Feedback du livre de Paul Jorion (23/09/2015)

A la suite des deux articles précédents (1) et (2), j'ai survolé le livre de Paul Jorion "Pensez tout haut l'économie avec Keynes" et je dois avouer qu'il apporte une bonne vision des problèmes d'aujourd'hui en partant de Keynes. Ce billet est un petit supplément à l'article précédent.

0.jpgCommençons par l'actualité en ouvrant une parenthèse: la visite du pape aux Etats Unis.

J'ai lu en parallèle le Monde diplomatique qui en parlait en première page.

Cette visite est pour lui un synode sur la famille comme "en terrain ennemi" pour prêcher la bonne parole dans une usine d'espérance.

Une usine dans laquelle l'amour filial entre l'homme et la femme était principal malgré "les assiettes qui volent et les "belles-mères".

 

Amusant de constater qu'il parlait de choses qu'il ne connaissait pas dans sa propre réalité de tous les jours, mais il confiait «je dois mon succès à ma foi catholique!».

S'il veut être le Pape qui veut changer le monde (comme le dit un documentaire d'Infrarouge le 6 octobre), peut-être devrait-il commencer par l'intérieur de la curie.

Ce qui devrait naturellement tout expliquer.

Voyons, faites ce que je dis, mais pas ce que je fais.

"C'est Dieu qui donne sa carte d'identité à la famille".

Une carte d'identité pour entrer où? Au paradis?

0.jpgLa Pape était dit "promoteur d'une écologie intégrale responsable". Il poursuivait en disant que l'économie tue l'individu avec la capital érigé comme une idole qui veut mettre fin à la dictature subtile aux relents de "fumier du diable".

Il lançait des mots de "néolibéralisme", de techno-centrisme et de "système de relations commerciales et de propriété structurellement pervers".

0.jpgLe populisme du Pape pour ses ouailles n'est pas une caricature. c'est une réalité.

Comme je l'écrivais en parlant des François: "Un Pape qui veille aussi à son image. Ce n'est plus par la manière guerrière, mais par la force de persuasion. Le fait d'avoir une formation jésuite comme François n'est pas étranger à sa manière de s'attirer la bienveillance des foules. Le Vatican avait déjà connu des papes issus d’autres ordres - bénédictins, dominicains, mais jamais de jésuite. Doté d'une forte personnalité, silencieux, ascétique, discret, proche des gens, marqué par une grande vie spirituelle. Il a fallu 15 ans d’études à Jorge Bergoglio pour devenir pleinement jésuite avec l'idée de devenir missionnaire, mais en vivant dans la ville. Ses ouailles aiment les réformes et il leur en donne. Il décentralise les pouvoirs en nommant vingt cardinaux de par le monde

Progressisme uniquement de façade? 

Il sait que pour régner sur les âmes, il faut être aimé par les peuples de la Terre et unifier la pensée. On ne sait parfois pas où elles mènent. Rien n'est plus lassant que de vivre sur des acquis sans les revoir à terme. Mais il reste conservateur sur les questions familiales, sur l'éthique et l'homosexualité. Là, on ne transige pas. Il appelle à ne pas procréer comme des lapins mais reste contre le malthusianisme. Pour la paternité responsable par le dialogue du pasteur et toujours sans la capote. Il rectifiera sa déclaration ensuite en pointant les marchés comme responsables de la situation de ne plus pouvoir assumer une progéniture prolifique. Contrairement aux autres obédiences, les jésuites sont au service exclusif du pape. Maintenant qu'il a pris la fonction, il l'utilise avec la parole et le dialogue. Faudra-t-il lui rappeler que faire des enfants, ce n'est pas par là que cela se passe... La Compagnie de Jésus comprend le mot “compagnie” à l'image d’un “régiment” dans l’armée. S'il ne va plus sur les sentiers de la guerre avec sa garde suisse, il prêche à l'extérieur, du haut de son balcon romain en patriarche de la Foi comme leader de la chrétienté au risque de s'attirer les foudres à l'intérieur de la Curée romaine. Avec beaucoup de finesses, il semblait aimer ce qui est lissé à la base et concomitant dans l'environnement. Il a parfaitement compris que le monde est devenu un village et qu'en régnant sur le spirituel des consciences, il avait le doigté d'une philosophie occulte et laisse la basse besogne du pouvoir temporel aux mains des Etats et à la force des marchés. Les 19.000 jésuites dans le monde sont présents sur tous les fronts à la pointe sur les questions de bioéthiques, d’éthiques, environnementales et écologiques. Les jésuites sont aussi engagés dans le face à face avec l’islam. 

Un homme qui sait gouverner en eaux troubles? Absolument.

La liberté d'expression mise dans la balance et tout le monde de la modernité occidentale s'était offusqué des réactions violentes que cela avait suscité dans des esprits intégristes".

Fin de la parenthèse...

Vénérons, vénérons, il en restera toujours quelque chose.

Avec le courant ou à contre-courant de l'époque. Ainsi soit-il.

Paul Jorion a été quelques fois invité à l'antenne par l'Eglise. Cela devrait déjà donné des indices, mais ce n'est pas clair au sujet de ses pensées intimes à ce sujet.  

La postface du livre de Paul Jorion disait:

"Que tirer de Keynes?

Un scepticisme salutaire concernant l'usage des mathématiques et des statistiques en économie".

Comme je l'ai dit, l'ordinateur numérique n'est qu'un notaire d'une situation donnée plutôt que analyseur de situation qui fait partie du monde analogique.  

"La dénonciation des méfaits du capitalisme et de la fausse rationalité destructrice de l'ordre social. Il faudrait rendre l'économie à la politique.

Les zones d'ombre d'une oeuvre foisonnante qui nous la rend tellement stimulante. 

Un traité des probabilités qui se trouverait faussement une branche de la logique avec une boule de cristal apportant la définition du mot "risque", qui ne serait qu'une chance de perdre. 

La théorie de la comptabilité générale ne tient pas compte de l'analytique. 

La stabilité des prix dont Paul Jorion avait fait son cheval de bataille dans un livre précédent dans lequel il attaquait de front le principe de l'offre.

L'inflation qui ne serait qu'un demi-mal face à la déflation qui elle empêcherait l'évolution.

Paul a comme moi, fait partie de ce monde "numérique" en transitant par l'intelligence artificielle.

L'étalon-or comme référence n'a été qu'un moyen de substitution trop dépendant de l'endroit où on pouvait l'extraire alors que la référence monétaire devrait suivre ce qui est le plus utile.

La spéculation devenue court-termiste alors qu'elle devrait suivre la vie de l'entreprise en véritable participant de la vie de celle-ci.

Le profit est salutaire et sain s'il apporte une valeur ajoutée dans le cas d'une répartition équitable des revenus en fonction de paramètres dans lequel l'investissement ferait une part dans le risque entrepreneurial.

Le prix des choses déterminé qui va de concert avec le prix des matières premières, c'est un peu ce que l'on remarque. Le prix de la main d'oeuvre que l'on tente de faire descendre de la même façon.

Qu'il y ait une dévaluation que l'on calcule avec le paramètre du temps, est naturel puisqu'il s'agit d'un calcul de dépréciation.

Keynes socialiste anti-travailliste avec le capitalisme du darwinisme?

Anti-travailliste précurseur de la robotisation?

Un traité sur la monnaie qui ne serait qu'une relation d'échange entre crédit et dépôt dont on ne sait plus qui est arrivé en premier entre la poule et qui est l’œuf?

La monnaie est devenue de plus plus virtuelle, non palpable et que certains pays voudraient voir achevée dans la virtualité pour garder des traces taxables et éviter les dessous de table.

Les taux d'intérêts dans un équilibre instables entre variabilité et fixité? 

Non le progrès n'est pas là pour payer les intérêts.

Le rapport de force entre l'esprit d'entreprise et l'esprit à rémunérer en fonction de son efficacité dans la société.

La conclusion du livre de Paul se résume à dire que Keynes était un innocent, idéaliste qui comprenait les problèmes sans les résoudre face au jeu d'intérêts qui crée l'envie et la jalousie de la richesse de son voisin, portées toutes deux par le marketing comme arme d'illusions.

 

L'enfoiré,

 

Citations attribuées à Voltaire:

 

 

Le vendredi 21 août annonçait son livre dans "Le temps qu'il fait" comme complément à son livre,  de sa philosophie et qui explique son éviction de ses cours à la VUB  comme détenteur de la chaire « Stewardship of Finance » à la Faculté de Droit.:

Bien que je sois en train de terminer un ouvrage qui s’appellera "Le dernier qui s’en va éteint la lumière" comme réflexion sur la « collapsologie », sur les dangers qui menacent l’espace humaine quant à sa survie, je ne peux pas m’empêcher de penser au fait que c’est dans 12 jours que paraît mon livre qui s’appelle "Penser tout haut l’économie avec Keynes".

Ce qui m’a forcé à y penser un peu plus encore hier, c’est le fait que Roberto Boulant, qui fait des billets très intéressants sur le blog, et en particulier un où il avait parlé au nom du détective américain Columbo, beaucoup regardé, beaucoup diffusé. Roberto m’a donné un compte rendu du livre qu'il a eu l’occasion de lire puisque je l’avais prêté à quelques personnes.
Voir ce que d’autres pensent de ce que vous avez écrit, ça vous oblige à poser un autre regard. En fait, ce n’est pas vraiment poser un «autre regard» vu les idées que j’entretiens du côté de la psychanalyse. J’ai l’impression que nous nous comprenons nous-même de la même manière que nous comprenons les autres, c’est-à-dire essentiellement en nous observant. «En nous observant», c’est en nous regardant sur des vidéos, sur des photos, en nous écoutant nous-mêmes parler. Nous comprenons qui est la personne que nous sommes. Pourquoi ? Parce que le fait d’ingurgiter cette information supplémentaire relance, à mon sens, la dynamique d’affect qui nous fait poser des questions sur la personne que nous sommes : si nous avons le sentiment de coller ou non à cette réalité extérieure à nous.
Le petit texte de Roberto Boulant sur mon Keynes, je l'avais déjà découvert un petit peu aussi avec un texte extérieur: la quatrième de couverture que les éditions Odile Jacob ont rédigé. En voyant la quatrième de couverture et ce que dit Roberto Boulant, je me dis : « Ah oui !  c’est ça que je suis en train de faire ! C’est ça que j’ai essayé de faire !». On pourrait se dire qu’en passant deux ans à rédiger un livre, qu’on a eu l’occasion, à de multiples reprises, de comprendre ce qu’on était en train de faire, d’une certaine manière, les autres sont le miroir qui vous permet de comprendre encore mieux ce que vous avez essayé de faire. Et dans ce que j’ai essayé de faire, c’est d’essayer de nous remettre un peu sur les rails dans la manière dont nous envisageons les phénomènes économiques.
J’ai une formation dans un domaine connexe qui s’appelle l’«anthropologie économique».. Ça ne ressemble pas du tout, en fait, à la science économique. Pourquoi ? Parce que cette anthropologie économique s’est faite essentiellement par la comparaison de ce qu’on voit dans des sociétés extrêmement différentes de la nôtre, et donc ça met en perspective déjà, d’une certaine manière. Mais, surtout, l’anthropologie économique ne m’a pas permis quand même d’avancer beaucoup quand j’ai réuni des données à travailler à l’île de Houat, et ensuite sur la côte du Bénin et d’autres pays africains comme le Congo, le Ghana, le Liberia, le Sierra Leone. J’ai commencé à voir apparaître une certaine réalité dans ces données, et même l’anthropologie économique ne me donnait pas la grille qui me permettait de comprendre de quoi il s’agissait.
C’est en retombant sur ce petit texte de Karl Polanyi qui s’appelle "Aristote découvre l’économie" [1957], que j’ai trouvé la méthode qui marchait. Je suis allé ressusciter ce qu’a dit Aristote sur l’économie. Evidemment, l’économie de la Grèce du IVe siècle avant Jésus-Christ, ce n’est pas la nôtre. Il y a beaucoup de choses à ajouter, il y a beaucoup de choses qui se sont passées depuis, il y a la finance qui est apparue, qui est un domaine assez complexe. Tout ça, Aristote, évidemment, ne l’a pas vu mais il y avait là une grille pour comprendre, et ça a été vu par lui.
C’est ce qu’on appelle un « nouveau paradigme ». Et donc ce paradigme n’est pas neuf: il date, comme je viens de le dire, du IVe siècle avant Jésus-Christ, mais il n’a pas été utilisé. On peut dire qu’Aristote n’a pas été utilisé en économie, avant qu’au milieu des années 80, j’aille ressusciter ce petit texte et ai commencé à analyser les choses dans ma pratique d’anthropologue. Par l'analyse d'une société bretonne traditionnelle, par ce que je voyais sur des plages dans des pays africains mais aussi par la suite, à partir de 1990, par ce que je voyais dans le domaine de la finance, là où la grille de lecture d’Aristote marchait toujours.
Philippe Herlin a bien vu ça.dans son livre "Repenser l’économie",Le chapitre 11 qui s’appelle "La théorie de la proportion diagonale", c’est la théorie d’Aristote.Ce chapitre, m’est consacré. Il est consacré à Aristote mais il m’est surtout consacré puisque Philippe Herlin si je n’étais pas allé le ressusciter, on n’en parlerait toujours pas.
Voilà ce que j’essaie de faire dans ce bouquin sur Keynes: un nouveau paradigme. Une autre façon de voir les choses et ça ne ressemble pas à ce que l’on a appelé «keynésien» ou «post-keynésien» ou des mots où se trouvent « Keynes ». Pourquoi? Parce que je remets en question aussi la manière dont Keynes voit et regarde les choses. Parce que d’une certaine manière, il était encore trop dans la grande tradition, même s’il se distingue fort de cette tradition dans laquelle il se trouvait.,Il y est encore suffisamment impliqué pour qu’il faille encore aller ailleurs, qu’il faille encore sortir de ce cadre.
Et c’est pour ça, à la sortie de ce livre, je sais que je n’ai pas de cadeaux à attendre des économistes, pas plus des économistes hétérodoxes, comme on dit, que les économistes orthodoxes. Parce que je propose un cadre quand même assez différent que j’applique dans ce livre. Je parle non seulement des choses dont Keynes a parlé, mais aussi, je crois que c’est la quatrième de couverture qui le dit, que j’utilise ces grilles d’analyse nouvelles pour regarder les événements, pour analyser les événements récents, en particulier depuis la crise des subprimes en 2007-2008. Et c’est vrai, je crée une nouvelle boîte à outils et j’essaie tout de suite de la mettre en utilisation. Je montre comment on peut l’utiliser sur des exemples précis: j’ai déjà montré ça par quelques petits extraits, ici, en particulier sur les futures – les contrats à terme – « du terrorisme », des choses de cet ordre là ou la crise grecque, la crise de l’euro due à la Grèce en 2010-2012, etc.
Alors c’est à vous ! C’est à vous qui n’êtes pas économistes de, comme disait Max Plack: ce sont les étudiants qui vont changer les choses, ce n’est pas les vieux barbons qui sont engoncés dans leurs idées, ce sont les jeunes gens qui viennent après. Les tout jeunes économistes qui vont pouvoir aider ce livre à trouver sa place, et surtout aussi, les gens qui ne sont pas économistes comme j’en ai l’expérience ces jours-ci : je montre ça à quelqu’un et puis cette personne me dit «Mais ça va de soi !», «Ça paraît évident !», «C’est de l’ordre de l’évidence absolue !» et je réponds à cette personne «Oui, mais ce n’est pas du tout comme ça que le voient les économistes, ni les uns, ni les autres !». Ça paraît sans doute évident à celui qui se pose la question pour la première fois et qui trouve la réponse là.

 

CQFD dans cet article de soutien à Paul Jorion.

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