Parlez-vous français? (15/07/2006)

medium_Parlez-vous_francais_00.jpg175 millions de personnes sur 5 continents s'exprimant (ou s'escrimant) avec la langue de Voltaire. Cela dans pas moins de 53 pays de par le monde. Cela fait du monde et pourtant, il faut la défendre notre belle langue.

Nous venons de perdre un jongleur de mots de la langue française à nul autre pareil. Jamais égalé, il avait ce don de rassembler mots et idées antagonistes ou en contre sens pour ajouter la réflexion à des concepts bien différents. Les figures de style n'avaient pas de secret pour lui et il en avait même inventé d'autres avec folie et sentiments.

Raymond Devos, car il s'agit de lui, a toujours été un soutien à la langue française. medium_Parlez-vous_francais_10.3.jpgPar ses textes et ses sketches étudiés avec un soin infini qui n'appartenait qu'à lui, que de moments de rires n'ont-il pas générés dans des foules d'admirateurs. Ses sketches se retrouvent même en classe et prennent racine dans les manuels scolaires des petits et grands. La richesse de la langue française, par sa subtilité, n'a jamais trouvé meilleur porte-parole dans l'originalité. Son souci de surprendre son auditoire par la coexistence de mots anodins sublimés et présentés dans un cadre inédit arrivait à faire croire que notre langue était unique.

Si vous voulez le connaître mieux allez lire l'interview de Bruno Coppens et des frères Taloche qui l'ont très bien connu.  

Sans en arriver à cette pensée extrême et peu démocratique, la langue française jouit, il est vrai, de synonymes qui ont juste ce qu'il faut pour donner une couleur particulière, un pittoresque de bon aloi et qui se veut le plus précis possible par la nuance dans l'expression des idées. Cette richesse ne va pas sans difficulté, ringardise diraient ses détracteurs non connaisseurs, dans son apprentissage.

Incontestable. Sans être "chinoise", cette langue nécessite une grande dose d'application pour parvenir à sa maîtrise. Etudiée dès l'enfance, elle donne sans conteste des atouts dans son approche. Les règles grammaticales grevées d'une multitude d'exceptions, les genres des mots, les accords de toutes sortes rendent la langue française rébarbative ou sous-estimée devant les difficultés de son apprentissage. Quant à l'orthographe, bonjour les dégâts.

De cette contestation, on remarque des lacunes chez les étudiants qui n'auront pas été suivis jusqu'à bien loin en âge. Alors quand on n'a pas fait ses travaux d'approche très tôt...

Poussé dans le dos par le seul prétexte d'universalité, l'étudiant d'aujourd'hui est plus enclin à s'atteler à l'étude de l'anglais.

Le français, lui, entre-temps a pris ses quartiers en retrait sur le surf d'internet et dans les relations internationales. Il a même été difficile de faire accepter le français comme langue véhiculaire dans l'enceinte du grand hémicycle de la Commission Européenne. C'est tout dire. Attaqué de toute part par les instances officielles, un besoin commun de rassemblement s'est très vite fait ressentir et un lien à la francophonie s'est créé avec un représentant élu pas nécessairement en provenance de France. Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, a présidé le 6 juillet 2006 à Paris le XIème Sommet de la Francophonie dans sa 60ème session.

La chaîne télé par satellite TV5 est un exemple de réussite de cette francophonie volontaire. Cette chaîne inonde le monde avec notre langue et il ne faut pas en être peu fier.

Les chiffres mentionnés en préambule ont suffisamment de poids pour ne pas prendre à la légère un phénomène d'une telle ampleur. Mais il ne faut pas lâcher prise, il faut se battre tous les instants pour garder une place sur le podium des langues du monde. Non, la bataille n'est pas gagnée.

Malgré ce que je viens de dire plus haut, internet accueille pourtant un nombre non négligeable de pages dans lesquelles Shakespeare n'a rien à y voir. L'histoire explique le pourquoi de la présence insolite de mots français entre les mots de phrases telles que "My taylor is rich". Il suffit de prendre la clé des champs dans le sud de l'Europe pour se rendre compte que du travail de "maintenance" est à faire. Le français n'a pas vraiment la cote. L'anglais ne doit d'ailleurs pas se sentir mieux dans sa "peau" verbale dans beaucoup de cas. Un concurrent de poids historique, l'allemand, vient supplanter son concurrent commercial. Avec l'ouverture de l'Europe aux nouveaux pays de l'Est, qu'adviendra-t-il? Qui prendra la place de l'autre?

Sera-ce seul le côté quantitatif en population qui sera prépondérant?

Le qualitatif, pour peu que l'on puisse en parler dans le cas d'une langue, aura-t-il son mot à dire? La difficulté d'apprentissage prendra-t-elle le poids déterminant avec une modernité qui ne se veut pas trop regardante sur le côté "précision" du langage (au moins précis, au plus de chance de se sortir de mauvais pas)? Qui sera du voyage dans la pérennité?

Le magazine "Sciences et Vie" d'octobre 2006 tentait de rassembler le départ et la fin des langues en pensant partir de la langue unique pour en arriver en finale à la langue unique. Actuellement, on dénombre 7000 langues dans le monde. 90 pourcents d'entre elles sont pourtant en voie de disparition. Dans le même temps, les langues se complètent de nouveaux idiomes en véritable explosion de fission. 

L'esperanto, facile d'apprentissage et d'utilisation, n'a pas eu cette chance par son côté artificiel. Deux millions de personnes se targuent de connaître cette langue qui est en plein essor par l'intermédiaire d'internet en réaction au monopole de l'anglais.

Un polyglotte pourrait répondre par un avis impartial et tellement juste: plus on connaît de langues, moins on sera désorienté et plus on sera dans le coup. Une étude universitaire a prouvé qu"un enfant bilingue apprend beaucoup plus vite les matières scolaires qu'un enfant unilingue.

De toute manière, se cantonner dans sa langue maternelle, anglaise ou non, aujourd'hui, fermera des portes plus certainement que des frontières. Pas besoin d'être parfait dans la pratique d'une langue étrangère. Baragouiner, dans la majorité des cas, suffira amplement. Il n'est pas loin le temps où il faudra parler une langue internationale ou mondiale en plus de sa langue maternelle.

Ne laissons-pas les Etats-Unis, seuls, sur terre à jouir du statut de forteresse inexpugnable par son seul nom d'"Unis". Sinon, l'Europe n'arriverait jamais à constituer ce qu'elle a toujours voulu être: "forte".

Le journal l'"Echo" titrait ce 5 juillet "Apprendre une autre langue n'est plus une contrainte, mais une plus-value". D'après lui le chemin est encore long. La maîtrise d'au moins une langue "étrangère" devient un lieu commun et même obligé.

En Belgique, nous avons la chance, je dis bien "chance", de nous farcir des langues bien "tranchées". Le français, le néerlandais, l'allemand liés à la région avec l'anglais comme langue des affaires. Nous sommes bien chargés et si on veut communiquer avec nos populations "importées" de manière "habituelle" ou "artificiellement" par le siège de la CE, on ne manquera pas d'occasions de s'agiter avec les mains par le comique de la pantomime.

En France, pour des raisons de maintien de la langue, que j'accepte pour ne pas contredire mon texte, tous les textes étrangers, tous les programmes d'ordinateur (et souvent anglais) doivent être légalement traduits. Bien. Mais, à une condition, c'est de ne pas repousser les autres langues dans les cordes de l'oubli. L'effort pour apprendre mieux les autres par l'intermédiaire de la langue aura certes sa contrepartie victorieuse dans le spectacle des nations et l'âme particulière culturelle des peuples.  

Bonne fête, les Francophones...

Bernard de Orthogaffe nous apprend l'histoire de notre langue en 3 minutes

 

L'enfoiré, 

 

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