Demandez le programme et corrigez-le (19/03/2006)

1.jpgDes études bien assimilées est l'apanage à une carrière bien réussie. Les bases de ces études sont-elles vraiment acquises avec les mêmes chances? Le CPE français contesté par ses conséquences insidieuses sur la précarité, passerait-elle mieux la rampe en Belgique? Et, quid du modèle danois?

Prenons une pause et réfléchissons à la manière de voir les choses d'ici et d'ailleurs.

L’état des lieux :
En France, le Contrat de Première Embauche (CPE), 'Contrat de Premier Esclavage', diront les adversaires a été adoptée par l'Assemblée nationale sans aucune discussions parlementaire préalable. Contrat à Durée Indéterminée (CDI) à la base, il est conçu pour une période de deux ans et être rompu par l'employeur sans que celui-ci soit obligé de se justifier et donner un motif à sa décision.

Ce qui choque le plus. Période d'insertion professionnelle plutôt que d'essais, longue, sans sécurité d'emploi et apportant une précarité nouvelle, il a été intégré bizarrement dans la loi globale pour l'égalité des chances. Il suscite d'innombrables réactions, manifestations d'oppositions violentes, débats mais après coup. Le ministre De Villepin annonce déjà que la loi sera "compléter" et se dit près à l'améliorer après évaluation. La France est un pays qui connaissent le moins de CDI en Europe.

En Belgique, le récent "contrat de solidarité entre les générations" donne la possibilité aux jeunes d'acquérir une expérience professionnelle par une formation individuelle pendant deux mois après l'enseignement technique ou professionnel. Des réductions fiscales ou sociales sont prévues pour les employeurs engageant des jeunes travailleurs peu qualifiés. Les compromis "à la belge" ont joué. Les stages des jeunes, le plan Roseta et Activa existent pour donner un tremplin à l'emploi. Un employeur doit d'ailleurs engager de jeunes travailleurs à concurrence de 3% s'il emploie plus de 50 personnes. Le CPE belge existe aussi mais différemment. Il peut être conclu à temps partiel ou temps plein pour une période déterminée ou non et être remplacé ensuite par une période de formation ou d'apprentissage pour une période minimale d'un an. La période d'essai sous CDI ne peut excéder 6 mois pour un employé, 14 jours pour un ouvrier. Pas de motivation à chercher par l'employeur pour le renvoi du travailleur. Un préavis suffit ou payer une indemnité de rupture. C'est au jeune de prouver que son licenciement est abusif devant les tribunaux. Des exceptions existent cependant.
Un contrat normal démarre par une période d’essai de six mois, suivie par un engagement et un contrat à longueur indéterminée (CDI). Six mois, nécessaires et suffisants dans la majorité des cas pour se connaître de part et d'autre.
Rien de changé depuis mon « bon vieux temps ». En apparence, du moins. Des flexibilités sont demandées et des contrats de six mois successifs, parait-il, s’enchaînent en pratique. Le problème est que beaucoup de sociétés souvent internationales, pour réduire les coûts, ne peuvent augmenter le nombre de leurs employés. Que se passe-t-il ? A la fin des fatidiques six mois, elles recommencent le processus d’engagement sur une autre tête repoussant son prédécesseur dans une précarité identique.
Tout n’est décidemment pas « Blue skies » ici, non plus, malgré les apparences.
La comparaison de la France avec d’autres pays est intéressante et si ceux-ci ne sont pas touchés en première ligne, la contagion peut très bien germer dans les esprits fertiles en émotions pour la "construction" de l'Europe.

Le modèle danois, une récente étude balaie les idées reçues. Le "flex-sécurité" danois apporte l'équivalent de souplesse pour l'employeur. L'analyse de Jean-Claude Barrier du CNRS, intitulée "Apprendre vraiment du Danemark ?", reprend une étude réalisée pour le CEE dans le cadre d'un programme de comparaison des politiques de l'emploi en Europe et aux Etats-Unis. "On retient surtout la flexibilité des contrats sur le marché du travail, la facilité d'embaucher et de licencier”, note M. Barbier. Mais le chercheur regrette que "d'autres aspects du triangle d'or" danois, comme la générosité de la protection sociale, l'importance des politiques dites actives ou le rôle de l'emploi dans le secteur public et dans les services”, soient ignorés. La cohérence de ce système repose sur le fait que la notion de précarité y est "dénuée de sens”. Ainsi, en cas de non-emploi, le droit à la prestation d'assurance-chômage, à la condition d'avoir travaillé pendant 52 semaines dans les trois dernières années, est de quatre ans. Le taux de remplacement, non dégressif, est de 90 % jusqu'à un salaire annuel d'environ 27.000 euros. Au-delà, il descend progressivement : pour un salaire annuel de 47.250 euros, il est de 50 %. L'exemple danois, cité en modèle d'une "stratégie européenne pour l'emploi”, semble invalider la thèse selon laquelle de basses prestations d'indemnisation-chômage favoriseraient la recherche d'emploi. C'est dans le cadre de ce contrat de "confiance sociale" que peuvent être mises en œuvre des "offres d'activation" (formation, stages en entreprise, contrat aidé, prestation de conversion, etc.). Cependant, seuls un tiers des chômeurs de plus d'un an en bénéficient. Pour ceux qui n'y ont pas accès, "un soutien généreux au revenu et de longue durée est assuré”. Environ un quart des personnes d'âge actif sont hors emploi un taux équivalent à celui relevé en France et obtiennent des revenus de la protection sociale. Certes, le système est coûteux. Le Danemark consacre plus de 10% de son produit intérieur brut aux dépenses de protection sociale (prestations et dépenses pour l'emploi) pour les personnes d'âge actif. Un autre "ingrédient essentiel du modèle danois" réside dans "une protection collective négociée égalitaire" : "Que ce soit dans le secteur public ou privé, les règles de droit du travail, de protection contre le licenciement, de préavis, de temps de travail, etc. sont globalement les mêmes", souligne l'analyse. Autant d'éléments dont l'absence d'équivalents en France rend difficilement exportable ce fameux modèle danois dans sa cohérence globale.
Les Français sont dit allergiques aux réformes. Pas vraiment. Ils font des révolutions à la place. Il n’y a pas qu’eux pour craindre tout changement mal ficelé. La carrière, que l’on veut, ne doit pas s’assimiler à une aventure non préparée. Comme partout, un jeune n’a pas besoin d’indemnités, ce mot sent trop la charité. Il a peur de se retrouver en jachère, dans la précarité. Il a besoin de motivation, tout simplement.
L
e CPE serait-il une « mesurette », du « Canada dry » (je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler sa pub)? Prendre d'une main sans donner de l'autre n'a jamais été une bonne solution surtout sans dialogue. Investir dans l'entité "emploi" n'aide que de très loin la "personne" en détresse.
N
on, cette manière de corriger les acquis sociaux ne serait certes pas appréciée chez nous, Belges. Mais, nous resterons vigilants !.
C
herchons les raisons possibles à la situation d'aujourd’hui:.
T
oute la vie étudiante, du plus bas au plus haut, est régulée par un programme, un fil rouge de l’enseignement conventionnel qu’il serait de mauvais ton de transgresser. Les choses changent très vite. Par contre, des programmes rigides régissent la vie scolaire. Ils vont se succéder sans alternative au fur et à mesure de l'avancement des classes et cela jusqu'à l'université. Sont-ils adaptés en pratique aux nouvelles tendances de la vie et des marchés du travail? La réponse, de toute évidence, est claire et nette : « non ».
L
es tendances toujours d’application sont de créer des têtes « bien pleines ». De têtes « bien faites », elles, on ne s’en préoccupe pas trop. Il y a une parfaite inadéquation entre les écoles, le fournisseur de jeunes instruits, et des entreprises, les clients de ces mêmes jeunes. L’entreprise n’en a rien à cirer des diplômes, mais a bien plus besoin de qualifications qui viendront l’aider dans le travail à accomplir tous les jours.
L
es programmes qui se veulent complet, exhaustifs fournissent des « culturistes généraux » et des matières parfois complètement obsolètes ou non appropriées. Toutes les minutes comptent. Les langues mortes qui seront très intéressantes pour celui qui se sent l’âme de linguiste, mais pour les autres? N’en déplaise à certains que je sens réagir : on n’a plus le temps de tergiverser. Toujours la course en avant. Les meilleurs, mais aussi les moins nombreux, passent le cap. Mais les autres ? 
L
es programmes sont de plus en plus chargés et les enseignants n’ont pas le temps de traîner en route pour rééquilibrer le jeune en perdition. Les écoles n’ont en général plus les estrades pour distancer le professeur de ses élèves, mais que de poussière sur les bancs! Les enseignants ne sont pas en faute: ils jouent le jeu. Ils font généralement de leur mieux dans l'ornière tracée par le programme avec très peu de possibilités de la sauter.
E
ntretemps, les entrepreneurs de sociétés en place trépignent d’impatience, se plaignent amèrement de ne pas trouver « chaussures à leur pieds » pour combler les postes vacants qui ne trouvent aucun répondant à la pointure désirée.
Q
ue fait-on en fin de course des études ? Il faut un certain pourcentage de « gagnants ». L'échec coûte cher au pays. "Echec à l'échec", entend-on. Donc, les diplômes sont attribués de guère lasse, donnés en pâture, tels quels.
L
a Dévalorisation de diplômes aux titres pourtant bien ronflant est en effet le résultat.
A
ucune concertation entre ces chefs d’entreprises qui demandent des qualifications très précises et l’école qui devrait le leur fournir. Cette confrontation ne se passe apparemment pas de manière productive d’évolution ni pendant ni en fin de cycle. Le besoin d'éducation permanente est flagrant dans notre monde "pressé" et sa prise en charge devrait l'être prise par tous les acteurs demandeurs: l'entreprise, l'Etat et enfin par le prestaire de service.
L
es pays scandinaves sont souvent cités comme exemples. Les budgets alloués à l'éducation et une contribution de l'Etat sont prévue en parachute dans le cas de carence de l'entreprise ou pour fournir un surplus d'apprentissage. Nos pays, France, Belgique, ... ne sont pas près d'aller dans ce sens. C'est un problème de culture de la masse des travailleurs et des entreprises qui devraient les engager.
L
a « mesurette » du CPE est malsaine et en plus n’améliorera rien. Les chefs d'entreprises sautent sur l'occasion mais ne sont pas nécessairement proactifs pour apporter une contrepartie.
D
e là, démarrent souvent les échecs futurs tout azimut.
V
oilà les raisons principales de la faiblesse de notre enseignement actuel.
L
es programmes seraient-ils les seuls fautifs? La réponse est également: « non ».
L
e nombre d'heures de cours dans les primaires qui a diminué drastiquement ces dernières années. On peut sommer cette diminution à quelques 2 années perdues sur les premières 12 années d'études terminées par le secondaire.
Pourquoi? En résumé, mais la liste n'est pas exhaustive:

"La première des priorités, en tout cas ça, je le maintiens, c’est la connaissance du français. Il est difficile de garantir l’apprentissage d’une 2e langue, si l’apprentissage de cette 1ère langue -qui est la langue de la Communauté Française ne l’oublions pas- n’est pas notre priorité et n’est pas garantie pour l’ensemble de nos élèves en Communauté. Cette priorité, donc, connaissance du français, reste bien entendu la priorité des priorités sans laquelle vous n’avez pas accès aux Mathématiques, vous n’avez pas accès à une autre langue non plus."

La réussite de nos enfants ou étudiants est à ce prix.
L
e journaliste Hugues Le Paige de la RTBF ajoutait : "Un spectre hante la France : sa jeunesse. Il y a plusieurs lectures possibles du mouvement de protestation des jeunes contre le contrat de première embauche. On peut se rappeler que tous les dix ans, environ, la jeunesse française se révolte contre des mesures ressenties comme profondément injustes, démentant à chaque fois, et sous des formes toujours différentes, les idées reçues sur la passivité et la résignation des nouvelles générations. Cette fois encore, le mouvement de protestation qui continue de se développer invente une nouvelle manière de s’exprimer mêlant l’esprit d’indépendance à celui de la solidarité, mélangeant, dans son langage propre, ironie et détermination. Mais le contexte est lourd. François Dubet, un sociologue spécialiste de la jeunesse et du monde du travail a analysé l’inquiétude des jeunes face à la précarité. Il note que depuis une trentaine d’années les gouvernants ont traité les jeunes comme une variable d’ajustement : « c’est eux qui ont eu droit aux emplois précaires, aux stages non rémunérés, c’est eux qui ont eu droit à l’intérim, et cela alors que l’écart de salaire entre les débuts et les fins de carrière n’a cessé d’augmenter ». François Dubet ajoute que « la scène sociale est dominée, depuis 20 ans, par des mouvements lourdement marqués par l’inquiétude ». Le sociologue ajoute que le mouvement anti CPE est la réplique dans les classes moyennes, de celui des banlieues. Ce que l’on appelle, par ailleurs, l’insécurité sociale gagne tous les milieux précarisés. Autre aspect, politique celui-la, de cette crise : l’incroyable obstination du gouvernement. Après les banlieues, les universités et les lycées : le premier ministre de Villepin, baptisé par « Libération », « le forcené de Matignon » et le ministre de l’intérieur aux écarts de langage ravageurs sont les artisans accomplis de la provocation, le tout sur fond d’une rivalité présidentielle aux effets dévastateurs, y compris sur l’image de la politique elle-même avec des conséquences que l’on ne peut pas encore imaginer. Certains n’ont pas manqué de relier mai 68 à la situation actuelle en France. En apparence, peut-être. Même théâtre, même violence mais l'objet de l'insatisfaction différente, l’allégresse libertaire en moins et la peur du lendemain en plus.".
F
aut-il passer aux blocus des universités? Ce n'est pas en agressant la "victime" que l'on touchera le "bourreau". La société rejette de plus en plus les jeunes. Comment régler le problème? 41% des Français réclame le retriait du CPE de la loi sur l'"Egalité des chances", 42% estiment qu'il faut le suspendre et 12% veulent son maintien. Préjugés, mauvaise compréhension dans l'esprit des jeunes ? Un tel projet de société demanderait un référendum, comme la Suisse en a le secret, pour le moins.
C
e n'est certes pas sans concertations que l’on créera un modèle de société solidaire.

 
L'enfoiré,

 

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