Ingérence ou somnolence? (25/04/2008)
La souveraineté d'un pays passe-t-elle avant la bienséance de sa population?
Tout dernièrement, le ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht s'est rendu en délégation au Congo. Un certain froid entre la Belgique et le Congo n'est pas nouveau depuis que la situation au Congo ne semble pas s'améliorer.
Un rendez-vous manqué avec le président congolais, Joseph Kabila, mettait déjà mal à l'aise d’entrer de discussion. Des propos assez vifs qui reprochaient de ne tenir plus compte de l'intérêt particulier que des intérêts du peuple. Cela rendait la discussion à la limite de la rupture. Le reste ne fut pas meilleur pour créer une relation franche et honnête. "Le rapport maîtres-esclaves, c'est fini" était lancé, le lendemain, par le président congolais, Joseph Kabila lors d’une interview accordée au Soir. En lisant les propos du président congolais, une question se pose une nouvelle fois: « Est-ce que la diplomatie qui doit perdre sa franchise et oublier les Droits de l'Homme pour raison de bienséance? ». Les délégués visiteurs avaient à transmettre un message de réprobation qui ne venait pas uniquement de lui, vis-à-vis d'une situation interne qui ne s'améliore pas malgré les effets d'annonces avant élection. Il n'y a plus de relations avec des relents de l'esclavage. Il s'agit d'affaire d'intérêts communs entre deux pays qui se jaugent, s'apprécient ou se communiquent des griefs comme la diplomatie doit s'acquitter. L'un, investisseur, l'autre, chercheur d'appuis pour remédier à une situation difficile et endémique. Y a-t-il eu arrogance ou information? Entre caresser et secouer, il y a manifestement de la marche. Personne n'était là en présence du président Kabila pour le contredire ou justifier qui que ce soit, sinon deux ministres flamands et un francophone. Relations incompatibles entre mentalités ou entre personnalités? Question de mentalités.
Colette Braeckman du Soir qui connaît depuis longtemps les affaires du Congo et du Zaïre d'avant, ne mâchait pas ses propres mots dans les « couacs du Belgian Circus ». Kabila fâché, c'était très probable.
Pas de polémique avec Kabila, demandait De Gucht. D'ailleurs, De Gucht a parlé au nom du gouvernement. Le fait que le président congolais met dans son interview, en parallèles et sur le même pied, les relations du Congo avec la Belgique et avec la Chine donne des indices. Il est vrai que la Chine a placé depuis quelques temps ses pions partout en Afrique. "Afrique, le Far West des Chinois" écrivait le magazine Geo en avril.
La Belgique n'est devenu qu'un partenaire parmi les autres. Il n'est plus privilégié comme il l'était par le passé. Voilà, le fait nouveau auquel il faudra s'y habituer.
Le Congo a totalement changé vis-à-vis de l'extérieur, comme disait son président. A-t-il vraiment changé de l'intérieur? Dire, oui, serait pour le moins prématuré. Désormais, son pouvoir est légitime et a été en place suites à des élections démocratiques. Une tutelle ne peut s'exercer par un pays sur un autre que s'il l'un d'eux en fait la demande. Il n'y a plus question de colonie mais de démocratie. Un État souverain prend et doit prendre ses décisions en fonction de ses intérêts propres. L'obligation de résultat, ni les délais pour y arriver n'ont jamais été stipulé sinon devant les électeurs. Mais, ce qu'on oublie c'est que des préambules, des préréquis existent. Des investissements belges plus anciens sont encore en cours, il faut aussi comprendre qu'il faille protéger ses investissements et les ressortissants restés dans le pays. Donc, droit ou devoir d'ingérence? Jusqu'où aller trop loin?
Véritable dilemme que d'aller à l'encontre des idées reçues qui voudrait oublier qu'il y a des hommes et des femmes en arrière plan dans chaque côté.
La Communauté congolaise est loin d'être insignifiante en Belgique. Cela non plus, il ne faut pas l'oublier. Le monde est devenu un village et les Congolais vivent et travaillent en Belgique et s'y sentent apparemment bien. L'ingérence est un grand mot souvent galvaudé ou mis en exergue l'espace d'un moment ou d'une guerre. L'invasion de l'Irak par les Etats Unis n'en est qu'un exemple qui a dû se justifier par d'autres éléments plus ou moins humains et surtout des prétextes. On était bien loin de l'ingérence humanitaire acceptée lors de la Guerre du Biafra de 1967. Aucune guerre en vue, ici, heureusement, il aurait fallu seulement, disons, une mise au point entre gestionnaires sans jugement avec le bien commun en porte clé.
Dans le cas des Jeux Olympiques de Pékin, les autorités chinoises avaient aussi parlé d'ingérence dans leur politique. Comment exprimer par l'extérieur ce que l'intérieur ne peut pas manifester par ses citoyens sans avoir de gros problèmes?
La diplomatie est et reste maîtresse du jeu. Elle est le lien de la sagesse, mais elle ne peut être ni faible ni exigeante. Elle ne doit pas jouer à l'intrus ni se taire devant ce qu'elle voit avec des yeux qui lui sont propres. Les lunettes ne sont pas bonnes? Donner un correctif n'est peut-être pas superflu. Justifier son action n'a fait de mal à personne. La Belgique a toujours été maîtresse « es-compromis ». La compromission n'a jamais porté de bons fruits.
L'objectivité et l'intérêt général devraient passer avant l'intérêt particulier. Mais, les affaires d'Etats ont des raisons que la raison oublie trop souvent.
Le Droit d'ingérence dans les affaires d'un État a été reconnu par l'ONU dans certains cas. On parle même d'afficher un devoir d'ingérence quand manifestement un peuple est en position de faiblesse pour exprimer sa volonté. Alors, qui va pouvoir objectivement avoir un devoir de regard dans un pays? Par l'intermédiaire de l'ONU?
C'est, en effet, le devoir de l'ONU de veiller à la bonne gestion du monde. Il est loin d'avoir énormément de succès à son actif.
L'opposition à Mugabe demande, dans le même temps, à l'ONU de s'interposer au Zimbabwe. Depuis 2002, dans le collimateur, ce pays avait subit des sanctions occidentales incluant un embargo militaire. Un embargo international sur les armes est, depuis, demandé par la Grande Bretagne puisque la Chine l'ignore complètement. La Chine, souvent hors jeu, a commencé une entreprise de charme en Afrique. Elle se lance dans un néo-colonialisme de l'Afrique qui ne dit pas son nom. Le Congo devra juger où sont ses véritables collaborateurs. Anciens et nouveaux auront leurs avantages et inconvénients.
Que conclure? Tempête dans un verre d'eau, certainement pas? Le respect entre partenaires est la seule voie du succès. Les citoyens, eux, sont aussi partenaires par héritage. Les citoyens, indépendamment des frontières, devront aussi, un jour, s'exprimer et déterminer où ils veulent aller et comment.
La démocratie a de ses surprises qui ne parviennent à se régler qu'à terme échu par des élections. Assumer ses bons et mauvais points pendant une longue période deviendra de plus en plus mal aisé.
Les retards dans l'achèvement des buts à réaliser seront toujours de plus en plus mal ressentis par la population et par n'importe quel partenaire dans notre monde qui veut aller de plus en plus vite. Alors, parler de "relations maître à esclave", dans ce cas, est exagéré. Tout le monde est maître ou esclave à un moment donné. Relations parent - enfant. Relations dans un couple. Et cela dans l'alternance. Le progrès est à ce prix.
Cela n'est pas une histoire coloniale. Elle est bien plus générale. Consulter la population sur des points tangibles de la vie commune plutôt que sur des têtes représentatives pourrait changer drastiquement la diplomatie, elle-même. Mais cela est aussi une autre histoire...
Patience et longueur de temps font plus que force et ni que rage...
Espérons seulement qu’Ahmadou Kourouma aura tort en définissant l': « Ingérence humanitaire, c'est le droit qu'on donne à des Etats d'envoyer des soldats dans un autre Etat pour aller tuer des pauvres innocents chez eux, dans leur propre pays, dans leur propre village, dans leur propre case, sur leur propre natte. »
L'enfoiré,
Le Panda serait-il un maître des commentaires?
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