A vot' bon coeur (25/01/2006)

A nouveau, frileux, le mercure se rétracte pour redescendre bien en dessous de la petite boule au bas du thermomètre. Le froid ne choisit pas la période des fêtes propice aux cadeaux. Oscar (?) se recroqueville dans son sac de couchage.

générositéLe journal de l'Echo du 8 décembre titrait "Près d'un Belge sur trois est très à l'aise financièrement". 31% déclare posséder plus de 50.000 euros en dehors des biens immobiliers. Est-ce l'opulence chez tous ces Belges?
Pourtant, d'après les dernières statistiques, 15% de la population se retrouvent en dessous du seuil de la pauvreté.
"Faire la manche" pour simplement vivre serait-ce donc l'exception qui confirme la règle?

Ce serait se tromper sur toute la ligne. Si le problème ne se fait pas connaître pendant les douces journées de la belle saison, en hiver avec ses nuits gelées, il éclate dans toute sa crudité avec les "sans abris", les SDF, qui, dans les situations extrêmes de froid, vivent ou survivent à la corde de l'acceptation humaine. Les pouvoirs publics et les populations bien nanties sont horrifiés lorsque, un matin, l'un d'entre eux n'a pu supporter le froid et a passé. Les pays de l’Est grelottent. Espérons que le froid s’arrête quelque part. Pas par égoïsme mais par simple souci de dire que l’homme a déjà donné. Squatter un immeuble inoccupé n'est plus considéré comme un délit. L'insalubrité des lieux pousse pourtant les autorités à déclarer une habitation de fortune inhabitable mais cela mènent les sans abris une fois de plus dans la rue et dans la précarité. S'il est naturel pour les autorités de réagir dans ces cas là, une mesure accompagnatrice pour recaser ces gens pourrait être imaginée par le ministère de l'Intégration sociale. Les métros sont, parait-il prêts à les recevoir.
Le tiers monde a été rejoint par un quart monde dans ses difficultés. De nouvelles "recrues" dans ce monde mis à l'écart sont venues grossir les rangs des anciennes: ce sont ceux qui ont connu un "avant" et qui à la suite d'une perte d'emploi ont progressivement tout perdu sans espoir de retour en arrière.
Une fois à la rue, retrouver un emploi est quasi impossible quand ils arrivent à la question de l'adresse sur le questionnaire d'embauche. Pas de travail, pas de logis et vice versa.
La phrase lancée par les "bien dans leurs chaussures" qui était souvent "T'as qu'à travailler" n'a vraiment plus droit de citer. La fable de La Fontaine "La cigale et la fourmi" que certains voudraient envoyer n'est pas plus qu'une fable quand le salaire ne plafonne pas plus haut que le minimex. Chacun n'a pas eu la chance qu'il aurait espérée d'entrer dans le jeu de la vie. Et de plus, la pub pousse le subconscient à participer au mouvement général pour ne pas sombrer dans l'exception dans les moments moins durs. La famille, la santé, la tête bien faite et bien pleine sont des chances résolument distribuées avec parcimonie par le destin. Il existe bien sûr "Les restos du cœur", les CPAS et les autres organismes qui offrent leurs services généreux, mais, un peu comme la biche habituée du fond des bois et qui ne s'approche des endroits plus habités qu'en cas d'extrême difficulté due au froid intense, le SDF ne viendra pas très vite.
A Noël, période des cadeaux, les esprits généreux se sont comme toujours réveillés et ont proposé les colis les plus divers pour se donner bonne conscience. Mais comme ce n'est pas facile de se mettre dans la peau de l'autre, certains éléments de ces colis alimentaires bien que nourriture qui a normalement une utilité logique, comme des pâtes par exemple et qui saute aux yeux si, et seulement si, on dispose de réchaud et de la batterie de cuisine habituelle. Souvent, le seul moment heureux commence alors avec une bouteille de bière dans la main. Ce moment de "perversité" ajoute encore une couche de "protection anti-pauvre" (non vendue dans le commerce) et de rejet des autres.
Serions-nous, têtes pensantes, tentés de retrouver dans cet état de choses une "Sélection naturelle" telle qu'elle se présente dans le régime animal? Pour le moins, ce serait très peu humain et ma morale me dit que nous devrions être enfin sortis du bois en ces jours de haute technicité.
La vie est dure pour tout le monde !
Une "concurrence" étrangère à ces SDF est apparue dans nos villes en provenance de l'Est. La situation est certes moins claire dans les buts à atteindre dans ce cas. Je n'ai jamais pu le constater de visu mais ces nouveaux pauvres ne seraient, si l'on suit ceux qui le dénoncent, que le sommet de l'iceberg d'un trafic de racolage de la pitié des gens, mais qui profiterait surtout du côté obscur de ce "travail". La journée faite, la Mercedes récolterait les ouailles et les entrées réalisées. Nous serions dès lors face à un remake du procédé "Sans famille" d'Hector Malot.
Dans quelques grandes villes, une initiative heureuse a lieu depuis quelques années avant la Noël. De jeunes figaros coiffent les sans-abris gratuitement. Ils apprennent leur métier et offrent leur écoute dans ce confessionnal improvisé. A la sortie, à les entendre, il est manifeste que, de part et d'autre, le donnant-donnant a fonctionné. L’expérience n’est évidemment pas renouvelée tous les mois.
Le curé des Marolles de Bruxelles a eu l'occasion de s'expliquer de ce qu'il vit tous les jours et son interview est éloquente.
Hugues Le Paige a eu en son temps des paroles élargissant le problème de la misère dans le monde.
Etre pauvre, c'est toujours la galère et pas du tout la croisière s'amuse !
Je reconnais que j'ai eu un peu de chance dans la vie. J'en profite sans honte mais je reste lucide et je peux en tirer des conclusions sur les actions à prendre et une attitude ad hoc.

Alors, une petite pièce, ou peut-être une galette au chocolat, M'sieur Dame ?

Paul Hermant de la RTBF avait cette réflexion où il est question de chauffage :

« Chez nous, 17% des logements n’ont pas de chauffage central. Ah, comme ils sont ennuyeux ces chiffres. Ennuyeux à dire. Ennuyeux à entendre. Un vendredi matin, alors qu’il fait froid dehors. Et on vous les a dit ces chiffres et on va vous les répéter, sans doute. Car les dernières études concernant le pays, nous disent à peu prêt ceci : 'Ce n’est pas que l’ascenseur social soit en panne. C’est qu’il est carrément en chute libre'. Des gens plus pauvres, plus malades, plus endettés. Moins épargnant, moins d’argent et moins de santé, voilà à quoi se résume le royaume ces temps-ci. Alors, il y a de forte chance pour que la petite dame de Charleroi, elle soit encore au chauffoir ce soir et demain. Faisons bien attention de n’habiter demain qu’un pays de chauffoirs ».



 
L'enfoiré,

 

Citations : 

  


 
générositéMise à jour du 7/2/2012: Le mois de janvier de l'hiver de 2012, c'est reparti et la RTBF s'en mêle


Sur Agoravox, d'autres commentaires 

Un blog intéressant : "Travailleurs le jour, SDF la nuit"
 

 
Les images
sont tout aussi pauvres

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