Extase automnale (19/12/2006)

natureAutomne. Arrière-saison, fin de vie temporaire, toute de nature colorée vêtue.

Voilà, il va partir, ce sont ses derniers jours, ses derniers tours de roue...

Je ne sais si vous êtes comme moi, mais l'automne, je le ressens comme la plus belle saison de l'année, comme les mois préférés à mes yeux. Cette fois encore, il s'est habillé de ses plus beaux atours. Le beau temps a ajouté ce qu'il fallait pour combler le plus insensible aux beautés de la nature.

Si le printemps apporte le renouveau avec son cortège annonciateur de lumières, de natures en reconstruction après une période de sommeil hivernal long et éprouvant pour les nerfs et générateur de tristesse, l'automne en précurseur, en intermédiaire entre les deux faces du miroir a également une position de choix également pleine d'espérances.

Il donne les couleurs de la nostalgie, peut-être, après des vacances au soleil, mais alors quel concert de couleurs. Certains l'appellent "L'été indien". Joé Dassin en le chantant pensait à l'automne d'outre atlantique dans les campagnes canadiennes.

Il avait raison. Mais j'ai aussi raison. L'échelle change, c'est la seule différence. Les couleurs sont toutes là, rassemblées en bouquet désordonnés ou en rangs d'honneur.  Ces grappes se posent, se superposent, s'enchevêtrent en couches serrées? Ce qui est petit pour les grandes surfaces du Canada, n'est-il pas gentil? Il n'y a plus qu'à planter son chevalet et sortir palette et pinceaux. Le décor est planté pour les exploits picturaux. Si le temps manque, les photos pourront donner l'illusion de la poésie interne sans parvenir à l'évasion picturale réelle. 
Comme vous l'avez peut-être appris, j'aime me lancer à corps perdu sur les chemins forestiers de l'aventure en miniature. Alors, lors de ces occasions de plénitude, je m’assois sur l'herbe, camouflée par l'ocre des feuilles. En position surélevée avec, en général, un petit lac en avant plan, je regarde, sans bouger, pendant un temps dont j'oublie les minutes. Prendre ensuite la plume et le carnet de note qui ne me quitte pas et rêver tout simplement.
Là, le ravissement est complet. Plus besoin de s'évader vers des sites enchanteurs aux bleus paradisiaques. Le paradis, il est à destination, à ma porte. Il n'y a plus qu'à prendre le temps de le voir, le sentir, l'entendre de le toucher. Le goûter sera, peut-être, pour plus tard après la récolte de ce que l'on y découvre au détour d'un chemin.
Mon album de photos numérique, réfugié sur mon PC, ne désemplit pas avec ces photos sous tous les angles de cette saison pleine de promesses. Toujours à la recherche vaine de la reproduction de l'impossible perfection, du sublime moment qui n'existe qu'en naturel pendant cette période courte de trois mois de l'année. L'espace disque nécessaire au stockage de ces photos-là prend une place non négligeable dans les profondeurs de mon sauvetage de souvenirs.
Le ciel qu'il soit bleu ou gris, rien ne fait démériter la forêt. La lumière vive ou blafarde apporte l'éclat brillant ou toujours suffisant pour éblouir le regard averti. Le monde féerique et imaginaire dans sa splendeur en écho avec l'esprit.
Au sol, les champignons s'étirent paresseusement le cou au maximum pour aller voir plus haut et happer la fraîcheur de la rosée enrobée de lumière.
Dans l'air, la mouette s'attarde et essaye de se rappeler des moments de grâce vu d'en haut que probablement les images greffées par les gènes n'ont pas manqué de prendre racine. Imaginons que l'évolution concrétisée par la théorie de Darwin n'avait pas prolongé cette envie de souvenirs féeriques. Que de lacunes, que de manques à gagner pour, nous, les suivants dans la chaîne. 
La fraîcheur de l'air contraste avec les chaleurs d'un été encore dans la mémoire de la nature.  
Les derniers effluves olfactifs des plantes odorantes transpirent une dernière fois. Cela ne durera pas. L'hiver aura son mot à dire bientôt en effaçant jusqu'au printemps les couleurs d'un trait de plume volante.
Le vent berce encore légèrement les arbres tout en les dénudant progressivement, très probablement contents de se reposer du poids de feuilles qu'ils ont du enduré pendant un été lourd de chaleur.
Au gré d'un plaisir bien dissimulé, ces feuilles décident à se laisser aller au gré de la bise, pas pressées du tout de regagner ce sol en perdition et de rejoindre ses compagnes plus empressées.
En effet, les troncs dénudés de proche en proche semblent soulagés du poids et que la fête finisse. 
Le tapis que les feuilles forment en finale s'épaissit, gonfle pour apporter l'élasticité, le duvet sous les pieds du promeneur.
Celui-ci ne s'y trompe pas, il sait qu'il a été invité à une "spéciale", à un moment privilégié. Alors, il s'arrête, ému devant le paysage offert. Sort l'objectif, le doigt sur la gâchette de l'appareil photo ou vidéo. Sans discontinuer, changeant d'angle, mais sans beaucoup bouger, il "prend son pied" au propre comme au figuré. nature

 

Si d'aventure, une marre, un petit lac au creux d'un vallon glisse, ondule dans le scintillement d'un contre jour et croise ainsi une partie de son oculaire, il sait d'instinct que la photo sera bonne. Alors, ça clic, ça déclic, tout en silence et dans des positions alambiquées. Ensuite, Il regarde, tout enfiévré, les résultats  dans le petit écran de l'appareil. Content, il reprend de plus belle, il presse et dé-presse pas encore conscient qu'il aura des problèmes par après pour débroussailler tout cela sur l'ordi.
Peindre dans ces conditions relève presque de la gageure, qui titille la main sans pinceau de l'artiste. 
L'impressionnisme, le presque surréalisme est bien là. Comment rester insensible au spectacle crée divinement pour la seule beauté des yeux. 
Tout a jaunit, brunit dans les tons les plus chauds. Une symphonie de couleurs pastelles faisant place à un dégradé plus expressif. Symphonie sans musique tonitruante pourtant. Une paix intense s'en dégage, voulue de toutes parts, irréelle mais tellement attendue. Plénitude de l'âme.
Les orages, on s'en doute, arriveront tôt ou tard et feront effondrer ce qui reste au sommet de ces vertes cimes, muées en dégradés de jaunes vers l'absence.
Le temps reprendra son cours comme de coutume. Tout rentrera dans l'ordre établi comme il se doit. C'est la nature des choses, se dira-t-on. 
Doucettement, imperceptiblement, j'aurai vécu une part d'un autre été indien.
La vie sous toutes ses formes ne peut s'évader de la marche en avant, ni dévier trop longtemps.
Cette 3ème période de vie de l'année est en ligne directe avec celle qui a été prêtée à l'homme. Point pour point.
Je vous avais déjà fait une association semblable dans mon article "Quartiers d'été". Je le reprenais encore dans l'article de transition "Et si c'était à refaire". 
Une vie, un an, seulement une promenade d'espace-temps avec pour seul ajustement un facteur correctif. 
Heureusement, il y a les moments de grâce que je viens de vous souffler à l'oreille.
L'espoir que tout s'y arrête un long moment est vain, mais j'aurai essayé.

Alors, puisque tu prends la relève, bonjour "hiver".




 

L'enfoiré, 

 

Sur Agoravox, encore une fois, des commentaires en couleurs     

 

Citations: 

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