Tempête dans un grand verre d'eau (30/09/2006)

vacancesDes vacances de fin d'été à Cap d'Agde, comme il y en a tant d’autres. Tout commence, le soir du 12 septembre 2006 : la télé annonce, la crainte dans la voix, une alerte orange avec pluies diluviennes et orages dont il faudra se méfier sur les routes. Banal ou bancal ?

Comme à mon habitude, me voilà le lendemain matin tôt du 13 septembre sur les chemins de l'errance joggy-blogantes. Le soleil, visiblement, ce n'est pas son jour.

Mais, n'a-t-il pas le droit après un travail intensif de plusieurs mois de prendre ses quartiers d'automne ? Les nuages ont envahi le ciel venant d'on ne sait où et le vent les fait voyager plus rapidement que de coutume. Le cliquetis des mats de bateaux se fait nettement plus sensible.

A part cela, rien ne présage l'apocalypse décrit la veille avec tant de frayeur par la petite lucarne. Même les vagues ont du mal à sortir de leur torpeur de la nuit. Donc, seuls, les cheveux de votre serviteur auraient manifestement mérité plus d'attention dans leur fixation.

A cette heure matinale, tout dort encore autour de moi. Cap d'Agde ne s'inquiète apparemment pas des heures tempétueuses qu'elle s'apprête à encaisser.

Sur un brise-lame, je rencontre une dame, droite, face au vent en ciré jaune. Visiblement, elle attend avec impatience, le vent dans la voilure, en regardant la mer avec beaucoup d'admiration.

- Bonjour, ça va gronder aujourd'hui, lui lançais-je

Avec un sourire enjoué aux lèvres, le regard pétillant sous la brise, elle me répond laconiquement mais d'une manière tellement expressive :

- Oui, probablement. Ça va être chouette.

Le canevas de la faible femme qui se terre au fond de son trou en période agitée en attente des éléments qui se déchaînent et passent au plus vite, a vécu.

Je m'en retourne en lui souhaitant une bonne journée qui je le sens va lui être profitable et lui restera en mémoire. Je la laisse donc à ses rêveries éveillées de grandeurs fantasmagoriques.

Je redescends vers le centre. Dans le port, les bateaux ancrés ne se doutent encore de rien. Tout semble correspondre à la vie de tous les jours. Pas de mouvements de drapeaux exagérés. La paix reposante des objets et des hommes en somme ou le calme avant la tempête comme on le dit souvent.

Qu'on le veuille ou non, le suspense va commencer cependant.

vacancesL'ancien hôtel "Le Matago" n'en a d'ailleurs cure. Comme tous les derniers jours, il renaît de ses cendres de gîte pour un temps bien court pour se transformer petit à petit en habitations de beaucoup plus longues durées. Les coups de marteaux et de butoir de toutes sortes retentissent en échos sur le port. Il continue sa reconstruction. Point.

Dans la matinée, pas d'excitation notoire non plus parmi les vacanciers. Une différence pourtant : les lézards rouges se sont rhabillés et hantent, cette fois, plus nombreux dans les rues en rangs serrés.

Le sable, lui, reste désert. Quoi de plus normal pour du sable.

Point positif, les affaires marchent. Les prix démarqués de fin de saison attirent comme des phares, ces "insectes" de tout horizon. Le marché, lui aussi, n'a jamais connu telle affluence.

Midi, les restaurants de la rade attirent comme des aimants et les promeneurs laissent leur humeur tristounette au vestiaire. Il faut bien passer le temps alors, pourquoi pas avec une assiette de fruits de mer en avant plan ?

Quelques gouttes se mettent à tomber sur ce tableau pour en faire pâlir les couleurs. Mais très vite, le vent constant a tôt fait d'effacer ces taches sombres qui n'avaient que l'heur de faire briller l'espace d'un instant, sous un nouveau soleil, un sol résolument terne.

Mais, la journée ne fait que commencer.

La pluie plus battante est bien là rien que pour le rappeler. "Just in time". Ça crépite sur les toiles qui généralement ne sont réservées qu'à la protection plus ardente du soleil. Les badauds, jusque-là très lymphatiques, retrouvent leur agilité dans une course effrénée vers des abris de fortune. Saluts bien dérisoires quand la chute mouillante n'a pas pris le fil à plomb pour tomber.

Heureusement, sud oblige, un rayon de soleil reperce enfin et refait briller de tous ses feux mobiles et immobiles.

Un rapide coup d’œil vers le ciel prouve que ce n'est que partie remise et un échantillon du savoir-faire des intempéries. Un entracte est nécessaire pour calmer l'intrigue. Voilà tout.

Les couleurs des parapluies parviennent encore à remplacer celles du ciel.

Le jeu de quilles, moins personnel, s'enclenche tout à coup photographié probablement par un maître du genre ponctué de flashs des plus éclairants. L'orchestre est en place et le spectacle peut vraiment commencer.

Les zones pastel des façades des immeubles du port « grisottent » dangereusement et font oublier les coups de pinceaux et le grand soin que les architectes leur ont donné pour les égailler. Les déplacements ressemblent à des promenades de slalom autour des flaques d'eau qui n'en finissent pas de grandir.

L'après-midi, à nouveau, accalmie, mais les pigeons attendent sagement. Recul pour mieux sauter, très certainement.

En effet, la nuit va passer à la vitesse supérieure. La tension, là-haut, est passée à son comble en contretemps de son habitude. Comme promis, nous allons passer un remake de la "Guerre des Étoiles", sans étoiles mais avec Dark Vador s'escrimant à grand effort de sabre lumineux à la main, fendant tour à tour le ciel de droite et de gauche, illuminant la nuit comme en plein jour.

Quelques heures de butoirs et de déboires pour certains. Tout finit pourtant par s'essouffler. Combattants fatigués et avalanches d'eau remettent les armes au fourreau après ce combat de Titans mémorable dont on ne connaîtra jamais le vainqueur.

Les acteurs rentrent, les spectateurs pourront enfin retrouver le sommeil.

Le lendemain matin, je me retrouve sur le même brise-lame. La dame de la veille n'est plus là. Aura-t-elle été satisfaite ? , me demandais-je.

Question sans réponse.

La furie du ciel avait été contagieuse et s'était simplement confondue à celle de la mer avec le sourire en coin du soleil en guise d'acquiescement. Jupiter avait passé la main à Neptune pour continuer son oeuvre de furie.

Cette deuxième journée n'avait pas encore dit son dernier mot et il n'était pas question de se remettre sur la plage pour la bronzette. Une nouvelle nuit d'épouvante s'apprêtait selon les dires des météorologistes.
Les épées de lumières restèrent pourtant cette fois au fourreau, seul un déluge se déversa à nouveau sur la ville qui n'en demandait pas tant et ne pouvait plus absorber le trop plein en inondations.

Dernier lendemain, les mouettes jouent au cerf-volant et se prélassent sans effort et en bougeant le moins possible à contre vent.

Plus de doute, on en a pris l'habitude et les chemins restent vides. Les terriens se terrent après tous cataclysmes. Quelques chiens, cependant, tirent leurs maîtres apeurés dehors à la laisse.

Une mer d'huile très nordique se perd dans un nouveau ciel plombé et pesant.

Fut-ce, ces deux jours, une confirmation que la nature gardait toujours tous ses droits et que l'homme, même s'il paie cher pour des vacances ensoleillées, ne pourra jamais contrecarrer sa puissance ?

Certains diront, en effet, que ce furent deux jours de vacances perdus.

Je serais plus nuancé et dirais : "Imaginons que le ciel avait été au beau fixe. Qu'aurais-je eu à raconter au retour ? Temps splendide ? Banalité cruelle que personne n'aurait écoutée qu'avec un souci d'estime.

Un anglais qui passait par là eut cette parole de dépit : "In Cap d'Agde, it never rains, it poors".

Moi, par contre, je m'étais seulement payé une tempête dans un grand verre d'eau.

Une alerte "orange", médiatisée, moins dévastatrice que prévu mais surtout sans victimes. Et puis, j'aime me limiter à l'orange. Devant les feux de signalisation, c'est tellement plus reposant.

Ce n'était pas vraiment si mal à vivre.

Mais, je n’ai pas manqué de me questionner : et si le grand verre d’eau avait été bien autre chose ? Et s’il nous avait au contraire fait boire la tasse ? Le souvenir d’un Noël 2004 est encore dans les mémoires.

Mais ce n’était qu’un 13 septembre 2006. J’y étais et vous l'avez lu comme si vous y étiez.

Photos sous ce clic....

L'enfoiré,

 Dédicasse: L'article, ci-dessus, je le dédie à Hôtel Capao qui m'a beaucoup plu par son caractère et par son service. Allez sans crainte dans son restaurant, les plats de crustacés vous y attendent.

 Citations : 

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