Quand la passion devient une addiction ou vice-versa (15/12/2013)

0.pngA l'origine de ce billet, une conversation entre copains. Un mail de ma part pour qu'ils définissent leur point de vue sur la passion et l'addiction. Pour compenser les obligations, il y a les dérivatifs, les hobbys, les "marchandises à rêves". Est-ce une passion qui se réveille ou une addiction qui sommeille et prend le dessus? Pour y répondre, un billet d'un rédacteur, une réflexion, un poème et une fable.

Le Nabum, rédacteur de billets au quotidien sur Agoravox, devenu copains dans l'écriture, m'a envoyé ce qui suit:

Double « JE »

De Moi à Vous.

Devant et derrière l'écran, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, lui et l'autre jouent à un jeu de cache-cache où personne ne se trouve. L'écran impavide renvoie un reflet où nul ne se reconnaît, une Toile qui impose un voile, une voile qui se gonfle pour surfer sur la vague. 

...

Mes doubles sont-ils moi-même, les pseudonymes en imposent à celui qui les a fait jaillir d'un cerveau qui se pensait unique. La schizophrénie menace l'auteur de ces billets qui se vengent en lui rendant la monnaie de sa détresse.

De BR, vous ne saurez rien, même si tous les autres font semblant de vous en dire tant. Le message est crypté, la ligne est brouillée : « Ici l'onde, les Français parlent aux Français ! ». Chacun se dissimule sous un nom codé, une référence quelconque que lui seul connaît.

« Le petit chat gratte le banc, …, le petit chat gratte le banc ! ». Des émotions, des secrets, des inventions, des sentiments traversent les mots qui naviguent à torts et à envie. La colère est meilleure conseillère que la tendresse, la révolte satisfait le lecteur quand la passion ennuie.

Alors l'auteur de mes billets se grime en un autre. Il se fait Fils de Carnutes pour envoûter, jouer de la magie Celte, des mots qui se font envoûtement, des incantations qui se veulent magiques, des bannissements qui ne sont que factices.

Il se gonfle d'importance pour devenir « Tribu Liger » chanter la Loire et ses mystères, la marine et ses chalands, notre pays et ses levées. Il pense se faire poète ou chanteur, n'est qu'écrivaillon-moussaillon sur la grande mare de ceux qui n'ont pas accès aux canards !

Il échoue en « C'est Nabum », décrypteur inutile d'une ville qui ne veut pas de lui. On le refuse dans la blogosphère locale, on l'ignore dans les cercles initiés. On se moque ou on le traque selon la position qu'on occupe.

Le schizophrène rencontre alors le paranoïaque, ils font bon ménage. Le lieu est propice à ce genre de mariage. Tous les sentiments explosent par le truchement de ces mots qu'on libère vers l'inconnu de tous nos maux. Ils vous reviennent parfois tissés d'une tendresse qu'on regrette de ne pouvoir cueillir. Ils se font plus souvent boomerangs agressifs chargés de tous les courroux accumulés par toutes nos frustrations.

L'épreuve ne laisse pas entier. Vers des ailleurs improbables nos doubles s'évadent. Il faut se faire à l'idée de cette cohabitation intime qui impose des concessions mutuelles avec soi-même. Ce « Je » qui pour singulier qu'il souhaite être (sinon pourquoi voudrait-il imposer aux autres ses réflexions ?), n'en fini plus de s'accorder « Pluriel » !

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Cette division de l'individu qui le multiplie à l'envi laisse pantois celui qui se croyait calculateur savant et maître de ses sentiments. L'opération n'est pas sans risque et demande beaucoup de retenue. Les problèmes arrivent souvent après la solution, la dissolution de soi est la preuve du triomphe de cet écritoire aléatoire .

Quand enfin, épuisé et fourbu, le sage consent à éteindre son ordinateur, il doit se tourner vers lui-même pour retrouver celui qu'il fut autrefois. Les avatars se dissolvent, le monde imaginaire s'évanouit et la vie reprend le cours de son chemin tranquille jusqu'à la prochaine connexion qui sera tout aussi bien, déconnexion de lui-même !

Polymorphement vôtre

...

Sapanhine a écrit

 La plus grande bataille existentielle reste soi-même. Nous sommes chacun un tout confronté au monde des autres. Il faut juste le savoir et ne pas partir du postulat "je" pour déterminer le monde. J'ai plus à apprendre de toi que de moi-même. Moi, je sais. Mais l'image que je donne prend soin d'éviter de trop le montrer. cela nous est commun à tous.

...

J'ai écrit un poème (publié en octobre dernier)

Mon inspiration est venue à disparaître,
Ma plume ne glisse plus sur le papier
Toutes mes pensées ont été déposées
Alors dois-je continuer à transmettre ?

Mais cette envie me hante :
Prendre un stylo et me dévoiler,
Sans avoir des mots,
Sans réfléchir à mes maux.

Hier, l'écriture était mon remède,
La plume était mon arme 
Et le papier était mon dépôt de larmes.

Aujourd'hui, l'écriture est une passion,
La plume est devenue ma raison
Et le papier est devenu le dépôt de mon expression.

Chaque mot écrit fut un récit de ma vie,
Chaque vers composé fut une confidence de mes pensées
Et ces recueils étaient et seront toujours une partie de ma vie.

Prends ton stylo, n'aies pas honte d'écrire,
Tu n'as pas besoin d'avoir un talent, 
Regarde-moi, je n'en ai pas, et alors ?

Mixou69 (que je ne suis pas parvenu à toucher) 

...

 
La fable des chiffres et des lettres
 

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Il y a bien longtemps, il y avait un comptable pour qui il n'y avait que les chiffres.

En apparence, du moins...

A longueur de journée, il additionnait les chiffres, les soustrayait pour ajuster les bilans, multipliait et divisait les nombres.

Tout devait être juste, équilibré, en fin de mois, au franc près, dans les facturiers et bilans qu'il établissait.

Tout le monde le connaissait pour son talent dans l'utilisation des chiffres. Ce n'était pas un secret, tous ses collègues l'appelaient Monsieur Chiffres.

C'était, ce qu'on appelle un Rond de Cuir comme on n'en trouve plus aujourd'hui.

Pourtant, ses collègues ne voyaient qu'une face de lui-même comme quelqu'un bardé de chiffres.

Une fois rentré chez lui, il avait une vie secrète meublée de lectures. Il lisait aussi vite qu'il ne comptait. En une nuit, il finissait un livre d'épaisseur moyenne sans aucun problème. C'était sa passion secrète depuis longtemps. Ce que les autres croyaient de lui comme une folie des chiffres, n'était en fait qu'une addiction construite. Mais, docile, il en avait pris le meilleur à son compte.

Personne ne savait, et il n'en laissait rien voir, qu'il était un peu le Mister Jeckill des chiffres et le Mister Hide des lettres.

Il n'écrivait pas mais il avait constitué un mémento de belles phrases en provenance de ses lectures.

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Arrivé en fin de carrière, les machines commencèrent à envahir les activités des entreprises et prirent une partie de son travail.

Un peu tard, pour se reconvertir en elles, se disait-il.

D'ailleurs, les patrons de la maison qui l'employait n'en avaient aucune intention. Des jeunes étaient arrivés avec les machines, bardés de nouveaux diplômes.

Le Rond de Cuir qu'il était, n'avait plus sa place et il s'en était fait une raison.

Le jour où l'informaticien était venu présenté la nouvelle machine, en voyant clignoter les loupiotes, il s'est écrié:

- On voit qu'il réfléchit.

L'informaticien n'a rien répondu mais il a souri.

Le comptable devint préretraité parmi d'autres. 

Qu'allait-il pouvoir faire avec ses connaissances de ses chiffres dans sa nouvelle vie?

Calculer son budget, ses fins de mois? Il aurait eu fini en moins de temps que pour le dire.

Alors, il ressassa son passé, pensa à son père, comptable comme lui, qui l'avait forcé à être une copie de lui-même, qui l'avait obligé à faire du calcul mental pour tout et pour rien. Il griffonna tout cela dans ses carnets, mixa le tout avec les notes de son mémento et en fit un livre qu'il présenta à un jury.

Il reçut le premier prix pour ce livre.

Les journalistes vinrent l'interviewer à la suite de son prix. 

- Qu'est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre?

- La passion, tout simplement. Le travail des chiffres, son addiction n'était que le résultat d'un complot fomenté par mon père, pas la mienne. 

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L'addiction n'est-elle pas la conduite qui repose sur une envie répétée et irrépressible, en dépit de la motivation et des efforts pour s'y soustraire

Je fais tellement de choses, aujourd'hui, puisque j'en ai les moyens et que le temps ne compte plus. Ce n'est plus ni une routine, ni une obsession, ni un piège. On ne fait bien que ce qu'on aime bien ou qu'on se force à aimer. Non? Je n'étais pas un matheux, même si j'en donnais l'impression. 

J'avais inventé une formule que j'avais appelé: la schizophrénie positive. 

Le plus fort, c'est que cela a marché. Ce fut un miracle puisque vous êtes là à me questionner et que d'autres ont trouvé mon histoire intéressante...

Il continua à écrire plusieurs livres. 

Un jour, quand il quittera ce monde, là haut, on ne lui demandera jamais s'il exerçait sa passion ou son addiction dans les nuages. Il restera toujours un peu à l'écart des autres.

Qui aurait osé lui faire la moindre remarque à ce sujet?

On n'en était plus là... 

...

La morale de la fable

 L'important n'est pas ce qui est, mais l'image qu'on en donne.

Une fable pour adultes qui donne une façon plaisante de donner une leçon de vie. 

Qui sait, un jour, écrirais-je une fable pour enfants ou, qui sait encore, un nègre (mot non péjoratif) se présentera pour l'écrire en vrais héros...


L'enfoiré,

 

PS: Je remercie Nabum pour l'écriture du texte sur le sujet du jour. 

...

 Citations:   
  • «  La raison tue la passion. » Didier Dubois
  • « La consommation, c’est l’addiction. », Luc Ferry
  • « Une fable est un pont qui conduit à la vérité. », Antoine-Isaac Sylvestre de Sacy

 

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