Les champions de la grève (11/09/2010)

0.jpgEurofund (European Fundation for the Improvement of Living and Working) établissait récemment des statistiques sur la grève dans les pays européens.

La grève est le seul moyen reconnu pour faire respecter les conventions cadres entre travailleurs et direction d'une entreprise quand  les négociations n'aboutissent pas.

Trouver un autre moyen, je m'y étais penché dans "Grève autrement", qui voyait une solution au problème de se faire entendre dans le domaine des transports. Cette solution ne s'adaptait pas ailleurs, malgré tout.

En Belgique, cette année encore, le distributeur français, Carrefour était passé à la une dans ce domaine. La grève belge y avait couté 130  millions d'euros à la société. Mais les journaux français n'en avaient pas fait les gros titres. Les effets annexes chez les fournisseurs, souvent oubliés, ont  aussi été tout aussi importants.

Aveu d'échec des négociations, d'acceptation de compromis, la grève reste la seule alternative possible, quitte à déplaire la plupart des clients consommateurs qui restent des victimes de conflits qu'ils n'ont pas voulus.

Tous perdants quelque part, pour un temps plus ou moins variable.0.jpg

Depuis, on apprenait que grâce aux marchés émergents, La Société Carrefour dégageait, malgré tout, un bénéfice global de 82 millions d'euros après une année antérieur. La question reste, donc, posée: la grève est-elle efficace dans de telles conditions?

Mardi, 7 septembre dernier, la grève dans les transports paralysait, à nouveau, la France. Les retraites postposées ne plaisaient à personne. Journée cruciale pour la France, disait-on.

Ce fut une réussite avec 2 millions de grèvistes! Oui, mais...

Un bras de fer qui en l'état ne pouvait résulter en autre chose que de l'amertume car cette fois, ce n'était plus une entreprise commerciale mais le gouvernement comme adversaire. Même s'il y avait eu le double ou le triple de participants, y aurait-il eu des suites énergiques, drastiques?

0.jpgDans le même temps, en effet, la presse affirmait que Sarlozy restait ferme sur les retraites à 62 ans avec quelques petites compensations pour la pénibilité qui reste à définir. Un préavis de grève était lancé par les syndicats pour le 15 et/ou le 23 septembre. Le Canard Enchainé chantait avec humour "Non, rien de rien, non, je ne retraite rien".

Coup de pied dans la lune? Traduction, je n'en ai rien à cirer, vous vous pénalisez vous-mêmes. J'aurai plus tard, plus facile à m'expliquer sur la déroute de ma politique si elle survenait. La faute est vite trouvée.

Le lendemain matin, Martine Aubry était invitée au "Quatre vérités" de France2. La question posée par deux fois par le journaliste était "croyez vous que le président Sarkozy va tenir compte de ces deux millions de personnes en grève?".0.jpg

Sa réponse fut, par deux fois, la même, nous sommes en démocratie et le président va devoir tenir compte des désidérats de la population.

Une information tombait comme un cheveu dans la soupe des actualités : "Tapie va empocher 210 millions du Trésor public". Aurait-il été trop longtemps en grève pour en arriver là?

Dans les deux cas, précités, ce n'est plus vraiment "plus d'argent" qui est important. C'est devenu, "plus de respect". Plus de respect pour conclure une carrière bien remplie et qui se termine en queue de poisson ou qui devrait se prolonger jusqu'à plus soif vers des horizons tout à fait incertains. Un petit complément financier serait bien nécessaire, pourtant, quand on entend les prix à la consommation, les prix au mètre carré (plus de 5000 euros) pour se loger. Cela prend  des allures de  sommets inaccessibles.

En France, d'après la Constitution, le Président est nommé pour un mandat complet qu'il soit en accord avec la population ou non. Le Président peut révoquer son gouvernement, mais lui ne peut être destitué comme cela l'a été pour Richard Nixon aux États-Unis après l'affaire du Watergate. Pour le pays des "Droits de l'Homme", cela la fout mal.

En Belgique, sous régime parlementaire, plusieurs gouvernements ne sont pas arrivés à terme pour des raisons moins importantes que la non-volonté de continuer ensemble. Oui, la situation  politique actuelle peut faire peur, mais les Belges en ont connu tellement de situations du même type... Le Roi , lui, marche avec la musique, il ne fait pas la musique.

Reprenons quelques définitions de ce fameux mot "grève":

Grever (du latin: gravare=charger) : Soumettre à de lourdes charges. Exemple: Grever l'impôt.

Grève: Jambière d'armure

Grève: (subst. fém.) Terrain plat et uni, généralement constitué de sable et de graviers, sis au bord d'un cours d'eau ou de la mer.

Grève (emprunté à un mot prélatin): Interruption concertée et collective du travail. Elle tire son nom de la place de Grève à Paris. Cette place, située en bord de Seine devant l'hôtel de ville, était un des postes d'accostage des bateaux. Les hommes sans emploi y trouvaient une embauche facile pour les chargements et les déchargements.             

Viennent s'ajouter les expressions "grève de la faim", "grève sauvage", "grève surprise", "grève sur le tas", "grève tournante", "grève du zèle", "grève perlée"...

0.jpgIl y a donc, quelques variantes que Raymond Devos, s'il était encore de ce monde, aurait pu utiliser à bon escient dans des sketchs dont il avait le secret.

Un travail d'enquête, d'évaluation de ce que la grève coûte en manque à gagner s'impose quand tout un pays est touché.

Le jeu d'à qui perd gagne, n'est plus un jeu viable à long terme.

Les surprises sont-elles nombreuses? Sont-elles en ligne avec le degré d'avancement de la culture d'un pays pris au hasard?

Sur une période de cinq ans, allant de 2005 à 2009, une enquête a été lancée.

Le Danemark, bizarrement, arrivait en tête avec 159,4 jours de perte de travail pour cause de grève par 1000 employés normalement actifs.

Le Danemark partageait le "podium du trio de tête" avec la France qui comptait 132 jours, suivie par la Belgique, avec 78 jours.

La moyenne européenne s'établissait bien en dessous avec 43,6 jours, seulement.

Pour la Belgique, petit pays, s'il en est, la grève représente déjà 1,2 millions de jours.0.jpg

Statistiques représentatives ou non? Utilisables? Et, si oui, dans quel sens?

La manière de comptabiliser ces jours est dépendante des différents pays. Deux heures à croiser les bras, est-ce l'équivalent d'un jour à compter dans les statistiques? Il y a débrayer et débrayer.

Les manipulations sont également aisées et permettent souvent de conclure tout ce qu'on désire en fonction de ce qu'on veut pousser en avant ou non.

Des événements ponctuels peuvent également biaiser ce genre de rapport.

0.jpgEn 2008, ce sont les manifestations de grèves dans le non-marchand qui avait décuplé les jours de grève au Danemark. Faire exclusion de cette année-là, c'était faire tomber les chiffres du Danemark à 23,7 jours.

Mais, en jours de perdus globaux, cela fait quoi?

En Belgique, en 2005, seul, le conflit précédent le Pacte des Générations avait élevé les statistiques à la moité des résultats pour cette période 2005-2009 (669.982 jours alors que les résultats se seraient élevés seulement à 148.000 jours pour les autres années).

Si l'on régionalise les résultats comme le fait la politique actuellement, on s'aperçoit qu'à cause du nombres élevés des sièges sociaux, la région de Bruxelles-Capitale comptaient 51.000 jours de grève. La Wallonie, très socialiste, en comptait 50.000 tandis que la Flandre, 40.000.

Avec la seule fermeture de quelques magasins de Carrefour en 2010, cela pourrait également apporter une pointe qui fausserait les moyennes et les conclusions qui s'en suivraient.

La suite des statistiques, reprise dans l'analyse, pointaient dans l'ordre, la Finlande, l'Espagne, la Norvège... pour arriver en queue de peloton avec la Lettonie, l'Estonie et l'Autriche qui avoisinaient le plancher de zéro jour.0.jpg

Ce qui serait plus intéressant et peut-être plus troublant, ce serait d'associer ces résultats statistiques avec la situation économique des pays concernés.

On apprend dans le même journal, que la Roumanie est le seul pays de la zone Europe qui, après avoir vu chuter son PIB de 7,1%, se voyait cette année encore en récession alors qu'en 2008, les  analystes  prévoyaient une remontée évidente, à leurs yeux.

La Roumanie aurait, donc, le moins digéré la crise. Son nombre de jours de grève est, lui, resté  bizarrement, à 6 jours.

La crise a été plus profonde à tel point que si Nicolae Ceaucescu existait encore et se présentait aux élections, 42% de la population voterait à nouveau pour lui.

La démocratie en prend pour son grade.

0.jpgLes travailleurs roumains seraient-ils désabusés ou en mal de grèves? Avec les renvois des Roms pour la France, celle-ci y renverrait de nouvelles "recrues". Respecte-t-elle, d'ailleurs, scrupuleusement les lois?

Si les marchés s'en foutent et les États n'en ont rien à cirer, et que la solidarité entre les peuples n'existe pas, il y a vraiment des doutes sur une issue favorable aux grèves.

L'argent n'a toujours pas d'odeur. Pas un seul syndicat suffisamment puissant, légèrement surdimensionné, ce qui  veut dire que faire la grève restera une planche savonneuse sur laquelle on glissera en fonction de sa déclivité.

"Jour de grève, jour de fête", lisais-je avec un sourire, en imaginant les convulsions qui paraissaient bien curieuses aux partenaires de l'euro groupe, tel qu'il était question dans le chapeau de l'article. Celui-ci mettait en parallèle, d'autres pays, moins exigeants, tel que l'Allemagne et à fortiori, la Chine. Opinion contestée, comme il se devait par les intéressés français, dans les commentaires. Chose qu'on comprend aisément. Mais ceux-ci se donnent-ils les moyens de leur politique de "réactions épidermiques" en ne jouant qu'avec un seul atout, celui de la grève?

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Personnellement, je ne me suis jamais trouvé derrière les barricades.  On s'y  retrouve devant d'autres "mercenaires" qui n'en ont rien à cirer. Je préférais réagir sur le champ réel de bataille. Taire le silence dans une sorte de guérilla. Réagir au coup par coup et parfois en dehors des "pas feutrés de la compagnie". La solidarité, cela n'existe pas vraiment. Faut savoir. Les intérêts peuvent être bien cachés.

Mais, revenons à nos moutons. Manifestement, l'amour fou des débuts, par les Français, envers leur Président, n'est plus vraiment de mise. La fin de la retraite à 60 ans est signée. Serait-ce une autre forme de retraite de Russie?

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Bernard Werber écrivait dans 'L'ultime secret", "le devoir est le fait que des gens acceptent d'aller à la guerre, supportent les sacrifices, sont éduqués comme des agneaux dans le troupeau, s'estiment ne plus pouvoir quitter le troupeau et agissent pour plaire aux autres moutons du troupeau à la recherche de médailles, d'augmentations de salaires ou d'articles dans les journaux pour suivre, en finale, la consommation de leurs besoins de confort".

0.jpgNe faut-il pas remonter à la source des problèmes et se demander si la
Constitution, elle-même, n'est pas à revoir pour répondre à ce souci de démocratie, avec une devise "Liberté, d’Égalité et de Fraternité"? Le régime présidentiel dont  le représentant est sans limites d'autorité et de pouvoirs fait plus penser à un autre, moins démocratique. Les révisions inter-mandats ne concourent jamais à résoudre les problèmes quand elles restent sans effets. Dans une première phase, il était question de donner à l'équipe gouvernementale des points de bonus-malus en fonction de leurs réalisations. Tout le monde semble l'avoir oublié. Mais, même cette formule de rattrapage n'incluait pas le Président intouchable. Pour corriger, pas de révolution, une révision de la Constitution suffirait.

Un septennat, même réduit à un quinquennat, reste long, très long...




 

L'enfoiré,

 

Sur Agoravox, des grèvistes, oui, mais de quoi?

 

Citations:  

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Mise à jour du 23/9/2010: ca y est, c'est reparti. La grève bat son plein. 2,9 millions de manifestants. On m'a signaler ceci, ce qui conforme ce que je croyais.

Mise à jour du 14/10/2010: les jeunes s'y mettent.

Mise à jour du 30 janvier 2012: Grève générale contre l'austérité

Mise à jour du 13 mai 2013: Grève des bagagistes à Zaventem. Les voyageurs pris en otage.

 

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Mise à jour 24 novembre 2014: Grèves tournantes chaque lundi pendant un mois. 

9 décembre 2014: Hier 3ème et dernière grève tournante avant lundi prochain 'grève nationale".

0.jpg24 mai 2016: Grève nationale

 

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1.jpgCela avait généré une réflexion sérieusepodcastet deux autres plus comiques encore
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1 décembre 2017: Grève des TEC et Rougione qui parle Les bus TEC et un plan cul, l'analogie du jour
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4 avril 2018: Grève perlée des trains en France, revu avec la grammaire de Bruno Coppenspodcast

 

 

 

  

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