Conversation à actualité rompue (26/08/2013)

0.jpgPour la plupart, les vacances, c'est fini. Dans la buvette de l'aéroport, Guilaine, la journaliste, attend ses trois copines d'enfance en lisant un journal. Yvette, la scientifique, Martine, la rêveuse écolo et Aline, la voyageuse impénitente que tous vont recevoir à la descente d'avion en provenance d'Afrique. Elles sont toutes quatre célibataires dans la cinquantaine. En attendant les copines, Guilaine lit son journal et un article banal la fait sursauter. Elle a l'intention d'en parler. Cela génère un échange parfois surprenant. Voici, la photo de Guilaine, Martine et Yvette en promenade au cours d'une autre occasion. Les couleurs différentes ne sont pas prises au hasard...

(Guilaine attend. Martine et Yvette arrivent, enfin. Après les bonjours d'usage, la conversation qui prend une tournure à géométrie variable...) 

Guilaine: Bonjour Martine et Yvette. Cela fait des lunes que nous ne nous sommes pas revues. En attendant Aline, racontez-moi tout, vos dernières vacances, par exemple.

Yvette: Je suis allé à Poitiers. Comment voyez-vous le futur? Avec optimisme, pessimisme ou les deux? Etes-vous pour ou contre les robots et la conquête des étoiles? Préférez vous le refuge dans une grotte sans plus aucun confort ni moyen de chasse, pêche, cueillette si ce n'est qu'avec des instruments rudimentaires? Des question que je me suis posées pendant mes vacances.

Guilaine: Là, ça va fort, Saint-Yorre. La science, toute la science, rien que la science. C'est toute ta vie, en somme. Comme laborantine, ton labo et tes éprouvettes, tu as dû être comblée à Poitiers. Tu nous emmènes dans les étoiles, donc. Tu quittes le plancher des vaches. Je croyais que tu aimais les voyages sur des îles comme Gauguin, Brel ... Ils ont tous acheté une île pour leurs "derniers" jours ... Pourquoi pas un retour à la nature sur Terre avant d'aller voir ailleurs?

YvettePour moi coloniser les astéroïdes, ce serait très intéressant.

Martine: Tu as raison Yvette. Ce serait chouette de pouvoir voir la Terre bleue, de là haut. Cela me plairait bien.

GuilaineJe me doutais que tu allais réagir ainsi, Martine, mais a-t-on encore les moyens de réaliser de tels rêves? A l'heure actuelle, ce n'est plus possible que par des spéculations chanceuses et des artifices alambiqués. Avoir les pieds sur Terre, au moins, on sait où on va. 

Martine: Peut-être bien. Nous voilà partis sur des sentiers glissants à nous contredire. Pour toi, Yvette, t'envoyer en l'air pour coloniser les astéroïdes, c'est spéculer avec le bon argent de Guilaine. Vous me faites, toutes deux, bien rire. Pourquoi les hommes sont si intéressés à trouver de la vie sur Mars? Donne moi une bonne réponse qui ne soit pas trop idiote, Yvette.

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Guilaine: Pour trouver encore plus de low-cost chez les Martiens qui ne connaissent ni la valeur de l'argent ni même qu'il existe. (sourire)  Je sais, tu aimes le durable, Martine. Agronome, passionnée d'écologie, c'est tout naturel pour toi. Je te soutiens. Le malheur, c'est que rien n'est durable vraiment. Tout se déprécie, tout vieillit. Etre écologiste, pour toi, c'est peut-être y chercher des petits hommes verts, où je me trompe? (rires)

Martine: Ah, c'est malin. Oui, je suis écolo et contente de l'être. J'aime ma campagne, loin de la ville. Tu lis le journal, Guilaine, tu as besoin d'informations pour vivre. Pour moi, trop d'infos tue souvent l'infos. Je n'achète plus de journaux en papier depuis longtemps. Le papier pollue. Internet me satisfait. Sur Facebook, je partage et je tweete et c'est fou ce que j'apprends sur ce qu'on va manger, boire, s'habiller, sans ouvrir le moindre journal. Toi, tu aimes les idées d'où qu'elles viennent. Tu ne peux pas t'empêcher de suivre la marche du monde. C'est un besoin physique, une addiction de savoir pour informer ton public. Tu es journaliste et pour toi, c'est un réflexe conditionné. 

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Guilaine: C'est vrai, mais tu as compris que trop peu d'infos peut te tuer tout autant. Tu parles d'Internet. Que fais-tu sur le Toile? Facebook, tu dis, et pour toi, cela s'arrête là. Je lis l'info. Je la crée aussi. Sur Facebook, il y a quelques trucs intéressants, mais il ne faut pas être trop exigeant. L'actualité est une rampe de lancement vers ton analyse. Prendre le temps d'écrire et sortir des conneries que l'on raconte sur Internet, y penses-tu? Dans les informations, il y en a des vraies et des fausses. Il faut les départager. Je t'assure, ce n'est pas si simple. Une anecdote? Si tu veux être sûr qu'une information soit bien diffusée, même si elle est fausse, dis simplement à ta voisine que c'est un secret. Dis-lui, qu'elle est privilégiée de faire partie de ta confidence. Tu verras comme ton secret va s'étendre comme la tache d'huile de la rumeur. Pour les gens bon pied, bon œil, et souvent, pour nous les femmes, connaître l'information, cela peut servir à enrichir d'autres qui ne la possèdent pas. C'est ça la libération de la femme. Sinon, que dire de quoi parler? De la pluie, du beau temps, du prix des carottes? Maigre consolation. Trop connu pour tout le monde. Quant aux Martiens, faut pas croire qu'ils te raconteront tout, Martine. Ils savent eux qu'ils ont une richesse dans leur yeux verts. (sourire) 

Yvette: Mais où veux-tu en venir, Guilaine? Martine ne t'avait pas tendu un piège. Elle aime rêver. C'est son droit, non? 

GuilaineDe ce journal, j'avais l'intention de vous en parler, d'ailleurs. Lisez, toutes deux, cet article.

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(Yvette et Martine se penchent sur l'article pour le lire)

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Yvette: Si je comprends bien, tu veux nous faire croire que les informations ne profitent qu'à certains et pas aux autres ou, pire, plus tu en sais, moins bien tu te portes?

Guilaine: Bravo, Yvette. Tout compris. Tout ne dépend pas du nombre de personnes qui lisent mais de l'endroit où un événement tragique s'est produit. Proche, tu t'en préoccupes. Éloignée, cela glisse sur la bosse de ton indifférence.

Yvette: Eh, bien, le monde tourne presque toujours comme ça. La connaissance, le savoir apportent les connexions entre les gens. Il faut réveiller la vie, chère Guilaine, mais pas n'importe comment. Martine va te le confirmer en te racontant ses vacances.

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Martine: (prise de cours) Ben ... Je suis restée chez moi. Il a fait chaud, parfois trop. Pourquoi serais-je allé chercher ailleurs, alors que j'avais tout sur place ou presque? J'ai invité quelques voisins et voisines et on a fait la fête. J'ai, aussi, passé des vacances super à Bruxelles les Bains à dix kilomètres de chez moi. Hier encore, c'était la Fiesta latino au Bois de la Cambre. Pas eu le temps de m'ennuyer. Si tu veux des photos, je les ai apportées. C'est comme si j'avais été aux Antilles espagnoles. Sur les photos, j'espère que tu me reconnaîtras.

Yvette: Et tu as suivi toutes les informations locales pendant ces deux mois... Bien sûr.

0.jpgMartine: Yvette, quand je vois ce que cela m'a rapporté de suivre les infos d'ailleurs, je ne suis pas sûr que j'ai eu toujours raison à en prendre connaissance. L'article de Guilaine est presque écrit pour moi. Si je n'ai pas lu beaucoup de journaux, installée dans un transat, j'ai lu des romans par contre. Quelqu'un m'avait conseillé "L'ombre du vent". Les critiques étaient bonnes. Une belle histoire. Ceux qui sont partis sur les routes ou qui sont allés en pèlerinages, n'ont pas été sûr de revenir à la maison d'après ce que j'ai entendu. Ceux qui étaient en Egypte, non plus d'ailleurs. Si, c'est pas des "hot dogs", ça, dont ce journal parlait qu'est ce que c'est? Je n'en ai jamais vendu, moi. J'en ai mangé lors de séances barbecues et je peux te dire qu'il y en a eu quelques-uns. Dans mon jardin secret, pas d'infos, pas beaucoup de pognon nécessaire pour partir loin, en esprit ou en dur, pas de nouvelles à la con. Je suis pour la simplicité, moi.

Guilaine: (en chantant Brassens) Auprès de mon arbre, je vivais heureux, j'aurais jamais dû le quitter des yeux.

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Yvette: Guilaine, cesse de chanter. Tu vas faire pleuvoir. Perso, je n'ai pas été qu'à Poitiers et au Futuroscope. J'ai parcouru toute la région.

Guilaine: Bien, Yvette. Je connais ton goût pour l'étoile rousse. Pour répondre à Martine, je lis aussi des romans en attendant mon avion. Je suis tombé sur un thriller d'un nouvel auteur, "Le jugement dernier". Ce fut un coup de maître, car il se trouvait parmi les best-sellers dès sa sortie. Le fait qu'il y avait un journaliste comme personnage principal, m'avait attiré. Il se pose la question de savoir si l'humanité a un avenir à la suite d'attentats de nihilistes... Tu parles d'une question existentielle majeure... L'histoire va de rebondissement en rebondissement.

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Yvette: Et comment il s'en sort de cette humanité en péril?

Guilaine: Comme par hasard, il se sont rapprochés de tes goûts, Yvette. Enfin, ils se sont fait aidés par le Codex Lucis des Cathares. L'humanité, elle, s'est retrouvée le nez planté dans les étoiles à rêver à son expansion et elle a fini par quitter la Terre et par se mettre en route vers la planète orange comme de véritables Universonautes. Je n'ai ni dit cosmonautes ou astronautes, si tu vois la nuance. De plus, c'est en pleine actualité. Mars One propose des aventures sur Mars sans retour possible et il y a des milliers de candidats.

Yvette: Bon sujet, en effet. Je me disais bien qu'on ne terminerait pas sur cette Terre et que les astres devaient être une échappatoire.    

Guilaine: Mais en attendant, chère Yvette, (en chantant Becaud) raconte-nous. Ce qui t'est arrivé. Comment, ça c'est passé, pendant qu'on t'attendait-là. comme disait la chanson. Pas eu d'aventures à nous raconter?

Yvette: Non, je n'ai pas rencontré l'âme sœur, comme dans ta chanson. Je n'ai pas mangé de hot dogs, non plus, d'ailleurs. Je n'aime pas les hot dogs. Je hais les hot dogs et tous ces machins de la mal bouffe. C'est de la m... Et, toi qu'est-ce que t'as fait, t'as suivi l'actualité ou elle t'as suivi? Tu en as fait les choux gras dans tes conversations lors de tes vacances?

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Guilaine: Je vais t'étonner. Je n'ai pas eu de vacances. Enfin, pas vraiment comme tu l'entends. Cela a été du travail en vacances. J'ai suivi le Pape au Brésil. J'ai écrit un reportage sur son voyage en suivant les JMJ. Envoyée en Afrique du Sud, quelques jours, avec la mort annoncée de Mandela. Comme il s'est remis mieux que prévu, j'ai réorienté l'affaire en parlant de ce qui subsiste de l'Apartheid. Aux dernières nouvelles, je pensais aller en Egypte pour me faire une idée de ce qui se passait réellement là-bas dans cette révolution à répétition. A ton avis, c'était des vacances? 

Martine: Horreur. Et tu aimes cela? Tu aimes communiquer du sensationnel, de l'émotion en tube dentifrice, de la m...quoi. Ça n'a plus rien à voir avec de l'information. Du côté du Pape, il est bien gentil avec sa visite au Brésil, mais qu'a-t-il apporté de plus à nous les femmes?

0.jpgToutes les presses du monde se rassasient de ces flonflons du bal ou de la terreur avec les mêmes sources dans le collimateur. Pas une ne se mouille à raconter sa propre histoire qui mène à la déconfiture que la presse connait actuellement. Toujours en déficit dans les caisses des journaux. Il doit y avoir une raison. Ce n'est pas ou plus de la presse d'opinion. Elle est servie sur un plat chaud ou brûlant, sans permettre au lecteur de s'assurer de leurs sources. Au moins, quand je n'écoute pas la presse, je ne serai pas influencée par elle. Parce que tu ne dis pas tout, Guilaine, tu aimerais bien qu'on en bave devant ton information avec ta signature au bas du parchemin. Pardon de ton "papier" comme on dit dans le jargon de métier. Est-ce seulement, pour identifier l'auteur du lavage de cerveau? J'en doute. Pour te faire un nom, oui, un nom qui te donnera la preuve de ta bonne conscience. Tu nous vends de la propagande, Guilaine, de la salade avec du ketchup au lieu de mayonnaise et cela sans t'en rendre compte, puisque tu ne remontes pas aux sources des problèmes planétaires. Tu te prends pour Christiane Amanpur? Surtout, n'oublie pas de prendre tes jeux vidéos en partant...

(Martine d'habitude bien calme. Yvette et Guilaine en étaient soufflées. Guilaine aurait voulu répondre. Les réponses restèrent coincée dans sa gorge. Aline était arrivée, chargée jusqu'au cou de bagages, de paquets et de valises)

Aline: Alors, vous ne me reconnaissez pas? J'ai pris des couleurs, non? Du sable dans les yeux, aussi. Dans le désert, je n'ai vu que cela... Qu'est-ce qui s'est passé pendant mon absence? Racontez-moi tout de l'actualité. Je veux tout savoir.

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Yvette, Martine et Guilaine se regardèrent alternativement. Puis, toutes trois explosèrent de rire.)

Aline: Mais qu'est-ce que vous avez toutes les trois? J'ai dit une connerie, une plaisanterie? J'ai apporté du sable mais pourtant pas de la poudre pour vous faire rigoler.

(Yvette, Martine et Guilaine, ont repris leurs fou-rires)

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Guilaine: Tu ne peux pas comprendre Aline. Merci, d'être arrivée, on allait s'embrocher. C'est une affaire entre nous. Tu sais nous avons un nouveau Roi, un nouveau JMJ, un nouveau... e ne sais plus, moi, Marine m'a fait perdre le fil. Mais prends ton temps pour te remettre dans le bain, doucement. L'actualité, c'est pas nécessairement le bac à sable de tes copines. Je l'ai compris, un peu tard. Tu veux manger un hot dog, peut-être?

(Yvette et Martine se remirent à rire de plus belle, tandis qu'Aline était la seule à ne plus rien comprendre)

0.jpgYvette: Laisse-nous rire, Aline. Guilaine nous a fourgué sur une mauvaise piste. Tu nous raconteras ton voyage dans la voiture au retour. Je repose ma question: Est-ce qu'un hot dog te plairait?

(Les rires reprirent encore une fois). 

(Les voilà, toutes quatre, en route, pour rejoindre leurs pénates, tandis qu'Aline raconte et raconte encore, ses aventures à dos de chameaux avec les Berbères, le désert avec son coucher de soleil et ses nuits étoilées... les roses des sable. Les autres font semblant d'écouter. Encore heureux, aucune autre actualité n'est venue entraver la marche dans le désert...)

Moralité: on ne parle ni d'actualité, ni de hot dog quand on revient du désert. Si tout marche bien, de quoi pouvoir parler au retour? Entre copines, on peut réveiller la vie... Le problème, c'est qu'on ne réveille pas la même vie, tout simplement.


 

L'enfoiré,

 

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