Se sucrer au propre comme au figuré (14/08/2008)
Est-ce le poison du siècle ou la petite douceur dont on ne peut plus se défaire? Je suis fan du "sucre". Un "Question à la Une" s'intéressait au sucre avec une suite sur notre embonpoint qui nous ferait vivre et parfois mourir. D'autres sources démentaient partiellement. Place à la controverse.
Il était une fois l'Homme de Spy qui vivait dans une grotte du même nom et qui faisait partie de nos ancêtres Néandertaliens. Ce brave homme a laissé des reliques bien précieuses qui allaient nous éclairer sur ses habitudes, sa manière de vivre.
Quand on compare le crâne d'un de leurs dignes représentants et celui de l'homme moderne, une constatation immédiate saute à l'esprit: la mâchoire de nos ancêtres est en parfaite santé, avec des dents bien présentes, alors que notre crâne, peut-être bien plus haut du côté du cerveau, présente quelques lacunes dans la dentition ou des détériorations et des caries bien anormales. Il est vrai qu'à cette époque, les dentistes ne devaient pas courir les rues, pardon, les cavernes. L'analyse de l'émail des dents avec scanner allait-il expliquer l'"évolution" de l'Homo Habilis, Erectus, Sapiens...? ("Dossiers de la Recherche" dans son numéro de juillet)
A quoi devons-nous cette destruction de nos mâchoires? A l'évolution?
Non, Darwin n'a pas à être incriminé dans ce carnage de la dentition. Il faudrait rechercher d'autres origines bien plus insidieuses ou plus douces: on pense au sucre et surtout au manque de précaution dans sa consommation.
Si dans les temps les plus reculés, le miel et les fruits avaient leur rôle et apportaient quelques 10 grammes de calories bien nécessaires par an, ce n'est qu'assez récemment que les choses ont empiré. Le Néolithique allait préparer le terrain par la sédentarisation et la culture de produits à l'amidon et du sucre. Les abcès n'avaient-ils qu'à bien se tenir?
En 1700, la consommation de produits sucrés a commencé son ascension pour atteindre un premier record de 600 fois la consommation de sucre originelle, soit 60g par an et par habitant. La découverte du sucre de canne et de la betterave allait agrémenter bien des palais et aussi commencer le travail de sape par l'intérieur. Les premières atteintes à la santé se faisaient ressentir mais encore très sporadiquement. Les septicémies non soignées entraînaient la mort mais on ne peut pas parler d'hécatombe. En 1800, 5 kilos se cachaient dans l'alimentation du citoyen de l'époque.
L'ascension allait devenir exponentielle avec le 20ème siècle. Aujourd'hui, en moyenne, chaque homme sur terre consomme quelques 35 kilogrammes de sucre par an. Les dernières quarante années ont littéralement fait exploser les courbes en s'élevant de 300%.
Les sucres ne se retrouvent plus seuls dans le petit morceau blanc ou brun. Bien d'autres produits ont rejoint le club des produits à base ou contenant ce merveilleux suc plein de douceur mais qui s'est mis à contrecarrer les plans de notre santé. Les caries dentaires, l'obésité et les problèmes cardio-vasculaires allaient correspondre à une consommation abusive et qui ne trouvaient pas de contre partie dans les efforts physiques.
Beaucoup de boissons, d'aliments innocents contiennent des quantités non négligeables de ce sucre. La bouteille de limonade = 10 morceaux durs, 1 coca = 4, des produits laitiers, bien qu'indiquant, de toute bonne fois, son désir d'être bon pour la santé présentent sur l'étiquette un pourcentage bien moins innocent. Le jambon a même l'honneur de contenir cet ingrédient qui va lui donner plus de goût.
On commence à toucher le problème majeur: le diabète qui n'est plus seulement présent à la naissance ou transmis par les gènes de l'hérédité, mais qui s'éveille en pleine force de l'âge alors qu'aucun signe précurseur pouvaient le présager.
Grignoter en permanence devant la télé, le dessert "obligatoire" a généré quelques 150 millions de diabétiques dans le monde et ce chiffre est en continuelle expansion. Un demi million de malades, rien qu'en Belgique, souffrent de cette maladie toujours contraignante par les soins nécessaires et les dangers qu'elle entraîne dans ses suites. Cela constitue plus de 10% des frais du Ministère de la Santé.
Les professionnels de la santé tirent évidemment la sonnette d'alarme, mais ils se heurtent, comme fin de non recevoir, aux firmes alimentaires. Les objectifs des lobbies travaillent dans une autre cours que celle du Ministère de la Santé.
A la question posée, "Le sucre est-il un poison?", la réponse est certes très subjective et les habitudes ne se changent pas aussi facilement pour autant que l'industrie nous en donne le choix.
L'allégation nutritionnelle souvent citée au Canada impose des règlements bien précis sur les aliments et leurs degrés d'acceptation dans le cycle de la vente.
Les produits de substitution, l'aspartam, par exemple, ne sont pas nécessairement exempts de critiques, non plus.
Personnellement, comme Obélix, mais sans avoir son poids, je suis tombé à pieds joints dans la marmite sucrée. J'adore les petits gâteaux, le chocolat et les petites gâteries. Tout comme les fumeurs de cigarettes ou les consommateurs d'alcool, tares que j'ai pu éviter, devrais-je un jour penser à me reconvertir. Je cherchais déjà le S.S.S., le "Syndicat des Sans le Sucre", mais je ne l'ai pas encore trouvé.
Plus tard, je suis tombé sur un article qui titrait "Le sucre et ses clichés". Il était plus interrogatif. La règle de base préconisée était "variez l'alimentation". Fruits, légumes, céréales, poisson au menu en limitant sel, graisses saturées et alcool.
Cliché 1: Le sucre fait grossir. Des études scientifiques ont contesté la corrélation entre sucre et obésité. Les glucides n'engendrent pas une augmentation de graisse. En plus, le sucre coupe l'appétit. La combinaison sucre graisse sous forme de pâtisseries et barres chocolatées peut, c'est vrai, conduire dans l'excès et faire grossir.
Cliché 2: Le sucre détruit les dents. Les caries sont en effet provoquées par le sucre, après une attaque de l'émail par les bactéries. L'hygiène buccodentaire avec dentifrice au fluor contrecarre cette évolution si elle est pratiquée avec soin.
Cliché 3: Le sucre entrave l'absorption de vitamines. Une enquête scientifique en Australie prouve que le sucre n'influence pas de manière significative l'assimilation des vitamines B6 et B12 et d'autres. Seule une absorption de sucre importante supplante l'envie d'absorber d'autres aliments contenant des vitamines.
Cliché 4: Le sucre donne le diabète. La "Women's Health Study" a prouvé que le sucre n'augmente pas le risque de diabète. L'apparition de la maladie analysée sur 40.000 femmes de 45 ans pendant 6 ans, n'a pas augmenté les cas de diabète de type 2 (dû au surpoids). Saccharose, glucose et lactose faisaient partie de l'analyse.
Le sucre ne serait dont pas si mauvais pour la santé. Seule la combinaison sucre graisse serait dommageable.
Nos enfants sont-ils condamnés à l'obésité ?
En Suisse et dans le monde, l'obésité des enfants est devenue un vrai fléau. Si les causes de ce phénomène sont multiples, les géants de l'agroalimentaire sont dans le collimateur.
Publicité aguicheuse, produits peu équilibrés, étiquetage douteux, l'industrie porte sa part de responsabilité. En proie à une concurrence féroce, les producteurs de petites douceurs pèsent de tout leur poids face aux efforts de prévention et de législation.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu'en 2004 l'obésité ou la surcharge pondérale concernait plus de 22 millions d'enfants de moins de cinq ans dans le monde. Principaux accusés : les mauvaises habitudes alimentaires et le manque d'exercice physique, avec pour conséquence alarmante un accroissement des cas de diabète de l'adulte et de maladies cardio-vasculaires précoces. Tous les regards se tournent naturellement vers l'industrie agroalimentaire, car les enfants sont devenus des cibles privilégiées des stratégies marketing, avec des produits et des campagnes de pub parfaitement calibrées. Packaging colorés, mascottes attachantes, cadeaux séduisants, vertus énergétiques: tout est bon pour attirer les enfants et rassurer les parents.
Dans le cadre de son programme contre l'obésité lancé en 2004, l'OMS demande à l'industrie agroalimentaire de réduire les quantités de sucre, de graisses et de sel dans leurs produits, ainsi que d'offrir plus de choix et d'information aux consommateurs, notamment par un meilleur étiquetage. Des résultats ont déjà été obtenus, en France, notamment avec la disparition des distributeurs dans les écoles. Mais l'industrie fait de la résistance et essaie de retarder toute nouvelle législation, au nom de la libre concurrence et du libre choix des consommateurs.
Une enquête dans l'agroalimentaire a été menée (Fabiola Flex: "N'avalons pas n'importe quoi!) avec pour mission de déterminer si en choisissant des produits dit "diététiques" ou "allégés" avec de faibles teneurs en sucre et pauvre en calories apportaient des plus. Ce n'était pas gagné dans les résultats. Le chocolat, par exemple, est un subtil mélange de sucre et de graisse. Diminuer l'un, c'est augmenter l'autre. Et vice et versa. Les autres produits alimentaires ne font pas beaucoup exception. Le consommateur d'aujourd'hui veut se faire plaisir et n'a pas le temps de comparer produit par produit. Où irait-on s'il n'y avait pas un peu de confiance aux étiquettes et à la pub.
Les vitamines et minéraux enrichissant ne sont pas la planche de salut car ils ne sont pas nécessaires dans nos organismes et l'overdose guette. On ne nous ment pas, on oublie seulement d'ajouter certains points. Les anti-cholestérols ne devraient-ils pas se retrouver dans les pharmacies plutôt que dans les grandes surfaces? Alors, vu le prix qui ne fait que grimper si en plus on faisait fausse route?
La saccharose, d'origine végétal, couplé à la vitamine G, appartient aux glucides présentes dans toutes les plantes contenant de la chlorophylle. En dehors de la canne à sucre ou de la betterave sucrière, les sirops (avec le palmier à sucre), les dattes, l'agave ne font pas vraiment recette dans cette fonction de par le monde.
La malbouffe, elle, vient d'outre Atlantique, c'est un fait incontestable. Il n'y a qu'à regarder les obèses de là bas pour le constater. Prendre le temps de se restaurer alors que tout doit aller toujours plus vite et plus simplement est devenu le cadet des soucis. Alors on grignote, on mange au mieux sur le pouce du vite fait, du préparé qu'il faut passer au four à micro ondes.
Les fast-foods ont la cote chez les jeunes (et parfois les moins jeunes). Bon, un peu de cette nourriture n’est certes pas dangereux. Bien contrôlée, ce type d’alimentation garde une volonté de rester saine. C’est sa seule chance de garder sa position prépondérante. Une variété de choix dans l’alimentation est cependant une obligation naturelle. Une nourriture riche nécessite une dépense physique du même ordre. Manger, ne peut être comme quelque chose qui fait passer le temps ou se fait parce que c’est "amusant". Les risques d’épidémie de tomber dans cette extrémité ne se retrouvent pas seulement dans l’air mais dans la manière de vivre.
Mais pourquoi avoir parlé au figuré dans le titre?
Il y a 30 ans sortait un film de Jacques Rouffio, "Le sucre", qui avait impressionné par son caractère nouveau. Une fameuse spéculation autour du sucre qui tourne à l'aigre. Le "méchant" de la finance devenait victime, lui-même, d'un autre, plus gros, plus malicieux et qui faisait s'effondrer les cours de Bourse. Un précurseur, non?
Alors, pour remplacer ce sucre engraissé au propre et au figuré, peut-être faudra-t-il chercher d’autres genres de «douceurs» bien ailleurs.
- Chérie ? Tu veux ou tu veux pas?
L’enfoiré,
Citations:
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"Quand on a oublié d'acheter du sucre, on peut parfaitement sucrer son café avec une betterave, mais c'est plus long.", François Cavana
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"Ma femme adore tout ce qui est raffiné... Le sucre, par exemple.", Pierre Doris
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"Les hommes, c'est comme les chiens, il faut alterner le sucre et la baffe !", Ariel Zeitoun
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"Trop de colle ne colle plus, trop de sucre n'adoucit plus.", Proverbe chinois
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"Le thé à la menthe doit être amer comme la vie, mousseux comme l'amour et sucré comme la mort", Proverbe marocain