Italie à coups de botte (03/03/2007)

Les problèmes de l'Italie sont-ils derrière ou à venir? Le présent, lui, pédale dans la semoule. Les "combinazione" à l'italienne pendant lesquelles tout s'arrange vont-elles donner le punch nécessaire? Une loi électorale en a décidé autrement et rend le pays ingouvernable.
italie,politiqueL'Italie n'a pas fini de se chercher. En politique, elle passe allègrement de la droite à la gauche avec la même ferveur, la même perte de vitesse. A chaque fois, que l'espoir repaît, on se retrouve à la case départ seulement après quelques mois de gérance. Chanter en travaillant ne suffit manifestement plus.

Le premier ministre Romano Prodi, qui venait en droite ligne d'un long mandat à l'Europe, se casse les dents sur les vieux "fantômes" des arcanes de la politique étrangère.

L'union de la gauche dispose d'une confortable majorité.

Le 22 février après seulement neuf mois à la tête du gouvernement italien, il rend son tablier, otage d'une loi électorale, en présentant sa démission au président de la république. La crise politique était apparue à la suite de l'échec essuyé par le Sénat sur la politique étrangère: la politique de l'Italie en Afghanistan. Est-ce justifié ou non? A l'intérieur, n'y avait-t-il plus de problèmes?

Résultat, pour le moins, démesuré face à l'enjeu de redressement de la situation politique instable de l'Italie. Neuf mois et puis s'en vont, pensera assurément la population.

Mis en minorité, les mots automatiques de Berlusconi sont tombés comme un couperet : "Prodi doit remettre immédiatement sa démission au chef de l'Etat" est-il dit.

"C'est un fait grave, sérieux et préoccupant de ne pas avoir obtenu une majorité suffisante, avait surenchéri le ministre chargé de lier les meilleurs des relations entre les acteurs du gouvernement. Donc, retour à la case départ.

Défaitisme annoncé et forcé. Gérer n'est plus une question d'ambition mais de vitesse d'exécution. Le chef de l'Etat peut réserver la démission du gouvernement, nommé seulement depuis à peine 9 mois. Le 28 février, Prodi a eu son discours le plus consensuel possible pour demander la confiance au Sénat et puis à la Chambre. Il conservait celle du président. Il est passé avec "satisfaction" au Sénat (162 pour-157 contre), dirait-on dans le jargon étudiant. Un "Prodi II", donc. Une reconduction dans ses fonctions était d'ailleurs la meilleure solution. Le rappel à la confiance n'aura pas été superflue mais il ne faut pas que reconduction rime avec réduction du programme lui-même.

Après cette péripétie politique, presque fait divers, la démocratie aura-t-elle progressé et été sauvée par la démagogie? Les problèmes les plus cruciaux sont et restent sociaux et autour de la lute contre la précarité.

Dans l'interface, encore une fois, la gestion du pays pédale dans la semoule des affaires courantes en attendant le prochain tour. Nous assistons en fait à une revanche de l'opposition qui a mal digéré son éviction du "trône" parlementaire après 5 ans de pouvoir et de prestations chahutés berlusconiennes contraintes par trois fois de présenter sa démission (1997 et 1998).

medium_Italie_a_coups_de_bottes.2.jpgLe particularisme et les désaccords chroniques ont encore une fois supplanté la globalité dans un jeu de massacre gratuit programmé. Ne faut-il pas sonner la fin de la récréation comme cela l'a été au football?

La population n'a pas besoin de comprendre. On s'explique presque à huis clos à l'abri de trop de controverses ou contestations. Vu de l'extérieur, il est pourtant difficile de comprendre le pourquoi et les prétentions des partis qui se trouvent dans l'opposition à faire capoter un gouvernement qui n'a pas encore eu le temps du déploiement de sa stratégie.

Faire ses preuves avec une majorité trop étroite est évidemment ce qui a fait sauté le bouchon mal engagé dans le goulot de la bouteille. Mais encore, avec quels arguments et quelle portée?

Se trouve-t-on dans un pays aux régimes révolutionnaires avec "push" successifs à la Pancho Villa?

Non, nous nous trouvons en pleine démocratie. Une démocratie a ses aléas d'équilibristes qu'il faut assumer ou assurer. Est-ce un jeu politique, une fausse sortie pour mieux rentrer plus fort et plus souple?

On a le sang chaud, dans ce beau pays de la Méditerranée, c'est vrai. On veut aller de l'avant, mais on patine en finale à cause d'une vengeance personnelle. La vengeance, ce plat qui se mange froid et qui se fout pas mal des électeurs.

Est-ce la trop grande différence de culture qui déchire Nord et Sud ou gauche et extrême droite exacerbée?

On parle la même langue, mais on n'a pas la même manière de pensée et d'agir. La loi voulue par son prédécesseur, Berlusconi a presque réussi à rendre le pays ingouvernable. Un scrutin avec les défauts de la proportionnelle et de la majoritaire en conjonction. Un certain manque de communications ou avec trop de retard de la part de Prodi, surnommé la "Mortadelle", peut-être aussi.

Résultat: encore un dérapage contrôlé mais in extremis !

Un texte d'une journaliste de la RTBF, Chantal Istace, qui date d'avril 2006 pourrait éclairer ce qui précède:

"L'Europe s'en sortirait mieux avec Romano Prodi. Une fois de plus le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker dit tout haut ce que bon nombre de leaders européens pensent tout bas. Silvio Berlusconi ce n'est pas un cadeau pour l'Union.
Jean Claude Juncker fait pourtant partie du même groupe politique européen que le premier ministre italien, le parti populaire européen. Mais il est vrai que le PPE ratisse si large, histoire de s'assurer la première place au Parlement européen, que toutes les visions de l'Europe s'y côtoient allègrement, de la vision quasi fédérale des chrétiens démocrates allemands à l'euroscepticisme affiché des conservateurs britanniques en passant par l'Europe n'importe quoi de Silvio Berlusconi.
Les dernières déclarations choc de Berlusconi. C'était précisément il y a quelques jours au congrès du PPE. Il a semé la consternation en proclamant que si Tony Blair s'en sort bien, c'est parce qu'il a conservé la Livre Sterling alors que l'Euro aurait provoqué une inflation sans précédent en Italie. Attaquer l'euro c'est d'ailleurs un grand classique chez Berlusconi et ses alliés. Lors de la campagne pour les élections européennes ses panneaux électoraux affichaient des slogans libellés en lires italiennes. Et il y a quelques mois, un de ses ministres de la Ligue du Nord avait carrément proposé que l'Italie sorte de l'euro.
Mais ce n'est qu'un tout petit échantillon de ses dérapages et autres impairs diplomatiques sur la scène européenne. Ainsi quand il a volé au secours de Vladimir Poutine, interrogé par la presse sur la Tchétchénie, pour accuser les journalistes de diffuser des informations déformées sur la Russie. Ou lors du sommet raté de la fin de sa présidence de l'Union sur la constitution. Certes la partie était difficile. Mais Berlusconi a préféré couper court pour ne pas rater un match de son club Milan AC plutôt de que de rechercher longuement un compromis.
Ses déclarations extravagantes voire ses injures plongent régulièrement ses homologues dans l'embarras. A Strasbourg personne n'a oublié comment il a traité de kapo un eurodéputé allemand. Ces dernières semaines, il a comparé la loi hollandaise sur l'euthanasie à l'idéologie nazie. Et ses plaisanteries douteuses n'arrangent rien. Par exemple quand il se vante d' avoir déployé ses talents de play-boy pour convaincre la présidente finlandaise de lui laisser le siège de l'autorité européenne pour la sécurité alimentaire. Ou quand il déclare que le premier ministre danois ferait un amant idéal pour sa femme. Sans compter les cornes qu'il simule avec ses doigts derrière la tête d'un ministre espagnol. Ca fait rire le Cavalière. Ca ne fait pas rire ses homologues européens. Et ça ne sert pas vraiment une Union mal en point dans l'opinion publique et en panne de stratégie. Mais ce n'est vraiment pas le problème de Silvio Berlusconi.
Au contraire il compte sur ses dérapages pour mettre les rieurs de son côté. Et pour Berlusconi gagner les rieurs c'est gagner les électeurs. Et tant mieux ou tant pis si c'est aux dépens de l'Europe."

L'histoire à répétition aura-elle assez d'arguments pour expliquer ces faits notoires, par définition?

 

L'enfoiré,

 

Citations:

| Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : italie, politique |  Imprimer