Garde à "longue" vue ? (28/06/2006)

Deux fillettes, Stacy et Nathalie, ont disparu en Belgique dans la nuit du 9 au 10 juin. Un suspect se trouve derrière les barreaux presque depuis le début.

Un nouveau drame familial a fait la manchette de tous les médias quand deux fillettes ont disparu. Child Focus et toutes les gendarmeries du pays se sont mis à leur recherche, sans succès jusqu’ici. Exploration des décharges, battues successives dans tous les endroits possibles, fouilles dans la Meuse n’ont pas manqué. De faux appels pour apporter une aide à la gendarmerie ont donné pas mal d’espoirs déçus.

L’affaire Dutroux, par son caractère de ressemblance, a réveillé des esprits fort touchés par les événements de l’époque. Le désarroi des parents n’en est que plus grand, au fur et à mesure que les heures passent, toujours vides de nouvelles informations. Les premières heures qui entourent l’événement sont bien sûr cruciales. Très vite, les soupçons se sont concentrés sur un suspect, Abdallah Ait Oud, au passé judiciaire chargé pour faits de mœurs, suspect qui se trouvait apparemment sur les lieux. Mandat a été lancé pour le retrouver, car il avait quitté son domicile. Trois jours après, il s’est présenté aux autorités judiciaires et les interrogatoires ont commencé immédiatement. Incarcéré et inculpé de séquestration et d’enlèvement depuis le 14 juin, il nie les faits.

Le 19 juin, confirmation de son mandat d’arrêt au vu de, soi-disant, suffisamment d’indices de culpabilité. Son passé judiciaire ne l’a évidemment pas aidé. Les présomptions ont été appuyées par sa volonté de changer d’aspect en se rasant le crâne, et naturellement par sa présence sur les lieux de la disparition. Le 27 juin, nouvelle requête du maintien de sa détention pour une durée d’un mois. Apparemment, toujours pas d’aveux, toujours pas de nouvelles pistes ni de nouveaux suspects. Les avocats de la défense ont plaidé sans succès pour sa remise en liberté. Aucun lien dans le dossier entre les éléments retenus contre leur client et la disparition des enfants n’est avancé pour appuyer leur thèse. L’accusé ne cesse de crier son innocence et tient tête. Les avocats ne sont pas loin de crier à l’erreur judiciaire.

Alors, quoi ? Sommes-nous encore en ligne avec les règles d’une garde à vue ? Ne dépasse-t-on pas un délai imparti à un tel examen ? Je sais qu’on parle plutôt de détention préventive et qu’on est sorti de la « garde à vue ». Mais le résultat pratique est le même. Toute personne reste présumée innocente, même avec des antécédents dont elle doit avoir déjà purgé la peine. De nouvelles auditions sont planifiées et pourraient être encore longues. Des éclaircissements dans son emploi du temps sont toujours nécessaires compte tenu de certaines incohérences par rapport à ses déclarations du début. L'abattage médiatique a créé une émotion très forte. Néanmoins, ne sommes-nous pas en train de dépasser nos droits de justice dans cette détention qui se prolonge ? N’existe-t-il pas des moyens modernes pour garder un œil sur un suspect sans devoir l’incarcérer ? Les bracelets électroniques utilisés pour les détenus en cours de peine pourraient être de la partie, dans un cas comme celui-ci. Sinon, pourquoi garder à vue prolongée tout un quartier dont les occupants auraient eu la malchance de se trouver à proximité ? Le Parquet a évidemment peur de réitérer des erreurs du passé devant l’opinion publique, avec des relaxations mal appropriées.

On n’est jamais assez prudent. Mais il s’agit de justice, qu’il faut préserver d’excès, quels qu’ils soient. Le dédouanement de ses actes antérieurs est peut-être très contestable surtout quand il n'est pas suivi comme cela a été le cas sans une loi dans ce sens.

Martine Vanderelst, psychanalyste et responsable de l'équipe de traitement des auteurs d'infractions sexuelles, au Service de Santé Mentale à l'U.L.B, interviewée, rappelait que personne ne peut affirmer que quelqu'un qui a commis des actes délectueux sexuelles ne changera jamais mais qu'il fallait dans le même temps protéger la société. Il faut d'après elle revoir le système pénitentiaire autrement. Ailleurs, précisait-elle, dans ces cas précis, la prison à vie est préconisée mais avec des réévaluations successives.

Pour maintenir l'accusé en détention, le Parquet a, par respect, le devoir de clarifier les raisons exactes de sa prise de décision de passer d’une garde à vue normale à une bien plus longue. Le délit de « sale gueule » n’est pas encore reconnu.

Je crois que sinon, les dégâts ne manqueront pas un jour à l’appel et, de plus, une erreur judiciaire n’aide jamais les victimes, en aucune manière.

 

L’enfoiré,

 

Sur Agoravox, d'autre commentaires 

Citation: 

 

Mise à jour du 10 novembre 2006 en provenance du Soir: 

"La chambre du conseil a examiné le premier mandat d'arrêt à charge d'Abdallah Aid Oud. Celui-ci concere les préventions d'enlèvement et de séquestration de Stacy et Nathalie. Abdallah était défendu pour le première fois par son nouveau conseil, Me Jean-Philippe Mayence, qui remplace Bouchat et Franchimot. Je veux éviter que le débat de fond ne se fasse dans l'opinion publique et dans les journaux, disait son nouvel avocat, en reprenant la présomption d'innocence qui n'est pas seulement valable pour un homme politique qui s'en prévaut. Imaginez la difficulté de trouver 12 jurés vierge de tout à priori pour constituer le jury d'assise. On a agi de telle sorte qu'on ne puisse pas imaginer qu'il soit innocent."   

 

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