L'Hiver covidien (1) (01/12/2020)
Ce 25 novembre, j'apprenais l'existence du "Grrrand Roman-Feuilleton de l'Automne".
Ses auteurs: Camille De Rijck, une des voix-phares de Musiq3, connaisseur de toutes les musiques classiques et contemporaines, commentateur avisé du Concours Reine Elisabeth et Hugues Dayez, l’inoxydable "Mr Cinéma" de la RTBF, surnommé le "Punk en tweed". Camille attend le retour des concerts, Hugues la réouverture des cinémas. En attendant, même s’ils n’ont jamais travaillé ensemble, ils ont eu envie de mener un projet en commun : sur le modèle surréaliste du "Cadavre exquis", écrire à deux mains un récit avec un seul mot d’ordre : s’amuser et en espérant amuser les lecteurs potentiels.
En réponse, les chapitres d'un roman-feuilleton qui suit sous le titre générique "L'Hiver covidien" met en scène quelques personnages avec la mention: "Toutes ressemblances avec des personnages existants ou ayant existés ne sont pas nécessairement fortuites".
...
Episode 1: Une journée ratée du rat des champs
Ce jour-là, pas de télétravail, pas de "home sweet work".
Ce matin, le directeur du service commercial devait se rendre au bureau.
Il a pris des précautions en se levant plus d'une heure à l'avance. En fait, la nuit de sommeil a été courte. Il n'a pas beaucoup dormi à penser aux termes de la réunion dans laquelle il allait devoir prendre la parole. Dans son lit, il s'était tourné, retourné en cycles répétés. Il a fait le moins de bruit possible pour ne pas réveiller son épouse en sortant du lit. Pourtant, voilà qu'il l'a réveillé.
- Tu dois encore partir au bureau? Tu ne fais pas de télétravail?, dit-elle d'une voix encore endormie.
- Oui, mais dors, ne fais pas attention à moi. J'ai une réunion importante ce matin.
Il est déjà en sueur. En catimini, il va se faire une tasse de café dans la cuisine et deux petites tartines à la confiture locale qu'il avait achetées dans la semaine pour la tester. Pas de douche. Se laver, c'est dans l'évier pour ne pas faire de bruit. Il s'habille en vitesse, vaille que vaille et sort de la villa de campagne et se rend dans le garage. Pas de chauffage et le garage est glacial. Il ne fait manifestement pas chaud, il garde son pardessus au moment de pénétrer dans l'habitacle de la bagnole de société. Elle a démarré au quart de tour. A son volant, il met le chauffage à fond. A l'extérieur, il fait noir. Heureusement, pas de vent. Personne à l'horizon. C'est un peu sinistre.
La veille, Monsieur Météo annonçait des gelées nocturnes dans les Ardennes. Quelques minutes pour rejoindre l'autoroute suffisent pour que la soufflerie ait dépassé une température suffisante. La sueur revient. Trop chaud pour rester habillé. Arrêt de moins d'une minute pour se débarrasser du trop plein de vêtements.
Il est surexcité. Son rendez-vous important à 10:00 se passe à l'occasion de la réunion mensuelle du conseil d'entreprise. Il en a des choses à discuter qui ne peuvent attendre. Ce n'est pas aussi facile de présenter tous les documents qu'il l'avait pensé par l'utilisation de Skype.
Mais très vite, il le sent. Il va être en retard. Avant les confinements, il avait l'habitude de cette route qu'il empruntait dans un sens le matin et dans l'autre, le soir pendant des années. Le télétravail a été une manière de résoudre les problèmes, mais pas tous.
Il signale son retard à sa secrétaire par son portable connecté par Bluetooth au téléphone main-libre intégré.
Elle ajoute une touche de plus à son excitation.
- C'est un rendez-vous d'affaires, il ne faut pas donner mauvaise impression et c'est...
- Je sais, je sais, je sais. Dites-leur que je suis bloqué dans un bouchon et que j'arrive. Je suis déjà sur l'autoroute. Il parait que je pourrais en avoir encore au moins pour une heure. Putain de route", dit-il en la coupant.
Encore quelques gouttes de sueur en plus, donc.
Tout à coup, des panneaux indiquent que la route va se rétrécir. Encore des travaux ou peut-être, aussi, un accident. Sa radio intérieure n'a encore rien dit.
Le coup de la tirette pour s'introduire dans une file, il connaît mais encore faut-il que tout le monde le connaisse.
Cela n'est apparemment pas le style de la bagnole à sa droite qu'il risque de frôler s'il ne la laisse passer à son tour. A partir de là, c'est à la queue leu leu. Un coup on avance, un autre, on s'arrête pendant 15 kilomètres. Pas de problème pour respecter les 50 kilomètres heures du panneau qui se répètent tous les cent mètres. Puis tout à coup, c'est la fin. Les voitures s'emballent à grande vitesse. Il appuie aussi sur le champignon pour rattraper le temps perdu.
"Flute, je n'ai pas vu celui-là. Je vais recevoir encore un PV", se dit-il.
Un flash s'est manifesté dans son rétroviseur et son compteur de vitesse indique 130.
"C'est pour ma pomme. On ne rembourse pas les amendes", pense-t-il.
Nouveau ralentissement. Cette fois, c'est un accident et une ambulance fait tourner sa balise gyrophare. Plus que cinq kilomètres pour arriver à la bonne sortie de l'autoroute.
Il entre dans la ville. Plus question de faire de la vitesse et il arrive au boulot juste avant le déjeuner de midi.
Il est déjà fatigué par l'excitation de la route. Même plus envie de manger.
Il entre et rencontre sa secrétaire qui accourt vers lui.
- La réunion est clôturée. Je n'ai pas pu les retenir.
Un soufflement de dépits s'échappe de sa gorge. Il en dit long sur son exaspération.
- J'ai mis presque quatre heures pour arriver. Plus du double de temps d'habitude.
- Figurez-vous que moi aussi, j'ai mis le double de temps que d'habitude en venant par le Ring. Il y avait une petite file habituelle sur le viaduc. J'ai mis presque trente minutes.
Sans rien dire, il se tourne vers son bureau et claque la porte bruyamment derrière lui.
L'innocence de sa secrétaire ne lui permet pas de se rendre compte qu'elle a vraiment pourri la vie du reste de la journée de son chef et probablement de la sienne.
Heureusement, sa colère s'est estompée quand il a décidé de retourner chez lui à 15 heures. Cela lui permet de voir encore le soleil et en principe, ne pas devoir revivre les mêmes péripéties du matin.
...
Alors, excusez-le Bernard, à la question de savoir pourquoi la secrétaire ne pouvait pas dire "clôturer la réunion", il n'a pas du tout été d'humeur à le dire à sa secrétaire. Sa journée se clôturait au sens propre comme au sens figuré par le mot leitmotiv de la journée: "merde"... et cela ne sent pas bon.
Allusion
30/11/2020: Anne Sylvestre aimait les gens qui doutent. Elle va les faire douter sous d'autres cieux
3/12/2020: Coup sur coup 3 cactus pour remonter le moral:
Protestation des coiffeurs:
Orgie sexuelle:
Ministre de la santé & scandale: