Je signe, moi non plus (26/11/2005)

Placer sa signature au bas d'un contrat n'est une affaire de débutants. Alors quand la reconnaissance n'y est pas... 

Le fameux signataire continue de voyager de bureau en bureau avec le courrier que les décideurs doivent signer avant l'envoi postal vers les destinataires. J'ai toujours été étonné par la vitesse avec laquelle certains responsables passent de page en page après y avoir laissé ce qui ne resterait en fait qu'un 'autographe'.

Souvent, au vu de cette désinvolture, une signature apposée au bas du document semble une opération automatique, superflue ou sans grande importance alors qu'elle engage incontestablement la responsabilité de son auteur.

Pourquoi devrait-il le comprendre autrement et s'embarrasser de sa propre investigation en  remettant le problème sur la table?

Le collègue, responsable technique ou de tout autre niveau, y a apposé sa propre signature en aval ou en amont.  Si la confiance ne régnait pas quelques fois, où irait-on?

Sommes-nous arrivés à un stade où il n'est plus possible de prendre en considération notre charge quotidienne? Sommes-nous obligés de travailler uniquement avec l'exception, par coup de sonde, avec le risque de laisser passer des points essentiels? Notre société se sent obligée d'aller toujours plus vite dans ce qu'elle entreprend et, par les décisions prises, que d'accidents de parcours peuvent survenir par manque de contrôle? Le mot d'ordre reste: garder le rythme, coûte que coûte.

Le courrier électronique a ajouté une couche supplémentaire au fatras d'informations qui nous parviennent quotidiennement. A lui seul, il consomme déjà un temps non négligeable. Mais de cela, j'en ai déjà parlé dans  "Reçu ou compris cinq sur cinq?".

Pour le 'petit' particulier, pourtant, qui a à gérer son portefeuille, un chèque sans provision signé pour n'importe quelle somme, n'aurait pas les mêmes conséquences et il serait plus opportun de commander des oranges par la même occasion. Heureusement, il a plus de temps à y consacrer !   

La pratique simpliste et si peu responsable des décideurs a généré une situation qui défraie l'actualité en Belgique. Je veux parler du circuit de Francorchamps et des décisions contractuelles qui ont été, ou non, prises entre la Région Wallonne et Bernie Ecclestone engageant les deux partis jusqu'en 2010.

 

Hugues Le Paige signait à ce sujet sa chronique du jeudi : Le Grand Prix et les dérives 

"Il en va des «affaires» comme de tous les événements de la vie publique : certaines ont une charge symbolique et une portée politique plus forte que d'autres quel que soit leur degré de médiatisation. Depuis plusieurs semaines nous avons été abreuvés de détails sur les épisodes carolorégiens, et par extension sur les manifestations d'un système clientéliste qui empoisonne la Wallonie. Salutaires mises en garde, justes dénonciations, sous réserve, bien sûr, de vérifications. Les petits arrangements entre amis, les mesquines grivèleries, l'octroi d'avantages personnels sur fonds publics : tout cela est peu reluisant et risque d'avoir des conséquences fâcheuses pour la démocratie. Sans vouloir établir une hiérarchie du scandale, l'affaire de Francorchamps semble encore plus sidérante et plus significative quant aux dérives d'un système. Il ne s'agit plus ici d'avantages personnels misérablement acquis mais de l'arrogance ou de l'incompétence de responsables gouvernementaux, de l'ignorance ou de la légèreté d'administrateurs et de l'inconscience ou de l'inattention d'élus politiques. La Région Wallonne a été littéralement flouée - le mot est faible - dans le contrat pour l'organisation du Grand Prix de Francorchamps. On tente encore de démêler les rétroactes et les circuits de décision mais on connaît les chiffres : plus de cent millions d'euro à charge de la Région Wallonne si le Grand Prix n'a pas lieu, un risque de déficit considérable s'il est organisé. Un négociateur qui accepte les conditions les plus incroyables imposées par Bernie Ecclestone qui a l'habitude du chantage avec les autorités comme avec les télévisions, un contrat signé les yeux fermés et par des administrateurs sans doute incapables de déchiffrer le texte qui leur était soumis, des ministres qui n'ont rien su, rien vu ou rien dit, des élus qui ne se sont pas inquiétés. Au delà des fautes et des responsabilités des uns et des autres, on continuera à se demander pourquoi un gouvernement régional a voulu se transformer en organisateur de Grand Prix de Formule 1, pourquoi des organismes publics ou parapublics ont contribué à financer des sociétés qui se pliaient aux ukases d'une entreprise dont on connaît la rapacité. Une confusion des rôles qui aggrave encore l'irresponsabilité politique. " 

 

Paul HERMANT contresignait dans le même sens avec son billet :

Nous sommes décidément trop nombreux, dans ce monde, à penser que la vérité est un mensonge qui a réussi. Les hésitations et les dénégations auxquelles nous avons eu droit dans le dossier de Francorchamps illustrent cela, qu'il est bien compliqué désormais d'être d'accord avec Thomas Mann qui disait qu'à "la longue, une vérité nuisible vaut mieux qu'un mensonge utile". Combien de chausse-trapes, combien d'échappatoires, combien de faux-fuyants nous avons rencontrés! Ce contrat que personne n'endosse, que certains ne lisent pas, que d'autres dénoncent et qui fini pourtant signé, sur un coin de table, un jour de 2003. Quand on dîne avec le diable, dit-on, il faut une longue cuillère. Mais il était bien court, le porte-plume qui parafa ce contrat. Et, comme le docteur Faust, voici désormais les Wallons vendus pour quelques années: le diable, contrairement à ce que l'on dit, n'est pas seulement dans les détails. Car, autour de Francorchamps, autour de la Formule 1, c'est tout un monde qui tourne. Un monde que l'on connaît mal ou peu et qui ne se résume pas à Bernie Ecclestone. Si on ouvre les portes des écuries de Francorchamps, on trouvera aussi, par exemple, Max Mosley, président de la Fédération internationale de l'Automobile, fils de son père et de sa mère - mais on n'est jamais responsable de ses parents - Son père donc, Oswald Mosley, le leader fasciste anglais de l'entre-deux guerres, qui se maria devant Hitler, - sa mère Diana Mitford qui tenta de convaincre Churchill d'une alliance avec l'Allemagne - et l'enfant Max, donc, président tout puissant qui ne renia jamais rien ni personne mais s'est rapproché du parti travailliste, ce qui lui permet, et c'est fort utile, de s'acheter désormais une conduite à gauche. On dira ce que l'on veut, mais c'est tout de même un sacré monde avec lequel traiter! On peut être désolé de ce que, lorsque l'on est un homme politique, on résiste peu à ces réseaux d'influence-là. Et, on peut être encore plus désolé de ce que lorsque l'on est un homme politique wallon, on s'en vante.  

 

Un petit retour en arrière s'impose pour ceux qui n'ont pas suivi. En automne 2003, la Région Wallonne avait signé un accord contractuel   avec la "Formula One Administration" à la suite de la dénonciation de la publicité contre le tabac qui devait disparaitre de tous les véhicules de la course. Les écologiques avaient en effet lancé le pavé dans la marre en prenant de vitesse la Communauté Européenne par la volonté d'abolir cette publicité sur le circuit. 

Cette suppression de la publicité allait générer normalement moins d'entrées d'argent pour l'organisateur de la course.  

Celui-ci aurait pu de ce fait décider d'annuler sa participation dans les courses de F1 et mettre en difficultés de rentabilité le circuit de Francorchamps et les citoyens de la ville. 

Des compensations d'assurance financière présentées par la Région allaient 'sauver' de justesse le Grand Prix 2004 et suivant. Aujourd'hui, les espérances de succès financiers des courses paraissent bien compromises. Depuis lors, en effet, la situation a changé et ce qui était considéré comme un soulagement paraît progressivement comme un gouffre à millions d'euros. Personne parmi les responsables de la Région wallonne ne veut plus prendre la responsabilité du contrat 2004-2010 garanti financièrement pour 15 millions d'euros.

Si les choses parviennent à s'éclaircir (ce qui semble bien loin de se passer), la Région Wallonne se retrouvera embourbée avec un contrat déficitaire bétonné qu'il sera difficile de dénoncer. Les fameuses retombées économiques sont, elles aussi, retombées. Revoilà l'Eldorado de 2003 converti en gouffre financier. La dangerosité du contrat était pourtant manifestement connue et confirmée dans une note accompagnatrice, mais ces souvenirs-là sont passés à la trappe.

Qui a pris connaissance des termes du contrat? Voilà bien la question fondamentale.

Beaucoup ont peut-être signé, mais ont-ils lu et assimilé ce qu'ils signaient? La question demeure.

Certains ne l'on pas lu mais l'on signé, d'autres l'on lu mais ne l'ont pas compris car c'était écrit dans un langage exotique (l'anglais). D'autres enfin l'ont lu, l'ont signé mais ne se souviennent plus du texte...

Alors, avec une mémoire à géométrie variable, comment savoir maintenant si, réellement, le contrat va engager sans rémission la Région ou non...  Engagée, peut-être pas, mais gestionnaire de fait, ça ne fait presque pas de doute. Alors, depuis lors, la brouille règne. L'équipe n'est plus ce qu'elle était. Les uns disent que les autres mentent, les autres démentent ce que disent les uns. Qui allait porter le chapeau? Même si une commission d'enquête a été demandée par une partie et refusée par l'autre, ce n'est pas elle qui pourra déterminer les responsabilités réelles et départager les finalistes de ce grand jeu d'équipe en perdition. Faudra-t-il plutôt leur proposer de se promener avec un enregistreur mouchard dans la poche dans tous les rassemblements de plus d'une personne puisque les signatures ne confirment plus rien? Si un simple porte-plume peut remplacer le décideur, que d'économies ! 

Pourtant, les grincements de dents n'y feront pourtant rien: 'Eccle_stone' n'amasse pas mousse.

Pour sortir du vaudeville, la synthèse vient de tomber: tous les acteurs se réconcilient pour ne retenir que le meilleur pour Spa-Francorchamps.

Est-ce avec la F1? Pas nécessairement, déclarent certains en affirmant ne pas en être partisan. Alors, le circuit de Spa-Francorchamps, un endroit pour s'éclater en dehors des 120 kms/heure habituels, pourquoi pas? Surtout que pour le fameux "cuisse-tax" (=quadricycle belge), le circuit est un peu large ! 

Au gouvernement wallon, la balle est à gauche. Non, voilà, qu'elle est à droite et puis au centre...

Décidemment, le football demande tellement d'esprit de "responsabilité" !   

 

L'enfoiré 

 

Citations :

 

Et les Images sont signées

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