Decennis horribilis (23/12/2009)

Decennis horribilis_10.jpgC'est ainsi que Giovanni Bisignani, le patron de l'IATA a appelé les derniers dix ans dans le secteur aérien.

Le transport aérien a subit de plein fouet une série de coups de butoir dans l'espace de ces dernières 10 ans. Peut-être plus difficiles à supporter que les autres moyens de transport.

Deux concurrents principaux, Boeing et Airbus, se partagent le construction des avions et se livrent à une bataille dantesque.

Pour saper le moral, il y eut 2001 et la peur qui s'en est suivi de traverser l'Atlantique et de prendre l'avion. Il fallut trois ans pour effacer 2001. Le terrorisme qui s'en est suivi pour parachever la chute des "returns on investments". Une moyenne de 5 milliards de dollars de pertes par an dans le secteur de l'aviation. Huit fois dans le rouge pendant cette période. 2007 a été le rebond positif, mais qui n'a pas amorti les chutes précédentes et suivantes. Au total, cela fait 49 milliards de perte sur la décennie.

Il est bien loin l'idée que j'avais décrite dans "Le bide de la futurologie" dans lequel je relevais les rêves de vitesse d'une époque révolue et qui était loin d'être accompli.

Le prix du fuel est monté en flèche et s'est apaisé temporairement. Tout cela ne permet pas d'établir des prévisions très pertinentes à long terme.

Deux voies différentes ont été entreprises pour contrer les crises à répétition. Deux voies qui se rejoignent dans la finalité: réduire les prix et la consommation des avions tout en augmentant le nombre de clients.

Le dernier né de Boeing, Dreamliner, le Boeing 787, suit cette ligne dans les moyens courriers. Une réduction de 20%, annonce-t-on. Tout le secret dans une structure en titane et de matières composites à base de fibres de carbone. Une vitesse de Mach 0,85 pour de 250 à 290 passagers et sur un maximum de 15.750 kilomètres de rayon d'action. Le Dreamliner vient de faire son vol inaugural début décembre, au dessus de l'Amérique du Nord. Plus de deux ans de retard. Mais on s'organise.

Airbus veut réduire la consommation par voyager avec d'énormes porteurs long courrier comme l'A380. Son premier vol date déjà du 27 avril 2005 Le.25 octobre 2007, premier vol commercial. Véritable puzzle à l'échelle européenne, défit industriel à la hauteur de l'ambition avec Toulouse comme point de ralliement. Vol avec 15.200 kilomètres de rayon d'action. Le souvenir du Concorde, avion extraordinaire jamais égalé en performances mais aux pertes abyssales en exploitation est encore très présent dans les mémoires. L'A380 cherche des acheteurs après un changement de direction pour corriger une course aux alouettes. Payer des dommages et intérêts pour les retards n'ont fait qu'accentuer le problème.

"Suite aux difficultés financières du groupe, le Français Louis Gallois, à la tête de l'entreprise depuis le 9 octobre 2006, a présenté un plan de  restructuration ("Power 8") en en février 2007. En raison des problèmes d'industrialisation de l'A380-800 et des désistements des principaux clients, Airbus s'est résolu à suspendre le développement de la version cargo jusqu'en 2015, tout en continuant la prospection commerciale", lit-on sur Wikipedia

L'A350 qui devrait concurrencer le Dreamliner, n'en fini pas de reporter sa sortie vers 2012 ou 2013.

Avec des programmes différents, tous deux ont eu des retards à l'allumage. La course de vitesse n'est plus dans les airs, mais dans les ateliers de construction. Alors, on se bat pour sa subsistance dans une concurrence acharnée.

20080620Sarko Airbus et Carla.jpgLa Chine s'agite aussi. Elle veut devenir le nouveau chalenger en mettant sa propre marque sur le marché. Le moyen courrier C919 (C comme Chine, 919?), futur concurrent de l'A320 et du Boeing, prévoit son exploitation dans 6 ans (premier vol prévu en 2014), avec un réacteur de nouvelle génération. Entre temps, elle force son entrée en lice en attribuant la motorisation à une consortium franco-américain. Elle a obtenu une ligne d'assemblage d'Airbus en échange d'une grande commande d'A320. Talonés par les Russes, elle doit aller vite en besogne. La Chine vise 20% du marché dans les 20 ans à venir. Elle pourrait mettre les deux grands d'accord, en les projetant dans les cordes.

L'aéronautique attire toujours par le prestige, même si les bénéfices ne sont pas assurés. Quand le politique des États intervient, rien n'est impossible sinon nous n'aurions jamais mis un pas sur la lune.

En Europe, du côté des voyageurs, le pouvoir d'achat dégringolant, à part pour les vacances payées souvent au prix minimum, la proximité des villes permet de prendre l'autre moyen de transport encore plus sûr, le train, le TGV quand il existe. La concurrence avec le rail n'est pas un mirage. La concurrence réside dans les ratés aussi.20091222Sarkozy Père Noel.jpg

Les dimensions des États-Unis font qu'il en va tout autre. L'avion est utilisé, comme pour nous, le serait, le tramway. La mobilité est voulue par les affaires et ne voit aucun inconvénient à prendre un aller retour dans la même journée pour aller visiter un client à plus de 2000 kilomètres.

Annuler le slots pour assouplir le trafic et ajuster les vols à la capacité nécessaire, pour des raisons de prix, est oublié.

Souvent, j'ai pu constater qu'entre 06:00 et 07:00, les vols au départ de Bruxelles National sont poussés au maximum par une belle journée de la belle saison. Ensuite, on se croirait dans un aéroport de banlieue. Du côté nuisance, on n'a même pas avancé.

La concurrence avec les aéroport de Bierzet et de Charleroi, appelé Bruxelles Sud, s'est accrue.

Alors, quand la situation climatique s'en mèle comme cette fois, c'est tout le secteur transport devient problématique.

En été 2008, je cherchais l'aspect qu'auraient les vacances de demain en pensant à celles d'avant hier si tout devait continuer ainsi.

Car, l'image de l'aviation s'est ternie avec l'écologie dominante.Decennis horribilis_20.jpg

Réduire le CO2, on y pense par l'utilisation de matériaux légers, l'amélioration de l'aérodynamisme et arriver à des voyages moins énergivores. Rien de plus normal. Remplacer le kérosène par autre chose reste le point d'interrogation de demain. On pense normalement à le taxer comme toutes les sources d'énergie qui produise le CO2. L'or noir est devenu  le point noir dans l'aviation sans aucune perspective proche pour le redorer.

Le secteur de l'aviation est souvent montré du doigt comme le plus grand pollueur. Il n'est pas tout à fait d'accord et tente d'en minimiser l'impact.

Le transport dans sa globalité serait responsable de 23% des émissions de CO2. L'avion restreint ce facteur entre 2 et 4% avec 80% de ceux-ci à classer dans les longs courriers.

20070929Explorer le monde.jpgLa taxe carbone, elle, hésite entre prendre le coche ou le rater. Elle aura l'avantage de pousser à trouver de nouvelles sources d'énergie encore plus rapidement.

L'avion solaire de Picard, le Solar Impulse, même si le rêve devient réalité, n'emportera jamais, tel quel, des centaines de personnes.

Et si on reprenait le ballon pour Noël?

Une aventure dont vous êtes le héros. est-il dite dans la pub. A l'hélium, encore mieux. Un Zeppelin? Why not? Il y a même des canulars sur le sujet. Il y a eu l'homme qui avait inventé les avions à taille fine.

Pas de chemtray, moins de perte de temps dans les aéroports et quel plaisir de prendre le temps pour voir défiler le paysage. Il faudra seulement allonger la durée des vacances pour avoir une chance de voir les choses autrement que vu du ciel.

Je l'ai toujours dit, il faudrait travailler moins pour gagner du temps libre... Je rigole.

Pour 2010, pour l'aviation, on attend une reprise avec un espoir à la méthode Coué. On ne se fait pas trop d'illusions, tout de même.

En 2005, date de la sortie de mon article sur le bide de la futurologie, il était question aussi de cinq catastrophes en série survenue uniquement pendant le mois d'août. On dénombrait, alors, 23 crashes au total sur l'année.

20030502Sabena restes.jpgJe reprends une partie du texte de l'époque "Tant que les prix bas resteront la préoccupation des voyageurs qui arrive avant la sécurité, il ne faudra pas s'attendre à une augmentation de cette dernière" ne manque pas d'avouer certains responsables de l'aéronautique. Vu de l'intérieur, les voix de certains pilotes s'élèvent aussi pour dénoncer la trop grande sollicitation qui leur est faite par certaines compagnies pour répondre à la demande grandissante des voyageurs. Si cette remarque s'avérait exacte, une révision de la stratégie s'imposerait à mon avis. De toute manière, le poids des assurances, en parfait garde-fous, n'aura pas que de vains arguments."

Alors, 5 ans après, où en est-on aujourd'hui? Pas beaucoup plus loin.

Il faut dire que les compagnies à low-cost imposent leur diktat par les prix et les emplois pour la région. Un chantage qui n'augure aucune amélioration dans la sécurité et dans des domaines où les potentiels de crises réduisent les chances de trouver l'avion miracle qui irait vite, en sécurité et en consommant moins ou autre chose que du carburant fossile. On pare au plus pressé. La clientèle n'aura qu'à s'en contenter. Elle ne paye pas beaucoup, donc... fermez là. Moins cher, c'est illégal. Une liste noire des compagnies à problèmes n'arrange pas vraiment et ne diminue pas le nombre des victimes.

20091221Noel et neige.jpgPendant les fêtes de fin d'années, une grève du personnel naviguant avait été programmée chez British Airways. Le but, était de clouer les avions au sol à Heathrow. Une action de 12 jours suite à la volonté de la direction de réduire le personnel et d'augmenter le nombre d'heures de prestation en vol. Épargner plus de 400 millions de livres, voilà la mesure à la base. Toujours le même scénario. On se souvient d'une autre grève. Un juge a cassé le projet. Du coup, "le ciel britannique a échappé de justesse au chaos", lit-on dans la presse. Le Père Noël n'aurait pas été au rendez-vous. Les voyages weekend pour acheter les cadeaux tellement moins chers, ailleurs, loupés. Le cauchemar.

Cette année, rebondissement climatique. La neige a calmé le jeu. Plus rien ne bouge. A l'extérieur. A l'intérieur, c'est plutôt l'inverse. On ne prend pas de risques supplémentaires, c'est juré.

Dans le monde, cette fois, au total, on compte 25 crashes dans l'année 2009.  (26 depuis aujourd'hui)Decennis horribilis_30.jpg

Pas de quoi pavoiser, donc. L'AF-447, Rio-Paris d'Air France, le 1er juin, reste le plus traumatisant pour le personnel de cabine et pour les passagers. Il restera teinté de mystères puisque qu'aucune boîte noire n'a été retrouvée. Ce crash de vol des "riches" va être suivi par un autre de "pauvres", un mois après, avec un vieil avion de Yemenia qui venait de Paris. Dans ce dernier cas, pour des raisons d'économies, traités comme des bestiaux, les passagers n'avaient que ce seul moyen de transport pour rentrer aux Comores. Au combat aérien plutôt que naval, cyniquement, on dirait deux avions coulés!

Decennis horribilis_50.jpgDeux drames. Mais c'est le premier cas, qui est le plus troublant et qui laisse sur sa faim des preuves et de la raison.

Le personnel navigant a son site pour s'exprimer sur ce sujet et bien d'autres. On y lit en août, en supprimant la partie trop technique:

"... le NTSB a donc bien "découvert" au moins 12 incidents liés aux sondes Pitot sur A330, notamment à North West Airlines (NWA) dont les A330 présentent la particularité d'être équipés de sondes Thales. Après l'accident de l'AF447, NWA aurait commencé une campagne de remplacement des sondes "AA" en "BA", comme Air France l'a entrepris après le crash du 1er juin 2009 et surtout comme l'avait fait - bien avant - Air Caraïbes, c'est-à-dire tout de suite après avoir connu deux incidents à l'été 2008.... Decennis horribilis_60.jpgC'est en regardant surtout l'accident du vol AF 447 que le NTSB aura tiré la sonnette d'alarme auprès de la FAA ... Les opérateurs - ayant bien compris les enjeux - ont déjà commencé les remplacements de sondes, de sorte que tout sera déjà terminé quand les textes officiels sortiront, et c'est très bien comme cela pour la sécurité des passagers et des équipages. Les gesticulations devant la presse généraliste, les contorsions, les grands écarts, les black-out et les gros orages reviendront ainsi légitimement au BEA.".

Le hasard permettra peut-être un jour de récupérer les boîtes, mais seront-elles encore utilisables?

Un NouvelObs de juillet titrait un article, "La confiance envolée". Sous-titre "l'hypertechnologie et la maintenance sont sur la sellette".

Le risque nul n'existe nulle part. Il fallait s'en rappeler avant d'aller plus loin. L'informatique et les technologies ne seront que des outils que la raison devra balancer quelque part. Quand des informations incohérentes soient déversées pour une même situation, ce sera méfiance, mais pas de panique. Les raisons d'un crash sont toujours multiples. L'A320 était le premier avion à pilotage entièrement géré par ordinateur, sans secours mécanique. Était-ce un goal trop loin?

20100107De Gucht et Congo.jpgIl parait que l'on peut pirater un Boeing 787.

Les statistiques sont bien bonnes. Si, le voyage en avion n'a qu'un faible pourcentage de risques et de pertes humaines, pour celui qui se trouve dans la carlingue, on ne parle plus de statistiques. Alors, lire 18.000 avions dans le ciel en même temps, 50 millions d'heures de vol par an, 2 accidents par million de vol, cela peut rassurer ou faire peur.

Ne pas prendre ce risque et rester sur le plancher des vaches, est-ce la solution?20080626Vacances.jpg

Il est clair que ce n'est pas aux hommes d'affaires qu'il faudrait demander une réponse. Ils ne le pourraient pas. Elle leur est imposée par contrat.

Le climat de cette fin d'année, le pouvoir d'achat auront, peut-être réduit, de fait, les envies de voyage et laisser au sol, ceux qui voyaient plus loin.

Il y a pourtant quelque chose à regretter, c'est qu'au moment où les contacts entre les hommes deviennent de plus en plus nécessaires, que la nature nous pousse à rester cloués au sol derrière nos frontières.

Attachez vos ceintures, la zone de turbulence n'est pas prête de se réduire. Autant assumer avant de quitter le niveau des pâquerettes. Les statistiques démontrent que 5% seulement des accidents ont lieu en phase de croisière, moins qu'au sol dans la périodes de roulage. Non, peut-être, dirait-on chez nous.

C'est évident, c'est tout aussi dangereux de seulement vivre quand on doit se déplacer, aujourd'hui.

Cela n'en reste pas moins qu'il faudra un jour pousser le champignon de la recherche vers des jours meilleurs de l'aviation et cela en dehors du secteur militaire qui arrive à faire oublier les bévues dans les "défilés de mode de l'aviation", les nombreux meetings aériens.

Dans l'aviation civile, pour le voyageur, tout va bien, jusqu'à nouvel ordre, malgré les efforts de réduction des effectifs, il y a toujours un pilote dans l'avion et les parachutes, c'est pas prévu pour aucun membre du vol. Tout n'est pas encore automatique.

Au cours de la décennie, la sécurité est devenu une obsession. Tout est une question de point de vue.

IMG.jpgLe low-cost est à la mode. Il existe à toutes les sauces.

La question serait : "Pourquoi tout n'est plus pour rien et cela, même, ou surtout, au ciel?".

"Le modèle Ryanair écrase et fait école dans les étoiles". Première compagnie européenne en terme de nombre de passagers. La pub ne fait pas dans la dentelle. 0.jpgElle suscite, naturellement, jalousie. Celle d'Air France, par exemple, et qui dénonce des aides d'Etats.  66 millions de passagers en 2009. 73 millions planifiés en 2011. La compagnie tire 20% de ses revenus des recettes auxiliaires hors ticket : frais de bagages, assurances...  Des économies dans tous les secteurs pour compléter avec un "business model" basé sur la croissance et l'apport de volume. Des accords tacites avec Boeing et avec les aéroports pour obtenir des discounts sur des redevances. Pilotes très peu syndiqués, ce qui permet d'être gagnant pour les rémunérations. Délais d'attente au sol dans les slots limités au maximum... 

Il faudra seulement se demander jusqu'où aller trop loin.

"Horribilis", c'est le mot, Monsieur Bisignani.

Au fait, pour qui?

 

L'enfoiré,

 

PS: Joyeux Noël à tous. Sur le plancher des vaches à proximité de l'étable ou avec la vue d'en haut sur celles-ci.1.jpg

Mise à jour du 18 février 2010: La sécurité aérienne en hausse malgré de graves accidents. 28 accidents et 749 victimes pour 2009. Le "sens du vol" est à réapprendre pour le nouvelle génération de pilotes. L'informatique seule à fait perdre des réflexes.

 

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Citations:

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