La cerisaie au printemps et à Toots' Suite (01/05/2012)

0.jpgPremier mai, jour du muguet porte-bonheur. En plus, c'est la fête du travail. Je n'ai pas souvent écrit de billet en hommage à quelqu'un de célèbre. Je l'ai fait pour Bourvil. Dimanche dernier deux événements en opposition. La mort d'Eric Charden, après une longue maladie, alors qu'on l'avait vu chanter encore avec son épouse, Stone, le dimanche d'avant, à Vivement Dimanche chez Drucker. Donc, un premier hommage. Puis, un autre, le même jour, un anniversaire, celui des 90 ans de Toots Thielmans, ce ketje de Bruxelles, né dans les Marolles à la rue Haute et qui, avec son harmonica, a joué avec tout le monde. Hommage à la vie, au renouveau, donc, que cette promenade à laquelle je vous invite aujourd'hui.

 

Une cerisaie, c'est un endroit où l'on plante des cerisiers. Chercher le mot sur Wikipedia, on apprend que c'est un parc lyonnais. une pièce de théâtre de Tchekhov.

J'ignorais tout cela. 

A Bruxelles, plus confidentiel, plus intimiste, il y a un quartier très spécifique où fleurissent, au printemps, les cerisiers du Japon.

Nous sommes, donc, au printemps depuis plus d'un mois déjà. Tout renait, oui, mais on croit que tout va être beau et chaud. Cette fois, on s'étonne que la saison ne soit pas aussi belle que la référence de l'année 2011. Cette année-là, l'été, avait devancé le printemps et réservé les pluies, les giboulées, les tempêtes et les catastrophes pour l'été.

Pendant ce mois d'avril, les températures ont été en dessous des normales saisonnières. Vingt jours de pluies. On commençait à prier pour que le soleil revienne sans qu'il soit suivi par des averses.

Je connais le dicton, "en avril, ne te découvre pas d'un fil, mais en mai, fais ce qu'il te plait", mais il ne faut pas trop pousser la chansonnette sans réfléchir.

Changer de braquet, voilà ce qui s'imposait. Oublier les crises et tout le reste. Faire du tourisme en local avec des yeux neufs... à vélo et changer les sujets et la forme d'écriture.

C'était, ce jour-là, le 22 avril. La France monopolisait les esprits avec le premier tour des élections présidentielles. A Bruxelles, les électeurs potentiels français avaient, nombreux, retrouvé les urnes au Heysel.

Du côté climat, je vous le disais, il fallait faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Un bataillon de nuages se dépêchaient d'être les premiers pour nous tomber dessus, dans un ciel mi-figue, mi raisin avec une température qui plafonnait, péniblement, à du 8°C.  

J'ai enfourché mon vélo. Des averses étaient prévues. Quand il pleut, le vélo, je n'en fais pas volontiers. Mais, prenons des risques. 

Un plan précis: voir où en était la floraison des cerisiers de Watermael-Boitsfort. Cela faisait quelques temps depuis ma dernière visite. La bien nommée "Cité-Jardin des Logis et Floréal" attire pour l'occasion beaucoup plus que d'habitude, de visiteurs et de photographes, de peintres en herbes.

Plantons le décor, avant de continuer:

"Les premiers logements sociaux belges virent le jour après les grèves de 1886. La révolution bolchévique suscita un regain d'intérêt pour le logement à bon marché après la grande guerre. L'architecture moderniste nait avec l'art deco. Ces cités jardins datent de la période 1922-1949, conçues par les architectes Eggerickx et Van der Swaelmen. Le non remboursement des dommages de guerre allemands obligea les promoteurs à modifier leur projet. Ce sont deux cités-jardins, côte à côte, probablement les plus connues et les plus importantes de par leur étendue et leur qualité. Inspirées des réalisations de style cottage anglais et de cités sociales néerlandaises. Elles sont aujourd’hui classées et ont servi à plusieurs reprises de décor pour le cinéma. Les Cerisiers du Japon bordent toutes les voiries. 

Le Logis, au total, 726 maisons unifamiliales, sur 32 ha, sur le site dit des "Trois Tilleuls". Des boiseries de couleur verte et des rues portant des noms d'animaux.

Floréal, au total, 350 maisons unifamiliales, sur 17 ha, construites à l’initiative d’un premier noyau d’ouvriers typographes du journal "Le Peuple". Des boiseries peintes en jaune et des rues qui portent des noms de fleurs. La végétation tient un rôle important et un labyrinthe de chemins piétons serpente entre les jardins plantés d'arbres fruitiers. Le terrain au relief plus marqué que celui du Logis offre un plan plus pittoresque épousant les courbes de niveau.".

Oui, vous avez bien lu dans la description de Watermael-Boitsfort, c'est la commune la plus prospère de Bruxelles, avec son revenu annuel moyen par habitant  de 15.541 € (en 2005), le plus élevé de la Région de Bruxelles-Capitale. Et vous avez aussi lu qu'au départ, cette cité jardin était réservée aux ouvriers du journal du peuple. Ceci démontre le paradoxe de Bruxelles. Une ville riche et pauvre à la fois, tout dépend du quartier, de la parcelle de terrain dont on parle.

En chemin je ne sais pourquoi, j'avais entamé la chanson "Les cerisiers sont blancs" de Gilbert Bécaud. La chanson me revenait à l'esprit sans même réfléchir. Non, ils n'étaient pas blancs, les "Prunus serrulata" dit "cerisiers du Japon". Ils étaient toujours bien roses.

Devant moi, pour y aller, la montée, bien forte, se dessine, dure. Un restaurant indien, "La rive du Gange", à ses pieds. Des souvenirs de près de trente ans me reviennent. Je l'avais fréquenté très souvent, alors qu'il avait une cuisine bien française.  Une fois, arrivé au sommet, aux "Trois Tilleuls", on arrive à l'altitude 100. Replantés, trois jeunes tilleuls, encore bien chétifs, avaient pris la place des anciens, probablement trop usés par le temps et la polution. Une plaque, don de la Chambre de Commerce belgo-japonaise, dit "Au 18ème siècle, cet emplacement servit de point de repère et de signal géodésique au lieutenant-général comte, de Ferrarris chargé de dresser la carte des Pays-Bas".

Ce comte n'avait, manifestement, pas dû monter à vélo mais, à cheval, sans se fatiguer.

Sinon, tout le reste était identique à mes souvenirs, toujours en couleurs avec des maisons aux boiseries bien peintes en vert au Logis ou en jaune, à Floréal, mais toutes deux, cerclées de noir.

Et ensuite, ce fut le Temps des Cerises qui me vint à l'esprit. Une chanson triste, dont les paroles furent écrites en 1866 et dédiée par l'auteur à une infirmière morte. Non, ce n'est pas la version chantée par Yves Montand qui me venait dans la mémoire, mais celle jouée à l'harmonica par un véritable ketje de Bruxelles, Toots Thilemans qui a fêté ses 90 ans le 29 avril.

Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête !
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur !
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur !

Mais il est bien court, le temps des cerises
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles...
Cerises d'amour aux robes pareilles,
Tombant sous la feuille en gouttes de sang...
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant !

Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour,
  Évitez les belles !
Moi qui ne crains pas les peines cruelles
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour...
Quand vous en serez au temps des cerises
Vous aurez aussi des chagrins d'amour !

J'aimerai toujours le temps des cerises,
C'est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte !

Et dame Fortune, en m'étant offerte
Ne saurait jamais calmer ma douleur...

J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur !

Une invitation au karaoké, puisque sans paroles dans cette version à l'harmonica. 0.jpg

Une histoire longue comme le bras, que celle de Toots Thielmans.

Et un album de souvenirs musicaux à la pelle.

J'aime les gens qui restent simples malgré leur célébrité. Toots n'a jamais renié ni oublié son origine avec son accent du terroir, c'est déjà bon signe. 

Mais, après le karaoké, nous ne sommes pas là pour pleurer, pour parler uniquement avec le cœur, ni pour reconstruire l'histoire, même si l'envie de la changer est parfois bien présente pour calmer les douleurs de crises qui s'éternisent. Il s'agit de reprendre la bicyclette. 

Au retour de cette promenade, ce fut la "drache" avec des grelons. Je n'eus que le temps de m'écarter de mon chemin, en me réfugiant, sous une aubette de tram et attendre que cela passe. Un climat tempéré qu'ils disaient de notre pays!

Après cette dédicasse, il me reste à écouter quelques vieux morceaux.

Toots serait donc un harmoniciste. L'harmonica a une origine assez floue, est il remarqué. Le Larousse lui donne une origine pour le moins bizarre (mot angl., du lat.). 

N'est-il pas, surtout, le symbole de l'harmonie, du gr. harmonia, assemblage)?

C'est ce que fait exactement Toots qui assemble tous les autres instruments sous sa direction.

Bonne fête du travail, du muguet à tous et à Toots's Suite.

Et ensuite, pour vous et pour moi, restent les images de la promenade.

Les mots, comme les images, nous font fantasmer, nous trahissent ou dépassent souvent nos pensées, mais ils ont l'avantage de ne pas voir le temps passer, alors qu'ils ne sont que le reflet d'un instantané.


 

L'enfoiré,

 

Citations:


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22 août 2016: Décès de Toots0.jpg

 

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