Eloge à la lecture (20/03/2006)

1.jpgOu plutôt « mal de lire » pourrait-on dire quand on connaît l’échec de l’enseignement et ses résultantes catastrophiques sur l’adéquation avec le monde du travail.

S'il existe un apprentissage qui conditionne non seulement toute la vie écolière et estudiantine mais aussi celle qui nous suit jusqu'à nos derniers soupirs, c'est bien celui de la lecture et du plaisir qu'elle entraînera dans son sillage jusqu'à la passion ou non.
Je ne parle pas uniquement de l'étude simpliste de l'accès à cette concaténation de lettres et de chiffres qui se trouve en bonne place dans le programme des premières années de l'école primaire, mais aussi de l'assimilation des idées et des textes qui en est faite et du temps nécessaire pour y arriver.

L'approche faite par les écoles lors de nos premières années scolaires est souvent considérée comme une étape importante du programme d'enseignement mais pas essentielle, allant de soi automatiquement par l’usure et ne nécessitant pas nécessairement une obligation de perfection. Beaucoup de techniques différentes ont été tentées pour son enseignement de la meilleure manière. Le jeu a toujours été une bonne approche pour les plus petits dès l'âge de 3 ans. Les voyelles et les consonnes associées à une couleur différente est également une manière visuelle de l'aborder.
Les réformes reprenant la méthode globale, active, naturelle, descriptive ou mixte (il y a de quoi s'y perdre dans les concepts) ont été tentées mais restent empiriques. Elles sont défendues tour à tour par les corps enseignants successifs mais les parents de ces bambins, eux, se plaignent en permanence de l'indigente qualité de l'apprentissage de la lecture aux enfants. Des débats récurrents sur l'école et ses méthodes alternatives ne permettent plus de dénier qu'il y ait un malaise et un manque de pertinence. Les enfants acquièrent le langage avant celui de la lecture. Les méthodes de cette dernière ignorent la nature et le principe de fonctionnement d'une langue humaine. Passer alternativement des mots et des syllabes, en y associant les images ou les objets correspondants, à la phrase et à la lettre devrait construire les capacités naturelles des enfants pour déchiffrer de proche en proche les idées qui se cachent derrière un texte. La notation "alphabétique", particulièrement difficile à l'apprentissage par le nombre de règles à assimiler, supplante celle appelée "phonologique" qui, elle, met en relation univoque chaque symbole graphique et chaque son de la langue. Mais, la phonétique "absolue" ('x' par exemple) est confrontée à la "relative" ('doux', 'six','sixième','soixante').
Le revers de la médaille de cette méthode se retrouvent dans les SMS ou le 'chat' sur PC que les jeunes ont tôt fait d'utiliser à tout va sans respecter la moindre règle apprise en classe. La confrontation de la langue française avec l'usage de mots déformés est devenue trop fréquente. Par son idéologie de langue vivante, le français a été condamné de s'adapter et d'accepter des orthographes différentes du même mot. Il faut bien l'admettre, notre langue cumule une foule d'irrégularités et d'exceptions et accentue la difficulté de son apprentissage mal apprécié de notre jeunesse qui a du mal à s'y retrouver.
La méthode pédagogique appelée "globale" incriminée est souvent qualifiée de "pratique en dépit du bon sens" qui conduit l'enfant à "lire" "bagnole" en place d'un écrit "voiture".
Véritable méthode? L'illettrisme sur la durée n'est-il pas à la sortie? Il y a de quoi se poser la question.
Une caractérisation, pour le moins, est obligatoire pour mériter la qualification de "méthode".
Certains enseignants s'en sont rendus compte et bâtissent leur enseignement autour de la linguistique de base.
Les défauts de chaque voie globale ou non prennent un caractère rédhibitoire et les buts à atteindre sont à redéfinir complètement dans le cadre de la syntaxe en linguistique.
Chacune des méthodes est adaptée à une "gentille tête blonde" mais pas nécessairement à une autre. Nous ne sommes pas nés sous la même étoile. On l’oublie trop souvent.

Pourtant, la vie entière de l'élève dépendra de sa facilité à capter les idées et à les utiliser après l'assimilation. Aimer la lecture n’est pas inné, il n'en sera que plus aisé et plus apprécié à force de suivi et de temps qui lui sera consacré.
Ce qui ne veut pas dire que l’effort de perfectionnement se poursuivra au cours de la vie étudiante ou d’adulte. Cette matière de base est considérée très vite comme entendue et aucun programme n’y reviendra pour la perfectionner.
Apprendre reste une tâche qui s'associe au besoin de lire.

Poser la question à un adulte du "Comment il lit et par quelle technique?" n'apporte pas une réponse précise ni acceptée de bonne grâce par simple souci de la pudeur. Lire à voix haute fait découvrir souvent certaines imperfections et fait craindre un manque de coordination entre la lecture et sa compréhension en parallèle. L'intonation dénonçant l'assimilation du texte ne se ressent pas et la césure des mots ou des phrases ponctuées par les virgules et les points, qui devraient faciliter l'écoute de l'interlocuteur, n'est pas suivie telle une partition de musique. Donner une musicalité au texte, scander les mots au plus juste moment donne de la vie et l'imagination nécessaire aux textes. Sans cet effort, la compréhension immédiate de part et d'autre ne sera pas au rendez-vous.
Cette lecture à haute voix impose une anticipation de la lecture du texte pendant la déclamation de celui-ci. Nous avons deux yeux, profitons-en pour faire le repérage anticipatif. Cet exercice apporte déjà plus de confort et minimise les césures qui hachent les mots et les phrases aux plus mauvais moments.
Si vous n'en avez pas l'habitude, faites-en l'expérience. L'exercice en vaut la peine.
Quant à la compréhension, combien de jeunes étudiants n'ont-ils pas rater leurs examens pour la simple et bonne raison qu'ils n'avaient pas compris la question posée?
Les lecteurs de textes d'auteurs (ex. Michael Lonsdale) n'ont pas seulement le succès d'écoute par la seule beauté de leur voix mais aussi par l'excellence de leur interprétation vivante et active de ces textes.
Une lecture ratée ou sans assimilation d'un paragraphe sera souvent suivie d'une relecture pour permettre son résumé et la continuation bien comprise du livre. Ce processus de répétition, même si la complication du texte ne l'imposait pas de prime abord, n'est pas sans coût.

A la lecture d'un livre par manque de concentration, combien de fois n'avons-nous pas une réaction immédiate de se demander 'Mais, qu'ai-je lu?' et de perdre complètement le fil de l'histoire.

Les interférences multiples de la vie moderne ou de son entourage sont souvent responsables mais n'expliquent pas tout. Nous avons perdu du temps et se l'avouer nous imposera de nous mettre en conditions optimales lors de la reprise du bouquin dans nos mains.

L'analyse critique d'un texte de littérature ou de philosophie faisant partie des programmes est, elle, bien enseignée dans le secondaire mais reste bien perfectible. Pouvoir "lire entre les lignes" forge l'esprit et apporte une vision précisée ou cachée du monde dans lequel l'écrivain a voulu plonger ses lecteurs. Cela permet également aux jeunes étudiants de se situer parmi les autres et de fixer sa ligne de vie entre les mouvements d'idées contemporaines en véritable citoyen.

Bien plus tard, passer à la vitesse supérieure s’impose. La recherche de la rapidité dans la prise en charge d'un texte tout en gardant sa compréhension optimale et son assimilation simultanée est l'aboutissement de ce travail d'éducation scolaire. Des techniques d'accélération de la lecture existent mais ne sont pas prodiguées dans les programmes scolaires habituels. Elles peuvent être apprises bien plus (trop) tard, si seulement l'envie du candidat est suffisamment grande pour y consacrer le temps nécessaire.
Ce que l'on appelle communément la lecture 'en diagonale' utilisée entre autre par le président Kennedy, du moins le dit-on, est une habitude adoptée par les gens qui doivent assimiler de manière journalière un grand nombre de pages dans un minimum de temps sans aller nécessairement dans trop de détails. Elle permet de détecter les mots clés d'une phrase en sautant les mots qui n'ont pour but que de compléter une phrase bien faite linguistiquement.
Cette méthode n'apporte cependant pas une orthographe de bon niveau et n'assure pas toujours la captation de toutes les idées sous-jacentes et des finesses de la langue. Elle a pourtant le mérite de sauver l'étudiant au devant des monticules de livres à appréhender. D’autre part, les traitements de textes sont de plus en plus sophistiqués pour se permettre quelques laxismes temporaires du côté de l'orthographe.
La vitesse de lecture est importante. Plus on lit vite et bien, plus l'envie d'en lire plus encore apparaîtra. Notre époque ne peut plus laisser le temps au temps. Tout doit aller vite.
A la vue d'un texte, on voudrait déjà en connaître la substantifique moelle résumée devant les yeux.
Tout mot a pourtant, en principe, sa raison d'être dans une phrase et n'a pas été choisi au hasard "entre deux portes". Celui qui écrit un texte passe parfois un temps infini à la recherche du bon mot, de la bonne tournure de phrase, pour assurer le maximum de précision en pure perte apparemment.

L'apparition d'autres médias est une autre cause des lacunes actuelles. La télévision par son attrait plus représentatif ou ludique vole le temps disponible réservé à la lecture. Ils sont des plus, mais de là à oublier les sources écrites, il y a de la marge. La recherche par le journaliste de l'image qui apportera en un coup d'œil le flash résumé de l'idée à partager, suffit souvent à notre manière de capter l'information.

Nous vivons une période où la prolifération des écrits augmente de jour en jour.
Toute idée s'écrit et se retrouve dans les livres ou ailleurs. Ce n'est peut-être pas une boutade que de dire qu'il y a plus d'écrivains que de lecteurs.
Le média citoyen que constituent les blogs, cette nouvelle approche de l'écriture faite par tout un chacun a apporté une nouvelle couche bien plus importante, moins innocente dans ces prolongements qu'il n'y paraît. Les médias officiels se sentent attaqués dans leur fondement. Certains textes présentés génèrent parfois dix fois plus de commentaires en réaction. Et, c’est tant mieux. J'en arrive à me demander comment les lecteurs parviennent encore à ingurgiter et à tirer des conclusions de cette littérature qui provient de sources de tout horizon.
Internet stocke des bibliothèques entières en des milliards de pages de la connaissance humaine. Celle-ci est accessible avec les moyens de recherches les plus efficaces, mais il faudra garder cette efficacité par la lecture. Il est pourtant assez troublant de s'apercevoir que la lecture d'un livre, d'un texte plus long que celui d'un email, par exemple, est beaucoup moins apprécié par les adultes sur écran d'ordinateur. Des
eBooks gratuits permettant de lire des éditions complètes de livres d'auteurs célèbres existent sur Internet, mais ils sont souvent délaissés. L'impression sur papier et le 'bon vieux livre' auraient-ils donc toujours de l'avenir?

Tout ce qui contribue donc à améliorer la compréhension, l'assimilation et la vitesse de la lecture de texte par chacun d'entre nous et que ce texte soit en langue maternelle ou dans une langue étrangère doit être étudié et caractérisé d'une manière approfondie.

Jouer avec les jeunes écoliers, en cobaye, les balançant d'une méthode à l'autre sans en estimer les avantages et inconvénients au préalable entraîne des générations qui auront acquis le plaisir de lire ou, au contraire, auront été complètement retardé pour toute leur vie entière de citoyen dans la compréhension du monde qui les entoure.

L'enfoiré,

 

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