Vacances autrement (26/08/2006)

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Qui n'aime pas prendre des vacances dans les pays les plus exotiques possibles assurant un maximum de dépaysement? Personne ou presque. Des règles éthiques envers ses hôtes temporaires, l'observation de la protection de l'environnement que l'on visite sont des obligations trop vite oubliées. 

Quand vous lirez ces lignes, vous serez probablement presque tous de retour au travail, ragaillardis (mais, c'est à voir), après des vacances bien gagnées ou avec un peu de chance, encore en attente de quitter le carcan dans lequel vous vous sentez parfois pour aller "prendre votre pied" sous des latitudes plus clémentes.  Se ressourcer, comme on dit, c'est ça, mais c'est aussi bien autre chose que certains mettent déjà en chantier de manière volontaire.

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La journaliste de la RTBF Anne-Michèle CREMER recevait, le 3 août, Marie-Paule ESKENAZY, la directrice de l’ASBL "Tourisme autrement".

Son choix musical: la Bande Originale du film "1492" (Christophe Colomb).


AMC : Cette ASBL Tourisme Autrement, on va en parler tout de suite. Mais Christophe Colomb, c'est la découverte de l'autre, c'est la découverte d'un autre continent, c'est aussi le tourisme ?

AMC : Alors, l'ASBL Tourisme Autrement, il faut peut-être dire que vous ne vendez pas de voyages, vous ne dites pas aux gens "tiens, allez là bas, ça coûtera autant"

AMC : Ce que vous voulez, c'est lancer la réflexion sur un tourisme autrement. Pourtant, on a l'impression que ces dernières années, justement, les gens font du tourisme plus responsable qu'avant. Ce n'est pas le cas ?

AMC : Comme vous dites, le touriste veut être responsable aussi, il y a de plus en plus de gens qui veulent partir autrement, effectivement, par rapport au tourisme...

AMC : Alors justement, on va peut-être les aider un petit peu en détaillant certaines choses. Vous dites "le tourisme est une activité très importante à travers le monde", c'est vrai et il y a souvent cette réflexion sur le tourisme de dire "justement, le tourisme, il faut le développer dans des endroits où il n'y a pas beaucoup d'argent, le tourisme va leur donner de l'argent". C'est quelque chose que l'on entend souvent. Est-ce que ça, c'est du tourisme, c'est une réflexion justement éthique ?

AMC : Alors justement, pour tous ceux qui ont compris ça, il se développe aussi, et on l'entend de plus en plus, du tourisme social où les gens disent "puisque dans les grands ensembles touristiques, effectivement, je ne vais pas aider au développement ni rencontrer la population, est-ce que je ne pourrais pas aller chez l'habitant, comme ça au moins je ferais du tourisme social puisque j'aurais une rencontre avec les gens, je verrais comme les gens vivent et je pourrais, effectivement, apporter quelque chose à ces gens" ?

AMC : De plus en plus aussi, c'est le tourisme humanitaire. Là, vous ne pouvez qu'être "d'accord", non ?

AMC : La réflexion que nous avons est peut-être très bien, mais on voit d'un autre côté les vacances à bas prix qui se développent, on part 15 jours, on n'a pas beaucoup d'argent,  une semaine au bord de la mer, dans une piscine, de plus en plus loin parce que ce n'est pas très cher. D'un autre côté, il y a ce tourisme comme vous dites responsable qui se développe. Alors est-ce que ce n'est pas ce tourisme là dont vous parlez, un tourisme réservé uniquement à l'élite qui a le temps de la réflexion, qui peut se permettre ça? Un tourisme qui coûte plus cher ?

AMC : Sur laquelle vous voulez réfléchir en tant qu'ASBL. Vous travaillez avec les gens individuellement, vous les conscientisez, est-ce qu'il y a une réflexion qui se fait au niveau de certains tours opérateurs, par exemple, est-ce qu'il y a moyen de parler avec un tour opérateur et de dire "mais voilà, moi je veux des vacances équitables" ?

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Que retenir de cette interview?

Ce que nous avons oublié dans notre volonté de nous échapper du train-train quotidien: "être simplement nous mêmes".  

Chez nous, quand on rencontre un voisin connu, on communique, on se parle, on se partage les derniers cancans dans notre langue, on se donne dans ce besoin d'animal grégaire: l'Homme.

Hors de cet environnement, le vacancier qui veut sortir de l'ornière par toujours plus d'exotisme, n'a plus l'occasion d'assumer son rôle d'être social. Très souvent, on l'a tout simplement caserné dans le ghetto d'un club dans lequel on entre avec comme but ultime de s'amuser, de pratiquer un maximum de sports compris dans le prix du forfait. Que reste-t-il alors pour jeter un coup d'oeil en dehors de l'enceinte privilégiée? Pas de contacts vrais avec les autochtones. Quelques essais avec le sourire amusé pour parler la langue du pays avec le serveur qui a pris d'ailleurs l'habitude de vous adresser la parole dans votre propre langue.   

Ce qui ne fait pas grand chose, car le temps passe toujours trop vite dans ces moments furtifs du bonheur payés à l'avance.  

Alors, se croire tout permis chez l'autre est vraiment la pire des bévues. Et une langouste pour oublier tout cela, chef!

La période coloniale est bien derrière nous. Il faudra s'y faire pour les "nostalgiques". Soigner son image en ambassadeur à l'étranger devient vite un enjeu important sous plusieurs angles.

Les Américains ont appris très vite que l'hostilité à leur égard n'était pas une idée vague et qu'il fallait, chacun d'eux, en bon diplomate, enrayer le déclin de leur réputation. Les produits "made in USA" aussi ont pris du plomb dans l'aile. "Chaque citoyen a le droit et le devoir d'aider à construire les relations extérieures américaines", disait Sherry Lee Mueller, présidente du National Council for International Vistors. Ce ne sera pas chose aisée. 

Essayons de changer de cap. Les pays visités ont quelque chose, que vous ignorez, à partager avec vous.

Apprendre à connaitre l'autre, à saisir ses envies, ses problèmes quotidiens est le premier souci du vacancier "moderne" et conscient de la différence avec lui-même qui est souvent à son avantage. Se présenter soi-même d'abord. Corriger l'idée automatique que l'on vous donne de "capitaliste". Que la vie ailleurs n'est pas nécessairement aussi joyeuse ni plaisante chez soi. Que les salaires non convertis en monnaie locale sudiste ne sont pas aussi généreux qu'il y parait, une fois, ... sur l'autre place. Car l'hospitalité proverbiale de ces pays n'est pas gratuite. Elle se permet d'espérer un retour en informations de "leur là-bas". Mais de quel sujet pourrait-on s'entretenir? Nous sommes tellement différents.  

De manière écologique peut-être. En dehors des hôtels qui ont pris le rivage de beaucoup de lieux de vacances, un des exemples les plus flagrants du désastre provoqué par le tourisme est bien sûr ce qui se passe dans les eaux de la Mer Rouge au large de l'Egypte. Faire de la plongée sous-marine dans ces eaux cristallines est un véritable plaisir. Plaisir qui se résume aussi dans la dure réalité par la détérioration des fonds marins et des coraux. Depuis cette constatation des mesures ont été prises mais un peu tard.

Dans le même ordre d'idée, souvent dans ces pays au climat généreux, la prise de conscience du risque de détériorer l'environnement n'a pas encore effleuré ni la population ni les autorités qui ont beaucoup d'autres chats à fouetter. Les beaux lagons bleus font souvent l'objet de photos cartes postales. Dans trop de cas, malheureusement, ils ont perdu ce caractère idyllique et ont été remplacés par d'immondes ensembles de détritus de toutes sortes flottants sur des eaux toujours turquoise. Je ne jetterai pas une pierre de plus dans cet ensemble. La raison "naturelle" en est bien explicable. Hier encore, les déchets ménagers étaient simplement biodégradables et disparaissaient naturellement. Aujourd'hui, le peu de modernisme qui arrive à passer apporte des plastics et des détritus avec une longueur de vie bien plus importante.

Je ne citerai pas les endroits où j'ai ressenti ce phénomène désolant, pour ne pas vexer. Je ne me permettrais pas aussi de juger ni encore moins de condamner. La misère fait pardonner beaucoup d'excès. J'aimerais simplement pointer le danger pour eux et avec eux.  

Dans nos pays du Nord, la voiture a de plus en plus pris une place de deuxième plan au profit du bipède que nous sommes restés. Elle a simplement été canalisée, contrôlée, banalisée. Dans les pays plus "jeunes", encore minoritaires, la voiture est toujours restée reine de la route et surtout "patronne" de la ville. Le piéton n'a qu'à bien se tenir dans ce tumulte d'engins motorisés. Que nous reste-t-il à faire dans ce jeu de quilles? Pourquoi ne pas en discuter avec eux franchement? Quelle belle entrée en matière, non?    

Le trekking à la mode, c'est bien parce que c'est déjà un "autrement". Mais cela reste insuffisant et trop éloigné, par son côté volontairement trop sportif et ce goût de trop peu en rapprochement avec l'humain.

Non, il ne faut pas construire des "châteaux en Espagne". Ils en ont déjà là bas, eux. Et depuis longtemps. Privilégiée, l'Espagne est sortie de l'éloignement par la grande porte de l'Europe. Non, on ne peut pas se permettre de casser les coutumes de ceux qui nous reçoivent chez eux avec le maximum d'efforts personnels.

Donner son avis et son expérience personnelle sur les constatations que l'on a pu se faire au sujet de notre manière de vivre, pas toujours au top de nos espérances et informer au mieux des risques d'une pollution non évalués sont des obligations essentiels. Ne pas tenir compte de ces avertissements gratuits reviendrait tôt ou tard  en boomerang chez nous.       

Et pour finir, le principal.

Sans vouloir aucunement faire la moindre ingérence dans leurs affaires politiques, je leur soufflerais une idée de responsabilisation. Je leur dirais que leur avenir se trouve dans leurs mains. Que notre "démocratie à l'occidentale" n'est peut-être pas la panacée mais qu'elle est un minimum pour les gens de bonne volonté. Que nous ici, nous faisons des erreurs mais que nous voulons les assumer et les corriger et que nous n'avons qu'à nous retourner contre nous même quand nous dévions des objectifs fixés pour le bien de l'Homme.

Voilà, ce que je leur dirais. Mais de cela, ils en sont conscients quand on voit le pourcentage de participation aux élections de jeunes nations sorties d'un immobilisme trop parcellaire.    

Oui, nous en avons beaucoup de choses à partager, beaucoup d'idées à confronter avec les leurs en toute simplicité.

Le monde est en perpétuel changement. Les vases communicants fonctionnent toujours et de mieux en mieux, mais, par là, un peu trop rapides. Les pays dits riches d'aujourd'hui ne seront pas aussi nécessairement ceux de demain. Alors autant en prendre son parti en reliant les peuples dans une meilleure compréhension mutuelle. Cela éviterait des malentendus menant à des confrontations d'un autre temps.

Voilà, ce dont j'aimerais parler avec nos compatriotes du monde.

Les vacances, existe-t-il un meilleur moment pour arriver à cette fin? 

 

L'enfoiré,

 

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Citations:

 "Le farniente est une merveilleuse occupation. Dommage qu'il faille y renoncer pendant les vacances, l'essentiel étant alors de faire quelque chose.", Pierre Daninos

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