L'oracle maudit de la finance (22/04/2011)

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"Comment ai-je pu faire cela? Je gagnais beaucoup d'argent. Je n'avais pas besoin de plus. Est-ce que j'ai des troubles de personnalité". Voilà la question que se posait Bernard Madoff du fond de sa prison lors d'une interview réalisée par Steve Fushman.

A la fin du mois, Bernard Madoff aura 73 ans. Il purge, actuellement, une peine de prison de 150 ans après un procès très médiatisé. Aurait-il un autre nom, celui de "Mathusalem", l'homme qui a vécu 969 ans d'après la Genèse?
Depuis, il se confesse volontiers "rien ne justifie mes actes", mais il ne supporte pas qu'on le considère comme un être malfaisant. Il va même jusqu'à dire qu'il est quelqu'un de bien, alors qu'on le considère comme un monstre qui a trahi la confiance de milliers d'investisseurs, qui a ruiné certaines œuvres de charité et quelques Hedges Funds. A l’extérieur, on le considère, vraiment, comme un sociopathe.

Le cas "Madoff" vaut bien une messe plus attentive. Son histoire détaillée, racontée aujourd'hui, démontre ce qu'il est, un être repenti, brisé par son propre jeu de sorcière. Remonter le temps, nul ne le peut. Essayer que cela ne se produise plus, est toujours à notre portée.
Comme il le dit, il a toujours été un "family man", honnête ... au départ. Son épouse et ses enfants vont payer la monnaie de la pièce qu'il a joué. Ils vivaient tous dans le luxe sans se rendre compte de rien.
L'affaire dans laquelle il s'est laissé convaincre, a entrainé sa famille dans une spirale infernale qu'il ne maîtrisait plus. Depuis, elle s'est retournée contre lui mais est-ce elle seule qui jouait dans cette pièce?

Le père de Madoff avait une affaire florissante de fabrique de sport. Il a fini par faire faillite, alors que son fils était encore à l'université. Un père porté aux nues et qui perd tout, donne peur à ses descendants. Madoff s'est senti devenir ce qu'il réservera à sa propre génération après lui, un paria, un petit juif de Brooklyn.

L'automatisation informatique du trading en Bourse lui apporte le succès par le courtage. Dans les années 80, il devient riche avec une cagnotte de 100 millions de dollars par an. Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgans Stanley, Smith Barnez s'accrochent à ses basques comme un oracle de la finance.

0.jpgFaire fructifier l'argent des autres par des conseils en placements devient son violon d'Ingres. Ses plus gros clients investissaient déjà par son intermédiaires depuis des décennies. De l’arbitrage relativement peu risqué et un trader cupide, il n'y a qu'une mince couche sans fil.

Des rendements de 15 à 20% se faisaient en toute légalité dans les années 80, en gérant un portefeuille de 3 à 4 milliards de dollars vu les taux d'intérêts élevés qui se pratiquaient dans les banques. Rien d'extraordinaire de trouver des rendements pareils quand on se souvient du niveau de l'inflation de l'époque. Après l'euphorie, arrivée à son apogée, cette période décline inexorablement.
Lors du crash de 1987, il frôle la catastrophe. Il est poussé à vendre à perte par ses clients qui l'ont trahi d'après lui. Les options sur indices deviennent sa nouvelle stratégie. La récession s'installe dans les années 90. Il a des capitaux, mais plus d'idées où les placer pour les rentabiliser au mieux et répondre aux promesses aux clients.

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 Il faut, de plus en plus, appâter mieux, payer de gros returns en puisant dans le capital des investisseurs précédents. La "vieille" chaîne de Ponzi est en place et les capitaux entrent dans le court terme. Et, ça marche comme s'il n'y avait pas eu de précédents dans l'histoire. Les banques lui font, à nouveau, la cour et le grise.

Le provisoire devient définitif avec les clients qui font une confiance aveugle du moment que cela rapporte plus que normal. Les 15% promis sont en réalité du 2% de return. Croire aux miracles, les banques savent le faire. Son pécher c'est de ne pas vouloir dire comment il réussit ses opérations qui convertissent n'importe quoi en or.

L'alchimie a toujours fait rêver et cela continue.

1.jpgEn secret, le cauchemar commence pour Madoff. Ne pas divulguer quoi que ce soit ni à l'extérieur, ni à l'intérieur dans la famille. Supporter sans parler.

En 2000, on lui offre, même, un milliard de dollars pour son entreprise, mais pour réaliser l'opération, il faut présenter les comptes et cela, il sait qu'il ne le peut pas.

Pour montrer sa bonne fois, prouver son potentiel, son image de gagnant, il va même se forcer à acheter des choses extravagante comme un avion, un bateau et quatre maisons.

Le remord le pousse à dire à ses meilleurs amis de ne pas investir ce qu'ils ne pouvaient perdre. L'avidité de ceux-ci va à contre courant, même si le doute commence à les prendre à la gorge.

La situation se détériore en même temps que la Bourse. En 2002, tous les signaux virent au rouge.

Rendre l'argent n'est plus possible mais heureusement, les clients ne le veulent pas.

Le 10 décembre 2008, la chute du marché ne peut plus donner illusion et il craque. Il doit rembourser 7 milliards. Il dispose à peine 10% de cette somme.

0.jpgC'est le jour de sa confession devant la famille. Anéantie, chez elle, c'est la honte. Plus tard, Mark, son plus jeune fils, est une de ses victimes. Il se suicide. Son frère, Andrew, dirige une petite société énergétique, « Madoff Energy Holdings » et « Abel Automatics », fabricant de moulinets de pêche, mais c'est « Black Umbrella », lancée par sa fiancée, qui le passionne.

Madoff avoue qu'il n'ira jamais plus bien. On le tient à l’œil dans sa cellule. Le suicide est mal vu en prison, même si cela n'est pas, d'après ses dires, dans sa manière de fonctionner. Toujours de nature soucieuse, il accepte son crime envers ses victimes.

1.jpgSa révélation et seule contestation finale fait encore plus réfléchir: -"C'est incroyable. Chez Goldman Sachs, personne de condamné au pénal. C'est une plaisanterie, cette réforme financière. le gouvernement tout entier est une pyramide de Ponzi".

Un expert, comme lui, ne peut être contesté à ce sujet.

Début avril, Kenneth Rogoff revenait à la charge sur cette constatation sans la contester. La note signée Reinhard et par lui-même, "A Decade of Debt", démontrait que l'ampleur des risques à puiser dans une caisse sans fond(s) était bien présente. 
Madoff accusait une perte globale de quelque 50 milliards de dollars.
1.jpg Les États-Unis, eux, ont une dette fédérale qui dépasse les 120% du PIB atteint à la fin de la 2ème guerre mondiale. Madoff pourrait avoir créé une onde de choc.

La dette japonaise, encore plus mal lotie, s'élève à 200%. Après les catastrophes récentes, le Japon devra plonger à nouveau dans la caisse pour lancer un plan de reconstruction.
Dire qu'étouffer la société sous le poids d'une dette impossible à rembourser, n'est donc pas une pensée en l'air.

1.jpgImaginer que les générations futures seront toujours plus riches pour assumer le remboursement d'une partie des dettes, est possible en période de conjecture haussière. La génération "jeunes" actuel donne, de plus en plus, une image de faire partie d'une génération perdue.

Ce n'est plus de la confiance, mais de la crédibilité qui manque. Seul, la création d'organes de contrôles fiscaux indépendants, de réformes drastiques pourraient enrayer les "fuites". Un organe de ce type existe en Suède, parait-il. Les pays scandinaves ont toujours eu une petite longueur d'avance.

Ce qui devait arriver, est arrivé.

Le problème des dettes en Europe s'étend désormais aux États-Unis.1.jpg

Les dettes américaine dépasse le PIB de la plus grande nation commerciale du monde.
Standard & Poor's a sonné la fin de la récréation. Elle se propose de dégrader le niveau de confiance dans la capacité du pays de pouvoir rembourser ses dettes. De stable au niveau triple A, le pays n'obtiendrait plus qu'une note inférieure si rien n'est fait dans un proche avenir.
1.jpgL'armée est le plus grand poste de dépenses d'un pays comme les États-Unis avec 722,1 milliards de dollars en 2010 alors que les dettes du pays atteint 14.000 milliards de dollars. Le Costa Rica, lui, n'a plus d'armée depuis 1948. Il est vrai que le Costa Rica n'a pas les mêmes soucis d'hégémonie dans le monde.

Un jugement récent au Québec pourrait ébranler la vérification comptable. Comme c'est une affaire ancienne, ce n'est pas les utilisateurs de la chaîne Ponzi, pas les investisseurs, non plus, mais les vérificateurs aux comptes de Castor Holdings, Coopers & Lybrand, fusionné avec Price Waterhouse en 1996 qui sont sur le siège des accusés. Goldman Sachs, la Deutsche Bank sont également sur la sellette de la justice pour avoir contribué à aggraver la crise financière.

On a toujours tort d'avoir raison trop tôt, mais a-t-on plus raison de l'avoir trop tard?

L'argent a toujours endormi les consciences. Dérivatif, raison de vivre, besoin vital, pouvoir sont les raisons principales de sa possession. Ce serait remonter à la source très lointaine de l'instinct de conservation que de penser éradiquer ce "vice".

Ce n'est pas, non plus, la belle chanson "Je veux" de Zaz qui y changera quelque chose.  
Quand, il y a beaucoup trop d'observateurs qui ne font pas leur boulot après coup, il faut être adepte d'une véritable religion qui croit au Père Noël.

Quant aux spéculateurs, il ne faut pas se leurrer, tout le monde le fait sans même le savoir en voie directe ou en différée. En direct, quand il s'agit d'acheter quelque chose pour une période ultérieure non déterminée, parce qu'on sait simplement que le bien acheté prendra plus de valeur ou sera plus cher à l'achat. En différé, par l'intermédiaire de l'épargne pension obligatoire prise à la source sur les salaires et introduite dans les fonds de pensions.

De la spéculation, j'en ai parlé dans "Spéculer en paix" ou "Le spéculte". Il y a une foule de manière d'aborder la finance, vicieuse ou coopérative au progrès. Par une confiance aveugle ou par une analyse avec le recul. La hausse du potentiel de gains cache un augmentation des risques. Les sirènes enchanteresses, cela n'existe que dans les rêves.

Les requins, eux, auront toujours leurs rémoras. Tous deux suivent toujours le même chemin, liés par le même besoin.
1.jpg Rien de plus dangereux qu'un gourou qui n'a pas ou plus la tête de l'emploi. Car il le veut, aussi, le bien de ses suiveurs dans un esprit de communion. Conseilleur mais jamais payeur, car ils ne le pourraient tout simplement pas.
Tous ensemble, "car, nous le valons bien" comme dit la pub d'une marque commerciale.

L'oracle maudit de la finance, Madoff, aurait pu être appelé "Icare". S'il s'est brûlé les ailes en volant trop près du Soleil, il initiait, aussi, un fameux "stress test" de la finance en grandeur nature, au niveau mondial.  
Les stress tests sont à la mode dans beaucoup de domaines en ce moment. Il faut avouer qu'il ne manque pas de risques.  Les pays membres du G7 vont être placés sous surveillance comme les budgets de la Communauté Européenne l'ont été. Bien, mais...

Etre prévoyant avant les catastrophes se heurte au "principe de précaution". Jusqu'où aller trop loin dans les prévoyances?

Rappelons que la catastrophe de Tchernobyl qui est devenue un  véritable "crash test". Bientôt le 25ème anniversaire d'un exercice qui avait pour but de prouver que l'on pouvait relancer la centrale d'elle-même à la suite d'une perte totale du réseau électrique. Les conséquences sont encore sensibles aujourd'hui.

Et, si on chantait ensemble "On ira tous au paradis"?

Là-bas, au moins, tout est gratuit à perpète.

Madoff, si tout va bien pour lui, viendra nous y rejoindre dans un peu moins de 150 ans comme prévu.
Mais, si vous le permettez, je préférai la chanson du dimanche "Cap'taine Madoff".

Elle ajoute l'humour aux circonstances.


 

L'enfoiré,

 

Citations:1.jpg

 

0.jpg1 mars 2014: Stephane Bleus, un

Madoff belge

 

 

 

 

20 mai 2017:

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15/4/2021: Mort de Madoff 

Rappel du système Ponzipodcast

22/12/2022: Madoff escroc en col blanc

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Le cas Bernie Madoff : retour sur l'une des plus grandes escroqueries du siècle (msn.com)

 

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