Le show avant tout (16/04/2008)
Un article du Soir m'a interpellé par son analyse et sa justesse. Il s'agissait d'essayer d'expliquer le pourquoi de l'attraction dont Silvio Berlusconi jouissait aux yeux du peuple italien. Pascal Martin en était l'auteur. Comme il risque d'être archivé, je le soumets ici pour le commenter et le comparer avec d'autres cas en Europe.
Son retour en force pose question. Quand on connaît son passé et la manière dont il vient de conquérir le nouveau "trône" d'Italie, il y a de quoi s'inquiéter pour l'Europe.
Voici le texte:
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« La société italienne est une société où les mamans veulent que leur petite fille soit Miss Italie et leur fils footballeur. Tout ça sans trop travailler ».
Élu en 2006, le Vert Arnold Cassola faisait partie dans la précédente législature des députés venus de l’étranger. Mi-Maltais, mi-Italien, il habitait alors Etterbeek. En s’installant à Rome, il a découvert une manière très différente de faire de la politique. Comme un coup sur la tête.
« Depuis deux ans, Silvio Berlusconi a tout fait pour faire tomber le gouvernement Prodi. Il y a beaucoup de désillusion à gauche car le public n’a pas mesuré les conséquences positives de son travail. La baisse du déficit public, par exemple », explique le député. Côté Berlusconi en revanche, tout serait négatif : plusieurs tentatives de corruption auprès de certains sénateurs, les affaires (désormais prescrites), des mensonges en pagaille, et son indécrottable machisme. « Au palais des Sports il y a peu,raconte Cassola, il a réuni 8.000 femmes et il leur a dit que “dona” venait du verbe latin qui signifie dominer. Oui, a-t-il dit, vous êtes bien dominatrices à la maison. Mais le prix à payer pour cela est de bien cuisiner pour donner des forces aux guerriers. Et tout l’auditoire a applaudi. »
Mauvais goût
L’Europe a multiplié les populismes au cours de la dernière décennie, mais aucun n’égale ce mélange de puissance, d’arrogance et parfois de mauvais goût. Et pourtant ça marche. Pourquoi ?
La réponse la plus fréquente est que dans un pays où l’individualisme est la règle, la réussite professionnelle de celui que l’on surnomme aussi Sua Emittenza tient lieu de modèle. En tant qu’entrepreneur, propriétaire du Milan AC, homme de média et de politique. Sa fortune est immense. Sa présentation soignée, son bronzage permanent et ses liftings à répétition achèvent l’image d’un gagneur, paré à gérer l’Italie comme une de ses entreprises.
Mais cela ne suffit pas. Le sociologue Franco Ferrarotti voit en lui un catalyseur. Silvio Berlusconi exprimerait les contradictions de la péninsule italienne qui n’en manque pas. « L’Italie, explique-t-il, est une société trimillénaire qui est en même temps une structure politique très récente avec un sens de l’Etat qui n’est pas encore là ».Berlusconi en tirerait largement profit. « En Italie,continue Ferrarotti, il n’y a pas d’idée de la fonction publique comme telle. Le pouvoir est fait pour favoriser la famille. »
Famille, Eglise, réussite sociale… les valeurs de la droite berlusconienne séduisent du Nord au Sud, passent outre les fractionnements et les clivages sociaux grâce… au petit écran. Par le truchement de ses télés, Berlusconi a réussi à donner du rêve à tous, en livrant au téléspectateur ce qu’il veut entendre. Cette thèse est défendue par Carlo Freccero, le responsable de la RaiSat, qui a payé par plusieurs années de placard le fait d’avoir diffusé une contre-programmation aux télés berlusconiennes. « Berlusconi a donné une identité par le truchement de la télé à ceux qui sont loin des centres-villes et des lumières. Quand ils sont chez eux brille le reflet bleu de la télévision. Comme dans la pub de L’Oréal, il leur dit “Perchè tu vali”. “Parce que tu le vaux bien”. » Le message fonctionne. Il capture le téléspectateur lambda, le remplit.
Depuis quinze ans, ce cocktail de séduction a permis au Cavaliere de rester dans le cœur des Italiens. Et dans les urnes.
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Un an avant, nous avions Nicolas Sarkozy, que l'on a aussi découvert bling bling. Il y a bientôt huit ans, le phénomène "je ne sais rien, mais je dirai tout" était déjà plébiscité aux États-Unis. J'avais déjà eu un article sur le sujet "Italie à coup de bottes". C'est Berlusconi III qui opte, une nouvelle fois, de chasser le naturel, pour revenir au galop.
Le Vif - L'Express paru avant les élections du 13/14 avril, se posait la question "Italie Western ou spaghettis?".
Walter Veltroni, comme opposant, comme suiveur de Romano Prodi. Les deux hommes de cette opposition "tous feux, tous flammes" avaient quoi à opposer au rêve proposé par Silvio Berlusconi? Le message socialiste "L'Italie vers la croissance zéro" est invendable. L'Europe, avec ses problèmes, face au nationalisme qui voulait faire revenir l'Italie sur le podium des grandes nations.
Walter Veltroni ne s'est pas vraiment affronté avec son adversaire politique. Le match était Super Walter contre Sua Emittenza. Veltroni susurrait à l'oreille des Italiens déprimés :" Si puo fare" ("On peut le faire"), comme s'il voulait se donner le courage pour lui-même de rentrer dans la cage aux fauves.
Car, de fauves, il faut parler.
Sourire éclatant, Il Cavaliere sait montrer les points négatifs de ses adversaires. Tous les coups sont permis. Tout dans l'image. Tout dans le show. Savoir ce qui fait plaisir à entendre. Moins regardant dans sa propre assiette et ses scandales remisés aux objets perdus. Chercher les faiblesses de l'autre et trouver les bonnes paroles humoristiques adéquates pour faire rire. Acceuillit à Palerme avec des pancartes "Silvio santo subito" comme le Pape Jean-Paul II. Une place de président lui suffira en premier ressort. Voilà les recettes.
L'histoire humaine retient ceux qui passent la rampe et qui gagnent, jamais ceux qui tente d'y arriver. Y a pas photo. Campagne sans bataille. Charisme à la sauce populiste. Trop de faiblesses dans l'analyse des électeurs pour contrer. Rien ne marche mieux que de flatter l'ego de ses électeurs par les rêves. Un peu de "bling bling" existe en chacun d'entre nous. Certains s'en font l'écho et les idoles. Le citoyen doit seulement garder les pieds sur cette terre, tout en regardant parfois, un peu, les nuages au travers du ciel bleu.
Y a-t-il des différences entre ce genre de coups de buttoir aux États-Unis, en France, en Italie?
Pas beaucoup, si ce n'est que pour réussir, on doit s'associer de plus en plus avec ce que l'on sait être un peu moins démocratique comme Forza Italia.
La France avait connu le même phénomène, il y a moins d'un an. Le rêve de faire de la France une nation de prestige. On sait ce qu'il en sort à présent.
En Belgique, pour faire passer en force le projet de scission de Bruxelles-Hal-Vilvoorde, malgré un cordon sanitaire, les partis d'extrême droite ont été appelés à la rescousse.
L'Italie avait connu le Duce, il y a désormais "Il Cavaliere", "Sua Emmittenza". On est moderne. Une chaîne de télévision virtuelle permet d'atteindre plus de monde que les discours les plus physiques.
Décidemment, il faudra beaucoup de messages positifs et du charisme objectif et motivé en contre pouvoir. Peut-être quelques cauchemards aussi....
Mais puisque le "bis repetita placent" (les choses répétées plaisent)...
L'Enfoiré,
Mise à jour 20/01/2011: Ca ce corse. Avec l'humour cela donne.
Je tiens à remercier RIF et KROLL pour leurs caricatures
Citations:
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"Egalitarisme : rêve de pauvre, cauchemar de riche.", George Elgozy
- "L'histoire est un cauchemar dont je cherche à m'éveiller.", James Joyce
Commentaires
Bonjour l'enfoiré,
Je vais relire le "viol des foules" pour me remettre en tête les ressorts de la propagande. Aujourd'hui, on parle de pub. Si on suit cet article, soit nos hommes politiques sont notre reflet et nous ne nous en plaignons que par honte ; soit ils sont des "violeurs de foules" et dans ce cas, on peut dire que les médias offrent la scène honteuse pour cela.
Problème : que devient notre liberté de vote ? Que devient le bon sens qui serait la chose la mieux partagée ? Des médias ou du citoyen, qui est le plus coupable ?
A suivre...
Écrit par : elise | 10/05/2008
Chère Elise,
Tu as de bonnes questions. Il n'y a pas de fumée sans feu, pourrait-on ajouter. Tout est dans tout.
On ne peut comprendre parfois ce qui se passe chez le voisin, parce que nous ne sommes que les voisins et que par conséquence nous avons d'autres prérogatives et un autre tempéramment.
Le cas de l'Italie est flagrant. Accusé de multiples fois de corruption active et se retrouver plébiscité. Il faut dire que l'italien aime le show et Berlusconi est un violeur de foule et aussi un symbole de réussite financière et médiatique. On aime aussi le bling bling par là. Il suffit de regarder la platitude des émissions de télévision avec les pinups au décolletés plongeants toujours présentes. Le sexe est aussi une mayonnaise qu'on aime. La liberté de vote? Ca n'existe qu'en théorie. Le lavage de cerveau est de la partie. On ne réfléchit plus, on compte.
"Je me voyais déjà" chantait Aznavour.
Écrit par : L'Enfoiré | 10/05/2008
Malheureusement nous ne sommes qu'au début des spin doctors...
La politique se transforme trop en peep show pour le vieux continent !
Encore une fois le cheval de Troye utilisé s'appelle le Royaume Uni (uni il ne l'a jamais réellement été)
Je ne connais rien de plus vulgaire, con et ordinaire qu'un Anglais.
Pourtant j'habite juste à côté et ai travaillé avec eux sur le chantier du tunnel sous la manche ...
L'Europe avec les Anglais c'est impossible !
Le show, il faudrait réviser nos classiques : L'indépendance de l'état et les conflits d'intérêt .
Si nous étions moins lâches aucun politique ne pourrais cumuler sa fonction et des intérêts dans des entreprises privées .
Pareillement pour toute fonction publique !
Le nombre de journaux dans une seule main devraient être limité au nom de l'indépendance et la pluralité de la presse .
Peut être que là ça commencerait à balancer un peu plus et des Berlus-conni seraient rapidement démasqués !
Michel Rocard ancien ministre de gauche Français a des intérêts dans les transports Dentressangle , en son temps il avait interdit tous les douaniers Français de contrôler ces (ses) camions pour ne pas les ralentir ... (pour la petite histoire!)
Je ne parle même pas des entreprises de Ségolène et de François Hollande, c'est tout un fromage ...
Écrit par : Liberty | 11/05/2008
Liberty,
Comme toujours "out est dans tout".
Un homme sans ressources ne pourrait pas se présenter seul aux élections.
Berlusconni, c'est la télé, le média par excellence pour faire passer les messages. Il a choisi la crème de l'intermédiaire entre "bas et haut de gamme".
Le peuple a besoin de pub. Il aime voir la bonne bouille de son candidat, bien maquillé. L'heure de représentation à la télé ou à la radio, est loin d'être gratuite.
Écrit par : L'Enfoiré | 11/05/2008
Liberty,
Michel Rocard ancien ministre de gauche Français a des intérêts dans les transports Dentressangle , en son temps il avait interdit tous les douaniers Français de contrôler ces (ses) camions pour ne pas les ralentir ... (pour la petite histoire!)
Je ne parle même pas des entreprises de Ségolène et de François Hollande, c'est tout un fromage ...
Ca me dépasse... surtout pour Michel Rocard. Elle est belle la Gauche.
L'Enfoiré,
Un homme sans ressources ne pourrait pas se présenter seul aux élections. L'heure de représentation à la télé ou à la radio, est loin d'être gratuite.
Qui paie ? Les partis politiques sont subventionnés. Mais leurs représentants éprouvent quand même le besoin de s'enrichir illicitement. L'Italie et l'Espagne disposent d'une loi sur le financement des campagnes électorales depuis les années 1970. C'est notre Michel Rocard national qui est aussi l'auteur du financement public des campagnes électorales en France. Avant cela, tous les partis ont été pris la main dans le sac. On n'a jamais entendu dire qu'un homme politique public a sorti 1 euro de sa poche pour financer sa campagne.
Evidemment si on a la télé, c'est tout bénéf. Je ne crois pas que l'argent explique tout. C'est une partie de l'explication.
J'ai parlé ailleurs de la puissance institutionnelle...
Écrit par : Elise | 11/05/2008
"Les partis politiques sont subventionnés"
Oui. Et je trouves cela normal. La fortune personnellement ne peut entrer en compte. Aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas et je désapprouve.
"puissance institutionnelle"
Où, cela ici: http://elisembock.skyrock.com/
Écrit par : L'Enfoiré | 12/05/2008
On n'est donc d'accord.
je précise mon propos.
Pourquoi les hommes politiques cherchent-ils à s'enrichir alors, puisqu'ils n'ont rien à dépenser de leur poche ?
Aux Etats Unis, l'argent n'est pas tabou et la traçabilité est publique ; contrairement à notre hypocrisie européenne. Franchement, avec le temps, je me suis rendue compte que la comparaison entre les systèmes n'est que marginalement productive. Le facteur environnemental (culturel, politique, l'histoire...) fait qu'on tente d'isoler des choses qui font forcément système.
Quand on dit par exemple que le système de l'aide médicale est défaillant en Angleterre et aux Etats-Unis, on oublie de mettre tout ceci en rapport avec le taux de mortalité qui est pourtant l'indice à partir duquel il faudrait faire une telle comparaison. C'est un exemple.
La puissance institutionnelle, je la questionne dans un petit ouvrage qui se demande "Pourquoi François Bayrou a perdu ?". L'ouvrage est prêt depuis Octobre dernier. J'ai trouvé deux éditeurs sur le net. Je réfléchis encore sur le paiement demandé. On doit se partager les risques...
On en reparle plus tard, si tu le veux bien.
Écrit par : elise | 12/05/2008
Chère Elise,
Je ne serai jamais dans ceux qui pointent tous les politiciens comme des sangsues qui ne pensent qu’à l’argent. Etre politicien n’est pas une sine cure. En Belgique, cela carbure vraiment dans les réunions parlementaires et on ne compte pas les heures de jour et de nuit pour sortir la petite dernière, la décision qu’il aura fallu comparer, malaxer, étudier et évaluer.
Les pays anglophones sont très différents sur beaucoup de domaines.
Il faut avoir des convictions et un certain courage.
Ceux qui lancent le contraire, je dis « engagez-vous ».
Il y a aussi l'usure du pouvoir à analyser qui engendre des excès avec trop de cartes en main.
Ceci est une autre histoire.
Oui, je suis intéressé par tes cogitations livresques.
Parlons-en plus tard. D’accord.
Écrit par : L'Enfoiré | 12/05/2008
Et cela continue les berlusconeries après:
http://www.lesoir.be/actualite/monde/berlusconi-sinistres-camping-2009-04-08-700004.shtml
un petite récap en révision:
http://portfolio.lesoir.be/v/monde/Berlus/?
Écrit par : L'Enfoiré | 08/04/2009