3000 ans d'énigmes égyptiennes (29/04/2011)

1.jpgDe l'Égypte ancienne, j'en ai déjà parlé. Il était temps de remettre les pyramides, les momies et les Pharaons à l'honneur, car si les pendules ont été remises à l'heure récemment par les révolutions arabes, la politique, l'égyptologie et son attrait demeurent intactes. Mais, au fait, en quel honneur?

L’Égypte est un peu mise entre parenthèses, après la révolution de ce début d'année 2011. Désertée temporairement mais pas pour longtemps.

Depuis le 20 avril, à Bruxelles, au Palais du Heysel, une exposition s'est ouverte et reconstitue le tombeau de Toutankhamon. Cette exposition apporte à nouveau une envie irrésistible de remonter l'histoire et de partir en voyage. Pas de "vrais objets antiques", ses répliques, présentées de manière didactique. Plus de 1000 pièces sur 4000 mètres carrés comme l'aurait découvert son découvreur, Howard Carter, en 1922.

Une telle reconstitution, j'en avais déjà vue une, en décembre 2004, dans une maison communale de Bruxelles. Présentation privée, plus confidentielle, moins médiatisée d'une centaine d'objets du "Trésor de Toutankhamon".

Marcel Deckers était, alors, le passionné d'histoire égyptienne. Il s'était lancé depuis plus de trente ans dans un chantier pharaonique: celui de reproduire, au détail près, les merveilles du fabuleux trésor de Toutankhamon.

Bruxellois, octogénaire, né en 1925, il recherchait, à l'époque, une fondation qui pourrait reprendre la gestion de son œuvre.

"J'ai été époustouflé par la beauté de ces joyaux vieux de plusieurs millénaires et la diversité des techniques existant à l'époque", racontait-il. "J'ai une chance folle de pouvoir immortaliser sur pellicule les pièces du trésor mais aussi de les dessiner et de les mesurer", avouait-il, lui que l'on surnommait, à juste titre, le "faussaire officiel de Toutankhamon".

Après avoir parcouru, en 1967, la fameuse expo du « Petit Palais » (Paris) qui mettait en vitrine une partie du somptueux trésor funéraire de ce Pharaon, une véritable «Egyptomania» s'était emparée de notre compatriote. Marcel Deckers avait façonné, d'abord, ses premières répliques grandeur nature à partir d'illustrations exhumées d'ouvrages de référence. Ensuite, ce fut grâce à des photographies, faites sur place, des effets personnels du jeune Roi. Retrouvés intacts autour du sarcophage, tous ces objets servaient comme une sorte d'aide-mémoire pour le défunt dans son grand voyage.

Le seul regret pour ce "faussaire" fut d'avoir dû renoncer à offrir un double au masque de Toutankhamon. Le projet s'était avéré trop onéreux vu que son modèle contient 27 kg d'or!

C'est cela que va, probablement, mettre en exergue, la nouvelle exposition. 1.jpg

Cette fois, c'est l'égyptologue, Isabelle Therasse, qui préside une exposition des répliques des objets qui se trouvaient dans la tombe de Toutankhamon. Les vrais antiques, j'ai pu les voir dans le musée du Caire. Le Musée du Caire, très visité, faisait, il faut bien le dire, un peu capharnaüm. Les caves du Musée sont, parait-il, encore plus remplies.

Mais, au fait, qu'est-ce qui a créé cet engouement pour l’Égypte ancienne plus qu'une autre civilisation?

Le 4 novembre 1922, Howard Carter, l'archéologue anglais, aidé par son mécène Lord Carnavon découvraient le tombeau de Toutankhamon. Quatre chambres mortuaires, remplies de 2.250 objets, qui représentent tout ce dont a besoin un Pharaon pour l'accompagner dans son voyage éternel jusqu'à sa renaissance. L'égyptologie prenait, ensuite, une extension sans précédent.

Quand on parle de l'égyptologie, aujourd'hui, on ne se trouve jamais loin de Zahi Hawass, l'ami de Moubarak, le Président déchu. Hawass a été le moteur, l'empereur de l'égyptologie et aussi l'empêcheur de tourner en rond pour beaucoup d'égyptologues étrangers. Qu'advindra-t-il de lui, une fois, Moubarak évincé? Jusqu’à il y a peu, Zahi Hawass faisait parler de lui lors de toutes découvertes. Il continuait à rechercher les tombeaux de Khéops, de Néfertiti et cherchait à percer le secret de la Grande Pyramide. D'après lui, la chambre du Roi, censée contenir le tombeau de Khéops, ne serait qu'un leurre. Suites au prochains numéros... Mais comme chacun sait, l'âge pousse parfois à lâcher prise.

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0.jpgTromper les pilleurs de sépultures, en effet, a toujours été la préoccupation des Pharaons. A part, quelques pilleurs de tombes, cela marchait plutôt bien.

La succession chronologique des Pharaons a été écrite par Manéthon, un contemporain des Ptoléméens, c'est-à-dire l'époque terminale de 305 à 30 AC. Le Canon royale de Turin est un papyrus qui raconte l'histoire. Les Grecs, les Romains vont s'inspirer des dieux égyptiens pour ériger les leurs. Au cours de la Renaissance, des mouvements comme les "Rose-Croix" et des francs-maçons vont réveiller ces 3000 ans d'histoire jusqu'à la fascination de leurs symboles.

Les "Pharaons", ont forgé leur légende. Dictateurs, mais responsables du passé et de l'avenir du peuple. Notaires, comme scribes, du présent, ils règnent sur Terre à l'instar du dieu Horus dans le ciel. Dès leur intronisation, commence la construction de leur tombeau. Après leur mort, ils se transforment en Osiris, père d'Horus qui dans la légende osirienne, n'a de cesse de le venger. Les Pharaons rejoignent, ainsi, Rê, le dieu créateur solaire animateur du cosmos. Les hommes qui trament des complots contre eux, ils se doivent de les châtier poussés par la déesse Hathor.

L'hérétique, Akhénaton alimente le mystère. C'est peut-être lui qui a le plus enflammé l'imagination des égyptologues, des théologiens et des philosophes (en savoir plus). Son père, Aménophis III a créé une période de richesses pour l’Égypte. Complexé d'être le fils d'un Pharaon prestigieux, Akhenaton se veut différent en tout. Réformiste monothéiste, il adopte le disque solaire Aton et installe son nouveau palais à Amarna. Son épouse Nefertiti est, tout autant, énigmatique. A sa mort, en 1335 AC, une période de troubles politiques précède l’avènement de son fils, alors âgé de 7-8 ans. Sous le nom de Toutankhaton. Il devra, très vite, rentrer dans les rangs avec un nom plus conforme à la théologie d'"Amon". La mort suspecte de ce dernier à 17-18 ans, est longtemps restée mystérieuse après la découverte d'une blessure au crâne. Crime? Accident, probablement. Ce n'est pas la raison de sa mort. Dans un livre récent, James Patterson, relançait le suspense avec un livre "Qui a tué Toutankhamon?", Ankhsenamon, Ay ou Horemheb?

L'analyse ADN a, récemment, répondu à la question. Son hérédité est le produit d'un inceste: Akhenaton pour père et une sœur de celui-ci, pour mère (momie n°KV35L). La malédiction y trouve une explication plausible: il a succombé à une malformation des os et souffrait du paludisme. Sa succession fut tout autant troublée dans sa transition avec la dynastie suivante, celle des Ramses.1.jpg

"Leurs momies sont trop mortes pour être vivantes, trop vivantes pour être mortes", dit Pascal Vernus. Ils ont la nature de l'artifice. Le mystère n'est pas vraiment partie de l'ésotérisme et ne se retrouve pas dans les mythes, mais dans le concret. Ils sont, pourrait-on dire, des écologistes avant l'heure, ayant trouvé le "durable" dans la vie éternelle. La trilogie d'Osiris, d'Isis et d'Horus se retrouve dans la religion chrétienne. Seth étant, le démon, le mal personnifié, celui qui fait disparaître ses méfaits dans le Nil.

La sagesse du dieu Thot reste, en dehors, proverbiale, presque digne de Bouddha.

La mort hantait les esprits en Égypte antique. Dans la spiritualité transparaît le désir de muer l'homme à l'égal des dieux en le faisant participer symboliquement à la grande machinerie de l'univers et s'emparer ainsi de l'immortalité. Mais le postulant qui avait vécu en épicurien, devait la gagner devant un tribunal présidé par Osiris. Le vœu était de perpétuer la vie terrestre dans l'au-delà, sans aucune espérance d'y trouver un meilleur ou un paradis. L'examen de la "pesée du cœur" devait prouver qu'il ne pèse pas plus d'une plume avec des serments qui disaient "je n'ai pas appauvri un pauvre", "je n'ai jamais été de mauvaise humeur", "je n'ai jamais privé le bétail de l'herbage", "je n'ai jamais toléré de voir le mal".

Le défunt qui avait passé le test rituel du "ba" avec l'"ouverture de la bouche" se voyait, ainsi, confier une tâche de voyager dans le monde des vivants pour protéger la famille qui servira son nom en apportant des offrandes lors des fêtes pour que le "ka" du défunt (principe vital) puisse continuer à s'alimenter.

On n'est plus dans la mythologie mais dans le concret et la pérennité. L'au-delà se trouve dans un autre monde parallèle et invisible mais tout aussi présent. Les Égyptiens antiques auraient-ils découvert, bien avant, un infra-monde, qu'un scientifique d'aujourd'hui, appellerait "monde quantique"? Cela ferait un peu rêver, si fantasmer.

Mais, La philosophie de l’Égypte antique peut en épater plus d'un aujourd'hui.

Pour ce faire, il ne pouvait y avoir de gêneurs. Une malédiction de la momie de Toutankhamon intrigua les contemporains de Carter. Le décès soudain du mécène de Carter, Lord Carnavon, suivi de la mort suspecte de 27 proches de l'expédition faisait penser à une vengeance de la momie contre ses profanateurs.

Les hiéroglyphes, composés de signes représentatifs, ajoutent au naturel avec la zoolâtrie dans la vie et dans la mort. D'après Günter Dreyer, ces hiéroglyphes seraient la plus ancienne écriture du monde avec ses 5400 ans d'âge. Les tablettes sumériennes avec l'écriture cunéiforme, trouvées à Uruk en Mésopotamie, contemporaines de l’Égypte antique, n'ont pas eu la même longévité. Suites de consonnes, sans voyelles que l'on pouvait lire de gauche à droite, de droite à gauche ou de haut en bas, les hiéroglyphes désignent des sons, des objets et des personnes comme dans un rébus. Retranscrits, phonétiquement, ils ont évolué par le démotique et avec le grec, se sont transformées en langage copte. Jean-François Champollion a ainsi pu déchiffrer en 1822, la pierre de Rosette.

L'écriture rend pérenne les signes et les hommes. Les visages martelés dans la pierre des monuments suivent une volonté de massacrer, de "gommer" les personnes qu'ils représentaient.

Les fêtes sacrées ont existé. Entre autre, la fête de Thot pendant laquelle on sortait la barque avec tout le cérémonial d'un temple à l'autre de la ville de Louxor d'aujourd'hui ou de celle de Thèbes de l'époque.

Le gigantisme, les trésors, l'or attirent aussi comme l'aimant.

Les réponses à la question du "comment" la construction des pyramides a pu se faire avec des techniques relativement rudimentaires reste lancinante. La pyramide de Khéops, avec ses 5 millions de tonnes de pierres, atteignant près de 150 mètres de haut, fut construite en, à peine, 23 ans, le temps de son règne.

La tête du Sphinx, autre énigme. Khéops ou son fils Khéphren? Ensablé pendant 2000 ans, le Sphinx garde des dimensions peu banales (73 m x 14m, H:20m). Découvert par Mariette, ses couleurs ont presque totalement disparu.

Narmer, le "Roi Scorpion", a ouvert cette histoire dynastique. La belle Cléopâtre l'a refermée. Entre les deux, trente dynasties constituées d'un Ancien Empire, d'un Moyen Empire, d'un Nouvel Empire avec des césures intermédiaires moins connues et plus troublées de l'histoire égyptienne.

Le Pharaon Djoser a été le premier à faire construire une pyramide à gradins (mastabas superposées) avec l'aide de Imhotep, son architecte. Le site a monopolisé, pendant 70 ans, les recherches de l'égyptologue, Jean-Philippe Lauer. La tombe du grand personnage bâtisseur, Imhotep, reste introuvable.

Le Phare d'Alexandrie, érigé sous les règnes de Ptolémée Ir et II, fut une des sept merveilles du monde. Il a commencé à révéler ses secrets, engloutis dans la mer Méditerranée. Chutes multiples qui ne seraient pas seulement dues à un séisme, mais aussi par l'érosion.

La période des pyramides comme tombeau était depuis longtemps terminée au cours du Nouvel Empire, époque de Toutankhamon. C'est sur la rive ouest de Louxor, dans la vallée des Rois et des Reines, que les Pharaons se réservaient une place pour l'éternité dans "un temple de millions d'années".

Des divinités animalières les accompagnent. Chacune a un rôle spécifique à jouer, réduit à une fonction de protection ou de surveillance. L'animal était le réceptacle de la puissance divine.

L’Égypte n'aurait pas existé sans le fleuve Nil. Dompté par des cataractes naturelles, si des barrages construits pour éviter les crues et pour apporter l'électricité au pays, ils ont aussi rendu les sols moins fertile. Des villages et vestiges ont été submergés dans l'opération. Le temple d'Abou Simbel a été un rescapé. Qui dit crues du Nil, laisse penser que son lit n'a pas toujours été au même endroit et que, donc, beaucoup d'endroits archéologiques restent encore à découvrir. Le fleuve était trois plus large qu'aujourd'hui.

Cet engouement général se retrouve à la télé avec Belphégor, le fantôme du Louvre et les versions du films de "La Momie" toujours plus terrifiantes. La super production "Cléopâtre" reste inoubliable par son faste.

Les livres ne manquent pas non plus.

Christian Jacq a commencé le travail par ses histoires romancées teintées d'histoire. Les émules sont très nombreux.

Christiane Desroches Noblecourt apporte plus de véracité et un peu moins de fantasmes. Mais l'important n'est-il pas de susciter l'intérêt du lecteur, du visiteur, plutôt que par la rudesse de la vérité?

Les personnages dans les tombeaux, pris de profil, de manière très conventionnelle, symbolique et caricaturale, ne permettraient, pourtant, pas à un dessinateur moderne de présenter dans une BD avec une chance de succès. La magie des couleurs, parfois effacées, reste.

L'égyptologue type doit avoir de plus en plus de perspicacité, d'intuition, de déduction comme un véritable Sherlock Holmes en puissance.

Ce qui est à découvrir, n'est pas qu'une affaire de Rois et de Reines. Si on veut voir des chefs d’œuvre égyptiens dans les tombes, c'est dans la Vallée des artisans, connue sous le nom de Deir-El-Medina, que j'ai vu la plus belle. Toute petite, ignorée, modeste, mais merveilleusement décorée. Souvent, présentée par un particulier, descendant, qui sait, d'un vizir, d'un fonctionnaire, d'un ouvrier ou d'un artisan.

Civilisation de 3000 ans d'histoires énigmatiques, avec 400 ans de plus dans son prolongement, alors que la nôtre, moderne et industrielle, vieille que de 300 ans après les Lumières, présente déjà des marques de fatigue.

1.jpgLa nouvelle exposition manquerait l'émotion vu que ce ne sont que des répliques d'originaux? "C’est éducatif mais trompeur pour le public qui ne peut départir le vrai du faux", pourrait-on penser. Ce serait aller un peu vite.

Le vrai trésor de Toutankhamon au Musée du Caire a fait l'objet d'un pillage dans la nuit du 29 janvier. Le Dr Tarek el Awady, directeur du Musée constataient la perte de 54 objets dont deux statuettes dorées du tombeau de Toutankhamon.

Un matin, je me promènerai dans cette nouvelle exposition sur Toutankhamon. Y aura-t-il sa momie près de la sortie qui me soufflerait à l'oreille:

- Maât, Dieu créateur, protecteur de l'harmonie de l'Univers comme de la société, protège moi d'Isfet, à l'injustice inhérente aux hommes et aux phénomènes naturels. Et toi, oublie tes fantasmes et dégage, l'enfoiré !

Je serais, alors, revenu à notre quotidien, en l'espace de quelques secondes. Des secondes qui traversent des milliers d'années et qui valent des millions d'années.

En attendant et en guise d'hommage à Marcel Decker, les photos de son exposition de 2004 offriraient déjà une première appréciation de l'exposition actuelle, mais je n'en suis pas sûr.

Je n'ai pas vérifié car je ne suis pas parvenu à y entrer.

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L'enfoiré,

 

Les suites de l'histoire de Zahi Hawass

L'histoire plus complète de l'Egyptologie

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Citations:

16/8/2013: Vendredi de la colère proche de la guerre civile en Egypte

27/7/ 2015: En l'an 1962 avant notre ère, le pharaon Aménemat 1 est assassiné. Histoire raconté dans "Le conte de Sinoué". Le fils du roi, Sésostris est loin. Il lui succédera.

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0.PNG25/4/2021: Idole Nefertitipodcast


15/7/2022: Sous le sable des pyramides
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Capture d'écran 2024-11-15 161256.png15/11/2024 : Khéops et sa pyramide fascine depuis toujours ! Figurant sur la liste des 7 merveilles du monde antique, elle est à la fois la plus ancienne et la seule encore visible aujourdʹhui. Pour parler de sa construction, Philippe Collombert, professeur dʹégyptologie à lʹUniversité de Genève et directeur de la mission archéologique franco-suisse de Saqqâra. 

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