Un Musée, un fleuve, un pays : Congo (27/06/2010)
Deux anniversaires: le Musée de Tervuren a 100 ans. Le Congo, après un intermède sous le nom de Zaïre fête son cinquantenaire d'indépendance. Le musée de Tervuren s'est mis à la fête avec une exposition sur le fleuve Congo. Ce fleuve n'a jamais changé de nom avec ses bruits de fleuve éternel...
Pourquoi mêler Tervuren à l'indépendance du Congo?
Beaucoup de raisons pour cela.
Wikipedia nous dit : "Tervuren (anciennement Tervueren) est une commune néerlandophone de Belgique située en Région flamande dans la province du Brabant flamand. C'est la seule commune périphérique de la Région de Bruxelles-Capitale à être située dans l'arrondissement de Louvain.
À Tervuren se trouve le Musée royal de l’Afrique centrale, musée d'Art Africain, musée du Congo, comme on a l'habitude de l'appeler, au milieu d'un parc magnifique, aménagé dans l'ancien domaine de chasse des ducs de Brabant à proximité de la forêt de Soignes et de l'Arboretum (photos). Ses étangs forment la source du ruisseau (le Voer) auquel la commune doit son nom.
Le Roi Léopold II, pour la section coloniale de l'exposition universelle de 1897, a fait construire le palais des colonies. Trop exigu pour les projets du roi un nouveau bâtiment, plus grand fut bâti, le Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) hébergeant des collections exceptionnelles, considérées comme les plus riches au monde pour ce qui concerne l'Afrique Centrale. Les archives de l'explorateur Stanley y sont conservées."
Ce musée a fêté son siècle d'existence le 30 avril dernier.
A cette occasion, une exposition temporaire sur le fleuve Congo réservait une partie du musée à "Bruits du fleuve Congo".
Au coeur de l'Afrique centrale, sur le plateau du Katanga, à 1500 mètres d'altitude prend naissance le fleuve Congo de 4.670 kms de long avec le deuxième débit au monde avec ses 39.536 m3 à la seconde. Son lit s'est creusé en plusieurs centaines de millions d'années sur un bassin de près de 4 millions de kilomètres carrés. Son cours correspond à 5 fois celui de la Meuse. Large de 30 kilomètres. Des traces d'une présence humaine, datant du 8ème siècle, ont été décelées.
Une expédition est partie avec 70 chercheurs depuis le 24 avril sur 1750 kilomètres du fleuve entre Kisangani et Kinshasa. Photos du musée et de ses alentours.
Le carnet de bord de leur expédition se prolongeait jusqu'au 12 juin.
La Mission scientifique s'est intéressé aux poissons, aux langues parlées, à l'archéologie, à la biodiversités, à l'écologie.
Le Musée se lance, depuis récemment, dans une rénovation approfondie qui prendra trois années pour se doter d'équipements publics modernes. Onze bureaux d'études ont été mis en compétition pour en sélectionner le meilleur. Le musée a vieilli. La présentation de ses collections permanente mérite d'être rajeunie.
L'exposition "Bruits du fleuve" se compose de 9 étapes et passe du crocodile au bonobo.
Des hameçons, des masques qui perpétuent la tradition, de petits bronzes, des tombes du 8ème siècle avec des poteries dans la cuvette marécageuse de l'Upemba sont des indices pour les archéologues.
Une pirogue de 22 mètres, pesant 3,5 tonnes, taillée dans un seul tronc d'arbre "sipo", est devenue l'emblème du musée depuis 1957. Cette pirogue, normalement, pouvait accueillir 100 rameurs.
Les rapides d'Inga terminent le voyage du fleuve qui se jette dans l'océan dans un dernier saut de l'ange de 100 mètres. Un barrage y a été implanté. Des projets existent pour l'étendre et, ainsi, alimenter en électricité toute l'Afrique centrale.
Ces rapides ont emporté l'expédition "Africa-Raft" de Philippe de Dieuleveult en 1985. Les conditions de sa disparition restent encore peu claires - noyade, accident, assassinat même si des éléments tardifs ont relancé cette dernière. Un premier mythe ou un mystère sur la mort?
Ce 30 juin, c'est l'anniversaire de l'indépendance du Congo.
50 ans après, les souvenirs reviennent chez les anciens. Pour les jeunes Congolais, le Congo belge s'est effacé, camouflé derrière des habitations défraîchies de l'époque. Le 4 janvier 1959, à Léopoldville, les premières émeutes avaient précipité la décision de décoloniser le Congo. Les personnages congolais les plus charismatiques furent Kasavubu et Patrice Lumumba. Le 30 juin s'est fêté dans l'allégresse, dans l'euphorie pour la fin de la domination coloniale et de l'autorité blanche. Baudouin, Bwana Kitoko fait un discours enflammé sur les deux pays. Une fierté s'est aussi traduite par une inquiétude pour les 100.000 fonctionnaires belges et un excès de confiance dans l'avenir pour les Congolais. Les élites supérieures noires n'avaient pas été formées et manquaient. Un "certain" apartheid, un racisme larvé séparaient les deux communautés.
Une ville coloniale comme Léopoldville est conçue en deux blocs : les quartiers européens et la cité noire. Entre les deux une zone verte, qu'on appelle le no man's land.
Dans la ville blanche, les restaurants, les débits de boisson, les cinémas les magasins sont réservés aux Blancs et à quelques Congolais privilégiés, les immatriculés… Les Congolais sont aux servises par un guichet spécial… Deux ans avant, lors de l'Expo 58, la Belgique voulait valoriser au mieux sa colonie et en montrer toutes les richesses sur une surface importante. Des cases traditionnelles de la section congolaise, occupées pas des "indigènes" en boubou furent assez vite fermées. Des visiteurs leur jetaient des ... bananes.
Les bons côtés, le système scolaire, les soins de santé étaient gratuits. Le paternalisme, l'esprit missionnaire existaient et effaçaient le besoin de la création d'un leadership noir. Après l'indépendance, ce fut l'effondrement de l'économie. Depuis, apparemment, une certaine nostalgie de cette époque subsiste de part et d'autre. Un sentiment d'un raté de l'histoire. "L'habituel défaut de l'homme est de ne pas prévoir l'orage par beau temps", disait Nicolas Machiavel.
Remontons encore le temps. L'histoire du rapprochement entre le Congo et la Belgique remonte à 1871 en pleine période coloniale.
Dans le centre de l'Afrique, Henry Morton Stanley, engagé par le roi des Belges, Léopold II, entre en concurrence avec Pierre Savorgnan de Brazza pour la France.
H.M. Stanley, tour à tour, voyageur, colonisateur, émissaire, part à la recherche de David Livingston, parti, lui, à la recherche des sources du Nil. En 1871, il le trouve à Ujiji. Il reste, pour beaucoup, celui qui lui pose la question « Docteur Livingstone, je présume ? » (Doctor Livingstone, I presume ?), lequel répond « Vous m'avez apporté une nouvelle vie ». Un mythe était né.
La doctrine des « 3 C » avait pris forme : Christianisation, Commerce et Civilisation.
Léopold II, monarque a eu sa propre "colonie privée", l'État indépendant du Congo, sur lequel il exerça sa souveraineté de 1884 jusqu'à sa mort en 1908. Parallèlement à sa politique coloniale, il avait mit en œuvre l'exploitation intensive et la récolte du caoutchouc qui provient de l'hévéa, produit très demandé à l'époque, et promut la construction de voies de chemin de fer. À la suite d'une campagne internationale menée par les Britanniques, notamment Edmund Dene Morel, dénonçant le traitement brutal des populations locales par les coloniaux, ajoutée au rapport Casement, la position du roi devint intenable. À la fin de sa vie en 1908, il légua le Congo, renommé en Congo Belge, et ses propriétés immobilières à la Belgique via la Donation royale. (Rappel détaillé de l'histoire).
Une autre histoire du Congo commençait avec l'occupation belge, la colonisation. Déjà, quatre ans avant l'indépendance, des intellectuels congolais avait établit un manifeste qui voulait créer un pays africain noir, plutôt qu'une réplique de l'Europe en noir. En 1958, lors de l'Exposition Universelle 58, la venue des Congolais à Bruxelles apprenaient qu'il y avait une vie en dehors de la foret, que des blancs pouvaient également être des serveurs.
Le choc des civilisations amena à l'indépendance le 30 juin 1960. La chanson d'alors faisait envie.
Le Congo Brazzaville, lui, accédera son indépendance, le 15 août 1960, un mois et demi après celle du Congo belge.
L'histoire ne s'est pas arrêtée là.
Sous la présidence de Mobutu, en 1971, le pays changea de nom en Zaïre, d'après le mot local pour "rivière".
Certaines villes perdirent en même temps, leurs racines avec une dénomination trop belges.
Depuis 1997, le Congo a repris son nom de République Démocratique du Congo avec Laurent Desire Kabila comme président.
Depuis son assassinat en 2001, c'est son fils, Joseph Kabila qui préside le pays. Fin 2006, c'est après des élections démocratiques. Tout est encore à refaire.
La visite d'Albert II ne suscitait pas l'enthousiasme. Certains Congolais jettent un regard désabusé sur ces dernières années. Cinquante ans, c'est très loin quand l'âge moyen de la population est assez jeune. Mais, on désire garder les bonnes relations après quelques nuages de conceptions.
Cet anniversaire du cinquantenaire de l'indépendance du Congo a pourtant été commémoré par la présence de trente chefs d'Etat à Kinshasa avec discours et défilé militaire au programme. « L'aube de sa renaissance », disait le Président Joseph Kabila en parlant de l'anniversaire du pays.
Mais, l'histoire du Congo ne s'arrête jamais, elle diffère en cela avec son fleuve, qui lui coule toujours de source.
Photos du Musée à l'intérieur et à l'extérieur (clic)
L'enfoiré,
Sur Agoravox, une discussion ?
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"Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête.", André Gide
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"Dieu a dit, il y aura des hommes blancs, des hommes noirs, il y aura des hommes grands, des hommes petits. Il y aura des hommes beaux, des hommes moches et tous seront égaux, mais ça sera pas facile.", Coluche
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"Les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer.", François de La Rochefoucauld
19/3/2015: Une affaire Duferco qui prend des extensions belgo-congolaises avec humour
12/2/2022: L'empire du silence" présenté aux Magritte du cinéma
Commentaires
A lire: "Congo, une histoire" de David Van Reybrouck
http://www.rtbf.be/culture/litterature/detail_congo-une-histoire-une-somme-impressionnante-de-david-van-reybrouck?id=7869472
Écrit par : L'enfoiré | 07/11/2012
Une affaire Duferco qui prend des extensions belgo-congolaises avec humour
http://www.rtbf.be/info/emissions/article_le-cafe-serre-de-laurence-bibot?id=8935067&eid=5017893
Écrit par : L'enfoiré | 19/03/2015
La Ville de Bruxelles annule une cérémonie à la mémoire de Léopold II
Le propos était « strictement patrimonial », mais certains y ont vu « une insulte aux millions de victimes de la colonisation entreprise par Léopold II ».
La Ville de Bruxelles vient d’annuler la cérémonie qu’elle comptait organiser ce jeudi 17 décembre pour commémorer les 150 ans de l’accession au trône du roi Léopold II : une initiative de son échevin de l’Urbanisme et du Patrimoine, Geoffroy Coomans de Brachène (MR) qui avait suscité la réprobation de ceux qui regardaient cette cérémonie comme « une insulte aux millions de victimes de la colonisation entreprise par Léopold II et à leurs descendants ».
« Une polémique malheureuse »
L’initiative serait largement passée inaperçue si elle n’avait fait l’objet, sur le site de la RTBF, d’un article qui mit d’emblée le feu aux poudres. Des voix – comme celle du député régional bruxellois Bruno De Lille (Groen) qui se demandait sur Twitter s’il n’eût pas été mieux de « rendre hommage aux victimes » de Léopold II – s’élevèrent toute la journée pour condamner cette cérémonie et la controverse eut tôt fait d’enfler sur les réseaux sociaux.
« Une polémique malheureuse, regrettait Geoffroy Coomans de Brachène.Et d’autant plus hors de propos qu’il ne s’agissait que de saluer l’empreinte exceptionnelle de Léopold II sur l’urbanisme, l’architecture et l’aménagement du territoire à Bruxelles : c’est cette partie-là de son œuvre, et celle-là seulement, que nous voulions mettre en lumière. »
Dans un souci d’apaisement, la ville a finalement résolu, ce mercredi en fin d’après-midi, d’annuler la cérémonie prévue ce jeudi 17 décembre, à 18 heures, au pied de la statue du souverain, place du Trône – un rendez-vous que les associations Nouvelle Voie Anticoloniale et Intal Congo avaient d’ores et déjà prévu de perturber en manifestant, au même moment et au même endroit, contre le roi qui a « forgé son royaume sur la souffrance et la mort de nos frères ». « Un hommage à Léopold II à Bruxelles, expliquaient-elles, c’est un crachat sur le peuple congolais et sa diaspora. C’est une insulte à tous les peuples colonisés ». La conférence que l’historien Eric de Marbaix consacrera à « La marque royale sur Bruxelles » est quant à elle maintenue.
« C’est comme si vous rendiez hommage à Hitler »
Ce mardi soir, l’échevin Coomans de Brachène ne cachait pas sa déception, rappelant au passage que la Ville de Bruxelles avait commémoré, en 2009, le centième anniversaire de la mort de Léopold II sans que nul n’y trouve à redire. « L’intention de cette soirée était purement patrimoniale », insistait-il.
Une justification qui a suscité ce nouveau commentaire de Bruno De Lille : « Dans quel monde cet homme vit-il donc ?, s’est-il demandé sur sa page Facebook. C’est exactement comme si vous rendiez hommage à Hitler au prétexte que vous appréciez l’efficacité des autoroutes allemandes ».
http://www.lesoir.be/1070691/article/actualite/belgique/2015-12-15/ville-bruxelles-annule-une-ceremonie-memoire-leopold-ii
Écrit par : L'enfoiré | 15/12/2015
Regard implacable, moustache bien taillée, casque colonial, tunique blanche, bottes de cuir et fusil en bandoulière : Henry Morton Stanley est l'archétype de l'aventurier du 19ème siècle. Sur les quelques photos que l'on peut trouver de lui, l'homme a fière allure. Ses yeux, en particulier, retiennent l'attention. On y devine la fréquentation du danger et les nombreux affrontements avec la mort. L'Afrique sera la grande passion de sa vie. Après avoir retrouvé l'explorateur britannique David Livingstone en 1871 sur les bords du lac Tanganyika, Stanley se décide 3 ans plus tard à mener une expédition insensée au cœur du continent africain, dans des zones immenses, totalement inconnues et inexplorées, là où les cartes restent vierges de toute inscription. A la tête d'une expédition de 230 hommes, il traverse l'Afrique équatoriale d'Est en Ouest de 1874 à 1877. Parti pour trouver les sources du Nil et tracer les contours de l'immense Lac Victoria, Stanley croise sur sa route un cours d'eau majestueux, aux flots tantôt paisibles tantôt violents et tourmentés. Est- le Nil ? Le Niger ? Ou serait-ce finalement le Congo ? L'explorateur veut percer le mystère. Il prend alors la décision de suivre le fleuve jusqu'à son embouchure, quoi qu'il en coûte. Longue de 11.000 km, l'épopée de Stanley et de ses hommes est parsemée d'obstacles et de dangers : les pluies tropicales, la chaleur étouffante, les fièvres, les maladies, les animaux sauvages, les hommes-panthères et les tribus cannibales... De tout cela il n'existe aucune archive sonore ni séquences filmées. En revanche, Stanley a raconté son périple, avec force détails, dans un ouvrage publié en 1879 intitulé `A travers le continent mystérieux'. En 1990, ce récit passionnant est adapté sous la forme d'un feuilleton radiophonique par une équipe de la RTBF Liège. 24 épisodes de 12 minutes suivent le fil cette aventure hors du commun. La remarquable réalisation, signée André Romus, plonge l'auditeur au cœur de l'Afrique obscure et sauvage. Le comédien Jacques Delcuvellerie fait mieux que prêter sa voix à Stanley. Il lui donne une nouvelle vie, un nouveau souffle.
https://auvio.rtbf.be/media/le-fantome-de-la-radio-henry-morton-stanley-au-coeur-du-continent-mysterieux-12-2994660
Écrit par : Allusion | 20/02/2023