Les jouets de la guerre (05/08/2011)

1.jpgL'été n'était pas au rendez-vous ce mois de juillet. Les Musées ont augmenté leur nombre d'entrées. Le Parc du Cinquantenaire de Bruxelles rassemble trois musées tournés vers l'histoire en général ou en plus particulier. Les Musées Royaux d'Art et d'Histoires, le Musée de l'automobile Autoworld et le Musée Royal de l'Armée. Ce dernier a des petites extensions temporaires qui préparent le centenaire de la guerre 14-18, sous le nom global de "Reflet(s) de la Grande Guerre". Cette fois, dans une nouvelle exposition, ce sont les enfants qui jouent à la guerre et apportent les réflexions avec le titre "War & Game(s)".

 

En 2009, j'avais déjà parlé du Musée de l'armée et de l'exposition intitulée "Chienne de guerre" qui racontait l'importance des animaux pendant la guerre 14-18.

Virginie Cornet, née en 1973, n'a pas connu la dernière guerre et encore moins, celle de 14-18. En 2010, elle présentait "Guerre en face(s)" avec les horreurs de cette même guerre 14-18, la Der des ders.

« En 2007, en chinant dans de vieilles publications, mon regard s’est arrêté sur le visage de militaires de la guerre 14-18. En lisant les textes du tableau d’honneur, je fus submergée par l’horreur et la souffrance engendrée par la guerre. Spontanément, j’ai décidé de traiter ces images en laissant libres mes sentiments. J’avais, déjà par le passé, été attirée par le Musée de l’Armée et possédais dans ma photothèque une série de photos de masques à gaz. Le rapport entre l’objet «sauveteur» et le militaire devint une évidence. Un jeu subtil, sans procédé numérique, débuta entre le visage, l’objet et la souffrance. Ce dialogue me permit de créer des images chargées d’émotions et d’exprimer ma vision de l’horreur de la guerre » disait-elle, alors.

Cette fois, elle remet cela sous un nouvel angle dont elle explique les prémices. Un jour, elle acheta de vieilles douilles. Les douilles de canons de 14-18 sont souvent gravés par des soldats de l'époque et devenaient ainsi des souvenirs de guerre. Personnellement, j'en ai eu, devant les yeux, exposés sur un meuble pendant ma jeunesse. Mais, si cela faisait joli, je n'y avais pas jeté un attention particulière.

Le fils de la photographe Virginie Cornet, alors âgé de 8 ans, y a vu autre chose que des tubes en cuivre. Il y avait exprimé son intérêt, son désir d'en faire des jouets. Cela avait intrigué la photographe. L'envie de créer celle exposition "War & Game(s)" lui est ainsi apparue pour exprimer l'attirance des enfants pour ces engins de guerre. 

La guerre et les armes ne sont pas qu'une affaire d'adultes. Cette fascination commence bien plus tôt. Fascination pour l'univers guerrier, pour la pratique des armes dans le but d se défendre, pour s’exercer sur les champs de tir et pour la chasse. Une arme n'est pas un jouet et pourtant, elle s'y substitue dans l'esprit. L'imaginaire s'y retrouve sans volonté de tuer, au départ. Quand cela passe à la vitesse supérieure, on en arrive à ce que les Norvégiens viennent de découvrir avec horreur.

L'exposition ne répondra pas à toutes ces questions, bien sûr. Elle passera le flambeau de la réflexion à celui qui voudra en prendre le relais par l'intermédiaire de l'enfance.

Le jouet de guerre, manufacturé en tant que jouet, date du milieu du 19ème siècle. Dès le début du 20ème siècle, intentionnellement pour l'armée et inconsciemment pour les parents, ces jouets vont devenir une sorte de propagande pour l'armée allemande. Les alliés vont s'y incruster dans ce nouveau marché, dès la guerre 14-18. Il fallait devenir patriote et cela se construit dès le plus jeune âge. Pour le garçon, ce sera la reproduction de l'uniforme de papa parti sur le front. Pour la fille, celui de la poupée avec le costume d'infirmière.

Une correspondance avec dessins servent de liens familiaux dans les familles écartelées par la guerre. Combler l'absence devient le besoin principal.  Les enfants, instrumentalisés, s'en viennent à rêver de devenir des héros à leur tour dès que l'âge le permettra. Question d'honneur. L'ennemi est présenté comme le mal personnifié dans les manuels scolaires qui cultivent la haine de l'autre dont on ne connaît rien. Jouer à la guerre est s'y préparer, c'est participer à la défense de la nation. Le jeu d'enfant est devenu la pré-guerre.

Appartenir à une nation, suivre un drapeau, marcher au pas devenaient des automatismes. Mobiliser par l'école appuyé par l'étude de l'histoire se produit dès le plus jeune âge, indifféremment du sexe chez les élèves consentants par essence.

Cela passe par le prestige de l'uniforme, au jeu de fléchettes proposant d'abattre un ennemi. Par la récompense et la fierté d'arborer des décorations sur la poitrine, pour couronner le tout. Pas question de devenir pacifiste, mais une prise de conscience s'impose.

En temps de guerre, le fer en temps de guerre est trop cher. Le jouet en bois va le remplacer le jouet en fer.  Dès lors, le jouet se construit par les enfants eux-même. Le plastic ne viendra que plus tard. La question se pose aussi et fait débat.  

Au retour du héros, il faudra cotiser à l'emprunt national, pour que les enfants ne connaissent plus la guerre, alors que toute l'infrastructure de la construction de jouet est restée bien en place.

Pendant cette "der des ders", les armes deviennent l'enjeu du conflit et sa résolution. Les "wargames" prenaient le relais en y insérant stratégie et ruse.

Après, si l'on y prête garde, ils deviendront vraiment des enfants soldats dans certains pays. Le film de Spielberg "L'empire du soleil", chronique de guerre était programmé dans la semaine. Il reprenait le thème avec intelligence.

1.jpgDans le monde des adultes, la guerre est une forme d'assurance, de protection pour défendre sa famille, son pays. L’extension de ce besoin naturel se porte très vite à la patrie qui l'a vu naître. La bravoure et l'héroïsme sont des besoins de reconnaissance dans une population en émoi. Représentation que l'on veut donner pour soi-même et encore plus à la vue des enfants.

Aux États-Unis, posséder une arme fait parte du 5ème amendement comme une liberté.

Prospérer dans un pays en paix, est le but final. C'est évident.

Plus question de rêver, de s'instruire, de cultiver son moi, tout est tourné vers la réalité de l'éventualité d'un conflit local ou plus important. 

Les budgets de la Défense dans le monde restent éloquents et ressortent surtout quand on racle les fonds de tiroirs.

Les États-Unis resteront-ils encore longtemps les gendarmes du monde, vu les dettes colossales qui ont été revues à la hausse?1.jpg

Rien n'est moins sûr. Ils se retirent d’Afghanistan, ne participent pas vraiment dans le conflit en Libye. 

Les enfants américains, eux, joueront probablement encore longtemps avec les "allumettes suédoises". Le marché des armes plus est prospère que jamais. C'est une affaire qui marche.

Pas étonnant, que parfois, sort du lot l'un d'eux qui sort ses vrais flingues et qui n'a plus envie de jouer. 

1.jpgLe Costa Rica, lui, a choisi de ne pas jouer à la guerre. Pas d'armée. Il ne s'en trouve pas plus mal.

En Norvège, pays qui délivre le Prix Nobel de la Paix, cela a bouleversé la population.

"Il n'y a que l'impossible arrive toujours", comme disait Alain Bombard.

Il y a peut-être d'autres moyens de faire la guerre.

Le Printemps arabe a rappelé ce qu'était des guerres civiles entre partisans des gouvernements et anti-gouvernement. L'après-guerre, la liberté retrouvée, reste avec un dénouement toujours douteux. La guerre en Libye n'a toujours pas trouvé sa fin.

Chez les citoyens en paix militairemant, les jeux vidéos ont pris le relais sur les écrans et font recettes. Tant que cela reste virtuel, pas de problème. Mais c'est, aussi, un départ glissant vers des extrapolations plus dangereuses.1.jpg

La Somalie vit des moments douloureux dans une sècheresse, en quête d'un pourcentage tellement minime des coûts militaires. 

La guerre des robots est annoncée. Il n'y a qu'à fixer un "terrain de jeu" réservé, bien à l'écart du vivant.

Il y a tellement d'occasions de mesurer ses forces en techno, d'entretenir une agressivité trop marquée...

Pour rappel, le Parc du Cinquantenaire fut contruit en 1880 comme parc d'exposition en commémoration du cinquantième anniversaire de l'indépendance de la Belgique. Léopold II voyait tout en grand. Les Arcades sont surmontés d'un char en bronze tiré par quatre chevaux, qui représente la province du Brabant. Les huit autres provinces sont représentés sous l'arcade principale. Les autres musées sont destinés à l'histoire des hommes et des voitures.

Autoworld présente des modèles de presque toutes les marques automobiles belges. Souvent d'avant la Première Guerre mondiale. Pionière dans le domaine des chemins de fer, la Belgique regorgait alors d'entreprises qui fabriquaient des vélos, des armes, enfouffrées dans l'engouement pour les carosses motorisés. La Vyncke, fabriquée en 1894, puis, la Minerva, l'Imperia, Nagant, Miesse, Germain, Belga-Rise, Hermes, l'Excelsior qui a participé à la course d'Indianapolis en 1914. Souvent, devant les arches, les possesseurs de ces machines viennent parader à leur bord avant de partir sur les routes

Mes photos de l'exposition vous en rendront-elles compte, seulement, par une petite lucarne de l'histoire? 

A vous de me le dire.

 

L'enfoiré,

 

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