Séisme d'opinions (08/02/2006)
Nous vivons ces derniers jours un schisme idéologique avec repli sur soi et ripostes disproportionnées. Pourquoi ?
Surpris de l’ampleur des dégâts philosophiques, moraux et corporels, tout le monde essaye de comprendre.
La RTBF par l’entremise du journaliste, Christian Jade, donne une réponse.:
Le prophète Mahomet caricaturé dans un journal danois l’automne dernier et vlan le monde entier s’enflamme quatre mois plus tard face à deux intégrismes. D’un côté des Musulmans extrémistes ou simplement cyniques comme la Syrie surfent sur une indignation légitime et exploitent politiquement l’affaire. De l’autre des intégristes de la liberté de la presse feignent de s’offusquer de la colère des Musulmans outrés de voir leur prophète être réduit à un extrémiste dont la tête est une bombe. Pour les Musulmans, il y a là un double blasphème. Tout d’abord, les Musulmans, eux, ne peuvent pas reproduire le visage du prophète. En fait, cet interdit ne regarde qu’eux.et en démocratie pluraliste, ils doivent apprendre à vivre avec les non-Musulmans qui dessinent et caricaturent Mahomet, le Christ ou Moïse selon leur humeur ou leur imagination. Mais, le 2ème blasphème, le portrait haineux nous concerne tous, journalistes, éditeurs de journaux. Si un caricaturiste réduit l’un de ces 3 prophètes à un terroriste ou guerrier sanguinaire sous prétexte qu’un état ou un groupe terroriste chrétien, juif ou musulman utilisent la religion à des fins politiques, on est en face à un autre défit. Quelle limite imposer à notre caricaturiste ? Il ne s’agit pas seulement de religion au sens strict mais de tabous qui dépassent le fait strictement religieux. Souvenez-vous des images grotesques de l’Europe propagée par un publicitaire pour le compte de l’Autriche. On y voyait G.Bush, J.Chirac et la reine d’Angleterre en position porno explicite. Aussitôt l’affiche eut disparu. Plus facile avec un publicitaire qu’avec un journaliste me direz-vous ! Et puis, il ne s’agissait pas que de politique et pas de religion. Mais le cas des caricatures du prophète Mahomet du Danemark, désolé, le problème n’est pas religieux, il vient d’une erreur politique grossière du gouvernement danois. On n’empêchera jamais un caricaturiste dans un pays démocratique de briser un tabou religieux ou sexuel, mais il était du devoir du gouvernement danois de recevoir en octobre dernier les 11 ambassadeurs musulmans voulant lui exprimer poliment leur indignation ? Le refus stupide du 1er ministre danois de les recevoir a entraîné une réaction en chaîne que plus personne ne maîtrise. Erreur locale, drame mondial. Les extrémistes cyniques et les poseurs de bombes de Londres à Beyrouth et Damas utilisent la religion musulmane pour se venger politiquement de l’Europe et de l’Occident.
Hugues Le Paige avait aussi un autre avis sur la question:
Tout a été dit ou sera encore dit sur les fameuses caricatures danoises. Avec outrance ou avec nuances. Sur la provocation comme sur la manipulation, ou sur les effets surmultipliés d'une affaire qui aurait pu rester dérisoire si elle n'avait été mondialisée à retardement par les grands relais médiatiques. La mondialisation de l'information et le représentation de l'Autre : ce sont des aspects de cette crise qui embrase le monde. Tariq Ramadan, l'islamologue suisse, souvent contesté, est intervenu avec pertinence dans plusieurs médias internationaux. « Il ne s'agit pas d'un clash entre civilisations .Ce n'est pas la fracture entre deux univers, dit Ramadan, mais des fractures dans chacun des univers entre ceux qui cherchent à se décentrer, à écouter le point de vue de l'autre et à entrer dans un dialogue critique et constructif et ceux qui ont une approche exclusive de la vérité, qui se définissent contre l'autre et ont une vision binaire du monde. » Derrière les images, il y a l'image. Les réactions enflammées d'une partie du monde musulman s'expliquent aussi par la représentation générale que l'Occident donne trop souvent de l'Islam. En particuliers depuis le 11 septembre 2001. On touche là à une question fondamentale. « L'information ne suffit plus à créer la communication, c'est même l'inverse. En rendant visible les différences culturelles et les inégalités, elle oblige à un gigantesque effort de compréhension » écrit Dominique Wolton dans un de ces derniers ouvrages, « L'autre mondialisation ». Pire, affirme-t-il « l'omniprésence de l'Autre est un facteur aggravant d'incompréhension » en ajoutant qu'il faut « penser les conditions de la mondialisation de l'information et de la communication afin qu'elle ne devienne pas une sorte de bombe à retardement (…) il faut construire le concept de cohabitation culturelle qui permet de penser les relations de ce triangle infernal: identité, culture, communication ». Bien vu. Mais pas simple dans la relation inégalitaire de la représentation du monde dont quelques caricatures ne sont qu'une partie infime mais devenue hautement symbolique.
Des excuses du Danemark, après cette situation explosive, n’est pas la solution. La presse étant libre, le gouvernement n’a pas la possibilité de censurer la presse. C’est aussi son rôle de garantir cette liberté. Des caricatures pas très intelligentes ont été imprimées à un moment inopportun et inutilement provocateur. L’amalgame qui est fait entre le monde musulman et le terrorisme est à rejeter avec force. L’Islam, grande religion historique est fondamentalement pacifique. La réponse aux caricatures choquantes par la violence est tout aussi inacceptable. Manifester calmement fait partie de la liberté d’expression. La spontanéité des réactions n’est certes pas imaginable quand on pense aux régimes qui veulent une certaine virginité religieuse et qui manipule des populations qui ne va pas lire les journaux danois.et que rien ne préparait à cela si l’affaire n’avait été mise en exergue par une rumeur bien préparée, elle, et même avec une certaine exagération. Le désarroi des gens n’en est que plus grand. Les troubles en sont les conséquences et cela est très dommage pour le monde entier. L’Europe n’a pas de responsabilité avec les précautions qu’elle prend avec les libertés d’expression qui sont une garantie pour l’évolution de l’Islam tolérant. C’est également, se tromper sur le plan des principes du respect des minorités. On ne défend pas l’un contre l’autre.
J’ai postposé la parution à une date ultérieure du second volet de « Le ciel pour horizon » qui devait paraître dimanche dernier en attendant des jours plus paisibles.
N’oublions pas de tenir églises et mosquées au milieu du village.
L’enfoiré,