De Lula à Dilma? (27/10/2010)

1.jpgLula, le magicien de la crise, va céder la place. Une femme, Dilma, devrait normalement lui succéder comme sa dauphine. Mais qui est-elle?

C'est reparti. Le premier tour des élections du 3 octobre est déjà loin. Malgré le très beau score de Dilma Rousseff, la protégée de Lula, devra passer une deuxième session d'examen lors du second tour du weekend de fin octobre.

Pour rappel, le premier avait classé Dilma, dauphine de Lula, avec 46,8% dans le Parti des Travailleurs, le terne social-démocrate et José Serra, 32,6%.

Un peu trop court, donc.

D'après les pronostiqueurs, le vote aurait dû n'être qu'une formalité. D'après eux, la candidate écologiste devait grappiller quelques voix au concurrent direct social démocrate. 

Même, l'image de Dilma, du PT (Parti des Travailleurs de Lula), avec sa p un etite fille dans les bras comme "pipolade" ne lui  avait pas apporté plus de voix.

Que s'était-il passé?

Une autre dame, la candidate de PV verte, Marina Silva, avait fait un tabac en doublant son propre score à 19,3% et n'avait pas érodé uniquement les votes de son concurrent le plus proche dans les sondages mais des deux premiers.

Mauvaise ou bonne nouvelle, le 16 septembre, Lula avait dû limoger, pour raison de corruption, son Ministre de la Maison Civile, poste qu'occupait justement Dilma avant lui.

D'abord, il faut se rappeler que la Forêt d'Amazonie continue à être le point négatif non résolu par Lula. Le problème de la déforestation n'entrait pas dans la stratégie de Lula face au "jeu" économique. L'ex-ministre de l'Environnement, Marina Silva s'est insérée dans cette faille avec cet argument de poids pour mettre en ballotage ses deux concurrents. Elle s'engageait avec l'éthique verte comme porte drapeau.  

Ensuite, la religion s'est introduite dans les élections dans ce pays qui compte 180 millions de chrétiens. Marina Silva est une fervente évangéliste, opposée farouche à l'IVG.

Commençons par l'acquis de Lula, la valse des chiffres qu'on ne fait que répéter pour faire envie aux autres pays en crise, à leur donner le tournis. Tous les superlatifs sont permis pour décrire le bond en avant qu'a fait Lula au Brésil en 8 ans. Pas question de moteur économique du monde comme est appelé la Chine. Tout, en interne. Le plus souvent, de la production locale au consommateur local.

Le Brésil était considéré comme faisant partie des pays émergents, les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Il a "émergé" depuis. Aucun pays européen ne pourrait tenir tête au Brésil dans cette évolution positive.

Cinquième pays par sa superficie et par son le nombre d'habitants (8, 5 millions de km2 et ses 21,6 habitants au km2), le Brésil est un véritable continent en expansion à lui tout seul. Frontalier de 10 pays sur 12 en Amérique du Sud. Le plus grand pays lusophone au monde, avec la langue portugaise, il se dissocie des autres pays de langue espagnole, avec sa propre histoire et sa culture spécifique.

Avec une diplomatie alternative, Lula a tenté et réussi de contenter tout le monde.

Ce n'est pas l’État-providence comme en Europe. Une surconsommation. bien plus faible.  On mange 3 fois par jour. Si les contacts avec l'Iran déplaisaient et, parfois, isolaient le Brésil sur le grand échiquier du G20 dans un rôle politique international, Lula restait le "saint économie" dont on attendait les bonnes paroles.0.jpg

Il y a eu un "système Lula", mobilisateur qui se basait sur des promesses électorales remplies. Sa popularité était encore estimée à 80% de la population.

Depuis 2002, Lula, ancien syndicaliste de gauche, a engrangé une série de succès économiques. Ce qu'il faut appelé, le "miracle Lula", trouve son ciment dans le fait qu'il n'a pas été l'ennemi du grand Capital, mais avec son appui.

20 millions de personnes, soit 10% de la population, ont été sortis de la pauvreté. Le salaire minimum a été multiplié par deux. La classe moyenne a progressé entre 37 et 51% suivant le pivot choisi. 14 millions d'emplois ont été créé et cela malgré la crise. La croissance pour 2010 est estimée déjà à 6%. La Bourse de Sao Paulo a vu le volume moyen des affaires passer de 3 milliards de dollars en juillet à 5 milliards en octobre. Cela fait même peur aux exportateurs brésiliens qui ont vu la devise brésilienne, s'apprécier de plus de 111% en 8 ans.

Si les inégalités subsistent, c'est l'ensemble qui est monté d'un cran. Les riches  sont devenus plus riches. Les pauvres, moins pauvres. Lula avait reçu la réputation de "champion des inégalités".

Au passif, les déforestations, les favelas, l'insécurité, la corruption qui lui colle au train, sont encore les points noirs comme plat de résistance pour le gouvernement suivant.

 « Il laisse un lourd héritage en matière d’éducation, d’infrastructures, de sécurité, de corruption et de réformes dans le très coûteux système des retraites et des impôts », a dit à l’AFP Alexander Bush, auteur du livre « Brésil, pays du présent »

Mais, le pays a tourné la page de son histoire lourde de problèmes d'inflation.

Ces derniers temps, on avait beaucoup parlé du dynamisme néo-libérali. En parallèle, le socialisme était dépeint comme "toujours sur la défensive, correcteur des erreurs mais orphelin d'idéaux en commun, pour ne devenir qu'une sorte de garde-fous pour enrayer les excès d'un libéralisme trop aventureux, trop automatique dans sa régulation.".

0.jpgLa "technique" brésilienne semble être un recollage du cœur et de la raison. Raison d’État s'entend. Un néo-socialisme s'est engagé au Brésil avec Lula. Qu'en sera-t-il des suites?

Lesh Valesa, souvent pris comme un parallèle de Lula, mais pas comme un modèle. Valesa n'a pas été l'homme qui a transformé l'économie, il l'a maintenu en état. 

Chavez, avec sa politique utopique, bolivaro-marxistes, à l'exemple du castrisme, a toujours abouti aux dictatures et aux camps de concentration, et est resté considéré comme le diable pour les États-Unis.

Lula a donc fixé son dévolu sur une de ses fidèles, Dilma. Véritable dame de fer comme nous allons pouvoir le constater, mais qui reste peu charismatique pour l'étranger du moins.

Il y a eu des dames présidentes en Amérique latine. En Argentine, au Chili, au Panama en n'oubliant pas Eva Peron.

Être dans les pas de Lula, ne veut pas dire que Dilma a été élevée dans les mêmes écoles et mangent dans les mêmes assiettes.1.jpg

Dilma a bientôt 63 ans. Elle est la fille d'une famille de la classe moyenne. Elle a une histoire de militante dans un groupuscule trotskiste, de clandestinité, depuis 1968 contre la dictature brésilienne. Torturée en 1970, elle a été surnommée comme la "Papesse de la subversion" par ses propres geôliers. Mais, elle s'est rendue compte ensuite que ce n'est pas dans la clandestinité que les choses se passent et se construisent. En 2003, elle devenait avec Lula, le Ministre de l’Énergie et des Mines. Ensuite en 2005, elle prit le titre de "Chef de la Maison civile" qui correspond à un poste de Premier Ministre.

Divorcée par deux fois, célibataire, actuellement, Dilma est reconnue comme quelqu'un d'autoritaire et qui aime rationaliser ce qu'elle touche. Deux mots qui pourraient faire peur. Suivrait-elle la même voie que Lula?

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La campagne de Dilma a connu, le 10 octobre, un duel télévisé très dur, délétère, avec son concurrent le plus proche. Campagne agressive mêlée de mensonges, de coups bas. Dilma se retrouve aussi plus souvent dans les églises que d'habitude. Sur Internet, on ne lui a pas fait de cadeau.

Aux dernières nouvelles, elle reprendrait un net avantage.

Le leitmotive reste "Pour que le Brésil continue de changer".

D'après l'entourage de Dilma, il ne faudrait pas oublier de lui servir son café fort au petit déjeuner. Brésilien, comme il se doit.0.jpg

La recette de ce café est bien connue: "Verser les ingrédients dans un verre résistant à la chaleur avec du café chaud et ajouter de la crème fouettée".

Le maté vert, il ne faudra pas l'oublier de le lui servir dans la journée.

 Le démocratique Brésil a inscrit le vote obligatoire dans sa Constitution. Ce qui veut dire 135 millions d'électeurs qui retourneront aux urnes électroniques.

Le Brésil au vert?

Que la meilleure gagne mais que les voix du Seigneur restent impénétrables...

Les chiffres: PIB/hab=8.235$, Croissance du PIB pour 2010=7%, Inflation=5,4%, taux de chômage=6,9%, cours du real=0,42 euros, dette publique=886 milliards $.

 

 

L'enfoiré, 

 

Citations:

  • "La différence  entre le politicien  et l'homme d'Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine  élection, le second à la prochaine  génération.", James Freeman Clarke
  • "Aujourd'hui les femmes doivent se présenter  aux élections, devenir responsables  de grandes entreprises, au lieu tout simplement  de diriger le monde d'un battement  de cils, comme elles faisaient  auparavant.", P. J. O'Rourke

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19 aout 2012: Londres et ses JO sont finis. Les suivants sont au Brésil. 

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0.jpgDes "Bresilian minded" ou plutôt un "Brasileiro Espírito"  sur Agoravox?

 

0.jpg18 juin 2013Manifestations et émeutes qui secouent le Brésil à un an de la Coupe du Monde de football et en pleine Coupe des Confédérations.

21 avril 2016: La présidente est désavouée et accusée de corruption

2 janvier 2018: Bolsonaro prend la direction du pays en devenant président.

 

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11 mars 2021: Lula pourrait revenir au pouvoir en 2022 lors des nouvelles élections

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