Jouer à qui perd gagne (22/11/2012)
Le gouvernement belge vient d'accoucher du budget 2013 après un mois de négociations. Charger de trouver quelques milliards de plus que d'habitude. Certains diront que ce fut accoucher d'une souris.
En fonction des sensibilités politiques, ce qui résulte d'une cogitation longue et pénible sera toujours plus ou moins apprécié en fonction de ce qu'on obtient ou non.
"Les décisions doivent rester équilibrées", une vieille déclaration de Joëlle Milquet du temps où on construisait le gouvernement.
Prophétique pour la suite.
Les décisions sont faites de bric-à-brac répondait l'opposition...
Réponse: "Qu'a fait la NVA? Niks, rien". Comme preuve, si Antwerpen a un bourgmestre NVA, la ville n'a toujours pas d'entité dirigeante en place.
Le but, cette fois n'était plus de former un gouvernement mais d'établir un budget pour 2013.
Six partis au pouvoir devaient se retrouver dans un "accord stratégique" pour contenter beaucoup de monde avec l'Europe en arrière-plan comme pilule amincissante.
Objectif atteint. Tous contents d'avoir réussi la quadrature du cercle autour de la table ronde des négociations.
N'utilisons pas trop le mot de "populisme", trop péjoratif et trop souvent utilisé en pointant du doigt, par l'un des côtés en visant l'autre.
Chacun sa chapelle, sa religion, pourait-on dire.
Au départ, sur les plateaux de la balance, il y avait le saut d'index à gauche et l'augmentation de la TVA à droite.
Refusés, chacun.
Le budget devait se construire progressivement, million par millions pour atteindre deux nouvaux milliards. Un peu de précompte professionnel, de taxes sur la plus-value des entreprises, de taxes sur les primes d'assurance-vie, d'accises nouvelles sur l'alcool et le tabac, de combat de la fraude fiscale, de réduction des intérêts notionnels, de précompte mobilier et une nouvelle DLU.
Bien joué, Di Rupo, d'avoir refilé les frites bien chaudes de chez Eugène, aux partenaires sociaux, tout en introduisant les ornières sur le chemin et en espérant que Madeleine viendra.
D'autres symboles, qui ont fait vibrer la balance entre gauche et droite. Le gel des salaires pendant deux ans en dehors de l'indexation automatique. Cela devrait plaire à l'Europe.
Pour Martine Maelsckalck de l'Echo, écrivait que "les Belges seraient devenus les rois du marketing politique après avoir été les champions des compromis". Elle remarquait que "Des mesures pas indolores sont infiniment plus discrètes qu'un 'grand coup'"
Journal économique oblige, le problème de la compétitivité de la Belgique semblait être son soucis majeur. Effacer le soi-disant le handicap salarial belge vis-à-vis des pays voisins.
Une question: quel est le pays dans l'erreur et qui serait une vraie référence sans risques et sans reproches?
Alors, si on rasait gratis de chaque côté.
Bien vendre est précédé par bien acheté. Ce n'est pas uniquement les salaires qu'il faut prendre en compte dans les charges et les frais généraux. Les coûts de l'énergie (j'en parlais, il y a une semaine), les amortissements, les dépréciations, les redevances d'exploitation, les transports.
Un belge sur deux accepterait de voir son salaire s'il pouvait travailler à proximité de chez lui ou à partir de chez lui.
En fait, tout le monde à tort et tout le monde a raison. Tout dépend de l'angle de vision sous lequel on considère qu'il faut estimer une situation donnée.
Il faut accepter de remettre en cause ses habitudes.
Les habitudes? Rien de plus difficile.
Alors, était-ce vraiment un mélange de chèvre et de choux à l'arrivée? Un peu de tout comme les fromages belges?
Peut-être.
Les "budgeted" sont là pour être confrontés, un jour, avec les "actuals". Et, souvent, tout est dépassé.
Un petit exercice?
Imaginons jeter une pierre sur le fil de l'eau pour la faire rebondir le plus souvent possible, c'est observer le cas où la pierre va vraiment rebondir plusieurs fois et un autre, où le poids va faire couler la pierre dès le premier rebond. Tout dépendra toujours de la pierre choisie.
En politique, c'est ce que l'on fait, en général, changer les pierres et re-tester le jet après l'avoir testé. Ça passe ou ça casse à chaque coup.
Un consensus, tout cela, du bric-à-brac trouvés entre une rigueur belge et la carence européenne?
Car c''est aussi aujourd'hui, que les dirigeants se réunissent pour fixer le budget européen de 2014-2020.
Là, si on va rire à l'extérieur, cela risque de rire jaune à l'intérieur.
Les techniques de négociations, toujours les mêmes, avec trois approches:
Gagne-gagne: Deux parties obtiennent au moins partiellement ce qu’elles veulent et personne ne se sent volé ou dupé.
Gagne-perd: S’il y a un gagnant, alors, par définition, il y doit y avoir un perdant.
Perd-perd: Quand les deux parties sont déterminées à ne pas laisser l’autre gagner.
Le vieux truc de Verhofstadt était remis à l'honneur en faisant office de putsch de décisions.
Sa technique était d'attendre le dernier moment pour se réunir et devoir décider en dernière minute en tirant à la barbichette de celui qui s'était endormi et tirer les marrons du feu quand ils étaient brûlants sous la couette, aux petites heures du matin.
La bonne vieille technique du marchand qui veut vendre et qui découvre que son client trouve le prix à payer trop important.
Il y a les faux-semblant, ceux qui se croient plus riches qu'ils ne le sont en réalité.
Comment réagit le mon marchand?
En le satisfaisant à tous prix. En le tenant en haleine. En l'excitant par d'autres arguments mieux ciblés.
Il commence par enlever ce qu'il y a trop cher dans les deux plateaux de la balance tout en la tenant en équilibre.
Rien n'est à jeter, seulement à postposer jusqu'au moment où le prospect deviendra plus riche ou qu'un autre prospect se présentera. Tout est à évaluer en fonction de la conjoncture.
Dans la foulée, on apprenait que les banques chinoises sont sous le charme des outils économiques bruxellois. Et ils avaient l'air d'être contents sur la photo.
Le futur, en définitive, dépend s'il y a du vent, que la mer est calme et que l'orage est toujours remis à demain...
Si pas satisfait, il restera toujours l'humour d'un café. Qui nous apprenait qu'on écrivait à Di Rupo. Depuis, il plaide pour un ambitieux budget européen.
Hier soir, c'était Anderlecht qui, parait-il, jouait son avenir. Un avenir bien sombre, alos, puisque Anderlecht avait perdu. Plus d'avenir? Non, un peu d'endorphine placé dans la potion magique.
Une autre compétition, celle qui décidera, aujourd'hui, du lieu où aura lieu l'Expo 2017 à Liège ou à Astana.
A la question "Si Liège n’obtient pas l’Exposition internationale, ce sera une désillusion ?", il fut répondu : "Non, pas du tout. On a le sentiment qu’on a déjà gagné par, cet élan que la candidature a suscité qui est irréversible. Une mobilisation citoyenne, une union sacrée, non seulement des autorités mais des forces vives, re-situer Liège, la Wallonie, et la Belgique de manière positive sur la carte du monde.".
La fin justifie, toujours quelque part, les moyens employés. Mais quand, on joue "à qui perd gagne", là, cela devient vraiment magique. Ce n'est presque plus du jeu, c'est de l'obstination.
Parce que s'il existe des distinctions entre les idéologies et les croyances, il y a heureusement des distinctions entre certains mots bien qu'ils soient considérés comme 'synonymes'.
En plus futuriste, sans tituber, cela pourrait être: "Être rigoureux, oui. Austère, non.".
Un vrai Thanksgiving, quoi, puisque c'était, aussi le jour...
Je ne sais pourquoi, la semaine dernière, je ressortais ce sketch de Bourvil:
L'enfoiré,
Citations:
- « Avant de négocier avec le loup, mets- lui une muselière. », Valeriu Butulescu
- « Ce qui est à nous est à nous, ce qui est à vous est négociable. », Nikita Khrouchtchev
- « L'histoire est un drame, mais je ne sais pas, parce que je ne peux le savoir, si c'est un drame qui finit bien », Bobbio
And the winner is Astana:
(Астана en cyrillique, capitale en kazakh, anciennement Akmolinsk, puis Tselinograd, puis Akmola) est la nouvelle capitale du Kazakhstan. Elle a été inaugurée en 1998 par le président kazakh Noursoultan Nazarbayev, en remplacement de l'ancienne capitale Almaty (anciennement Alma-Ata).
La ville (population d'environ 577 300 en 2007 et de 700 000 en 2011 dans l'agglomération) est située sur la rive droite de la rivière Ichim, au centre d'une vaste plaine formée de steppe.
Commentaires
Edito européen d'Anne Blanpain.
C'est donc un sommet européen qui s'annonce long et difficile.
Heureusement que le comité du prix Nobel ne se réunit pas ce week-end parce que, franchement, après le sommet qui s'annonce, les membres de ce comité auraient pu soudainement douter de leur choix. "Il y aura du sang sur les murs", explique un diplomate. "Chacun affûte ses armes" dit un autre, les couteaux sont déjà sortis" ajoute un 3ème.
Bon bien sûr, ce vocabulaire guerrier, ce n'est pas la guerre mais cela annonce en tout cas le grand festival de la mesquinerie à tous les étages. Il s'agira de fixer les plafonds budgétaires de l'Union européenne pour la période 2014-2020, c'est toujours une fête de l'esprit.
Alors évidemment les capitales ont beau jeu de dire que la Commission doit être soumise à la même cure d'austérité que celle qu'elle exige des états membres. Et effectivement, les institutions européennes vont ressortir de ce sommet avec une solide, très très solide, cure d'amaigrissement. Mais soyons sérieux, l'administration ne coûte si l'on ose dire que 6% du budget global de l'Union. Symboliquement, politiquement, les coupes et les réformes dans ce chapitre comptent. Mais en termes purement financiers, ça ne résout rien.
Principale cible des radins: la Politique Agricole Commune. C'est nul, la PAC, c'est ringard, c'est un héritage du passé et l'Union ne devrait plus y consacrer 40% de son argent. Sauf que la PAC c'est la seule politique réellement commune, on peut regretter cette situation mais c'est un fait. Donc soit on renationalise cette politique, que chacun paye ses agriculteurs ou pas suivant ses priorités politiques et ses moyens, soit on permet à l'Union de subsidier correctement ses agriculteurs en échange de règles toujours plus contraignantes en matière sanitaire et environnementale.
L'aide aux régions en difficulté, autre gros morceau du budget, c'est plouc, tous ces pauvres qui en sont encore à vouloir se remettre à niveau avec d'ailleurs des entreprises venues bien souvent des pays riches, tous ces pauvres qui sont pas fichus de s'en sortir tout seuls, de profiter des bienfaits de ce que leur vendent les pays riches, des ploucs je vous dis.
Mais tout n'est pas parfait?
La PAC ne fonctionne pas idéalement, l'aide aux régions en retard de développement est loin d'être performante mais les radins n'en parlent pas, ils évoquent uniquement des réductions budgétaires, on ne les entend pas beaucoup sur la réforme de l'aide aux régions ou sur un glissement de budget de la PAC vers la recherche. Non, ils veulent juste payer moins. Comme si le budget européen était juste destiné à nourrir une gigantesque Union gloutonne. L'immense majorité des fonds européens retourne vers les états membres, ah oui, parfois plus vers les pauvres que vers les riches mais ceux qui aiment tant le grand marché unique feraient mieux de se réjouir de voir ce marché fonctionner d'autant mieux que les écarts de richesse entre états membres seront réduits.
Et si ceux qui ne veulent plus signer de chèque au budget européen savent qu'il existe des alternatives, des taxes qui alimenteraient directement le budget européen plutôt que d'aller dans les budgets nationaux, ça ne couterait pas un euro de plus aux citoyens.
Ah mais non, j'oubliais les radins ne veulent pas non plus que l'Union soit autonome au niveau budgétaire, parce que l'Union c'est plouc, ça sert à rien et ça coûte cher.
http://www.rtbf.be/info/emissions/article_l-edito?id=7879029&eid=5017893
Écrit par : L'enfoiré | 22/11/2012
Expo 2017 : Liège n'accueillera finalement pas l'exposition internationale . A 44 voix pour Liège contre 103 pour Astana et 1 abstention, c'est le Kazakhstan qui l'emporte.
Jusqu’au bout, les promoteurs de Liège 2017 mettront leurs forces dans la bataille : jeudi en début d’après-midi, ils ont profité de la pause accordée aux membres du Bureau international des Expositions, réunis en assemblée générale à Paris, pour rencontrer quelques délégués. « Car il reste des indécis, des délégués qui n’ont pas reçu d’instruction de leurs gouvernements, explique le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer. Il est encore possible de gagner deux ou trois voix. »
Des voix précieuses puisque les plus récents décomptes, qu’ils soient tenus par la Belgique ou par le Kazakhstan, font état de 60 Etats environ acquis à la candidature liégeoise et du même nombre qui soutiendrait le dossier d’Astana. Il restait donc une trentaine de pays à convaincre jeudi matin.
A commencer par la France, ce qui explique vraisemblablement la visite rendue par le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbayev, à son homologue François Hollande. Pas de quoi néanmoins faire paniquer les Belges : Elio Di Rupo a, lui, profité du sommet européen qui se tient à Bruxelles pour tenter de convaincre le chef de l’Etat français de la pertinence du dossier belgo-liégeois.
Ultime plaidoyer
Mais l’ultime charge à l’attention des indécis sera menée vers 14h40 par les deux candidats à l’accueil de l’Expo 2017 puisqu’ils auront alors 30 minutes chacun pour une ultime plaidoirie.
Le député européen Louis Michel, la ministre de l’Enseignement Marie-Dominique Simonet, le bourgmestre de Liège Willy Demeyer et Jean-Christophe Peterkenne, directeur de Liège 2017, se partageront une grande partie du temps de parole. Ils seront interrogés par la journaliste Hakima Darhmouch et accompagnés de quatre projections de vidéos, dont un message d’encouragement d’Elio Di Rupo et un autre du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Le tout devrait être entrecoupé de démonstrations de réalité augmentée faite par Marco Tempest, un « techno-illusionniste » d’origine suisse, souvent primé pour ses spectacles mêlant magie et haute technologie.
http://www.lesoir.be/125199/article/actualite/regions/liege/2012-11-22/expo-2017-li%C3%A8ge-n-organisera-pas-l-exposition-internationale-live
Écrit par : L'enfoiré | 22/11/2012
Voilà la version des négociations pour le budget européen :
Perd-perd: Quand les deux parties sont déterminées à ne pas laisser l’autre gagner.
http://www.lesoir.be/125996/article/actualite/monde/2012-11-23/budget-europ%C3%A9en-sommet-se-termine-sans-accord
Écrit par : L'enfoiré | 23/11/2012