Les phares de la chanson (25/03/2007)

Pourquoi certains chanteurs passent-ils allègrement de génération en génération sans prendre une seule ride et d'autres, moins chanceux, peut-être, se font oublier après le premier tube?

medium_Les_phares_de_la_chanson.jpgLe 29 octobre 1981, mourait Georges Brassens près de Montpellier. Il y avait donc 25 ans. Je me souviens, j'étais en vacances en septembre à côté de Sète, les journaux déjà préparaient cet anniversaire. Il reste aujourd'hui toujours écouté avec plaisir par les anciens et les nouveaux. Michel Jonas a repris récemment sa chanson "Les copains d'abord".

Paradoxe, nostalgie exacerbée ou même maladive?

Pas du tout, certains traversent l'histoire de ses contemporains et des générations qui suivent avec le même bonheur. Leurs mélodies restent dans les mémoires comme des réflexes, des leitmotivs qui se transmettent de bouche à oreille sans même se rappeler de l'origine alors qu'alors ils allaient à contre sens des habitudes au départ. Poèmes-chansons qui peuvent très bien être seulement lus et scandés, tellement bien balancés, tellement naturels que même la musique n'apporte qu'un complément de second plan.

On peut même constater que, comme cela l'a été pour beaucoup de peintres, leur valeur devient mieux reconnue et encore plus importante après la mort temporelle de la chanson ou celle de l'auteur. On aime ou on déteste, mais ces artistes ne laissent pas indifférent.

N'oublions pas les "ténors", amusant ce mot dans le contexte, qui ne sont plus de ce monde et qui ont malgré tout n'ont pas eu la chance de continuer l'étoile filante, comme l'a fait et emporté avec eux, Georges Brassens, dont on vient de se rappeler, Daniel Balavoine, Gilbert Bécaud, Jacques Brel, Dalida, Joe Dassin, Léo Ferré, Claude François, Serge Gainsbourg, Claude Nougaro, Charles Trénet et la Môme Piaf dont on vient de rappeler l'histoire au cinéma.

A titre posthume, ils ont et auront, tous, marqué leur époque d'une emprunte indélébile dans les esprits et dans les chansons qui se fredonnent par coeur sans même savoir pourquoi. Ils ont souvent toujours leur fan club bien après leur mort.

Le 7 janvier 2007, un hommage avait été fait à Joé Dassin chez Drucker. Lors d'un inteview ancien, il lui était demandé s'il resterait longtemps dans le showbiz. Sa réponse m'a frappé par son réalisme: "Je resterai jusque quand je resterai spontané et que je sentirai mon public me suivre. Après, j'arrêterai."

Dans ceux qui font toujours parler d'eux, j'en oublierai, c'est sûr. Que l'on me pardonne ainsi que pour la liste non exhaustive qui va suivre. Ce n'est pas par parti pris mais seulement des chanteurs qui font partie de ma jeunesse et d'aujourd'hui.

Toujours dans la course des générations comme (par ordre alphabétique):

Salvatore Adamo, Charles Aznavour, Julien Clerc, Jean Ferrat, Michel Fugain, Johnny Halliday, Serge Lama, Enrico Macias, Henri Salvador, Michel Sardou, William Sheller chez les hommes Annie Cordy, Mireille Mathieu, Nana Mouskouri, Véronique Sanson chez les dames. Pourquoi eux et elles? Originalité, charisme, style ?

Ces chanteurs d'exception traversent allègrement les générations de fans et ont imprimé leur style à tel point que les années ne semblent pas ternir leur présence. Une véritable carrière dans le domaine de la chanson est vraiment une exception. Les places sont chères et il faut s'accrocher pour subsister sur la scène et sous les projecteurs. Les comètes sont nombreuses et elles suivent souvent des moments en symbiose avec le public pour disparaître complètement par la suite ou parfois se retrouver transformées, "relookées", dirons-nous aujourd'hui, après de nombreuses années.

La chance de satisfaire le public ne s'inventent pas. Un air entraînant, original, pourra bien s'accorder pendant un certain temps mais demande une continuation, une répétition dans le "genre" et du caractère original. Pas facile quand l'originalité est trop particulière et, par là, "inimitable". Chanter l'"amour" n'est pas une sinécure quand il faut se répéter, se cantonner pour répondre aux attentes de son public. Le risque est trop grand de décevoir. Peu font le pas. Etre l'interprète et en plus le parolier, le mélodiste de ses chansons ajouteront des couches de protection successives contre l'abandon du public. Car ce "merveilleux" public est bien ingrat. Il oublie (trop) vite. Combien de chanteurs peuvent se permettre de quitter la rampe bien longtemps et réapparaître ensuite? La pause carrière n'existe pas dans le métier.

"Le chanteur" qui voulait bien réussir sa vie comme Balavoine l'avait bien démarrée mais une mort trop jeune arrêta net une carrière tellement prometteuse. Ses chansons continuent pourtant à plaire sans gagner de rides.

On se rappelle de l'idée originale du film récent 'Jean Philippe" avec Fabrice Lucchini, qui joue le cadre moyen, qui est un fan absolu de Johnny Hallyday, mais qui, un jour, se réveille dans une réalité différente, un monde parallèle où Johnny n'existe pas et là, c'est l'incompréhension et la révolte.

Des milliers de chansons sous forme de cassettes, de CD ou de clips sont envoyées aux éditeurs de musique pour passer le premier examen. Parfois parrainé financièrement, le chanteur en "herbe" se verra ouvrir plus facilement les portes, bien sûr. Les risques de l'opération sont à charge du demandeur et de l'éditeur. Le pourcentage de chance de gains et de succès sont souvent bien mince pour le futur chanteur. Des contrats d'exclusivité cloisonnent les envies de sortir du système prédéfini. L'ajout de "show business" en arrière plan à l'interprétation de la chanson est devenu trop souvent une obligation. La promotion par le passage en radio ou en TV passe par les "majors". La Star Ac, elle, n'est qu'un tremplin en apparence. Sans être réellement truqués, les concours ont des résultats souvent crénelés et pas forcément par le public. Trouver son public de prédilection fait partie de l'entreprise de consolidation.  Incompris, et c'est le retour aux années de vaches maigres. Les sirènes de la gloire auront simplement passé leur chemin et cela, définitivement. Pas de deuxième session.

Un changement de mode, une perte d'audience médiatique, un impressario qui n'est pas ou plus à la hauteur?

Nostalgiques, de nombreuses émissions de télévision et de radio consacrent ces idoles en souvenir de ce "temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître". Cela plait manifestement.

Certains font un "come back" et reviennent sur les planches alors qu'ils furent des stars des années 60. La tournée "Age tendre et tête de bois" avec Richard Anthony, Michèle Torr, Frank Alamo, Chantale Goya, qui, avec les enfants pour public, se dit "indestructible". Le disque n'est pas "rayéyé" mais les fidèles de "salut les copains" reprennent leur place avec la claque pour se payer une dernière "surprise-partie".

En dehors, des personnages eux-mêmes, il y a ce qu'on appelle les tubes, les vrais, qui passent allègrement les années dans l'inconscient des gens. Les chansons des années 80 sont de celles-là.

Michel Drucker consacrait sont émission phare du 4 mars 2007 à ces lumières sans date de péremption. "Les brunes comptent pas pour des prunes", "Africa", "Les démons de minuit", "Voyage, voyage", "Quand la musique est bonne"...

Les chansons populaires, certains diront être complètement idiotes. Une idiotie que des auteurs voudraient avoir plus souvent.

Rythmes, flashs, petits bonheurs en conserve, même si leurs auteurs sont un peu passé au nième plan ?

Les chansons, qu'on le veuille ou non, sont le miroir d'une époque ou de plusieurs. Ce n'est pas un art aussi futile qu'il y paraît. Les auteurs de grande musique des siècles passés nous apportent le souvenir, le reflet de ce qu'ils ont ressenti en leur temps. Certaines chansons des rues nous sont restées bien que les goûts aient naturellement changé. Les problèmes d'une époque ne sont pas tellement différents d'une autre. Amours et amitiés font partie de ces passe-murailles des siècles.

Dernièrement, les Victoires de la Musique couronnait des auteurs comme Bénabar, Olivia Ruiz et Grand Corps Malade, tous trois, reflets de notre temps. Seront-ils de nouveaux phares dans le futur? Les véritables phares sont ceux qui le restent dans la durée.

Décidément, Radio Nostalgie aura encore de beaux jours devant elle.

Et Brassens, même, si ce n'était pas de la "grande musique" aura apporté ce subtil mélange entre musique, texte et originalité.

A vos karaoké.

 

Un petit tour du côté d'Agoravox pour agrémenter les notes.

 

L'enfoiré,

 

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