Journal d'une quille (29/10/2008)

vie,retraiteQuand la retraite sonne, on ose espérer qu'elle ne sera pas celle de Russie. Voilà, la suite de "l'après travail".

Du "Gendarme et les Gendarmettes" à Saint Tropez, avec De Funès qui avait pris sa retraite forcée, du film « Le Chat » avec Jean Gabin et Simone Signoret, on s’en souvient et cela fait réfléchir sinon avec une certaine crainte le jour où il faut raccrocher son tablier après une carrière pleine. Rappelez-vous en guise de "testament professionnel", j'avais écrit "Et si c'était à refaire". En fin de texte, je le léguais à tous mes anciens collègues et amis.

Le show théâtral que j'avais organisé et présenté alors est maintenant dans ma librairie de DVD, consultable à désir, c'est à dire, sans en perdre la mémoire. "Rock around the clock" avais-je nommé cet événement.

Alors, à revoir les images à cadence accélérée de ces nombreuses années qui ont précédé ce "passage", on se souvient.

L'histoire, le premier chapitre, reprenait les différents moments cruciaux, à plus d'un titre, d'une carrière.

Le suivant envisageait l'avenir avec un peu de circonspection à se demander de manière humoristique de ce qui allait se passer, du côté qu'on allait quitter et de celui plus intimiste de l'autre côté du miroir. Quand on sait qu'une moyenne de 91 heures par an de disputes dans un ménage moderne. Cela fait réfléchir, quand la fusion est plus complète.

vie,retraiteLe troisième avançait les solutions envisagées pour combler le temps par les hobbies disponibles et les conquêtes en kilomètres du côté bien physique.

Le dernier, enfin, était plus nostalgique.

"Préparer vos mouchoirs" m'avait semblé le plus adapté à la situation du départ.

Très vite après que les flonflons du bal et que les lumières se sont éteintes, un collègue, curieux, qui me suivait depuis toujours dans mes écrits, m'a demandé de tenir mes mémoires de jeune pensionné à jour. Il était certes intrigué du comment cela se passerait l'"après". Surtout qu'un précédent, pas joyeux du tout, restait quelque part dans notre mémoire. Me connaissait-il au point d'y voir quelques problèmes potentiels ?

L'habituel "Loin des yeux, loin du cœur", ne sera-t-il plus de rigueur cette fois ?

Bien avant cela, lors de l’annonce de la décision de changement de cap, elle-même, comment les choses se sont-elles passées ? La réaction avait été simple, surprenante à plus d'un titre : ma moitié a versé une larme instinctive plus ou moins chaude. Etait-ce dû à l'obligation du temps ou le dérèglement de la boussole interne ? Une nostalgie par les deux bouts ? Une crainte secrète ? Je n'ai pas cherché à en trouver les racines.

vie,retraite"Une retraite dorée, cela se prépare jeune" était-il dit dans un Echo en août 2008. L'or, ce n'est pas vraiment mon truc, le fer, non plus. A la pension, les revenus diminuent et surtout se dire qu'on ne se refait pas aussi facilement. J'y reviendrai. On reste attentiste lors de la première paye "extra work". Au départ, elle est même arrivée par une gentille postière qui vous demande de signer la petite case de réception. Là, on sent l'âge qui vient d'un coup.

A bord du "home sweet home", la nouvelle recrue allait prendre une partie de territoire. Allait-elle pouvoir se percevoir et s’exercer sans heurt ? Devoir partager après tant d'années de décisions unilatérales.

Chacun ses marques, chacun ses repères, ses prérogatives et tout restera dans l’ordre, se dit-on. Oui, mais, c'est de la théorie.

vie,retraiteCela est question de caractère et de capacités. Carla Bruni disait récemment : "Le principal sujet sur lequel je ne suis pas d'accord avec mon mari, c'est la cuisson des pâtes". Je dirais que de ce côté, il n'y aura jamais de problème. Et si c'était nécessaire, on avisera.

Cette fois, il y a deux patrons à bord dans des domaines différents et cela pendant la durée complète des 24 heures pour de nombreuses années, en principe. Tout dépendait de l’incrustation dans les activités d’avant de chacun. Un certain "job protection" s'est instauré dans l'habitude. Très vite dessiner les contours des champs d'application assignés à l'un ou à l'autre s'impose. Les domaines d'influence sont bien définis ? Tant mieux. Mieux vaut ne pas avoir trop de redondances de charges et de préoccupations. Alors, "polluons" dans l'extra, pour ne pas dire extrapolons.

Le choc des Titans, alors ? Pas vraiment, du tout.

Rassurez-vous, très vite, les choses ne vont pas fondamentalement changer. Chacun fera ce qu'il avait l'habitude avant l'"élément perturbateur". Le secret de la sagesse est dans la préparation à l'événement. La confiance est ce qui reste quand les troubles commencent. La crise des marchés et de la finance actuelle en est un reflet tout particulier.

Comme je l’avais entendu de nombreuses fois, il paraissait au vu de l’expérience de certains « précurseurs » que le processus d’abandon de la vie active n’allait pas calmer le jeu. Le stress et les travaux inutiles n’allaient pas vraiment quitter les rivages dans cette nouvelle vie.
vie,retraiteAlors après coup, après un temps de recul, que s'est-il passé sur le terrain de l'action ?

Des chambardements, des déchirements ?

Non, à l'ouest, là où le soleil s'en va pour s'endormir, rien de vraiment nouveau. Mais à l’Est, un peu de chambardements à consentir de part et d’autre. C'est évident.

Comme je le disais, lors de mon sketch, il a fallu mettre de l'eau dans son vin, limer ses ongles toutes les semaines, se tenir à carreau, parfois, et présenter un look pas trop avachi comme spectacle quotidien. Dans l'espace disponible, il faut dessiner et s'approprier des espaces temps.

Le conjoint à ses raisons que la raison personnelle ne connaît pas toujours. C'est vrai. Egalité des droits et responsabilités partagées pour définir le champ d'application.

La fleur bleue, c'est pour les "Contes de mille et une nuits". En effet, il s'agit de plus qu'une nuit avec les journées en plus. Tant qu'on ne regrette pas le patron d'avant, rien de perdu.

Celui-là avait des raisons incontestables que l'on ne digérait pas vraiment non plus. Cette fois, il faut accepter des raisons plus terre à terre loin du côté cartésien et drastique qui a été le sien. En cas de troubles, cherchez l’erreur de son jugement est la première réaction salutaire. Le problème le plus épineux, c’est quand on n’en trouve pas et que le langage est manifestement à des altitudes différentes. Les discussions ont encore leurs mots à dire, heureusement.

Car, qui dit, discussions, dit aussi parfois, contestations. Méprises et malentendus finissent par succéder de part et d'autre.

Baisser pavillon, c'est gagner ou perdre dans l'habitude. Surtout ne pas faire semblant, ni s'évader dans des faux fuyant.

Pas question d'imposer sa culture, sa volonté en exclusivité quand elle existe chez l'autre. Le compromis "à la belge", toujours lui, n'est pas si mauvais en définitive. Trouver et garder ses marques personnelles et ses projets d'importances graduelles. Il y a la façon de dire les choses, il y a aussi l'espace et le temps qu'il faut choisir avec le plus de précision et d'efficacité.

Quadrature du cercle ? Non, simple décision de départ de vouloir établir des normes, des territoires, des potentiels et compétences communs ou complètement dissociés.

Les interfaces entre les compétences très différentes n'ont pas trouvé les meilleurs outils. Les mots assassins qui s'amusent à casser l'ambiance, s'abstenir. On ne les ressent tel quel qu’après les avoir prononcés. Dommage. Si les meetings d'antan entre collègues ont généré des difficultés dans le passage d'information, on s'aperçoit, étonné, qu'on change seulement de registre.

Alors, il est vrai qu'il y a des périodes où on découvre beaucoup d'images mais un peu moins de sons. Jeux d'actions et réactions qui ne peuvent pourtant pas perdurer trop longtemps. La bouderie n'est pas la solution. Il faut oublier très vite et passer à l'étape suivante. Principe de précaution, toujours présent. En fait, rien de vraiment différent avec l'avant.

Les projets peuvent être très différents. Mais il faut les accommoder, trouver des trucs et des points communs.

"Et, à la retraite, il y a les voyages", pensent ceux qui sont au travail. On ne peut être en vacances tout le temps. Ce ne serait plus des vacances. Le jardin ou le bricolage, faut aimer. Ce n'est pas mon cas. Le jardin a pour moi une seule justification : la seule beauté des yeux. Après avoir passé près de 40 ans à créer ou à "tripoter" les programmes, cette fois, j'en suis devenu l'utilisateur. L'écriture et Internet ouvrent des appétits de la connaissance. Connaître, avant de prendre le large, les activités, est le besoin majeur que je conseillerais à tous. Lire est une occupation que l'on peut se permettre avec plus de temps. Il n'y a plus seulement les bouquins techniques. Il y a un temps pour tout, même pour le changement. Il arrivera certainement dans un futur proche de "jeunes pensionnés" qui se lanceront dans de multiples vies de traverses.

vie,retraiteJe n'ai pourtant pas ressenti ou voulu ressentir un changement structurel dans le timing. Se lever, se coucher à la même heure, faire les choses aux moments habituels. Réserver le weekend pour des tâches extra quotidiennes. Tous les jours sont des jours de congé mais, il vaut mieux garder des "miles stones", des breaks, question d'en garder la mémoire. Le weekend, le jogging et le vélo en flânant et en regardant la nature avec des yeux différents. Un jogging sans oreillettes et avec dans le dos la mention "Arrêts fréquents". La compétition, c'était pour une autre vie, si, seulement, elle a existé un jour.

A d'autres moments, le PC devant moi, la radio en stéréo, la fenêtre devant moi, le "chat" (non, pas l'animal) pour l'image et le son. Why not? (l'anglais, ici, choisi pour la mémoire aussi...).

Peu importe les problèmes et de la manière, du moment qu’il reste l’ivresse et l'humour.

Cela fait deux ans que j'exerce ces nouveaux talents dans l'ombre.

J'écris beaucoup. Chacun son truc en plumes. Mais, je cours, je vélote, je parlote à un rythme différent. La nature prend plus d'importance. On prend le temps pour faire plus que la voir, on la regarde.

Je peux déjà vous confirmer que le temps passe aussi vite que dans ce qu'on appelle la vie inactive.

Extrapolons, une nouvelle fois, puisque l'actualité m'en donne l'occasion.

Le 21 octobre 2008, la RTBF consacrait une émission destinée à ceux qui ont pris leur retraite et sur la question de "Vivre longtemps, vivre content ?".

Troisième ou quatrième âge ?

"Peu m'importe du moment que l'esprit jeune demeure", était-il dit.

Décidément, on commence diablement à s'intéresser à ces "p'tit vieux" qui sont toujours très intéressant financièrement. Deux jours après, RTL en remettait une couche avec sa "Spéciale Longévité" dans "Tout s'explique".

On y présentait un chirurgien de Loma Linda en Californie de 92 ans qui dirige trois à quatre opérations à cœur ouvert par semaine. Sur l'île d'Okinawa, on défie le temps avec 900 centenaires, quatre fois plus qu'ailleurs. A Ovadda en Sardaigne, mêmes phénomènes ! Relation entre le passé et le présent, avec son environnement et la discipline des exercices physiques, du climat, de la nourriture, d'un certain adventisme et de l'oubli du stress, concluait-on.

Sur Wikipedia, pour expliquer le phénomène de la prise d'âge, on trouve : "La formation de radicaux libres dans l'organisme est constante et indissociable de la vie dans une atmosphère oxydante, mais les excès dépendent de facteurs extérieurs tels que le stress, la fatigue et l'exercice physique intensif, la consommation de tabac, d'alcool, les pollutions atmosphérique, ou encore par des rayons ionisants, tels que les rayons X."

Alors, pourquoi ne pas décider d'être radicalement libre dans une discipline de "la tête et les jambes" ? Ouvert et sans peur en veillant un peu à la carrosserie et un peu plus du côté moteur, avec l'eau vive.

vie,retraite

Un enfoiré est difficile à vivre, mais on assume de bon cœur.

Autant savoir et à bientôt.

Trouver des solutions win-win. Il n'y a plus d'actualité à respecter puisqu'il le temps n'existe plus. Synchroniser son temps avec les autres, comme le fait Drucker qui invite des gens qui ont un livre ou un film à faire promotion.   

Main dans la main et dans la franchise mais sans ataraxie, je suis candidat.

Yves Pujol disait dans un de ses sketchs "J'adore ma femme".

De l'humour, il en avait dans ce sketch.

Et de l'humour, il en faut.

Alors, si on terminait ce billet par deux vacheries pour confirmer ce qui vient d'être dit ?

L'une rappelée à l'occasion justement à l'occasion de ce "Vivre longtemps, vivre content ?" par Paul Hermant de la RTBF:

"C’est l’histoire d’un type, disons qu’il s’appelle Marcel, qui, le jour de ses 70 ans, décide de bouleverser totalement ses habitudes afin de préserver sa santé et de vivre plus longtemps. Il se soumet à un régime strict, il fait de la course à pied et de la natation et il prend des bains de soleil. En l’espace de trois mois, Monsieur Marcel perd treize kilos et demi, réduit son tour de taille de quinze centimètres et augmente ses pectoraux de treize centimètres. Mince et bronzé, il décide de couronner le tout en offrant à ses cheveux une coupe d’athlète. Mais un bus le renverse juste au sortir de chez le coiffeur. Allongé sur le sol, moribond, il s’écrie « Dieu, comment peux-tu me faire ça à moi ? » Et une voix venue des cieux lui répond : « A vrai dire, Marcel, je ne t’avais pas reconnu ».

L'autre histoire dite par Jacques Balutin aux Grosses Têtes est plus dure encore :

"Un homme sur son lit de mort à sa femme à côté de lui.

- Chérie, tu as été une femme exceptionnelle. Tu as été toujours à mes côtés.

- Oui, chéri, soupire-t-elle.

- Le jour où j'étais malade, tu étais là. Le jour où j'ai été viré, tu étais là. Le jour où je suis tombé en faillite, tu étais là. Et maintenant que je suis à la fin, tu es toujours, là. Tu sais, quoi ?

- Non, mon chéri adoré.

- Je crois que tu portes la poisse.

Moi, l'enfoiré, j'ai osé la raconter à mon épouse.

Elle en a ri, aussi. Donc, pas de problème.

La liberté, c'est aussi d'en rire un bon coup.

 

L’enfoiré,

 

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