Bons sens ne sauraient mentir (16/06/2008)

0.jpgIl existe un petit village en Toscane qui a vu un auteur du 19ème siècle qui, malgré une thématique apparemment très simple destinée aux enfants, jouit encore d’une réputation mondiale à la suite de l’œuvre de sa vie, un roman de conte de fées, repris par Walt Disney en 1940.
Le village s’appelle Collodi près de Pescia
.
L’auteur : Carlo Lorenzini, surnommé "Collodi".
Le personnage : Pinocchio.

Je suis allé à sa rencontre...

Selon l’histoire du roman, un vieux menuisier, Geppetto, se sentant esseulé dans son atelier, imagine de créer un pantin en bois représentant un garçonnet. Habile de ses mains, il le sculpte et le nomme Pinocchio avec l’intime désir de le voir se transformer en véritable petit garçon. Lors d’une nuit, la Fée Bleue de la providence exauce son rêve le plus cher et donne la vie à sa marionnette.
Celle-ci se révèle fantasque quoique toujours bien intentionnée.
Sous l’œil de la Fée et du menuisier, les aventures malheureuses vont se succéder, aventures qui ne seront racontées, qu’interprétées par une multitude de petits mensonges.
La fée décide de lui infliger un châtiment pour lui donner une leçon de vie et pour lui imposer de dire la vérité.

Dès lors, un mensonge sortirait de sa bouche en bois et ce serait son nez qui s’allonge en fonction de l’importance de son méfait ou de sa méprise. Cela ne tarde pas à prendre des habitudes qui engendrent des aventures épiques. Le conte s’achèvera heureusement quand Pinocchio perdra cette mauvaise habitude et qu’il deviendra, « happy end » oblige, en un véritable petit enfant dans la réalité. Derrière cette fable enfantine, se cache l'Italie de l'époque, pauvre, résignée, pessimiste et en proie à une défaite des valeurs paysannes manipulées par des gens très rusés.0.jpg

Devenu tellement célèbre, l’auteur est plus connu sous le nom de son village où depuis 1951, un parc fantastique pour enfants a été réalisé à Collodi. Le décor est un labyrinthe, situé au bord d’un torrent et face à la villa et aux jardins Garzoni.
L’histoire de la marionnette y défile dans les méandres de ce labyrinthe avec le requin très suggestif engloutissant Geppetto au milieu de l'histoire agitée.
C’est à partir des magnifiques jardins, avec ses statues de satyres, face au labyrinthe, très caché que je n'ai pu l'apercevoir. L’auteur de la fable, lui, c’était de la cuisine du château des marquis de Garzoni qu'il a imaginé son personnage.

 

Les suites fantasmagoriques du rêve

0.jpgLe soir, en allant me coucher, mes souvenirs, suites de cette visite enchantée, sont revenues en mémoire de manière étrange.

Et si le mensonge n’existait plus, si tous le monde parlait sans réfléchir, que se passerait-il?

Ce matin-là, je me suis réveillé dans un autre monde. Cela commençait fort, très fort même.
Mon épouse ne me disait plus « Ronfle en douceur, mon amour » mais d’une mine sévère :

Tu m’as encore une fois empêché de dormir. Ton ronflement, j’espère que tu n’auras pas d’ennui avec les voisins.

Surpris, je ne relevai pas le nez et ne répliquai pas sachant que c'est une chose dont on ne connaît pas la vérité par soi-même.
Plus tard, sous la douche je commençai à entonner, imperceptiblement, une vieille chanson d’Aznavour « Tu exagères ».0.jpg

Mon épouse, ensuite, suivit sous la douche. Elle chantonnait le même air mais avec des paroles différentes et tout aussi troublantes.

Plus tard, au petit déjeuner, je m’entends dire : « la confiture, y en a marre et si tu me faisais des œufs au lard pour changer? ». La moutarde semblait me sortir du nez et c'était pourtant le moment de consommer du miel plutôt que de la moutarde.
On s’est quitté la mine un peu balancée dans une humeur exécrable mais chacun trouvait cela normal.
Dans l’ascenseur, voilà que la voisine monte à bord et que je lui dis :

- Savez-vous que le Chanel n°6 existe depuis peu ? Cela sentira un peu moins dans l’ascenseur.
Moi, qui ne savait même pas qu’il existait le N° 5 ! ….
Elle me répond du tac au tac :

- Vous êtes sûr que votre after-shave, vous le mettez là où il faut, bien partout ? Et puis, vous feriez mieux de la fermer, tout le monde y gagnerait car votre haleine ...

Je n'eus pas le temps de lui répondre. Nous étions arrivé à destination au rez-de-chaussée. Non, mais, de quoi s’occupe-t-elle?, pensais-je.
Sur la route,  un « enc.. » me fit une queue de poisson en me levant un doigt que je ne pensais pas si long.
Je lui lance une invective que je n’oserais répéter ici.
Arrivé au bureau, voilà que le collègue qui, il faut bien le dire, n’avait pas vraiment les mêmes opinions que les miennes, sortait d’une voix salace :

- T’as0.jpg mal dormi, ou quoi ? Est-ce une manière de te coucher sur le clavier ?

- Non, mais, je dois bien récupérer le temps que t’as perdu hier devant la machine à café.

Mais, il avait un peu raison, je l’admets. Mais alors, lui...

Le patron l’avait bien vu aussi et se déplaçant pour me le confirmer à sa manière, je ne lui en laissai pas le temps et lui envoyai, à la vue d’une couleur rouge anormale sur les joues :

- La prochaine fois, laissez la porte de votre bureau ouverte. Au moins, je n’aurai pas à aller payer au cinéma ce soir pour aller voir « Basic Instinct II ». Au fait, avez-vous pensé à mon augmentation ?

Il faut dire que sa secrétaire est un sacré morceau et elle avait un de ses rouges aux lèvres qui me rappelait celui de la joue du patron.

Décidément, tout allait de travers! Je ne me reconnaissais pas du tout dans ces paroles.

Chacun avait des paroles sans mensonges, sans filtres et sans hésitations aucune. Étonné de moi-même et des autres qui n’étaient pas dans leurs habitudes.
Au mess, voilà que la préposée me pose sèchement la question de manière péremptoire sans prendre les moindres formes :

- L'aile ou la cuisse, votre poulet ?

- Quelle question. Les deux, voyons quand on voit le prix que l’on demande pour le plat.
Je passe encore sur les détails. J'ai dû choisir autre chose.
L’après-midi, un client téléphone.

- Je ne comprends pas mon PC. Il ne réagit pas comme d’habitude. Il ne s’allume pas.

- Vous êtes sûr que vous avez mis le courant ? Vous avez lu la notice d'utilisation avant de me téléphoner ?

- Non, mais vous me prenez pour qui, je suis une habituée ? Puisque, je vous le dis. Et vous, vous êtes là pourquoi ?

Dire une simili vérité pèse décidément des tonnes sur les épaules du citoyen lambda. La délicatesse pour le dire fait pour le moins un peu défaut, dans cette journée fantasque.
L'après-midi, un drame dans la société et un collègue décédé nous envoye tous au cimetière.
Là, l’épouse, en pleurs, se tenait difficilement et se tenait soutenue entre ses enfants.

Quelqu’un lui posa la question :

- Vous-vous êtes disputés la veille ? Avait-il un problème en dehors du bureau ? Le patron a déjà pris les devants. Ne vous inquiétez pas. J'ai vu une tête nouvelle dans son bureau, il y a quelques jours.

Quel ignoble personnage!

Le cortège s'avance et la conversation ne donne pas de conséquences. Heureusement...
Je trouvais les questions déplacées, mais ne réagis pas. Endormi?

La dernière réplique me paraissait presque injurieuse.
Le soir, à la télé, un homme politique parle :

- Les électeurs ne me comprendront jamais. J’ai une villa et une famille à entretenir. Je ne peux pas être partout. Le jeton de présence, je le rembourserai. Moi, qui fait tout pour eux.

Tout à coup, son nez s’allongea, s'allongea dans la démesure...

0.jpgC’est à ce moment que je sens comme un tremblement de terre.
Mon épouse, au-dessus de moi, me secoue avec force.

- Tu ne vas pas travailler, chéri ?

Je lui souris.

J’étais revenu de loin, d'un monde de fausses vérités.

Ce n'était pas moi.

Comment avais-je pu imaginer cela?
Depuis lors, je souris plus souvent.
Je sais que j’ai encore beaucoup de rêves plus palpitants, moins stressants en réserve.

0.jpgCelui-ci était par trop dur. Je jetai un coup d’œil à Wikipedia qui m'en donnait une définition tellement claire du mensonge pernicieux.




L'enfoiré,

Citations :

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