Il chauffe sur le Lac Majeur (11/07/2010)

En 1972, le Lac Majeur en Italie du Nord avait inspiré Etienne Roda-Gil avec la chanson, "Il neige sur le Lac Majeur" que Mort Shuman interpréta. Paroles, assez tristes et pas très engageantes pour un décor qui mériterait plus d'entrain. Période de vacances oblige un écart, un retour au calme.

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Initialement boudée par les radios qui trouvaient le titre trop long, cette chanson avait été tellement demandée à l'époque que les radios se trouvèrent contraintes de la diffuser. Ce fut un grand succès pour l'année 1972.

Citez le Lac Majeur et c'est cette chanson qui revient du fond de la mémoire de tous ceux qui vous rencontreront.

1.jpgÉtait-ce, déjà, cette chanson qui m'avait attiré, lors d'un premier voyage, sur ses berges en 1997 ou le bouche à oreille?

En cette fin de printemps de 2010, toujours est-il que je m'y suis replongé dans le cadre de ses montagnes et de son lac.

A cheval sur le territoire suisse et italien.

Traversé par le Tessin et le Toce, vert jade dans le nord suisse, plus bleu au sud italien.

65 kilomètres à partir de Locarno vers le Sud. Largeur maximale, 5 kilomètres.

Alternance de paysages, tantôt alpestres, tantôt méridionaux. Des villas, parfois de véritables palais, souvent prolongés sur ses berges par des jardins plus exotiques les uns que les autres se cachent dans le paysage.

Pour décrire le lac, en consultant Internet, un site en donne cette description:

"On ne sait par où commencer tant cette région est merveilleuse: le lac bien sûr, est magnifique, un miroir, dans un écrin de verdure... mais que dire de l'attrait des nombreux jardins d'art botanique, de la nature ou de l'histoire de la région. On côtoie en même temps l'eau, les collines et les montagnes dans un paysage vraiment unique."

Bonne entrée en matière, pourrais-je dire pour attirer un maximum de curieux et de touristes. Cette description conviendrait tout aussi bien pour tous les lacs du Nord de l'Italie et de Suisse et ils sont nombreux. Lacs de montagnes, creusées par la fonte des glaces.

Le Lac Majeur se complète par une histoire particulière, une histoire très longue, de plus de mille ans...

"Et enfin au large, comme des mirages, les îles Borromée semblent avoir arrêté le temps.."

Arrêter le temps? Rien ne s'arrête au contraire entre les quatre îles qui attirent chacune les visiteurs de tous les horizons comme un aimant..

1.jpgL'Isola Bella, la "Belle", la plus célèbre des curiosités du lac, la plus visitée, qu'il vaut mieux découvrir tôt le matin sinon c'est le déluge. Véritable oeuvre d'art, avec d'une part, un pompeux palais baroque et de l'autre, un jardin sans égal dans le monde. Jardins symétriques, en dix terrasses pyramidales, ornées de statues des plus diverses et imaginatives dignes de Dali. La "Belle île" a été aménagée au 17ème siècle par Vitaliano Borromée, du fait que l'île est dite Vitaliana aussi. Il décida de la transformer en hôtel comparable aux délices du fabuleux domicile de Calypso, aux potagers des Hespérides, aux jardins enchantés d'Armida. Soixante ans furent nécessaire pour l'achever.

L'Isola Madre, la Mère, se réserve son jardin botanique exotique de style anglais.

L'Isola dei Pescatori, île des Pêcheurs qui autrefois étaient autorisés seuls, à pêcher dans le lac.

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L'Isole dei Brissago, en Suisse, complète le côté insulaire du lac.

Plus tard, comme dans un bal, les bateaux de toutes grandeurs s'agiteront dans tous les sens et feront plisser les eaux calmes du lac.

La famille de cardinaux des Borromées sont vraiment une institution dans la région. Depuis le 12ème siècle,  les îles appartenaient à cette famille princière. Le membre le plus connu fut Charles Borromée. Lors de la peste qui désola Milan en 1576, il accourut dans cette ville du fond de son diocèse et, bravant la contagion, porta partout des secours et des consolations. Il mourut à l'âge de 46 ans, épuisé par la fatigue et l'austérité et fut canonisé en 1610 par le pape Paul V. 1.jpg

Dans le haut d'Arona, ville toute proche, il a sa statue de plus de 30 mètres de haut. C'est la statue la plus grande, dans laquelle on peut grimper jusqu'au sommet, comme dans la Statue de la Liberté.

De nos jours, il pourrait être considéré de manière moins appréciable vu qu'il s'illustra par l'intensification de la chasse aux sorcières, la lutte contre le protestantisme et la persécution des Juifs dont il réussit à obtenir l'expulsion, en 1598, de tous les Juifs du Milanais.

Mais, continuons la lecture de ce site...

"C'est face à un tel dilemme, avec tant de choses à raconter et des dizaines de photos en poche, que je me suis trouvée face à une envie immense: offrir à cette région qui m'avait si chaleureusement accueilli, un petit site internet autour de mon séjour Lac-Majeur.com avec cet album."

Le Lac Majeur a, en effet, tout pour plaire sans chercher à en faire un banal document touristique qui en ferait une description dithyrambique. Moins de tunnels qu'autour du Lac de Garde, mais la route quitte souvent la vision du lac.

Plusieurs villages se font concurrence pour gagner le prix de la plus belle ville fleurie.

1.jpgVerbania, la plus commerciale. Couplée avec Pallanza et Intra.

Stresa, appréciée des artistes, du cinéma et des écrivains avec son histoire aussi, par ses hôtels prestigieux comme le Grand Hotel des Borromées (1883) ou le Regina (1908), tous deux faces au lac, devenue au 19ème siècle, la destination la plus élégante de la région. Une promenade verdoyante relie les hôtels fin-de-siècles à l'embarcadère. Sur les hauteurs, des villas Liberty. Dans la Villa Pallav1.jpgicino, un parc à l'anglaise de 20ha recèle un jardin botanique et un zoo pour enfants.

De cette petite ville, des documents remontent déjà à 998. Ce n'est pas peu dire.

Sans attirer personne. Sans caisse de résonance, il fallait réactualiser cette impression transmise par la chanson chantée par Mort Shuman à partir de Stresa, station que l'on ne trouve pas dans le Guide du Routard du Nord de l'Italie. Chose dont je ne m'étonne qu'à moitié.

Surprenant que le lac ne semblait pas, pour le moins, avoir laissé une joie sans bornes à son auteur.

Période de déprime? Lieu qu'il n'a manifestement pas aimé, ce Lac Majeur ou sortilège qu'il voulait extirper de sa mémoire?

"Des oiseaux-lyre, en pleurs?"

Sur l'Isola Bella, ce sont plutôt des paons qui font la roue. Poésie?

"Du pauvre vin italien S'est habillé de paille pour rien?"

Parmi les vins du Tessin, étrange?

"Des enfants italiens crient de bonheur qui répandent la terreur?"

Étonnant.

"J'ai tout oublié du bonheur?"

Dommage, pourrait-on ajouter.

"De nouveaux gladiateurs et on dit que le cirque meurt?"

En supposant que ce soient les touristes, il n'a peut-être pas tout à fait tort.

"Et le pauvre sang italien, Coule beaucoup et pour rien?"

Appréciation toute personnelle. Le mot "pauvre" n'est pas de la région.

Visions pessimistes, donc, auxquelles il faudrait trouver une explication en fonction de ses propres découvertes.

Pas beaucoup de visiteurs pendant la période d'hiver. C'est évident. Beaucoup d'hôtels, fermés de novembre à mars. La neige peut tomber de nombreuses fois pendant cette période creuse.  Un froid humide doit être de la partie et glacer les os.

Le mont Mattarone surplombe Stresa et s'élève jusqu'au sommet à de 1500 mètres, en télécabine et en télésiège ou par une route en lacet d'une vingtaine de kilomètres ou encore par une promenade de montagne de plus de 4 heures. Au sommet, les vues plongent vers les sept lacs aux alentours. Comme la température diminue d'un degré tous les 180 mètres, y monter permet d"oublier les chaleurs des berges du lac. Les neiges éternelles, visibles par temps clair, se trouvent plutôt vers le mont Rose, qui, lui, culmine à 4634 mètres. Plus loin, Zermatt et la célèbre pyramide du Cervin.

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Rembobinons. En ces derniers jours de printemps, lors de mon arrivée, le ciel était plombé. La pluie avait été de tout le voyage. Le gris de rigueur faisait désespérer des vacances radieuses. Les 15 kilomètres du tunnel du Saint Gothard ne sont plus qu'un soucis mineure en attendant d'obtenir le passage après quelques embouteillages.  Déjà, dès la sortie, on sent qu'il y a une évolution notoire. Les nuages sont encore là, mais ils laissent passer quelques quartiers de ciel bleu.

Ce tunnel sommital ferroviaire, lui, à 1.155 mètres était à l'origine le plus long qui eut jamais été percé. Zurich-Milan, le 1er juin 1882, lors de son lancement, on pouvait lire, sur la route, des banderoles qui exprimaient la victoire car il y avait des morts à concéder dans l'aventure:

"Il est libre, le sentier de fer. Hâte-toi, roues ailées, qui rassemblent les peuples tout autour du globe".

Un autre tunnel ferroviaire est en construction.

En 2018, il atteindrait la longueur de 57 kilomètres. (cf la mise à jour du 15/10/2010)

Descente freinée sur le moteur, ensuite, au travers d'une civilisation de l'alpage jusqu'à Locarno qui ne rappelle plus que très sommairement, ces temps glorieux.

1.jpgLe lac cachait déjà quelques ridelles que le vent transformait de proche en proche en vagues pour donner l'impression d'une mer démontée comme s'il s'agissait encore de la saison hivernale. Les palmiers, seuls vestiges de jours heureux, pliaient sous les coups de butoirs du vent. Le printemps se terminait manifestement mal. Pas de panique, pourtant.

Il est vrai que les tempêtes ont existé dans l'histoire sur ce lac.

Au 12ème siècle, le monastère Sainte Catherine del Sasso avait été construit sur un éperon de rocher à pic, par le bienheureux ermite Albert Besozzo. D'après la légende, il aurait été sauvé lors d'une tempête. Mais c'était au 12ème siècle. Le bateau de cet Albert ne devait pas avoir aussi fière allure que les bateaux qui font la navette sur lac, indifférent aux intempéries. Aujourd'hui, l'endroit respire une paix royale pour relier le monastère par un chemin le long de la falaise. Un moine, quelques frères et sœurs laïques y habitent toujours. Des bienheureux de pouvoir assister aux couleurs magiques du soleil des fins d'après-midi.

Cette année, par une fausse coïncidence, le premier jour de l'été marqua la transition et allait balayer tout cela. Le ciel déchira ses nuages et transforma celui-ci en une pureté bien méritée. Pas de brumes de chaleur. Les montagnes se découpaient au couteau à l'horizon.

La répétition nostalgique et mélancolique qui avait inspiré Mort Shuman, n'allait, donc, pas se reproduire. Pas question d'en rajouter une couche en entonnant son autre chanson "Sorrow". Ma version adapté aux circonstances sans larmes dans la voix, je la transformerai une matinée.1.jpg

Ce jour-là, levé à 07:15. Les voitures ancêtres du rallye Megève-Simplon de l'année sont au parking de l'hôtel et se préparent au départ. D'autres rallyes auront lieu encore plus tard.

Le soleil est déjà haut dans le ciel. Pas un nuage. Allais-je connaître une anecdote extraordinaire ou banale lors de mon jogging du matin?

Vite, la télé, avant de partir, pour avoir quelques nouvelles du monde. En français, pas tellement le choix de stations. France2 et Télématin est toujours là avec le même présentateur comme je le constate uniquement en vacances.

Je sens que cela va chauffer sur le Lac Majeur. Quelques minutes plus tard, je me retrouve sur les bords du lac. De belles promenades face à ces îles. Quatre cent mètres séparent la berge à peine de l'Isola Bella. Le petit trot avec la tête dirigée vers le large en quête du moindre vent. Trop chaud, à mon avis, pour courir, mais c'est aussi ça le but: transpirer. Sur l'eau, une famille de grèbe huppée flotte et plonge sous l'eau en cadence. J'en arrive à l'envier.

1.jpgEn sortant très vite de la ville, la route est trop étroite. Les villas imposantes se succèdent, rivalisent avec les hôtels, riches d'histoires.

Des cyclistes me dépassent. Ils n'ont, tout comme moi, pas la place réservée pour exercer leur hobby et sont frôlés de près par les voitures qui à cette heure se croient permises de pousser sur le champignon.

Toujours sans but précis, je décide de prendre de la hauteur pour m'évader de cette route et de cette civilisation trop envahissante, vers plus de calme et de solitude. Le chemin monte, raide. Les cailloux ne facilitent pas une montée rapide. Faire gaffe de ne pas se fouler le pied. Cela n'a plus rien à voir avec du jogging mais ce n'est pas plus mal.

Des arrêts pour se retourner vers les ouvertures de la végétation et remarquer que l'effort en valait la peine. Le panorama devient splendide.

A mi-course de mon "trail", rencontre surprenante, un jeune lama et un mouton qui broutent l'herbe de concert sous la surveillance d'un grand chien noir. Toujours dangereux une rencontre de ce type. Pas trop de prudence à avoir, pourtant. Le chien aime les caresses.

Bientôt, redescendre vers Stresa s'impose pour ne pas rater le déjeuner. Voilà que le chien noir me suit en poussant devant lui ses protégés qui n'ont pas envie de quitter leurs préoccupations du moment. Il quitte sa compagnie et me suit. Il s'arrête, me rattrape, m'observe, mais ne me dépasse pas. Voilà à nouveau le ruisseau qui dévale de la montagne. Mon compagnon du moment se met à y boire abondamment. Il s'y plonge à corps perdu en manquant par deux fois de glisser sur les rochers. Je m'attends à ce qu'il remonte chez lui, ensuite. Non, il continue à me suivre.

Content de l'avoir conduit vers plus de fraîcheur? De temps en temps, je jette un coup d’œil dans mon dos. Toujours là. Je lui parle, lui incite à reprendre son rôle de gardien, mais il ne veut pas me comprendre. Ce n'est que bien plus bas, que je me retourne. Enfin, il a dû se rendre compte qu'il avait assez donné de son temps, assez de son amitié pour la journée. Je me retrouve seul. Tout rentre dans l'ordre.

J'aurai, seulement, mon anecdote pour le déjeuner. Banale histoire comme je les aime.

Je ne sais pourquoi mais je me surprend à siffloter mentalement "la" chanson fétiche du lac, spontanément, mais avec d'autres paroles qui se mettent en place et me viennent sans réfléchir:

Ça chauffe sur le lac Majeur
Le chien est en sueur
Et les divers chemins italiens
M'ont mené aux bonheurs d'un chien
Des oiseaux crient de bonheur
Et ils répandent des rumeurs
En glissades et en chuintements
Pas de mon âge mais de leur temps
J'ai partagé doucement le bonheur
Ça chauffe sur le lac Majeur
Continué à siffler de bonheur
Ça chauffe sur le lac Majeur

Voilà de nouveaux gladiateurs
Et on dit que le cirque meurt
Et les divers chemins italiens
Habillés de couleurs pour le bien
Des îles sur le lac Majeur
Là, où les oiseaux-lyre n'ont plus peur
J'entends comme un moteur
C'est le bateau de neuf heures
J'ai tout oublié de la chaleur
Même si elle est vraiment majeur
J'ai tout oublié de la chaleur
Ça chauffe sur le lac Majeur

1.jpgLa journée ne fait que commencer. Elle fut encore plus chaude que d'habitude. Certainement plus de 35°C au compteur. Sans vent, étouffante. J'en arrive à regretter notre pluie du nord, là où j'arrive à faire mon jogging sans avoir à chercher à me cacher.

Un tour du lac? On va l'envisager en plusieurs étapes. Remonter aussi au Mottarone, pour survoler d'un regard tous les lacs alentour.

N'était-ce pas un beau voyage, revisité, sur les bords de ce Lac ?

Même blasé, s'il était encore de ce monde, je le lui dirais bien à Mort Shuman.

Le plus beau voyage, n'est-ce pas celui qu'on n'a pas encore fait?

Il est toujours une page de vie que l'on tourne avec plaisir en attendant une autre...

 

Quelques images pour les souvenirs...

et une vidéo ci-dessous :

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L'enfoiré,

 

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Citations:

 

15/10/2010: Depuis aujourd'hui, le nouveau tunnel est officiellement baptisé comme le plus long du monde avec ses 57Kms. Adopté en 1994, "l'initiative des Alpes", fut lancée pour répondre à la volonté de pousser les camions dans les trains, son coût pourrait doubler et s'élever à 17,9 milliards d'euros. Transport de passagers à 250 kms/h. De marchandises à 160 kms/h. Une fraiseuse qui progressait en allure de croisière à 30m par jour a été arrêtée plusieurs fois en raison de la configuration des roches traversées. On est loin des 307 morts qu'avait coûté le percement du tunnel de 15 kms entre 1872 et 1881.

 

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