En manque d'europlanisme ? (17/03/2007)

europeDepuis plus de cinq ans, nous comptons en euros. Et lui, on le suit à la trace. "Mais, à part ça", comme on dit dans la chanson et certains rêveurs qui en espéraient bien plus de l'idée européenne ? Mystère ou bonheur mal compris. "Planisme : Doctrine selon laquelle l'expansion économique ne peut être assurée sans risque qu'au moyen de la planification" (Larousse).

Le 25 mars 2007, c'est la fête pour l'Europe. Son cinquantième anniversaire via le Traité de Rome qui instituait et concoctait, de fait, la Communauté européenne. Cette idéologie a généré un enthousiasme sans conteste. Ce sera probablement le cas encore le 24 mars à Bruxelles. La différence sera plus de monde pour applaudir : de 6 membres, la CE est passée à 27 aujourd'hui.

L'objectif initial était volontairement un rapprochement économique des Etats membres pas avec une intégration politique. Ce stade est arrivé en 1986 avec l'Acte unique européen.

Aujourd'hui, l'Europe est en panne. Après l'élargissement de 2004, l'idée maîtresse d'éviter les guerres et la famine ne suffit plus, il faut remotiver et remobiliser les populations. Le "non' français et hollandais à la Constitution est à considérer pour remodeler ce melting-pot.

Une concertation entre les acteurs d'une pièce avec des accents, des cultures, des religions et des langues différentes est pourtant à l'origine d'un planisme imparfait. Les acteurs de la discorde sont pourtant tous des Européens plus ou moins convaincus et qui vivent, jusqu'à présent du moins, géographiquement sur le même continent.

L'opinion des européens est souvent assez négative. La monnaie unique, l'euro, est considérée comme avantageux par moins d'un européen sur deux. Quand il s'agit d'accentuer la cohésion par des réunions des mandataires, un dialogue de sourds s'engage dans l'hémicycle de la CE à Bruxelles.

En finale, les échecs sont trop souvent remis à une prochaine réunion.  Surtout ne pas toucher à la souveraineté des membres. Les concertations manquantes n'ont pu uniformiser des situations par la recherche des bons points de chacun et le rejet de ce qui manifestement n'apporterait aucun bénéfice commun. La pièce est pourtant jouable, mais elle semble être une suite de plans, d'actes avec trop de metteurs en scène. Le plus petit commun dénominateur pour le social a été choisi pour colle à cet ensemble hétéroclite. 

Des directives célèbres, type "Bolkenstein" ont été vivement contestées, remodelées, contestées à nouveau et c'est tant mieux. Mais, qui n'avance pas, recule, dit-on.

Le prix d'un magazine français acheté en Belgique est de 53%. Plus cher qu'à Paris d'où le magazine est issu. Un rapide calcul, je suis à Bruxelles, donc 300 kilomètres séparent producteur et consommateur. Distance entre Paris et Nice, 640 kilomètres. Le nationalisme a encore des lunes de réflexion avant d'arriver à une uniformité sociale et commerciale.

Dans l'enseignement, très innocemment, fin du mois d’août, l'acceptation des inscrits pour l'année de cours suivante doit passer par un nouveau jeu pour la Communauté Française en Belgique : le loto. Pas le loto sportif, mais le loto intellectuel qui ne s'embarrasse pas de choisir de manière réfléchie et en connaissance de cause des valeurs des jeunes, eux-mêmes. Trop d'étudiants se présentent pour suivre des cours qui tournent autour de la santé. Ce secteur coûte trop d'argent. Pourquoi investir dans cette direction trop prétentieuse et avec trop de prétentions ?
europeLe trop plein d'étudiants ne se voit pas en provenance de bien plus loin : France, Pays Bas, Allemagne.

Les particularismes se perpétuent. Les autoroutes ne s'arrêtent pas aux frontières des "anciens" états qui constituent notre Europe, mais sont bel et bien constituées du même bitume, des mêmes conventions de conduite à de très rares exceptions près (elles s'uniformisent...).

Tout semble aller dans le bon sens, oui, mais... Pour des raisons commerciales pures, des raisons qui n'ont plus rien avoir avec l'état qui a cédé dans beaucoup de pays ses droits de préemption au privé, voilà que l'on continue à penser instaurer des vignettes, des péages de toutes formes sur ces autoroutes en oubliant que certaines frontières ouvertes devaient s'accompagner de mesures drastiques de partage et de solidarité dans la maintenance et dans la récolte des fonds pour l'assurer.

Les créateurs, "les marchands d'Europe", auront beau jeu de citer pas mal de points positifs à notre européanisations. Et ils auront raison dans le fond. Nous avons fait beaucoup de chemins mais il y a un véritable boulevard en avant-plan.

L'aide apportée aux entreprises nationales par les gouvernements européens profiterait souvent aux autres pays (Echo du 3/11/2006). Alors, il faut donner l'impression de défendre les entreprises "nationales" contre leurs concurrents "étrangers", étrangers mais peut-être aussi européens. Du "patriotisme économique" (expression du 1er ministre De Villepin) au "protectionnisme", pas beaucoup de différences. Il était constaté dans le même article que le lien entre les nations européennes et les entreprises était de plus en plus ténu. Insensiblement, on divise tout de même l'Europe en blocs d'influences, en grands et petits.

Entre-temps, le chiffre d'affaires de l'entreprise généré à domicile, lui, ne s'élève qu'à 38% en moyenne et continue à baisser. Les emplois suivent le même rythme que les ventes.

En janvier 2007, la simplification des brevets européens était aussi à l'agenda des parlementaires à Paris. Des entrepreneurs et des scientifiques étaient à l’affût. Payer une fortune pour l'obtention d'un titre de propriété dans chaque morceau d'Europe.

En février, à la Commission, on parlait de l'eCommerce pour protéger les consommateurs de biens par les achats électroniques. Les recours ne sont actuellement pas très nombreux en cas de litiges hors frontières. Nous sommes à l'étage du dessous, celui du national.

europeUne politique d'approvisionnement et de recherche des sources d'énergie aura bientôt atteint un point d'importance sans précédent. La Commission dévoilait en début d'année un embryon de politique énergétique commune. Sur la table des négociations, tout y est en vrac : sécurité d'approvisionnement, réduction du CO2, ozone, renouvelable, charbon, nucléaire. Conclusion : c'est à chaque État membre qu'appartient la décision de recourir ou non au nucléaire.

Le problème de l'immigration, vaste sujet, tellement vaste qu'il y a encore des difficultés de le placer au bon niveau de l'Europe. Les pays qui sont les plus au Sud, près des frontières naturelles avec l'importation de main d'œuvre à bon marché obligatoire ne savent plus absorber le flux de l'immigration. Alors, quand on s'essouffle on ne court plus. Quand l'eau coule trop rapidement du robinet, ferme-t-on le robinet ou agrandit-on le bassin en dessous ? Une gestion des frontières complexifiée est une réalité. Que l'on ne recommence surtout pas la solution Ceuta et Méllilia. Bizarrement, les pays considèrent ce contrôle des frontières comme national et veulent continuer à le chapeauter via des directives nationales. La sécurité, ça ne se donne pas, on s'en assure soi-même. Alors, on filtre, on enregistre les voyageurs, on stocke des informations chacun de son côté.

europeDernièrement, à la "Foire du Livre" de Bruxelles, j'assistais à une interview en commun de deux anciens premiers ministres belges convaincus, Marc Eyskens et Wilfried Martens qui étaient là pour la promotion de leur livre. Ils n'ont pas manqué de citer avec ferveur les bons points de notre UE. Les cultures différentes qui naturellement apportent notre richesse intellectuelle et fonctionnelle. J'ai pourtant été très surpris qu'ils n'ont, tous deux, jamais relevé avec emphase les difficultés qui résident dans l'utilisation de langues aussi diverses dans notre concert des nations. Tous deux sont flamands et c'est peut-être la raison qui les a poussés à ne pas citer notre problème typiquement belge : les langues. Le séparatisme est même envisagé à ce niveau réduit. Se comprendre pour commercer est une obligation. Transiter par une langue passe-partout internationale (anglais ou espéranto) est peut-être la solution mais qui se cantonne toujours à des classes sociales privilégiées ou dans le grand commerce. La langue maternelle, celle du terroir, véhicule de nos pensées intimes restera encore longtemps l'obstacle à une intégration homogène. Les patois, les accents, enfin, ne sont que des preuves de plus que même dans une seule et même langue.

Philippe Maystadt, président de la BEI, osait parler de crise grave pour cette œuvre de paix, de démocratie et de prospérité à l'origine.

Le vicomte Etienne Davignon (commissaire européen de 1977 à 1985 remarque à juste titre que l'Europe a bel et bien changé nos vies (Echo 20-mars-2007). Il a vu grandir l'UE.  En Belgique, le patronat avait rejeté le traité de Rome. La confiance en l'Europe est trop dépendante de la passion que les gouvernements ont en elle. 

europeAu sujet de ses institutions, une information m'est apparue, troublante. Il existe au sein du Parlement Européen un usage bien ancré qui fait qu'une fois par mois, le parlement européen, au grand complet, déménage pour quelques jours à Strasbourg avec tous ses collaborateurs et un inventaire de bureaux presque complet. La seule raison en est la volonté de la France qu'il en soit ainsi. Cependant, 99% de la facture (environ 200 millions d'euros par an) est payée par les autres pays membres. Aujourd'hui, un certain nombre de parlementaires de différents partis et de différentes nations, ont entamé une action pour stopper ce gaspillage ridicule de capitaux. Pour cela, ils ont besoin d'un million de signatures afin de pouvoir faire inscrire le sujet à l'agenda de la Commission Européenne.

Ce 15 mars, le compteur de la pétition en est à 1.065.266 signatures et il continue de tourner sur oneseat .

Un véritable espace public européen avec une légitimité démocratique est demandé à corps et à cris en “Think&Actpar les scientifiques avec surtout des idées européennes.

TV5, c'est bien, EuroNews, c'est encore mieux. Le “5ème pouvoir”, celui du peuple à l'écoute peut-être ? C'est ce que Daniel Cohn-Bendit disait : "Les gens attendent une sécurisation que l'Europe ne peut pas encore donner".europe 

Comme le disait quelqu'un de la Commission à Dublin : "Il ne faut pas minimiser l'Europe mais bien la maximaliser". Sécuriser les consommateurs pour leur donner confiance. On demande à voir.

Alors, on pourra parler des États-Unis et de l'Europe Unie. C'est bizarre comme le pluriel et le singulier se mélangent les pinceaux actuellement !

Deux voies possibles : une Europe fédérale ou une Europe des régions. Les empires ont fait place aux nations. Les nations, aux régions.

Site du Centre Virtuel de la Connaissance sur l’Europe puis cliquer sur événements historiques

Bon anniversaire, Europe, parce qu'on cherche encore à y croire...

 

L'enfoiré,



L'anecdote amusante de la création de l'Europe était rappelée par Paul Herman  

Sur Agoravox, aussi, l'européen a son mot à dire

  

Citations:

Mises à jour:

23 juin 2007: Un mini traité, une solution miracle est sortie du chapeau européen.

17 octobre 2007 : L'Echo fait mention des "Contradiction de l'UE". Selon le journal, Une personne sur 6 souffre de la faim tandis qu'à raison de 2700 calories par individu et par jour, 12 milliards (le double de la population mondiale) trouveraient la solution à ce problème.  L'efficacité n'est donc pas derrière le gouvernail de la coopération au développement.

17 juillet 2013 : A 28, on se pose toujours la question "Faut-il sauver l'Union Européenne"

 

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