiel. Le roi de Sparte, son ennemi, fut dès lors son ancien ennemi et nouveau mentor.

Pierre de Coubertin, lui, fondateur des Jeux Olympiques modernes, risque fort de se retourner dans sa tombe. Ses jeux moderne, il les voulaient apolitiques. En 1896, la Hongrie envoya une délégation aux frais de l'Etat, en signant ainsi son indépendance vis-a-vis de l'Autriche. Le nationalisme fait partie intégrante de tous les JO pour montrer ses différences par une indépendance d'idées. Les médailles ne seraient que les récompences exacerbées d'avoir porté le drapeau de la nation et que la démonstration de la force potentielle en temps de guerre. Avec le temps, les JO sont devenu aussi commerciaux.

A Amsterdam en 1928, la flamme olympique fut allumée par un employé de la compagnie du gaz.

En 1936, plus de doute, c'est la propagande d'Hitler à la gloire du racisme en contradiction avec l'idée olympique qui prend le relais. Avery Brundage, président du Comité Olympique américain s'opposa à un boycott américain, première édition. Ce qui n'empêcha pas l'aryanisation de la sélection des athlètes et les 4 médailles d'or de Jesse Owens qu'Hitler ne pouvait pas se résoudre à applaudir.

En 1940, l'organisation des JO japonais fut annulée et envoyée à Helsinki après l'invasion nippone de la Chine. La Finlande dut annuler à son tour pour cause d'invasion russe. En 1948, Allemagne et Japon étaient exclus d'office à Londres. En 1956, boycott à Melbourne par l’Égypte, l'Irak et le Liban avec un parfum de canal de Suez.

En 1980, Jimmy Carter déclina l'invitation aux jeux de Moscou et la Belgique ne versa pas un franc à sa délégation sportive qui défila sans couleurs nationales.

En 1984, revanche de Moscou à Los Angeles. Des incidents plus violents commencèrent en 1968 avec les Black Panthers à Mexico et surtout en 1972 avec les attentats.

Pour 2008, le Tibet et Taïwan sont interdits de jeux pour répondre à la question de savoir qui sont les maîtres du jeu politique dans la région.

789879332.jpgAvant l'occupation chinoise, le Tibet comptait 6 millions de Tibétains. Aujourd'hui, il n'en compte que 2 millions seulement. Contrainte à l'assimilation chinoise et les stérilisations larvées, Lhassa subit une pression telle qu'elle ne compte plus que 50.000 de Tibétains au milieu de 150.000 Chinois.

Une réédition de David contre Goliath s'est engagée avec la peur téléguidée, par le dalaï-lama en exil, sur la communauté internationale. La Chine, trop intéressée par le réservoir d'eau en provenance de l'Himalaya, ne cèdera pas facilement cette province trop intéressante. 

Tous les pays du monde, occidentaux comme orientaux, ont été impliqués pendant les dix années qui précèdent et ont ressenti les effets néfastes pour leurs économies suite au choix de la Chine.

Pour réaliser une percée fulgurante, telle que l'a fait la Chine, elle a dû rechercher de plus en plus de moyens financiers pour sortir le pays d'un certain passéisme et payer cette reconnaissance sur la scène mondiale à coups d'efforts surhumains.

Les Chinois, peuples pacifiques, se sont vus contraints de se serrer la ceinture et de resserrer les boulons du travail forcé avec pugnacité.

L'occident, dès lors, s'est ressenti, dans le même temps, noyé par les produits à bas prix envoyés par la Chine. La bulle spéculative de 2000 n'est peut-être pas étrangère. Les pays occidentaux tentent toujours de s'en sortir de crise en crise et se perd en conjectures pour trouver la parade. Quelque uns vont tirer leur épingle du jeu. Multinationales en générales. Business is business. Les compagnies équipementières Adidas, Nike par exemple. Les droits de télés et de l'informatisation probablement.

En contrepartie, cadenassé par le pouvoir en place, pas grand chose de positif sinon une fierté innocente et soumise de la population chinoise. Pas de progrès dans la reconnaissance des Droits de l'Homme et du bien être de celui-ci.

Un environnement saccagé, aussi, à la gloire du succès de quelques uns.A Pékin, là où les jeux vont avoir lieu, la plupart des vieux quartiers ont été rasés. Les pittoresques hutongs ont été remplacés par du béton et du verre high tech toujours plus haut. Un million de personnes ont été expulsées de leur maison. La Cité interdite, avec ses palais impériaux, ne sera-t-elle là que comme seul vestige pour le folklore et pour la nostalgie? Est-ce une honte de ce passé et d'un patrimoine tellement apprécié par les touristes d'aujourd'hui ?

Le tape à l'oeil pour éblouir le monde se voulait à la pointe de la modernité et oublier le passé. Point. Après l’esprit révolutionnaire de Mao, plein feu donc sur le développement capitaliste avec le dynamisme et l’ambition extraordinaire compensé par un capitalisme qui ne fait plus l'unanimité chez ses précurseurs occidentaux. Sur une surface de plus de 9,5 millions km2, un demi milliard de Chinois y vivent une véritable révolution dans cette mégalopole avec, pour seul obstacle majeur pour les Jeux tout proches, la langue du mandarin, ses innombrables dialectes et l'écriture en pictogrammes quasi insurmontable pour l'occidental qui viendra assister à ces jeux. Dans ce cas précis, on pourrait penser que le forcing de l’étude de l’anglais comme moyen de communication ne serait pas un outil rêvé pour garder le gouvernail dans les mains du gouvernement. Rendre la langue chinoise plus populaire aux étrangers voulait se caractériser par un prosélytisme patronné par Confucius comme haute valeur ajoutée, était-il dit comme incitent. Certains mots chinois resteront probablement intraduisibles. 

Le néo-capitalisme est bien là, avec de bons instructeurs, mais sans avoir trouvé l'ouverture nécessaire. Une profonde soif de stabilité et de tranquillité d'une grande part de la population chinoise existe pourtant pour contrer cette révolution voulue par le parti. Il est clair que cette « révolution » technologique a engendré des dégâts stupéfiants pour l'environnement en seulement dix ans. Le fossé entre riches et pauvres n'a fait que croître dans cette urbanisation folle.

1384659679.jpgDepuis, les travailleurs chinois se nourrissent, désormais, avec le bol de riz providentiel, mais ne profitent pas de cette croissance arrivée bien malgré eux. L'image de la bicyclette qui, une fois en marche, ne peut s’arrêter sans tomber, revient dans les esprits. 

Les Droits de l'Homme seront probablement mis entre parenthèse à l'ouverture des JO. En confiant à Pékin l'organisation des Jeux, on contribuerait au développement des droits humains. On commence à se poser la question de la justesse de cette décision et de cette pensée unique.

Pour obtenir quelques clés d'accès à l'empire du milieu, Google, Microsoft, Amazon, Cisco ont accepté de se plier aux exigences du gouvernement chinois. L'objectif financier important, révélé ainsi, contrastait avec les discours des années précédentes. Suivant le credo du "web démocratique", cette collaboration mettait l'éthique en porte à faux. Un moteur de recherche www.google.cn existe, oui, mais pour rechercher quoi, qui et pour qui s'il est 1384659679.2.jpgbridé à la base? "Quand Google voit rouge..." et dénonce cette restriction d'accès.

Alors, s'approchant de la date fatidique des JO, les réactions commencent à tomber en cascade.

Un détail bénin, en apparence, mais piquant tout de même Spielberg et Mia Farrow claquent la porte à l'ouverture de JO.

La pollution et la chaleur moite, autour de Pékin, seront-elles du goût des athlètes? Il y a déjà des renoncements à participer.

retro-chine-jo2.jpgLe Tibet et Taïwan n'ont pas été admis par la Chine à présenter une délégation spécifique aux 2 pays aux JO. Taiwan a voté pour un plus grand rapprochement avec la grande Chine.

584197238.jpgA Lhassa, les violences ont commencé. Les autorités chinoises n'ont pas manqué de renvoyer la faute à "la clique du dalaï-lama lama". Quand on muselle la presse (Youtube est censuré en Chine) difficile de donner foi. La tension continuera. On accuse l'autre qui ne peut rien prouver. Des attentats contre les JO et même à Bruxelles ne seront que les catalyseurs de mouvements de fond d'une population qui a perdu tout espoir. Ce n'est pas le dalaï-lama en exil, qui pourra maintenir le grondement sourd de la population tibétaine. Alors rien de plus contagieux que la colère.

Protectorat de la Chine jusqu'en 1912, le Tibet s'est vu récusé unilatéralement sa suzeraineté par la Chine. Le respect des minorités, les invasions chinoises, pas de partage de la richesse ne semblent pas émouvoir le grand frère.

Presque simultanément, le 12 mars, pour noyer le poisson, Washington avait retiré la Chine de "sa" liste des "pires violateurs systématiques des droits de l'Homme" sans demander l'avis de ses partenaires. La Chine est la banque des États-Unis et cela explique peut-être.

Le 8 août 2008 à 8 heure, Jacques Rogge, président du CIO, accusé de Ponce Pilate, aura bien du mal à faire passer dans son discours d'ouverture l'image des JO comme un "catalyseur de changement en Chine" face aux ONG qui ont plutôt le mot "génocide" en tête.

Ne fallait-il pas installer des règles plus précises d'inscription aux Jeux?2010466867.jpg

Les Jeux Olympiques ont toujours été considérées en théorie comme parenthèses pour la paix. Dans le cas, c'était prendre des risques et penser que l'histoire et les réalités n'existent pas.

Alors, boycott des jeux ou non, devient la question urgente.

Il faut seulement ajouter que même les dissidents chinois ne sont pas favorables à un boycott systématique et désirent que les JO aient lieu pour faire parler d'eux. Certains sportifs étrangers veulent y aller. Les étrangers vont-ils être canalisés ou pourront sortir de l'enceinte drillée autour des lieux de rencontre des jeux? Bloquer Internet, peut-être, la parole entre deux individus, c'est déjà diablement plus difficile.

Il n'est plus possible de fermer les yeux sur la politique aujourd'hui. Les athlètes suivent le drapeau du pays qui les envoie. Alors, lutte entre Droits de l'Homme et argent. Y a-t-il vraiment photo pour la conscience d'un homme?

Une parole de Mao Zedong est écrite en marbre pas de loin de Pékin "Recherchez la vérité par l'examen des faits".retro-chine-jo3.jpg

Ce n'est pas ce qui a été fait dès le départ.

Il faudra l'assumer, aujourd'hui, mais avec le plus de fermeté. 

Sera-ce par un chantage à la présence des délégations qui pourrait trouver écho à un changement de politique plus en rapport avec le bien commun? Sera-ce une réédition des jeux de 1968 dans le style "Black Panthers" avec le poing lévé? Mais, surtout, ne pas verser dans plus grave encore comme à Munich en 1972.  La fin, dans ce cas, ne pourrait justifier les moyens et laisserait un goût amer à ce qui n'est, en somme, que des jeux.  

Mais, le dilemme est bien là: "Stop ou encore?"

Mais, surtout, sportez-vous bien.

 

L'enfoiré,

Le Panda jouera-t-il en jaune? 

 

Citations:

 

 

 25-4-2008: Rencontre entre emissaire Dalaï Lama et la Chine906874421.jpg

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