Média, presse-toi doucement et surtout intelligemment (1) (11/05/2011)

A la croisée des chemins entre l'information et son consommateur: les médias de la radio et de la télévision. Voyons, tout d'abord, la "partie", en général.

1.jpgTout passe, tout change, tout lasse, tout se déplace, dirait l'arrière-arrière-arrière petit fils de Lavoisier. Changer, c'est s'améliorer ou disparaître. Les journalistes se doivent de construire et parfois de reconstruire les relations avec ses consommateurs en rajeunissant les méthodes et les acteurs. Ce n'est pas une question de jeunisme, mais une seule volonté de continuer à rester durer, comme on le dirait en langage local.

Le spectateur de la radio, de la télé, lui, veut être informé au mieux. Par bribes, progressivement, avec une nécessité de recevoir la meilleure vérité et sans détours.

Quel contrat difficile mais fabuleux !

Au milieu de ce contrat entre médias et consommateurs, on trouve le problème de la liberté de la presse, de la liberté d’expression, comme piliers fondamentaux de la démocratie. Celle-ci est symbolisée par le fameux 1er amendement de sa Constitution américaine... mais, c'est en Amérique.

En Amérique, on se rappelle le relais médiatique de la propagande mensongère à propos des armes de destruction massive ou des liens entre le régime de Saddam Hussein et le terrorisme. L’ancien doyen de l’école de journalisme de l’université de Columbia, Michael Massing faisait alors remarquer que cette évolution n’est pourtant pas récente. La presse qui avait acquis un rôle de contre-expertise à l’époque du Vietnam et de Nixon avait commencé son retrait sous Reagan, notait-il. Question de relation entre la presse et le pouvoir. Lorsqu’on a affaire à un président fort, il est toujours plus difficile d’agir comme contre-pouvoir. Véritable pouvoir et pas seulement d'information, les médias influencent ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs et va parfois à l'encontre de la capacité cognitive des gens qui les constituent. Outrepassent-t-ils volontairement ou involontairement leurs droits de diffusion de l'information? Poser cette question est y répondre en fonction de son intime conviction de ce qu'elle doit représenter.

Il faut espérer que le poids des médias restera déterminant face à la politique et à la propagande. 1.jpg

L'information est très vite obsolète. Elle n'intéresse que dans un état de fraîcheur. La vitesse de la transmission est primordiale.

Les agences d'information apportent l'interface de premier niveau. La vérification, dans cette course au scoop, a du mal à se réaliser. Des erreurs non volontaires d'interprétation ou de compréhension peuvent survenir. Il n'est pas rare d'apprendre son décès prématuré dans les journaux.

Il faut décorer l'information pour qu'elle passe mieux. La télé de Berlusconi l'a bien compris. Sur ses chaînes à lui, c'est un décolleté plongeant, un cul ou une fesse qui donnent les ressorts aux nouvelles trop monotones. L'avillissement de la femme mérite-t-elle cette vision? Je ne crois pas. Des femmes commencent enfin à se rendre compte de la dérive.

Oui, la communication cherche toujours le contenu de fond qui pourrait plaire, mais pas à n'importe quel prix.

La guerre inter-médias redouble d'intensité entre le privé, commercial et le service publique. Elle est inévitable. Les objectifs ne sont pas identiques. Les moyens non plus.

Mais, c'est l’audience qui a toujours raison. La médiamétrie se charge de donner des résultats scientifiques sur la fréquentation visuelle de la chaîne, mais pas de son réel acquiescement ou rejet.

A ce stade, il ne faut pas perdre de vue l'utilité primordiale de la presse. Elle fait partie de nous tous, spectateurs.

La liberté de la presse est plutôt en régression dans le monde.

Il y a eu, en 3 ans, trois fois plus de morts chez les journalistes à Bagdad que pendant toute la durée de la guerre au Vietnam. Plus nombreux sur le terrain, les journalistes étaient évidemment plus exposés. Les otages de journalistes en provenance de différents existent. Les 500 jours de détentions forcées des deux journalistes français le rappelle. 

Pour être chroniqueur d'un conflit, il faudrait avoir le même genre de motivation que celui qui est médecin dans des régions déshéritées, où la maladie contagieuse règne.

Les derniers événements en Afrique du Nord ont montré que la démocratie restait dans les limbes. Le chanteur Pierre Perret, est sorti de ses chansons gentillettes et pleines d'humour avec une de ses dernière chanson "Liberté zéro" qui est consacrée à la presse.

La journaliste, Florence Aubenas a beaucoup écrit sur la question de la presse. Son "La fabrication de l'information" ne laisse aucun doute.

Ces débats sur les concentrations de la presse, qu'elles soient privées ou publiques existent aussi au Canada. Faut-il privatiser les télévisions d'Etat? Le débat sur la consommation de la télévision et sur sa pipolarisation est fort intéressant. Il en va de même sur la commercialisation des JT. Objectivité et originalité quand tu nous tiens!

L'interactivité est née avec le trouble-fête, Internet. Ce qui veut dire qu'il faut de chaque côté de la barre se plier aux "plaisirs" et aux "inconvénients" de se mettre en avant.

1.jpgLes blogs, les forums citoyens, d'aujourd'hui, tentent d'apporter une approche différente du bas vers le haut de l'échelle. Ils n'ont pas les mêmes obligations de validation, de modération. Sans cette validation, les fausses nouvelles, les rumeurs, la propagande, fleurissent de pls belle. La confrontation ne sera plus jamais tendre. Plus enrichissante si l'acceptation de chaque bord, se fait avec l'harmonie de la complémentarité parallèle. Pour les consommateurs de l'info, la tâche de recouper l'information par plusieurs sources comme en 40, s'est complexifiée. On n'achète plus tous les journaux du jour, il s'agit de "scanner" et de "zapper" de site en site.

Les réponses aux problèmes de recherche devront toujours se trouver dans un apprentissage scolaire et parental de comment "déguster" cet afflux d'informations, calmement avec pondération et recueillement.

Certains internautes vous mettent sur la sellette, chers journalistes. Ok, acceptez la concurrence citoyenne du style auquel je faisais allusion dans "Concurrence bloguée". Mais ne vous laissez pas influencer pour en perdre votre âme d'intermédiaire, je dirais même de lobby officiel. Certains abusent et jette le bébé avec l'eau du bain. Y voit des leurres derrière chaque coin de phrase pour vous détrôner et prendre votre place (Un exemple). Attention, ce n'est pas uniquement en France que l'on prend des vessies pour des lanternes.

Au moment du bilan de l'année 2008, un article de l’Écho titrait "Médias et marchés, entre amour et haine". Sous-titre "Journalistes: super-menteurs? Diseurs de bonne aventure? Ou Cassandre?". La transmission de l'information de la presse économique et du monde de la finance étaient sur la sellette". La chute de la Northern Rock après la diffusion de la BBC restait dans certaines gorges échaudées. Des critiques fusèrent: "Les journalistes n'ont pas exercé leur rôle de chien de garde. Ils se contaient de répercuter les informations venant des entreprises et des banques". La question est "est-ce qu'il faut être original à tout prix pour qu'une information soit intéressante?".

L'évolution de la presse officielle ou citoyenne n'est peut-être qu'une marche parmi bien d'autres.

Esther Benbassa nous posait cette question essentielle : « Serons-nous capables, médias, politiques, intellectuels, leaders communautaires, simples citoyens de concevoir enfin et de nous imposer une éthique de la réaction qui ferait fi des pressions et des soupçons injustifiés ? Pour sortir de la confusion et de l’hystérie, en veillant, sans cesser d’être ferme sur les principes, à la sobriété des images et à la retenue des propos, en ne sacrifiant pas l’analyse sur l’autel de l’émotion.»

L’information est, parfois, manipulée pour simplement entrer dans un moule, fixé par le spectateur-consommateur, lui-même. Par ses désirs dirigistes, ses humeurs, son vécu et sa participation aux frais, il peut influencer l'information.

Les journaux se doivent d'expliquer l'information en intermédiaire objectif, de la comprendre et de l'analyser, de replacer les événements dans leur contexte, de la vérifier et peut-être, de l'extrapoler en signalant où réside la frontière. Le scoop pour le scoop n'est absolument pas la technique adéquate dans la durée. Travail d'investigation sur le plus long terme implique plus de temps et de moyens financiers. Chacun à sa place dans ce jeu de quilles. L'éthique et les responsabilités sont en jeu. Un journaliste est et reste l'interface entre les pouvoirs et les citoyens. 

Oui, Médias, presse-nous de toutes les informations objectives dont vous disposez. Agissez avec discernement et conscience des dégâts qui se cacheraient derrière la fausse info ou la propagation de la rumeur. Gardez notre confiance. Notre susceptibilité vis-à-vis de ce que vous nous forcez à digérer ne sera peut-être pas à notre goût, mais ce n'est qu'un moindre mal vis-à-vis d'une information qui ne serait pas transmise. Question de démocratie bien comprise, bien entendu.

Hugues Le Paige, journaliste de la RTBF, de longue date, nous donnait son interprétation de son métier d'information et de l'information avec ce texte, vieux de 5 ans:

1.jpg"L'image ment. En fallait-il une démonstration supplémentaire ? La voici donc, tragique et dérisoire. L’image ment. Elle nous abuse, elle nous aveugle. L’image des caméras de surveillance et celle de la télévision. Celle qui est véhiculée par les téléphones portables, celle qui est reproduite à l’infini par Internet. Nous vivons dans un monde du « tout à l’image », de la domination de l’apparence. En fait, plus on montre, moins on sait. Dans ce monde de la représentation spectaculaire, le réel s’échappe, le sens fuit ou est enfoui. Aubaine pour les médias qui pour exister ont besoin d’image comme de pain. Mais le précepte « pas d’image, pas d’info », devient, en vérité, «des images, pas d’info» ! Voilà ce que dit la révélation de l’identité et de l’origine des meurtriers de la Gare Centrale. L’image répétée, matraquée, indiscutable seulement parce que indiscutée devait nous faire accéder à au moins une part de la vérité immédiate. L’origine des meurtriers, donc, ne faisait aucun doute et ceux qui appelaient à la prudence étaient taxés de « politiquement corrects », au mieux. L’image ne faisait finalement que renforcer nos stéréotypes implicites ou explicites. Les phantasmes pouvaient irriguer l’inconscient, nourrissant par ailleurs les rodomontades sécuritaires qui esquivent les fondements de la violence et de l’insécurité. En quelque sorte l’image provoque l’automanipulation. Loin d’être réalité, elle n’est jamais que construction partielle et partiale du réel. Il nous faut apprendre encore et toujours à la décoder, à la décrypter, à la décadrer. Il nous faut apprendre simplement à nous tenir à distance."

Les images, Hugues Le Paige, en connaît les dangers. Il s'est vu cloturé son entretien avec François Mitterand comme un couperet : "Si j’avais su qu’on allait tomber dans ces bas-fonds, je n’aurais pas accepté l’interview. (…) Je ne répondrai pas à cette question que rien ne vous autorise à me poser. Notre conversation est terminée, Monsieur.". Surpris, il en a sorti un film. Comment cibler l'actualité? Quelle est la bonne distance pour filmer, interviewer quelqu'un sans le froisser mais en gardant l'objectivité et l'éveil du spectateur? Comment briser le blackout actuel qui s'est installé comme une chappe de plomb du côté de la politique belge?

Des questions qui restent ouvertes...

La suite, ce sera, donc, au tour de la RTBF d'être sur la sellette de mon analyse.

Cela ne vous dit peut-être rien, et pourtant...

 

L'enfoiré,

 

Citations:

 

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