Quartiers d'été (20/05/2006)

Tout doucement, les programmes télé mettent la clé sous le paillasson pour raison de prise de vacances ou de quartiers d'été. A y réfléchir d'un peu plus près, cela pourrait coller avec quelque chose de bien plus fondamental. Alors, rêveries ou fable?
Tout comme moi, vous remarquez, ou allez le faire très bientôt, que un à un les programmes qui nous ont tenus en haleine pendant plusieurs mois vont s'estomper avec la formule traditionnelle: "Nous vous remercions de votre écoute pendant ces longs mois et nous vous souhaitons bonnes vacances. A la saison prochaine!".

Cela a été le cas la semaine dernière pour "Le Plus Grand Cabaret du Monde" de Sébastien. Il sera suivi très vite de bien d'autres.
Quoi de plus normal, me direz-vous. Et bien, oui et non. Nous sommes mi-mai, quelques uns d'entre nous profitent déjà de vacances bien méritées, mais il ne s'agit pas du gros des troupes. De toute manière, au sujet de ces vacances, de quoi parle-t-on? Quinze jours? De moins en moins, trois semaines et de plus en plus, une semaine. Donc, pas de quoi fouetter un chat avec la raquette et les balles que l'on vient d'acheter pour s'éclater au soleil dans les courts de tennis.
Le malheur est que pour remplacer tout cela que trouve-t-on? Qu'est ce qui fera partie de nos soirées devant cette télé que l'on paie si cher en argent et en temps de présence devant le petit écran?
On appelle cela, simplement, une période creuse. Une période dans laquelle les "vieux de la vieille", les anciens films bien rodés ou bien usés refleurissent. Et il ne s'agit même pas de remakes.
Donc, dès mi-mai, le paillasson accuse la présence de quelques clés en jachère. Il faut s'apprêter à une nouvelle saison de vaches maigres (curieux, le mot "vaches" dans ce cas).
Heureusement, ce sera peut-être le moment de sagesse pour s'évader pendant ces jours et ces soirées qui parviendront enfin à nous satisfaire par leur douceur. Pas besoin de partir bien loin pour cela.

Ce qui est marrant, c'est que sur ces lieux de vacances, si on pousse le bouchon un peu plus loin et que l'on se retrouve dans des endroits enchanteurs encore bien doux mais qui, fin septembre, début octobre, cette fois, c'est l'inverse qui se prépare. Le boucher, le boulanger où on avait l'habitude de se rendre au début, ferment aussi un à un. Surpris, le vacancier de la dernière heure se retrouve tout à coup otage d'une pénurie en moyens de se sustenter normalement. Juste compensation des choses?
Par cette philosophie, toute en sagesse et en constatations "bêtes et méchantes", je pensais terminer par là.

Et bien non. J'aime extrapoler les instantanés. J'aime associer les situations les plus dissolues dans l'absolu.

La science nous informe bien souvent de la vie de la terre en essayant de mettre les choses à leur juste mesure. Pour ce faire, du Big Bang jusqu'à aujourd'hui, elle essaye d'identifier le temps écoulé en le réduisant dans l'espace temps d'une seule année. Cela permet entre autres de se rendre compte de la courte période correspondant à la présence de l'homme sur notre belle terre.
Très évocatrice que cette manière de pratiquer.

Et, si on faisait de même en parallèle avec la saison de télévision en temps normal et notre vie, elle-même, réduite à l'espace temps d'une seule année complète?
Non, je n'ai pas fumé le calumet, ce matin. Voyons plutôt.

En suivant l'idée, j'aurais été conçu le 27 août par une belle soirée d'été, dans une chambre d'hôtel. L'animateur de télévision, imaginons donc Patrick Sébastien, dans un autre espace-temps, penserait, devant un verre de vin grand cru, à l'émission qu'il a l'habitude de réaliser et qu'il désirerait améliorer pour la mettre au goût du jour.

Le 1er septembre, je jette mon premier cri, tout surpris de voir autant de monde autour de moi. Les vacances de l'animateur se terminent et il boucle ses valises avec anxiété, fébrile, la tête pleine d'idées.

A partir de cette dernière date fatidique pour chacun des acteurs commence une période de préparation, de montage, d'études de toutes sortes. Pour l'un, ce sera les balbutiements, l'école, l'apprentissage de la vie parfois dans la douleur et le recueillement. Pour l'autre, ce seront les rendez-vous, les meetings pour trouver les meilleurs arrangements, les collaborateurs et les meilleurs pourvoyeurs de fonds pour construire sa vision de l'émission à venir.

On se retrouve, enfin, vers le 25 octobre et les choses sérieuses sont là. L'entrée dans la carrière active n'est pas une affaire de tout repos pour le premier. Il faut prouver que l'on a quelque chose dans le ventre. Le second, pense toujours dans la crainte au lancement des changements de l'émission de l'année passée. Il va devoir s'expliquer devant une escouade de producteurs sceptiques. Etre jugé, s'embourber dans les compromis, détricoter les montages les plus sophistiqués dans toutes les extrémités, vont être son lot d'illusions et de désillusions.

Ensuite, ça se tasse, les choses s'arrangent. On grandit dans l'expérience, la sagesse et dans l'estime des autres et cela dans les deux camps.

Une longue période commence. Le "long fleuve tranquille" a, pourtant, quelques méandres sinueux mais on les franchit plein de fougue sans tergiverser et avec philosophie.

Arrivé fin avril, les choses ne sont plus ce qu'elles devraient être. On est bien forcé de le constater. Pour certains collaborateurs, le premier devient tout à coup un "vieux meuble". Même si, lui-même, ne se sent pas l'âge de l'emploi, d'autres estiment qu'il faille prendre un repos plus prolongé que d'habitude. Cruelle, la mémoire s'en va doucettement. Emmagasiner prend plus de temps. Trop de temps et, donc, trop d'argent qui ne sont pas appréciés par l'entreprise dite "moderne". L'animateur, lui, sent un certain relâchement auprès de ses amateurs les plus tenaces. Ses fans le lâchent. L'émission perd de plus en plus de téléspectateurs. Et, le cruel audimat, aussi, s'effondre pour le confirmer. Une usure bien naturelle en somme. Tout lasse de plus en plus vite. Le directeur de la télévision n'est évidemment pas content. Il est temps que cela s'arrête. Et cela arrive en général de plus en plus tôt.

Mi-mai, la retraite sonne. Sans tambour ni trompette. Tout a une fin. Il faut passer la main en souplesse, en homme responsable. Tout le monde le dit, d'ailleurs. Ce sera seulement un long chapitre à clôturer. Cette retraite prématurée fait tinter le tocsin sous forme de préretraite moins désirée et de moins en moins acceptée au vu des compensations qui s’amenuisent. L’animateur, soulagé, se retire des projecteurs de plus en plus tôt aussi. Les roses n'ont plus le temps d'éclore toujours en l’espace d’un matin. Tous deux sont surpris que le temps ait passé si vite. Encore une fois, pour garder le flambeau, il faudra se creuser. Cette saison n'aura été qu'une page tournée et chargée de souvenirs. Alors, on pense déjà à repasser les meilleurs moments pour le début de la prochaine saison. Les disparus célèbres, survenus entre temps, auront la primeur. Ca plaira certainement.     
Vive les vacances pour l'un ou allons-y dans le fauteuil préparé douillettement par le conjoint pour l'autre.
L’été est là, cela devrait aller dans le meilleur des mondes. On l'imagine et on le veut ainsi.

Pendant les vacances, on oublie tout. Tout va aller plus lentement. La réflexion devient sereine et les projets naissent avec l’imagination qui l'inspire. De cette fin mai, on veut ne se souvenir de rien et le temps s’écoule.
Les trois mois qui suivent se présentent avec ou sans encombres. De petits incidents de parcours, surtout pour le premier, sont bien sûr au rendez-vous, mais cela passe. Rien n'est garanti par personne. Mais, cela doit passer pour qui a le pouvoir d'être optimiste. Pour l'animateur, rien n'est encore dans la poche. Le producteur n'a pas encore apposé sa signature au bas du scénario imaginé pour la saison prochaine.

Voilà le mois d’août, le mois de tous les dangers qui arrive. Les orages font grincer le ciel. Le soleil occupe de moins en moins de temps ce ciel de vacances. Il faut bientôt préparer les bagages et faire ses dernières excursions quand cela est encore possible. La nostalgie n’apporte pas grand-chose. Les moments de solitude s’accumulent et le départ approche à grand pas.

Nous y sommes. Pour le second, ce sera la valise à la main, pour l’autre ce sera dans la valise. Partir, c'est toujours mourir un peu, beaucoup, ...

Dans le même temps, Patrick aurait écrit son livre "Putain d'audience". Dans les dernières pages, on y trouverait les phrases qui résument son état d'esprit et du premier qui n'en penserait pas moins:

"Tout ça pour le plaisir du coup de gueulle qui ne rapporte rien, sauf des emmerdements. Des millions de téléspectateurs, mais se retrouver seul. A l'amical des anciens, on pourra se dire simplement qu'on était du voyage".

Mais nous serons toujours en plein été.
Je n’allais tout de même pas nous faire partir tous deux en plein hiver. Non ?



L’enfoiré,

 

Citations:

 

 

 

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