10/06/2008
Chronique d'un chassé-croisé de "bling bling"
De l'amour à la réalité politique, aurais-je pu titrer mon article. La France vit une situation nouvelle après une année de pouvoir sarkosienne. Elle se réveille avec des réformes sur les bras dont elle ignorait la profondeur. En Italie, nous en sommes au troisième épisode de l'ère berlusconienne. En observateur étranger, je me suis documenté sur ce que pensait un Italien bien pensant qu'est Umberto Eco.
Souvent, je me suis senti impertinent en voyant l'étonnement des Français après leur vote de leur président en 2007. Président de droite, bien marqué, Sarkozy a pris le pouvoir démocratiquement avec des résultats confortables en sa faveur en 2007. Une fougue presque mystique voulait reléguer 30 années "glorieuses" dans les oubliettes de l'histoire. Un an après, le désenchantement et la hargne se reflétaient dans les blogs sur Internet et ailleurs. Le pouvoir d'achat, bien sûr, n'a pas été à la fête pour l'Europe entière, mal supporté par les plus pauvres. Logique implacable d'une droite qui privilégie normalement le pouvoir de l'argent.
Mais, est-ce la seule raison?
N'y a-t-il pas un système, un "régime" plus fondamental qui se cacherait derrière cette nouvelle droite française qui se voulait centralisant des aspirations de toute la population? Êtes-vous tous des patrons, ai-je demandé dans ma candeur naïve vue de l'étranger. Paradoxale, cette conquête démocratique? Cela aurait pu en rester là, sans réponse quand j'ai lu le livre de Umberto Eco "A reculons comme une écrevisse" dans lequel il comparait une situation politique très semblable dans son pays l'Italie.
Situation qu'il décrivait avec dépits et une profonde justesse amère. Comme interlocuteur, connaisseur de l'Italie, je ne pouvais trouver mieux. Né en 1932, Umberto avait connu le fascisme et les affres des frasques de Mussolini. Dans l'histoire plus récente, depuis 1994, il y a eu Berlusconi et l'Italie qui vit actuellement le 3ème épisode, le 3ème règne dans un flip flop avec le PS.
Allo, les studios, ici, l'Italie et son régime politique présentés par Umberto Eco dans un long chapitre de son livre.
Pourquoi une alternance entre Socialistes et le parti du Pôle qui se dit des Libertés. Expliquer une opinion publique et son choix politique est dépendant de sa population dans une démocratie. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler dans "Show avant tout" qui faisait quelques pas dans l'explication. La France avait un profond désir de changement dans la fonction présidentielle. L'Italie, elle, n'en a aucune volonté apparente de changements, elle patine dans l'habitude et la complaisance partagée. Berlusconi rêve d'atteindre la position de président.
A part ce départ, rien de tellement différent. Le changement quand cela ne va pas bien, qui serait contre?
Et bien de ce côté, ce n'est pas une question idiote. En apparence, du moins. Le chauvinisme existe bel et bien en Italie. Vouloir briller avec le moins d'effort, on aime. Le bling bling a peut être un autre nom en italien, mais il s'agit du même instinct. Et si on n'est pas à bord de ce bateau-là, on cherche à y monter.
On aime Berlusconi, c'est clair. On veut ignorer les travers, les écarts de langages, les gaffes de Berlusconi. On ne se préoccupe pas de la source de la rivière, du moment qu'en finale, en amont, la richesse des alluvions profite dans la "combinacion" à chacun. Faire une photo de la manière de gouverner ressemble dès lors à la technique présidentielle française. Les ingrédients du pouvoir italien est efficace face à une population canalisée. Le show médiatise ne se passe plus dans les journaux mais à la télévision, cadenassée, elle, dans les mains du pouvoir lui-même. Ne passe sur antenne que ce qui est bon pour le pouvoir. Le foot et le sexe comme incitants pour faire rêver et surtout pour ne pas trop réfléchir. Le secret: elle donne sa chance au commun des mortels. La publicité politique est la potion magique qui permettra cet effet de rabotage. Résignation ordonnée par des slogans publicitaires classiques, simplistes, agressifs pour les autres partis et ignorants de ses propres tarres. On n'est plus au lave plus blanc, mais au lave le moins sale possible pour que cela passe dans l'opinion. Bling bling au sommet, klong klong à la base avec les miettes de la mise en scène.
Pas réformiste, l'Italien est plutôt abstentionniste. Les réformes de l'imagination sont derrière depuis belle lurette dans un certain défaitisme.
Pour faire taire l'opposition, il faut la diaboliser. L'adversaire, il faut l'insulter au besoin avec une bonne dose de populisme négativiste. La solution ne se trouve pas chez soi, donc se défendre commence par l'attaque. Pour le peuple, simplisme de la réflexion: Berlusconi est riche, donc il n'aura aucune envie de voler ses concitoyens comme la corruption semblait l'avoir fait avec le parti de l'opposition ancestrale de la gauche. Intellectuels s'abstenir.
Quelques tours de perlimpin pour montrer sa bonne foi en disant vouloir diminuer la pression fiscale, luter contre la criminalité avec sévérité et sans déviances pour confirmer son état d'esprit proactif.
Attente messianique au départ, désenchantement, ensuite, mues en amorphisme, apaisée par l'esprit érodé de l'intérêt personnel qui converge avec la communauté nationale. S'il n'y avait que les partisans réels, passe encore, mais il y a la majorité qui transite par l'image virtuelle du sommet, fascinés par le bling bling et les fesses des jolies présentatrices sur le petit écran. Quelques promesses comme celle du vendeur, une fois par jour, pour garder l'audience et l'attention des médias suffisent.
Rien n'empêche de tout dire, un jour, et son contraire, le lendemain. Les journaux de l'opposition, on sait qu'ils ne font pas l'unanimité et sont donc de moins en moins lus. Pas de contradictions dans ce cas. L'opposition se doit d'être frustrée. Obligée de réagir pour garder un semblant de démocratie, ne pas cautionner l'adversaire et perdre ainsi son identité, sont les seules solutions à première vue qu'il lui reste. La provocation en miroir de Berlusconi, ensuite.
Encore de nouvelles promesses pour boucler la discussion à son avantage, enfin. Logique de la provocation pour détourner l'attention seule. Le lendemain, si cela s'avère un choix erroné, un "Vous m'avez mal compris" donnera la correction et, en plus, un test de réactivité de l'électorat pour en connaître sa réceptivité.
President à la CE, Berlusconi traitait de kapo un Allemand ou qualifiait de "touriste chahuteur éméché" un autre parlementaire étranger. Ce qui constituait un réveil du chauvinisme de manière gratuite en prime et augmentait encore une fois l'audience des médias pour des semaines de discussions par la suite. Du moment, qu'on occupe la première page des journaux, qu'espérer de mieux? L'effet de "bombe" utilisé à répétition avec machisme, les coups bas "ad hominem" pour augmenter la confusion des médias complètent la mise en scène.
Dans cet orchestre de la démesure quelle est la solution pour l'opposition sans jouer dans le jeu et se discréditer? Umberto en soulignait les points de combat.
Probablement, le blackout. Agir bien avant de réagir. Anticiper avec des idées révolutionnaires et avec les mêmes méthodes de la provocation. Faire rêver et toucher par les cotés sensibles de la poche des citoyens. Mettre au pied du mur par des projets novateurs. Court-circuiter le rapport trop direct entre le chef et le peuple en renvoyant la discussion au parlement. Dénoncer la collusion entre les pouvoirs exécutifs, parlementaires, judiciaires et médiatiques. Du charisme manque probablement dans l'opposition socialiste. Une volonté d'y croire, aussi. Le régime médiatique populiste se travaille avec des atouts dans son jeu et pas dans celui de l'adversaire. La sympathie du téléspectateur ne se crée pas uniquement par des sourires et des promesses impossibles. La culture de gauche, devenue hégémonique, a peut-être perdu le goût de la critique, trop sensible a l'esprit du temps, en attaque dispersée et limitée à la réaction. Une culture dominante se partagerait-elle entre mysticisme par un rappel à la gauche chrétienne, traditionaliste avec au sommet plus de templiers que de réels partisans?
La démocratie n'est pas une forme de conquête de la faveur publique reposant sur une mise en scène et une stratégie de la tromperie. Encore faut-il avoir l'oeil critique et l'action proactive. L'Histoire est toujours écrite par les vainqueurs.
Dernièrement, je pouvais lire dans un journal italien que Berlusconi n'était pas contre un appel à la rescousse du leader de l'opposition socialiste. Encore un rappel à un précédent français, pas tellement éloigné pour museler ceux qui pourraient gêner.
L'Italie ne serait-elle qu'un précurseur à ce que la France pourrait vivre dans le futur? Une répétition d'aller et venue au fil des élections qui suivent amour et haine?
Ah, oui, je vous prie d'excuser d'avoir raté ce scoop, Umberto parlait aussi de "consociativisme". Un mot qui, je suis sûr, aura son pesant de recherche.
Le coeur aurait-il, cette fois encore, des raisons que la raison ne reconnaîtrait plus du tout ou serait-ce dans la succession normale de situations bien méditée de ce qu'est un électorat moderne?
- Mais vous me le demandez. Alors je vais vous le dire.
- Allo, les studios français...
"Sarkozy: Berlusconi en plus sournois"?
A vous de critiquer la pensée d'Umberto Eco ou de dire que vous ne vous sentez pas concernés par une certaine ressemblance.
L'enfoiré,
Un autre article sur le sujet en 2007
Citations:
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« En démocratie, la politique est l'art de supprimer les mécontentements. », Louis Latzarus
-
« Tout n'est pas politique, mais la politique s'intéresse à tout. », Nicolas Machiavel
- « Quand on croise son destin, le secret s'impose. La magie est à ce prix. », Noëlle Châtelet
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Commentaires
Salut L'enfoiré,
pourquoi ne pas faire un carnet de ton voyage en Italie WANTED 1000 dollars ou euros pour l'affiche je te la pique pour ma galerie de montres en cire. Si tu y vois un inconvénient je penche lea tours et je te la rend fais moi savoir.
Merci pour ton renouveau
Le Panda
PATRICK JUAN
Écrit par : LE PANDA | 10/06/2008
Salut Patrick,
Ce ne sera pas un carnet de voyage, mais ce sera un texte en parallèle. J'hésite encore à le mettre dans la catégorie Voyage, Humour gris ou ArtDeCon créée récemment.
"Je penche lea tours"
Là, j'avoue, j'ai pas compris, cela doit être à une trop longue absence.
Écrit par : L'Enfoiré | 12/06/2008
Sur Envoyé spécial, on va tout comprendre sur Berlu
http://www.programme.tv/envoye-special-2367347.php
L'Italie des Berlusconiens
Bousculé par les scandales sexuels, déstabilisé par le rejet, par la Cour Constitutionnelle italienne, de la loi qui assurait son immunité, Silvio Berlusconi affirme être soutenu par le peuple. Qui sont les alliés stratégiques du Président du Conseil italien ?
Sur la France qui change il y a ceci:
http://www.dailymotion.com/video/xbcuiu_pour-son-clip-lump-achete-les-video_news
Écrit par : L'enfoiré | 03/12/2009
Le chassé croisé continue
http://www.lesoir.be/actualite/monde/2010-10-31/berlusconi-et-ses-frasques-suscitent-une-avalanche-de-critiques-801182.php
http://www.lesoir.be/actualite/france/2010-10-24/sept-francais-sur-dix-mecontents-de-sarkozy-799910.php
Écrit par : L'enfoiré | 01/11/2010
les enquetes de paul emile charlton www.editionsliberte.com lire boite a pandore en entier !! et le reportage de stan maillaud du R.R.R !! LES RESEAUX DE L HORREURS ! www.rrrevolution.net !
Écrit par : lemasquejaunes | 04/11/2010
Le film de 2002 à 2007
http://www.youtube.com/watch?v=U8cKJT2UPcg
Écrit par : L'enfoiré | 18/05/2011
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