Y a le feu au Coudenberg (07/07/2021)
Du Palais du Coudenberg, J'en avais déjà parlé dans "Un parc de combat". Le 26 juin, sur le thème de la Renaissance, le palais accueille en mode festif placé sous le signe de la découverte, du jeu et du défi à relever en famille ou entre amis. Des coffres Waouw regorgent de trésors à découvrir et de missions à accomplir pour les plus petits. Ils deviennent ainsi de futurs bâtisseurs, archéologues, historiens, explorateurs et aventuriers de tous poils, plongés sous terre en s’immergeant dans le passé prestigieux de Bruxelles et son palais.
Près de 700 ans, résidence et siège du pouvoir des comtes, ducs, archiducs, rois, empereurs ou gouverneurs qui, du xiie siècle jusqu’au xviiie siècle, ont exercé leur souveraineté sur le duché du Brabant et sur tout ou partie des Pays-Bas bourguignons puis espagnols et autrichiens à partir de ce palais.
Le palais fut complètement détruit dans un incendie accidentel. Il n'en reste aujourd'hui que les parties souterraines que plusieurs années de fouilles ont dégagées.
J'y suis allé ce 26 juin. J'y ai accompagné ce cri "Waouw".
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Préambule: Le parc a été édifié à partir de 1775 sur les ruines du château des ducs de Brabant, situé au sommet du Coudenberg.
Remanié et agrandi sous Jean III de Brabant et ensuite sous Philippe le Bon, le château était entouré de la place des Bailles, clôturée, et, à l’arrière, d’un parc divisé en deux parties : le grand parc ou warande, réserve à gibier qui s’étendait, à la fin du règne de Charles Quint, jusqu’à la rue de Louvain et aux remparts situés porte de Namur; le petit parc, situé dans le vallon du Koperbeek, entre l’arrière du palais et le bois. Celui-ci comprenait un jardin d’agrément privé, dénommé au fil de ses réaménagements successifs, tantôt « Feuillée », tantôt « Labyrinthe » par l'évocation des berceaux de verdure, portiques et bassins du labyrinthe de Corinthe. Sur le versant opposé, un vignoble, une orangerie et des volières d’oiseaux exotiques et, dans le reste du vallon, un jardin de fleurs et un étang agrémentent l’ensemble.
Le château est la proie des flammes dans la nuit du 3 au . L’incendie a pris dans les cuisines où l’on préparait des confiseries pour le prochain bal. Il laisse derrière lui un champ de ruines et un parc délaissé. Depuis l'incendie qui l'a ravagé en 1731, cela s'appelle « l'Ancienne Cour » ou « la Cour brulée ».
A cette époque, Bruxelles fait partie des Pays-Bas autrichiens et l’archiduchesse Marie-Élisabeth de Habsbourg, sœur de l’empereur Charles VI, en est la gouvernante. Agée de 37 ans en 1771, elle est toujours célibataire tout en étant la plus jolie des filles du couple impérial. Imbue de sa beauté, perfide, avec un penchant pour la moquerie, sa mère la traite à la cour de Vienne de « Kokette ».
La nuit du 3 au , le feu se déclare dans ses appartements, elle y échappe de justesse. Dans la confusion, le désastre s’étend rapidement à l’ensemble du palais, le gel rend difficile l’approvisionnement en eau et les moyens de lutte contre le feu sont très insuffisants. Au matin, l’incendie a fait des victimes, le palais est en ruine et avec lui se perdent de nombreux chefs-d’œuvre ainsi qu’une bonne partie des archives. La chapelle, les écuries, la bibliothèque, la maison des pages et la vénerie ont été épargnées et continuent d'être occupées. De la grande salle d'apparat, l’Aula Magna, seuls les hauts murs restent debout.
La cour est relogée ailleurs, les finances manquent pour une reconstruction. Durant plus de quarante ans, les ruines du palais qu’on appelle désormais « la Cour brûlée » sont laissées en l’état. En 1774, sous la régence du gouverneur Charles-Alexandre de Lorraine, on décide de raser les vestiges et de réaménager le quartier. Même la chapelle est détruite. Son style gothique ne correspond plus au goût du jour. Sur les restes de ce magnifique palais, sera construit le quartier de la place Royale, ainsi que du parc de Bruxelles qui prendra la place des anciens jardins. Le site archéologique comprend les vestiges des caves du corps de logis, des niveaux inférieurs de l'Aula Magna de Philippe le Bon, de la chapelle de Charles Quint et un tronçon de l'ancienne rue Isabelle. A cette époque, les Pays-Bas autrichiens sont gouvernés par des rois étrangers comme un État fédéral catholique. Ce sentiment d'appartenir à un Etat nation conduit à l'émergence d'une historiographie nationale des Pays-Bas méridionaux sous le nom de Belgica Regia, à l'exclusion de la Principauté de Liège. Sous ce "ancien régime", chacune des principautés avait sa législation propre, ses pratiques juridiques, sa fiscalité et ses coutumes reconnues par des privilèges attribués au cours des siècles par la noblesse et les souverains obligés d'abandonner, petit à petit, des morceaux de leur pouvoir devant les revendications et les soulèvements.
Rue Isabelle vue du corps de logis |
Aula Magna |
Waouw !!! |
Escalier menant à la cour intérieure |
Poteries découvertes lors des fouilles au musée |
Armoiries |
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Ce cri "Waouw" a résonné dans ma tête entre rêve et cauchemar de cette nuit fatidique du 3 février 1771.
Février 1771: Laissez-moi me présenter. Je m'appelle Jan Leboeuf. J'ai 28 ans. Depuis dix ans, je suis devenu gardien chef du corps de logis du Palais à la porte centrale. Je vais essayer de vous raconter ce qui s'est passé cette nuit-là.
Cette journée-là, comme beaucoup d'autres, cet hiver, il fait affreusement froid et on caille. Mon équipe se chauffe avec un feu de bois en tapant des pieds. Les plafonds sont trop hauts pour que la chaleur puisse réchauffer les corps. Je vais vous décrire l'environnement avant de raconter ce qui est arrivé cette nuit-là.
À gauche, est représentée la place des Bailles, aménagée sous le règne de Charles Quint : la balustrade qui entoure la place publique comporte une série de piliers surmontés de statues de souverains par Jan Borreman qui inspire la conception de la clôture du Petit Sablon et de la place de la Gare de Binche. Passant souvent sous la tour de l'horloge, des carrosses franchissent le portail pour accéder à la cour intérieure du palais. C'est à ces moments-là que notre office entre en action.
Au fond de la cour, on aperçoit le grand escalier d’honneur qui mène à l’Aula Magna construite sur les instructions du duc de Brabant, Philippe le Bon et qui domine les autres bâtiments. D’une hauteur que j'évalue à vue de pif, à trente mètres, d’une longueur de quarante et d’une largeur de seize mètres, elle est constituée d’une seule salle surmontée d'un ou deux niveaux de comble recouverts d’une charpente couverte d’ardoise. Lors de nombreuses fêtes et d'événements importants, ses murs sont couverts de riches tapisseries.
Dans la matinée, les autorités ont défilé dans les rues suivies des archers.
La cour intérieure est également bordée d'un autre corps de logis où se trouvent les appartements princiers ainsi que diverses salles de conseils d’État, de finances et de nombreuses institutions et administrations centrales des Pays-Bas, qui a été rehaussé d'un étage sous le règne de nos bons Archiducs Albert et Isabelle que nous aimons. De nombreuses fenêtres donnent sur les jardins et le parc. La grande galerie donne sur les jardins, construite par la Gouvernante Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint.
Dans le prolongement de l’Aula Magna, j'aperçois la chapelle de Charles Quint, réputée pour la beauté de ses proportions. Constituée d’une nef unique éclairée par deux étages de fenêtres, elle était construite sur la pente de la colline du Coperbeek, aujourd’hui nivelée. Le palais du Coudenberg a été construit à flanc de colline, à la fois sur le versant oriental de la vallée de la Senne et sur le versant méridional du vallon du Coperbeek. Pour compenser les variations dans le relief mais aussi pour bien ancrer les constructions dans la colline, les bâtiments abritant la chapelle et la grande salle d’apparat ont été dotés d’un ou deux étages de caves. Pour mettre le niveau de culte au niveau de la salle d’apparat, on a dû construire un double niveau de soubassements avec de puissants piliers, octogonaux à l'étage -2 et ronds au -1, destinés à soutenir les poussées de ceux de la chapelle. Derrière la salle et la chapelle, la rue Isabelle permet de descendre la colline en longeant les jardins et la première enceinte, allant de la place des Bailles en direction de la collégiale Saints-Michel-et-Gudule. Elle est à ciel ouvert.
Au bas du Coudenberg s’étendent les jardins, avec des pièces d’eau et des fontaines, des jeux et promenades et une réserve d’animaux de chasse.
La basse-fosse de latrine n'est pas loin de nous et vous vous imaginez qu'on peut y retourner souvent à cause du froid.
J'ai beaucoup de temps à perdre à attendre les carrosses. Cela m'a permis d'apprendre à lire dans les livres comme sources d'information et d'inspiration. Non, ce n'est pas à l'école. Mes parents n'étaient pas riches. Depuis, l'histoire m'intéresse. J'aime ce qu'écrit Jean-Jacques Rousseau. Il écrit très naturellement et sans mots trop lourds pour mon petit esprit. Dernièrement, je suis tombé sur le magazine "Journal du Commerce" de Jacques Accarias de Sérionne qui popularise ses écrits sur l'agriculture et le commerce. Ni philosophique, ni politique, il indique que la raison doit diriger les humains par l'éducation en place de la croyance et de la force. Que j'aimerais que cela soit ainsi dans la réalité pour tout le monde. Les bourgeois, il est vrai, soutiennent les Lumières de Voltaire. Mais c'est à leur propre usage. J'aimerais, un jour, pouvoir écrire mes mémoires.
J'avoue qu'à mes temps perdus, je me perds un peu dans la chronologie des reines et comtesses qui ont déambulé fièrement par cette porte.
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18 heures sonne à l'horloge.
La journée a été chargée par la visite de plusieurs personnes fortunées au vu de leurs habits de soie dont ils étaient parés. Ce matin, ce fut encore un défilé des personnalités du château. D'où je suis, j'entends encore de la musique et des éclats de voix. Ils doivent s'amuser et discuter de politique. Je n'y entends rien en politique. Je la subis probablement plus que j'en connaisse ses vicissitudes. Là bas, les cheminées au-dessus du palais font évacuer beaucoup de fumée.
La nuit est déjà tombée depuis longtemps. Les journées sont très courtes. Comme des fantômes, les ombres projetées sur les murs par la lumière tremblante et réfléchie par nos brasiers, ne me font plus peur.
J'avoue, je commence à m'ennuyer alors que nos autorités s'amusent à proximité sous le corps de logis dans les appartements princiers et les salles d'audience.
C'est alors qu'une odeur inhabituelle de fumée perce nos narines.
On entend d'abord un cri venu de l'intérieur. Puis un deuxième.
Je me dirige vers le centre du bâtiment en laissant mon équipe à l'entrée.
Plus je m'approche, plus l'odeur âcre se fait forte. J'en suffoque déjà.
Je prends la rue Isabelle à l'air libre pour ne plus tousser.
Je me mets à crier à tue-tête:
- Vite, allez chercher de l'eau. Le château est en feu.
D'autres cris me répondent avec la peur dans la voix.
- Sauve qui peut, lance l'une d'elle.
L'Aula Magna s'est déjà presque écrasée au sol sur toute sa longueur de 40 mètres et sa largeur de 16. Les hautes fenêtres en ogives en pierres blanches, sont déjà roussies.
Je ramasse des seaux d'eau mais il est clair que l'incendie est le plus forte.
Il faut sauver des vies plutôt que les biens immobiliers et mon rôle est de protéger nos autorités.
Je cours vers les appartements ducaux.
J'entends un "au secours" d'une voix que j'ai appris à connaître.
Celle de l'archiduchesse Marie-Élisabeth.
Elle est seule et déjà entourée par les flammes et des étincelles qui tombent sur sa robe.
Je n'aime pas sa perfidie et sa moquerie, mais, cette fois, je ne peux en tenir compte. C'est mon devoir de lui porter secours.
Le seau d'eau que je tiens à la main, me sert d'extincteur avant que ses habits ne soient complètement pris par les flammes.
Son regard habituellement dur s'est transformé par un sourire qui exprime son sentiment de remerciement.
Je l'entraine vers l'extérieur au moment où le mur qui était près d'elle et qui tenait encore difficilement, s'écroule derrière nous.
A l'extérieur, la panique est totale. Il y aura des dizaines si pas des centaines de victimes. C'est maintenant sûr.
Après avoir laissé la comtesse dans un endroit plus sûr, je m'apprête à retourner vers l'intérieur du château quand une poutre me barre le passage.
Je suis désorienté par l'odeur âcre de la fumée et par le fait qu'elle obscurcit l'air de la nuit.
Pas de doute, le château est perdu.
Une sonnerie inconnue résonne à mes oreilles.
Non, ce n'est pas l'horloge murale de la rue Isabelle, c'est le réveil de ma chambre qui me sort de mon cauchemar de mon sommeil paradoxal.
- Tu es en sueur. Tu as mal dormi?, me dit mon épouse.
Je n'ai pas osé lui raconter ce que je venais de vivre dans mon sommeil.
Il y a une chose que je ne regrette pas, c'est de me retrouver dans ma propre époque.
Pas d'envahisseurs de Visiteurs avec le comte Godefroy de Montmirail et son serviteur Jacquouille, dans la chambre...
Le sommeil paradoxal est énergivore mais il consolide les souvenirs.
Je me suis demandé qu'aurais-je fait à la place de Jan Leboeuf?
Aurais-je couru vers l'extérieur comme beaucoup d'autres pris de panique?
Parfois, on pense retourner aux années folles, mais pas vraiment à celles-là....
J'ai trouvé ce "Le saviez-vous?" qui a complété ma visite.
Cela m'avait complètement rassuré d'être sorti de ce voyage dans le temps.
Mais le monde change et il faut s'y faire et s'y adapter.
Je me souviens qu'en sortant des entrailles de la terre au Coudenberg, face à feu l'ancien Hôtel d'Hoogstraeten, devenu Hôtel de Spangen, il y avait un pan de mur décoré d'un grand dessin sur lequel des populations de différentes communes de Bruxelles dansaient et s'amusaient en habits de toutes les époques.
Le titre du dessin était "Aux quatre coins de Bruxelles" Anno 2019...
En 2019, on ne pensait pas au Covid dans nos pires cauchemars ...
Des incendies, il y en a un peu partout et le Théma de hier soir parlait des "incendies géants" comme un nouveau fléau contre lequel il est difficile de lutter, n'en est qu'une preuve de plus des perturbations que subit notre climat.
De nombreux incendies donc, mais pas ou plus, au Coudenberg...
Sans rien dire en rentrant, j'ai pourtant eu le réflexe bizarre d'aller vérifier les termes du contrat d'incendie.
On n'est jamais assez prudent.
Allusion
Commentaires
Le 22 mai 1967, c'est le drame à Bruxelles : l'Innovation part en fumée, faisant plus de 300 victimes. Si cette catastrophe a marqué au fer rouge la mémoire des Bruxellois, bien d'autres incendies ont ponctué l'histoire de la ville, comme celui qui ravagea tout le quartier Notre-Dame de la Chapelle en 1405 ou celui qui métamorphosa le palais du Coudenberg en "cour brûlée" en 1731. Au fil de cet ' Itinéraires ', nous évoquerons aussi les moyens de combattre le feu et leur évolution à travers les siècles, depuis les seaux et échelles des moines du Moyen Age aux équipements les plus sophistiqués des pompiers d'aujourd'hui.
Wasterlain vous dit quelque chose ?
https://www.quefaire.be/pompiers-et-incendies-8384675.shtml
Écrit par : Allusion | 10/07/2021