Une (dé)fête nationale spéciale (22/07/2011)

1.jpgLa fête nationale belge est passée. Un 21 juillet vraiment très spécial. Un suspense tout azimut, aussi.

Trois jours avant, lundi, on comptait 400 jours sans gouvernement élu en réponse aux dernières élections.

Le formateur Di Rupo avait sorti sa note, refusée sur toute la ligne par la NVA.

Il avait ce lundi soixante bougies au compteur personnel. Bougies qui coulaient sur les mains.

Une note qui avait l'heur de plaire à 7 partis, c'était pourtant rare.

Mais, comme chacun sait, pour avoir une chance de réformer l’État, il fallait un quorum des 2/3 des voix.

Le jeune parti de NVA jouait la tête brûlée. Donc "Out".

Le vieux parti chrétien CD&V, en perte de vitesse, jouait son baroud d'honneur comme accompagnateur en cartel de la la NVA. BHV sorti du frigo mais avec quelques compensations pour les francophones. Mais, pas d'accord. On jouait avec les nerfs des négociateurs.

On commençait à décompter les jours jusqu'à la fête nationale dans l'excitation. A une autre échelle, c'était l'Europe qui marquait des jours de faiblesses avec la main dans les fonds de tiroirs. 

Alleï, encore un petit effort. Il restait encore le slip et le nœud pap, non?

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Le formateur lançait un ultimatum de la dernière chance pour "seulement" pouvoir négocier. 

Le Roi dit qu'il n'assistera pas à autre chose qu'au défilé militaire. Cette année, il n'a anobli personne. Le Prince Laurent était même interdit de défilé pour raison d'infidélité à la famille.

L'humoriste Bruno Coppens remplaçait les habituels pourfendeurs de la politique par l'humour, alors ce fut de un et de deux. Des cafés serrés restent toujours les derniers recours dans ces cas-là.  Tous ont eu peur de ne pas être désigné comme formateur écumeur.

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Au matin, on se questionnait, si c'était encore une fête.

Ce jour de fête, Herman Van Rompuy, un autre belge, président à la CE,  avait cru bon d'ouvrir un sommet européen à Bruxelles. Sommet, dit de la dernière chance, pour régler le problème de la Grèce. Preuve que les problèmes de l'Europe et de la Belgique se ressemblent. Nationalismes contre régionalismes.

La Belgique est une Europe en miniature comme le démontre notre parc d'attraction "Mini-Europe". Tous deux, des laboratoires d'un futur. 

L'Europe a-t-elle l'étoffe des héros ou sera ce le repos des guerriers? Bonne question.

Merkel ne s'attendait pas, d'avance, à un résultat "spectaculaire" pour ce sommet.

Devant une roulette russe, on a envie de dire, "Rien ne va plus. Faites vos jeux".

Les leaderships européens et belges sont en crise. Les populismes, les nationalismes, les agences de notations coupent l'herbe sous les pieds. 1.jpg

Briser les intérêts particuliers pour viser des buts plus généraux devient l'entreprise de longue haleine.

En Belgique, on se questionne, depuis septembre, en aparté, entre quatre yeux sans négocier ensemble.

Mais qu'est-ce qu'allait raconter le Roi dans son discours?

Il y a eu, bien sûr, le faux discours, drôle et sérieux, à la fois.

Pour le vrai, le suspense n'avait jamais été aussi grand. L'audimat allait monter en flèche.

La musique de la Brabançonne pour l'annoncer, comme d'habitude. Bon signe?

Non, le Roi se dit  "affligé" par la crise politique.

Mercredi 20 juillet 2011, 12:59

C’est un discours fort, quasi exclusivement consacré à la crise politique. Le souverain déplore que la crise crée « l’inquiétude » et « l’incompréhension ».


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©belga

« Mesdames et Messieurs, chers compatriotes,

En cette Fête Nationale, j’aurais aimé me réjouir avec vous de la prestation de serment d’un nouveau gouvernement fédéral de plein exercice. Nous n’en sommes hélas pas là, et je le déplore.

Entre-temps, pendant cette longue négociation, le gouvernement en affaires courantes a su prendre efficacement les mesures nécessaires pour préserver dans l’avenir proche le bien-être des citoyens.

Toutefois, cela ne diminue en rien l’urgence et la nécessité de former un gouvernement investi de pleines responsabilités et qui devra réaliser les réformes structurelles nécessaires dans les domaines institutionnel et socioéconomique. De là mon nouvel appel à tous les citoyens et en premier lieu aux responsables politiques.

Un célèbre constitutionaliste anglais, Walter Bagehot, précisait les prérogatives de la monarchie constitutionnelle comme suit : le droit d’être informé, le droit d’encourager et le droit de mettre en garde.

Ces derniers mois, dans mes audiences, j’ai beaucoup utilisé les deux premières prérogatives : être informé et encourager. Avec vous, je voudrais à présent faire usage publiquement, en toute transparence, de la troisième prérogative : le droit de mettre en garde.

Je le fais fortement et avec conviction pour les raisons suivantes :

Premièrement. Comme un très grand nombre de Belges, je suis affligé par la plus longue durée, de mémoire d’homme, de formation d’un gouvernement. Cela crée chez beaucoup d’entre vous un sentiment d’inquiétude quant à l’avenir. J’ai pu m’en rendre compte lors de mes visites dans les différentes régions.

Deuxièmement. La durée de cette crise suscite aussi, dans une grande partie de la population, de l’incompréhension vis-à-vis du monde politique qui n’apporte pas de solution aux problèmes. Cela risque de développer une forme de poujadisme qui est dangereuse et néfaste pour la démocratie.

Troisièmement. Si cette situation perdure longtemps encore elle pourrait affecter de façon négative et très concrète le bien-être économique et social de tous les Belges. Il faut en être bien conscient.

Quatrièmement. Un des atouts importants de la Belgique, depuis la seconde guerre mondiale, est son rôle au sein de l’Europe. Cela nous a valu de devenir de fait, comme pays, la capitale de l’Europe et de jouer un rôle moteur dans cette formidable aventure qu’est la construction européenne. Notre pays, avec sa diversité culturelle, était considéré d’une certaine manière comme un modèle pour l’Union européenne. Notre situation actuelle crée de l’inquiétude auprès de nos partenaires, et pourrait endommager notre position au sein de l’Europe, voire l’élan même de la construction européenne déjà mis à mal par les eurosceptiques et les populistes.

Je ne serais donc pas fidèle à mon rôle, si je ne rappelais pas solennellement les risques qu’une longue crise fait courir à tous les Belges, et si je n’exhortais pas à nouveau tous les hommes et toutes les femmes politiques, et ceux qui peuvent les aider, à se montrer constructifs et à trouver rapidement une solution équilibrée à nos problèmes.

Comme je le rappelais à l’occasion de la Noël, et je cite : « Dans la recherche de cet accord raisonnable il est évident que chaque partie devra faire des concessions. Chacun aura donc l’obligation de prendre ses responsabilités. Le moment est venu où le vrai courage consiste à chercher fermement le compromis qui rassemble, et non à exacerber les oppositions. Si un tel accord se réalise, un nouveau gouvernement fédéral pourrait être constitué. Avec les entités fédérées, il sera à même de prendre des mesures nécessaires pour sauvegarder le bien- être de la population, et pour rétablir la confiance au sein du pays. C’est cela que tous nos concitoyens attendent ». Fin de citation.

Mais les citoyens ne doivent pas seulement exhorter leurs représentants à prendre les décisions courageuses qui s’imposent. Ils doivent aussi s’efforcer de favoriser une meilleure entente entre nos communautés en faisant des pas concrets vers l’autre, en parlant sa langue, en s’intéressant à sa culture, en essayant de mieux le comprendre. C’est là une forme importante de la citoyenneté moderne.

Par ailleurs, nos problèmes internes ne doivent pas nous conduire vers un repli égoïste sur nous-mêmes et nous faire oublier le monde qui nous entoure. A ce propos, je voudrais partager avec vous l’émotion que j’ai ressentie lors de la remise du prix Roi Baudouin pour le développement au médecin congolais Denis Mukwege. Dans des conditions très difficiles, il soigne et vient en aide aux femmes qui sont victimes de terribles violences dans l’Est du Congo. J’appelle notre pays, l’Union européenne et les Nations Unies à travailler efficacement avec les autorités du Congo, et des pays voisins, pour mettre fin à ce drame. Nous ne pouvons pas rester indifférents à de telles situations.

Mesdames, Messieurs, chers concitoyens, C’est avec le ferme espoir de voir bientôt prendre fin cette trop longue période d’instabilité politique que la Reine et moi, et notre famille, nous vous adressons nos meilleurs vœux pour une vraie Fête Nationale qui rapproche tous les citoyens. "1.jpg

Alors, ça, c'était pas habituel. Musclé, électrochoc, son discours. Vraiment fâché, le Roi...

Il n'avait vraiment pas l'air de sourire le "patron"... un "Indignez-vous", comme paroles à la mode, mais venu du haut du panier.

A 19:30, coup de théâtre, le CD&V accepte de négocier sur BHV mais, remisait aux calendes grecques (un mot à ne pas citer en l'espèce), ce qui ne l'intéressait pas.

Le CD&V se met définitivement à plat ventre, dit la NVA.

Nenni, ce sont les électeurs flamands qui en ont marre.

Ensuite, ce fut le soir du 20 juillet. Là, c'était la vraie fête, celle des Marolles, sur la place du Jeu de Balle. Le Grand Jojo était annoncé, comme d'autres Bruxellois de derrière les frites et les moules. Le Prince Laurent y était venu danser avec les Bruxellois tandis que le reste de la famille se trouvait au concert au "Bozar" avec la Valse de Ravel pour conclure le concert. Pas de surprise de ce côté.

On sait encore danser, rire et se rappeler des habitudes. La musique adoucit toujours les mœurs. Ouf.

Le fric, aussi, est toujours de la partie. On apprennait que les Belges possèdaient 931,3 milliards d'euros. Le patrimoine augmentait de 10 milliards.

On a encore une valeur marchande, quoi... Rien n'est donc perdu. Pas étonnant que Bleu Marine nous faisait les yeux doux.

20110714Fete nationale sans.jpgEn France, une semaine avant, c'était un 14 juillet sans Carla (elle n'aime pas trop être photographiée quand elle n'est pas au mieux de sa forme...) et sans quelques soldats, tombés au champ d'honneur de la France.

L'année passée, tous les Belges s'en souviennent encore des inondations catastrophiques avec les nuages en provenance de la France lors de ce 14 juillet.

Mon "Vivement l'automne", presque prémonitoire, lançait: "Comme un malheur n'arrive jamais seul, voilà qu'on nous apprend que le cornet de frites va augmenter. Faudra vraiment qu'on passe à autre chose et qu'on goûte ces churros, par exemple. Les frituristes vont avoir des soucis à se faire, c'est sûr. On se souviendra de la fête nationale française, de sa manière, disons, assez "chahutée". Du défilé, on n'a pas vu grand chose. Quand  l'antenne et la parabole suivent le même trajet que les tuiles et le toit, cela devient difficile...1.jpg Français, soyez plus sage l'année prochaine avec les feux d'artifice. Cela a dû gêner quelqu'un la haut. Cela l'a foutait mal, ensuite, avec l'annonce que les assurances risquaient d'augmenter leurs prix. Pas uniquement, de ce qui s'est passé, bien sûr, lors de la fête nationale française, mais par la récurrence des intempéries et aussi, mondialisation oblige, du pétrole qui s'échappe dans le Golfe du Mexique."

Du feuilleton de l'été 2010, l'affaire Bettencourt, nous sommes passé en 2011 à l'affaire DSK ou au scandale des écoutes à Londres

Les 1.jpgfeuilletons des autres, on aime à la télé entre les petits plats et les grands. On les aime moins en politique. Malaise imprécis qui se perd dans la nuit des temps, en queue de liste des préoccupations belgo-belges d'après les derniers sondages.

Puis, le 21 juillet arriva. On allait voir ce qu'on allait voir. Les images sont toujours plus explicites que nos petites lettres de l'alphabet bien placées dans un ordre conventionnel ou constitutionnel. L'ordre se bat toujours avec le chaos comme on venait de le voir à la télé dans "V Vendetta".

Quant à notre drache nationale, elle se devait d'être au rendez-vous. Heureusement, pas tout le temps.

Le matin, le ciel était clair, le soleil était là.

Un coup d’œil sur "Que faire ce 21 juillet?". Malgré la morosité, il restait quelques points d'attraction pour un Bruxellois, pas trop fatigué.

Mon vélo et mon mini photomaton numérique, c'était parti, en service commandé. Les photos pour l'ambiance.

En chemin, quelques drapeaux tricolores. Rien de commun avec 2007. Autour de l'enceinte du quartier de l'Europe, calme plat du côté Berlaymont, mais, du côté Juste Lipse, les voitures de polices et des cars de télés qui pointent leurs paraboles vers le ciel. La rue de la Loi et, puis, le Parlement, déjà assailli de visiteurs en file en attendant 11:00.

Le Parc bat déjà toutes les activités. Je repère ce qui sort des habitudes. Un clown distribue des ballons triturés aux couleurs du jour aux enfants. Radio Nostalgie attend les plus vieux mais ce sont les jeux d'enfants qui ont la vedette. 1.jpg

A Sainte-Gudulle, c'est l'heure de la sortie du "Te Deum". Les drapeaux tricolores volent. Applaudissements au Roi, à Di Rupo et à Leterme, et cris à la sortie de la cathédrale. Qui aurait cru cet enthousiasme, il y a un an? Des calicots "Dank U, Sire", c'est nouveau.Le Roi avait susciter l'admiration par son discours.

De fiers cavaliers escortent sous leur coiffe enfoncée jusqu'aux oreilles, et n'ont rien à envier à une escorte anglaise.

20110722Europe.jpgSuivons les guides. Remontons vers la rue Royale. La foule est déjà là. Se faufiler au travers. Des sons lointains, des tambours, une troupe de Congolais dansent, à corps perdu. Des musiques de fanfares qui entonnent des airs bien connus. Un défilé de Chinois en jaune et bleu. Le palais de Justice approche. La police y présente ses derniers gadgets.

L'après-midi sera encore plus grouillante de monde. A 16:00, ce sera le défilé militaire. Une pluie battante, ponctuée de coups de tonnerre, commençait au même moment et n'allait finir qu'après la dernière de la Brabançonne de la fin du défilé militaire.  Je n'y étais pas. Un résumé des moments forts me suffisait devant la télé. Dans les airs, l'ambiance "mouillée" a rendu les couleurs bien vite dissipées. Les Alpha Jets ont été à la limite de la sécurité perdu dans la brume. Je n'ose penser au travail de sèchage des uniformes et du matériel au sol.

Le feu d'artifice du soir, je le verrai de loin. Accompagnait la musique générique du film "Star Wars", première version. Une analogie avec les étoiles du drapeau de l'Europe?

1.jpgDans la journée, la zone euro avait réussi à réduire le montant de la dette grecque. Quand je vous disais, qu'il y a toujours des fonds de tiroir quand les marrons sont cuits...

La fête nationale devra peut-être trouver une version adaptée de "Et maintenant, que va-t-on faire" en fond musical?

Stop ou encore? La météo avait montré le chemin. "Tous à l'eau". Fini les pokers menteurs.

C'est donc "encore" pour les deux. Le tournant dans les crises? Un effet levier?

En Belgique, après une première consultation, on fait une pause "vacancière" jusqu'au 15 août. Di Rupo remis en selle.1.jpg

En Europe, cela sera toujours les agences de notations qui diront si cela suffit.

Quant aux États-Unis, ils apprécient aussi cette date du "21 juillet".

Le 21 juillet 1969, Neil Armstrong alunissaient à bord de Eagle avec ces mots "« That's one small step for [a] man, one giant leap for mankind ».

Le 21 juillet 2011, la navette Atlantis se posait en Floride en mettant fin à l'aventure spatiale américaine, trente ans après le premier vol d'un orbiteur.

Ce matin, il y avait un ouf de part et d'autres des sept partis belges. "Mes enfants, mes enfants, l'émotion est trop forte", comme disait Luc Varenne dans un très vieux Tour de France.

1.jpgLa fête, c'est bien, pour faire oublier la vie de tous les jours. Mais, à chaque fête suffit sa peine. Pourquoi les crises? Allez expliquer cela à un martien.

Quand une fête ressemble trop à tous les autres jours, ça ressemble trop à une défaite...

Rendez-vous dans trois semaines. Il faut toujours se reposer après une crise ou un fête de foie ou de foi, non?

Des photos officielles ou alors, plus officieuses et plus personnelles...

 

L'enfoiré,

 

Citations: 

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