Rêve historique à Levico (29/06/2014)
Ce matin-là du 17 juin 1900, l'Archiduc Eugène d'Autriche s'était levé au Grand Hôtel Impérial de Levico. Il réfléchissait à ce qui s'était passé la veille lors de son inauguration.
11 heure du matin, dans la chambre du 3ème étage du Grand Hôtel Regina.
- Bonjour Monsieur l'archiduc Eugène. Avez-vous bien dormi? Pourrais-je servir le petit-déjeuner sur le balcon?
- Je me suis levé avec un mal à la tête à avoir envie de tout jeter par la fenêtre.
Probablement des suites de vapeurs d'alcool de la veille.
Vous auriez pu me réveiller plus tard.
Même si la nuit avait été longue.
...
Hier, j'avais assisté à l'inauguration du Grand Hôtel Impérial de Levico à mon initiative, même si certains points n'avaient pas encore été parachevés.
Je n'allais pas me plaindre, alors que le 20ème siècle ouvrait ses portes à des ducs, des archiducs, aux comtes et aux princes auxquels je faisais partie.
De ma suite, j'avais une vue sur le parc. L'eau des thermes arrivait en droite ligne de la montagne dans ma salle de bain. Mais cela n'avait pas suffi pour me remettre en forme et me faire oublier ce mal de tête persistant.
J'étais venu en éclaireur quatre jours plus tôt.
Convaincu par le projet, j'avais télégraphié pour annoncer l'inauguration à quelques personnalités et dignitaires du monde de la politique et de la finance.
Mon annonce informait qu'un voyage avait été organisé à partir de Berlin et de Vienne jusqu'à Levico. Pour les autres, ils n'avaient qu'à trouver leur propre modus vivendi.
Tout avait commencé grâce à Giulio Adriano Pollacsek, un businessman, philosophe allemand, qui a eu l'idée géniale de créer un hôtel dans le parc de 15 ha de Levico Terme à 20 kilomètres de Trento.
J'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose à en tirer de profitable pour la région du Trentino.
Il existait une petite industrie qui produisait des eaux en bouteilles et une eau minérale, censée réduire le stress et l'anxiété.
Une eau thermale potable, sulfatée, ferrugineuse et arsenicale, appelée "Aqua forte", était connue depuis le Moyen-Âge lors de l’excavation de la mine de cuivre à Vitriolo.
Une bénédiction pour les "pauvres" os, les "délicats" os, les "pauvres" artères de la noblesse autrichienne.
Arrivé à Levico en 1884, le promoteur Pollacsek avait eu un pressentiment, une sorte d'illumination. Il voulait utiliser les chutes d'eaux thermales comme potentiel économique, mais aussi comme un endroit de résidence de luxe pour les hauts dignitaires de ce monde.
Une destinée bien plus grande que le village rural et champêtre n'aurait jamais rêvé jusque-là: un centre international de tout ce qui se faisait de mieux pour la santé par l'hydrothérapie et la Roentgenthérapie.
Il faut dire que son intuition s'est progressivement transformée en véritable engouement à la suite de l'inauguration de la première ligne de chemin de fer Valsugana qui reliait le village à Trento.
J'ai soutenu ce Pollacsek dans son projet. J'aime les paris sur l'avenir, même s'ils peuvent paraître insensés.
Et, cela avait réussi au-delà de toutes espérances.
Les têtes pensantes et nobles avaient répondu par l'affirmative à mon invitation.
Au rendez-vous, ils étaient venus en provenance de Russie, d'Angleterre, de France, de Suisse, de Belgique, de Hollande, d'Espagne, de Norvège et même d'Amérique, de Chine et du Japon.
L'archiduc Carl Théodor de Bavière était parmi les invités. L'archiduc François-Ferdinand, le successeur au trône, allait se marier, en Bohême, le 1er juillet, avec Sophie, une noble mais qui n'avait pas de sang royal. L'empereur François-Joseph, malgré son désaccord, y était.
Il aurait aimé avoir sa cousine, sa chère Sissi, Elisabeth de Wittelsbach parmi les invités, mais celle-ci était tombée sous le coup de poignard d'un anarchiste, deux ans plus tôt.
L'annus horribilis fut 1867, avant qu'elle ne devienne une inlassable mouette pour s'éloigner de la cour impériale qu'elle détestait.
Ce lendemain de la journée de l'inauguration avait commencé sous les meilleurs auspices. Le soleil était déjà haut dans le ciel et les plus hautes montagnes perdaient leurs dernières neiges.
Il faisait déjà une chaleur torride dans la pièce. Il faudra un jour que l'on découvre un meilleur moyen de rafraîchir les maisons que par les réfrigérateurs à éther.
J'ouvris les fenêtres. Vêtu de la tête au pied d'un peignoir blanc. Je me rendis sur le grand balcon où une table avait été dressée pour le petit déjeuner. Pour moi, il était presque certain que les vœux de Pollasek allaient être exaucés.
Je me félicitai d'avoir lancé ces invitations.
Cette inauguration avait été vraiment réussie. Rêvassant, je me rappelais les événements qui l'avaient entourée.
L'après-midi, les villageois avaient défilé en costumes folkloriques devant l'hôtel avant d'ébaucher quelques pas de danses. Ce qui avait fait sourire unanimement tous les invités.
Le soir, ce fut le dîner dans une des grandes salles de restaurant avant de se retrouver dans le parc où un bal avait été organisé. Un feu d'artifice avait clôturé la soirée. Apparemment, ils avaient tous apprécié d'être là.
...
Quelques anecdotes amusantes
Elles me revenaient à l'esprit.
Il y a eu celle du prince Albert de Belgique qui avait voulu raconter une blague au sujet de son oncle Léopold II.
Âgé de 25 ans, il pouvait se permettre de faire tache dans cette haute assemblée vieillissante au sang bleu. Cela lui permettait d'achever sa vie de garçon car le 2 octobre de la même année, il devait épouser, à Munich, Élisabeth, la duchesse en Bavière. Il en revenait et sa fiancée n'avait pas désiré l'accompagner.
C'est clair, amateur d'humour belge, Albert avait voulu impressionner les quelques personnes qui se trouvaient autour de lui.
Dans sa blague, il était question du Trésor de l’État et de son oncle qui aimait les belles femmes et qui voulait toujours agrandir son Congo. Pour y arriver, son nouveau stratagème passerait par la création de parcs nationaux qui dépasseraient les frontières actuelles du pays.
Rien n'était vrai, bien entendu. Rien que de la dérision, mais qui avait intrigué d'autres convives qui s'approchèrent et commencèrent à l'entourer comme s'il était devenu la vedette de la soirée. Pour enterrer sa vie de garçon, qu'espérer de mieux?
Mais, quand on connait la taille du Congo par rapport à la Belgique, c'était plutôt ambitieux. Pas pour Léopold II qui a écrit, un jour, ces mots "Il faut qu'un jour le drapeau belge flotte dans les cinq parties du monde pour devenir la capitale de l'Empire belge".
Au début du 20ème siècle, faut-il le rappeler, la Belgique arrivait en deuxième position parmi des puissances économiques mondiales alors qu'après la guerre, elle fut coupée du monde, exsangue.
Selon le plan intime de son oncle, d'après les dires de son neveu, cela se résumait à vouloir impressionner sa nouvelle dulcinée, Blanche Delacroix. Dulcinée, 50 ans plus jeune que lui alors qu'il avait atteint l'âge respectable de soixante-cinq ans. Le secret de leur liaison éventé très vite, avait engendré une traînée de poudre de contestations jusqu'à attaquer la voiture de Blanche en arrivant au Palais. Ce qui avait mis dans une colère folle, à répéter sa volonté d'abdiquer, le destinataire de ces visites.
Ce qu'Albert ignorait, c'est qu'au même moment, son oncle avait émis le souhait de léguer son important patrimoine privé à l'État belge, à condition express de ne pas l'aliéner, de préserver ses beautés naturelles et de mettre certains biens à la disposition de la famille royale belge et de la Nation. Pour lui, ses biens immobiliers devaient surtout appartenir à la Belgique et ne pas être divisés entre ses trois filles dont deux d'entre elles avaient épousé des princes étrangers. Ce qui les rendait suspectes à ses yeux.
Ce genre d'objectifs intimes n'auraient, heureusement, jamais pu arriver aux oreilles de son neveu. Son oncle n'avait pas l'habitude de révéler ce genre d'ambitions à son entourage direct. Cela aurait fait mauvais genre et pas très "diplomatiquement vôtre" de révéler la vérité.
Moi seul, un peu complice, j'avais eu vent de la vérité dans son ensemble et j'avais souri de bon cœur, de la blague d'Albert alors que d'autres invités n'avaient pas compris la dérision.
Toutes les langues européennes n'étaient pas encore parlées dans toutes les Cours de cette Europe morcelée en grands empires bien que le français était la langue considérée comme universelle chez les Habsbourg.
Le financier Wilhem Carl von Rotschild et le fils d'un industriel italien, Vittorio Gnecchi, étaient polyglottes, mais les têtes couronnées avaient l'habitude d'avoir des interprètes avec eux dans les grandes réunions politiques.
Le prince Scipione Borghese était resté de marbre comme il en avait l'habitude.
Ludovico Chigi avait eu un rire pincé pour ne pas paraître idiot. Et pourtant...
Le duc Visconti de Modrone avait très vite compris qu'il n'était pas à sa place et avait regagné un autre groupe de convives.
"Ces Belges sont des ignorants du protocole de la Cour et de l'étiquette", se disaient-ils et certains devaient se sentir visés par les mêmes penchants.
Le prince Chlodwig zu Hohenlohe-Schillingsfürst souleva les épaules avec une sorte de moue ironique pour dire que ce genre d'histoire n'amuse que les Belges, tandis que les jeunes Antonio Feltrinelli et Edoardo Sonzogno de Milan crurent bon de lancer une autre blague, italienne cette fois, en espérant qu'elle soit dans la même lignée de l'histoire belge. Elle n'eut pas plus le succès escompté.
Nous étions le lendemain matin et le déjeuner terminé, je rentrai dans ma chambre. Sans succès, j'avais tenté de localiser le hibou qui lançait son cri inquiétant, reconnu pour couper le fil de la destinée d'après la tradition. Cela aurait été de très mauvaise augure s'il continuait.
Les dernières neiges subsistaient sur les plus hauts sommets à ma gauche, tandis que devant moi, les montagnes s'étaient défaites presque totalement de toutes ses taches blanches.
Le parc, devant moi, occupait une grande partie de la superficie du village.
On y avait planté 76 d'essences d'arbres exotiques ou épicéas, plus normaux pour une altitude de 500 m. Parmi eux, deux séquoias géants, qui, encore jeunes, prenaient déjà de plus en plus de hauteur.
La fontaine devant l'hôtel ne faisait pas plus de bruit qu'un suintement.
Je planifiai d'aller sur le lac de Levico à bord d'une barque. Ma voiture garée sur le parking, le long de la villa attribuée à Sissi, m'y conduirait.
Cette chère Elizabeth, comme elle me manquait.
J'avais tout fait pour que le promoteur du projet lui réserve cette villa à côté de l'hôtel.
La cloche de l'église à ma droite se mit à sonner les heures tellement fort que j'en fus surpris.
...
Le réveil
Non, ce n'était pas la cloche d'église, c'était le réveil matin qui sonnait à mes oreilles. La voix de mon épouse et un pincement au bras me réveillèrent complètement.
-Tu ne te lèves pas ? Nous allons être en retard pour le petit-déjeuner. A dix heures, il ne va plus rien rester sur le buffet du petit déjeuner. Si tu veux encore aller en excursion dans les Dolomites, il faudra que tu te dépêches.
J'étais revenu au 17 juin 2014. J'avais rêvé et tout cela n'était arrivé que dans mon rêve qui venait pourtant bien à propos pour prouver que j'avais retenu la leçon que j'avais lue. J'avais seulement extrapolé dans un voyage dans le temps. De ce rêve, pour ne pas paraître ridicule, je n'en racontai rien à mon épouse.
Aucune inauguration n'avait eu lieu, la veille. Tout avait été la routine comme tous les jours.
Si ce matin-là, nous étions, aussi, un 17 juin, c'était 114 ans plus tard.
Au retour de mon jogging, un brin de causette avec la réceptionniste de l'hôtel me révéla qu'elle ne s'était pas rendu compte qu'elle vivait l'anniversaire de l'ouverture de l'hôtel. "Avec le temps, tout s'en va", comme le chantait Ferré.
Les deux jours précédents avaient été des jours de pluies après une semaine de chaleurs intenses de plus de 35°C. Cette fois, un pâle soleil ne passait que difficilement les nuages rendant plus respirable l'atmosphère pour une course éventuelle.
Ce jour-là, le rêve pour le vacancier en quête de soleil, ne fut que de courte durée. Les nuages reprirent, très vite, les derniers quartiers perdus dans les cieux bleus. La piscine était déserte.
Les réalités reprennent le dessus. La promenade semble le seul dérivatif possible.
Si le cadre était resté le même, les événements s'étaient succédé pendant ces 114 ans qui précédaient. Dans le parc, l'un des deux séquoias était mort en 2007 et avait été conservé religieusement découpé en plusieurs morceaux.
Nous étions en retard pour nous rendre dans les Dolomites. La visite de celles-ci a été reportée au surlendemain, un choix qui est parfaitement en concordance avec le climat qui s'était complètement remis ce jour-là.
Entretemps, j'ai pensé continuer à remonter le cours de l'histoire pour compléter mon rêve historique.
Récemment, je parlais de l'Esprit de famille", de grandes familles. Cette histoire-là, si elle gardait un esprit de famille, eut quelques dérapages incontrôlés.
Nous sommes en 2014, l'année du 100ème anniversaire de la première guerre mondiale alors pourquoi pas rappeler ce qui l'a précédée en gardant en parallèle avec l'histoire de l'hôtel.
...
Les familles imbriquées des Habsbourg et des Saxe-Cobourg
Toutes deux ont défrayé la chronique européenne.
Léopold II a eu un fils unique, qui mourut à l'âge de 10 ans.
Le prince Albert de Belgique, duc de Saxe, prince de Saxe-Cobourg-Gotha, devint le 3ème Roi de Belgique, puisque Baudouin, fils du comte de Flandres qui devait devenir l'héritier du trône, décédait à l'âge de 21 ans.
Une mort suspecte qui a fait penser à une réédition de l'histoire de Rodolphe à Mayerling, le troisième fils de l'empereur François Joseph et de Sissi.
Toutes les spéculations, les plus folles, ont couru après la déclaration officielle de "pleuropneumonie infectieuse avec néphrite aiguë, hémorragie et endocardite".
Duel? Suicide? Règlement de compte?
Le 14 décembre 1909, trois jours avant sa mort, Léopold II épousait une deuxième fois, religieusement, sa jeune dulcinée, Blanche Delacroix.
Du mariage avec Marie-Henriette, décédée en 1902, il était « celui d'un palefrenier et d'une religieuse ». Une religieuse timide et un renfermé, Léopold.
Pendant dix ans, sa "Très-Belle" Blanche, comme il l'appelait, était venue, une fois par semaine, occuper une chambre du Palais.
Épouse morganatique, elle avait reçu le titre de Baronne de Vaughan avec une attribution d'une véritable cour avec officiers d'ordonnance et toute la domesticité appropriée.
Les deux fils de cette union n'ont jamais été reconnus.
Lucien avait reçu le titre de duc de Tervuren et Philippe, celui de comte de Ravenstein.
Ils furent adoptés par le roturier, Antoine Durrieux, deuxième mari de la "Très-Belle", deux ans après la mort de Léopold II.
Lucien possédait, chez lui, un véritable petit musée à la gloire de la famille royale.
Des photos et des lettres dont une de son père naturel qui disait: "Cette jeune femme m'a donné l'extrême tendresse qu'une femme jeune peut donner à un vieillard".
Les goûts et les couleurs se perdent toujours au travers d'affaires d'esprit, de cœur et de sexe.
Convaincu de l'imminence de la guerre, il voulait encore voter une loi sur le service militaire obligatoire.
Du côté Autriche:
Une histoire à rebondissements a aussi connu des malédictions dans une soupe de sang bleu et que l'on pourrait titrer de "Pouvoir, argent, sexe et catastrophes" avec un coup d'arrêt en 1914 dans une autre soupe de sang bien plus rouge, cette fois.
L'empereur François-Joseph, de "droit divin", n'eut pas une vie moins mouvementée. Parsemée de guerres, d'affaires de cœur et d'argent, il s'était laissé "harponné" par une actrice Katarina Schratt pour "papoter" selon la formule consacrée pour désigner les rencontres sur l'oreiller.
Sissi, son épouse, avait poussé ces rencontres puisqu'elle ne pouvait assumer son rôle d'épouse à Vienne qu'elle détestait, trop éprise de liberté.
L'efféminé, Louis-Victor, mêlé à un scandale, tomba en disgrâce et fut exilé au château de Klessheim.
Le frère de l'empereur, Maximilien 1er, fut fusillé au Mexique.
Sa veuve, Charlotte, décéda en 1927, emportant avec elle les derniers soubresauts des fastes d'antan de cette famille impériale.
Les empires européens et monarchies séculaires s'étaient effondrés l'une après l'autre.
Lors d'un pèlerinage en Terre sainte, le bigot, Charles-Louis, avait bu de l'eau du Jourdain et contracta une fièvre typhoïde dont il mourra.
Il était le père de François-Ferdinand qui mourut le 28 juin 1914, dans un attentat à Sarajevo.
Cela entraîna théoriquement la Première Guerre mondiale.
Ce fut plutôt un prétexte pour régler les comptes du nationalisme après l'ultimatum autrichien envoyé à Belgrade et de l'engrenage activé par un jeu d'alliances.
"Sarajevo, où tout commence et tout fini", (c1).
Guillaume II sera le dernier empereur d'Allemagne à la fin de la guerre.
Fantasme de la Grande Belgique, après la guerre, avec Albert Ier comme Roi de Jérusalem, héritier de Godefroid de Bouillon. Mobile: business, religion, idéologie.
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La suite de l'histoire de l'hôtel.
La première guerre mondiale ne lui a pas fait subir de dommages, alors que Levico n'était pas loin du front italien.
Au cours de la 2ème guerre, par contre, l'hôtel avait été réquisitionné par le Général allemand, Kesselring, commandant le siège de la Wehrmacht pour la zone nord-est et le siège de la marine allemande pour la région Adriatique. C'est cette situation qui occasionna des bombardements répétés par les Alliés. Bombardements qui entraînent la destruction presque complète du Grand Hôtel qui portait, alors, le nom "Regina".
Après la guerre, les sources thermales sont devenues la première propriété de la Région du Trentin-Haut-Adige.
De 1973 à 1996, la propriété de la Provincia Autonoma de Trente a géré les sources thermales, le grand hôtel et l'usine d'embouteillage de l'eau naturelle.
Ensuite, la gestion de l'ensemble a été confiée à la société privée, Levicofin.
En 1984, près de cent ans après la construction de l'hôtel, celle-ci s'est chargée de la reconstruction dans le style Liberty de la "Belle époque" avec l'aide des photos d'avant les sévices encourus. A cause du tourisme, les soins par les boues et les eaux ferrugineuses étaient redevenus à la mode.
Une résurrection intéressée, donc et une nouvelle gageure, en somme...
Tout devait ressembler sans que cette fois, ce soient des têtes couronnées à inviter, mais des touristes qui paient leurs vacances avec leurs propres deniers et pas ceux de la nation austro-hongroise qui n'existe plus que dans les rêves anciens.
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Pour compléter l'histoire, une visite à la ville de Trento s'imposait. La ville tire sa célébrité du "Concile de Trento" qui s'y tint de 1545 à 1563 et qui devait répondre aux menaces du protestantisme sur l'Église catholique. Cela reste une jolie ville avec sa cathédrale, son château et ses rues piétonnières.
Quant à la visite des Dolomites considérées comme une des merveilles du monde dans les catalogues touristiques, c'est en montant vers Canazei, que l'on peut trouver une des apothéoses. Au retour, un accident de parcours de la modernité qui n'aurait donc aucune raison pour figurer dans ces lignes.
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L'actualité et les suppositions
Sans placer dans l'ombre ces histoires oubliées, l'actualité était ailleurs.
Je pourrais rassurer l'archiduc Eugène en disant que deux ans après sa visite à Levico, la climatisation moderne avait été inventée par Willis H. Carrier. Mais la "clim" ne fut révélée au public que 25 ans après.
Mais est-ce aujourd'hui tellement différent?
Albert II abdiquait le 3 juillet 2013.
Delphine Boël, une fille qu'il aurait eu hors-mariage, une affaire qui n'est toujours pas réglée, même pas invoquée lors de l'interview de son père présumé à RTL.
Dans l'ancien temps, comme on dit chez nous, la noblesse assumait souvent sa charge jusqu'à ce que mort s'en suive. Aujourd'hui, chacun prend sa retraite tout en espérant garder les mêmes privilèges.
Une différence avec le passé? A peine...
Je me demande ce que ces archiducs auraient pensé du Mondial et de la Saquadra Azurra, du bal masqué qu'il a engendré et des événements du monde actuel qui n'est pas plus, un rêve qu'un cauchemar à inscrire sur les tablettes de l'histoire.
Quant à Léopold II vis-à-vis des Diables Rouges, qui jouent "à qui joue mal, gagne", vous pouvez vous imaginer quelle distribution de décorations au rang de commandeur de l'Ordre de la Couronne, il aurait pu faire puisque c'est lui qui les avait institué.
Le romantisme est mort. Paix à son âme.
En cachant la moustache ou la barbe, d'après vous, ces archiducs se seraient-ils tous planqués sous un masque de boue à Levico ou en pleine sudation sous les masques et le soleil du Brésil?
Votre réponse ne serait qu'une preuve de votre imagination, de supputation, bien entendu.
Côté positif de notre époque, la restauration du G.H.I., pour les intimes, n'a pas été perdue pour tout le monde.
Le tourisme est devenu une manière habile de conserver le patrimoine d'un pays.
« Un séjour dans un paradis, paraîtrait l'enfer » disait Sissi en parlant de la Cour.
Cela aussi, n'a pas vraiment tout à fait changé si ce n'est la vitesse qui s'est accélérée pour passer de l'un à l'autre.
Mais, ce passage "paradis-enfer" permet à des gens comme vous et moi de pouvoir rêver et de jouer un rôle théâtral inimaginable pendant l'espace de quelques jours de vacances.
Je ne sais si cette débauche de départs en vacances furent un progrès ou non et si l'histoire fait partie de vos passions.
A vous de me le dire.
En attendant, bonnes vacances aux juilletistes...
Tout cela en photos à la suite d'un clic
Pourquoi pas en entonnant une chanson de rêves...
L'enfoiré,
Références historiques prises au vol dans le livre de Luykens "Surprenantes histoires de l'Histoire de Belgique".
Citations:
- « L'histoire est un perpétuel recommencement. », Thucydide
- « L'histoire est écrite par les vainqueurs. », Robert Brasillach
- «On croit que les rêves, c’est fait pour se réaliser. C'est ça, le problème des rêves : c’est que c’est fait pour être rêvé. », Coluche
Commentaires
Sarajevo, où tout commence et finit
«Gavrilo Princip est une note en bas de page », disent les historiens. Cent ans plus tard, l’assassin de François-Ferdinand divise toujours la région.
C’est un coin de rue sans charme le long de la rivière Miljacka, dans le centre historique de Sarajevo. Face au pont Latin, les touristes et les chaînes de télé se pressent devant la stèle et le musée qui rappellent l’événement. Il y a un siècle, c’était un magasin de delikatessen et la rue débouchait sur la Franz-Josefstrasse. A 10 h 45, le matin du 28 juin 1914, l’Europe et le monde ont basculé dans l’apocalypse à cause de la scène invraisemblable qui s’est jouée ici. A l’angle de la rue menant vers la vieille cité ottomane, la stèle rappelle froidement les faits : ce jour-là, Gavrilo Princip a assassiné l’archiduc héritier d’Autriche, François-Ferdinand, et sa femme Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg. Slobodan Šoja, historien et ancien ambassadeur de Bosnie-Herzégovine à Paris et au Caire, s’avance et décrit la plaque commémorative : « C’est la quatrième version, elle date de 1997. A chaque fois, le texte a été modifié de manière extrêmement révélatrice. La première version, assez neutre, date de 1930. En 1945, après que les nazis ont arraché la pierre lors de leur arrivée à Sarajevo pour l’offrir à Hitler à l’occasion de son anniversaire, le texte commandé par Tito exaltait l’héroïsme, le courage, le sens de la liberté de Princip, voire son engagement communiste ! En 1953, l’enthousiasme est un peu plus mesuré. »
Historien franco-allemand basé à Sarajevo, Nicolas Moll confirme : « A chaque changement d’inscription correspond un changement de paradigme. » Aujourd’hui, un siècle jour pour jour après l’attentat de Sarajevo, la personnalité, le geste, les motivations de Princip, 19 ans au moment des faits, restent soumis à interprétation. Non seulement, l’événement qui a déclenché la Première Guerre mondiale continue à n’être envisagé que comme un prétexte et non comme une raison profonde (Le Soir de vendredi) : « Gavrilo Princip est une note en bas de page », résume Šoja.
Un pays toujours divisé
Mais, vu d’ici, il incarne aussi toute la complexité d’un pays, la Bosnie-Herzégovine, (re)construit (?) sur les ruines d’une Yougoslavie décharnée dans le sang au terme de guerres d’un autre âge, spécialement le conflit bosniaque et l’interminable siège de Sarajevo qui, quatre années durant, a vu les Serbes tenter de mater l’indépendance bosno-croate. Mosaïque de cultures, de nationalités, de religions, d’idéologies, la Bosnie est à cheval sur toutes les lignes de fracture du continent. « Au Congrès de Berlin en 1878, la Bosnie-Herzégovine, qui était administrée par l’Empire ottoman, a été cédée à l’Autriche-Hongrie, rappelle Slobodan Šoja. En une nuit, elle est passée de l’Orient à l’Occident. »
Dans la capitale bosnienne, les palais viennois voisinent avec les églises à l’italienne, les immeubles hideux de l’époque communiste avec les innombrables mosquées (souvent financées par la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite, le Qatar) sur fond de décor alpestre. Mais la ville reste divisée entre les deux entités qui forment le pays : à l’ouest, bosniaque, des mosquées et des caractères latins, à l’est, serbe, des églises orthodoxes et du cyrillique. Entre les deux, le grand « bulevar » surnommé « Sniper Alley », ligne de front urbaine sur laquelle se sont affrontés quatre ans durant les belligérants du siège de Sarajevo, moins d’une décennie après les Jeux olympiques d’hiver. De la vieille ville à l’aéroport, il n’est pas, 20 ans après les accords de Dayton mettant fin à la guerre inter-ethnique, un bâtiment qui ne porte les stigmates, impacts de balles ou destructions pures, de ces batailles de rues dans une ville où la vie continuait tant bien que mal malgré les privations. A trois heures de Bruxelles.
Samedi dernier, la Bosnie disputait contre le Nigeria le deuxième match de la première Coupe du monde de son histoire. Tout Sarajevo était dans la rue en pleine nuit. Ce pays, qui reproduit en quelque sorte à petite échelle ce qu’était la Yougoslavie, n’en reste pas moins profondément divisé. Au coup de sifflet final, une défaite, il se trouvait des Bosniens de Banja Luka, la capitale de la Republika Srpska, pour sauter de joie. Entre les inondations qui ont touché le tiers du territoire et jeté des milliers de gens à la rue et des élections où les Bosniens doivent élire des politiques qu’ils estiment corrompus à une bizarre présidence collégiale à trois, le pays le plus pauvre du continent ne s’en sort pas. En entendant les dirigeants locaux vanter le début d’un « siècle de paix » après un siècle de guerre dans un climat de misère sociale et de tensions communautaires exacerbées par les leaders locaux, on se demande si… le risque de voir les choses à nouveau déraper un jour n’est pas tangible. « Oui et non, répond prudemment Nicolas Moll. On ne peut jamais dire jamais. Comme historien, je ne vous garantirais même pas qu’il n’y aura plus jamais de guerre franco-allemande. Le pays est très, très divisé. On n’a pas vu venir la guerre en 1992. Elle était dans les montagnes à 50 km de Sarajevo et personne ne pensait qu’elle arriverait jusqu’ici. Le problème, c’est que, au contraire de la Deuxième Guerre mondiale, il n’y a pas eu de coupure nette après la guerre de Bosnie : même s’il y a le TPIY (NDLR : le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) à La Haye, il n’y a pas eu l’affirmation d’un vainqueur et d’un perdant, il n’y a pas de victoire ni de défaite. Les problèmes sont toujours les mêmes. »
Terroriste ou héros ?
C’est dans ce contexte que resurgit la polémique Princip. En témoigne l’impossibilité, malgré des médiations diplomatiques comme celle de la Belgique, d’organiser à Sarajevo un colloque réunissant historiens croates, serbes et bosniaques sur le sujet. « Ici, souffle Šoja, on voit encore les choses en noir et blanc, comme avant la télé en couleur. Et quand on m’interroge à la télé sur la question, tout mon message de paix pour l’avenir est systématiquement sucré. Il dérange des politiques qui cherchent à exacerber les différences. Si Gavrilo Princip avait su ce que seraient les Bosniens 100 ans après son geste, il ne se serait pas sacrifié pour eux. »
Si Sarajevo est « au cœur de l’Europe » cette semaine, Belgrade et Banja Luka craignent un « révisionnisme ». Emir Kusturica, le cinéaste musulman et donc bosniaque, s’est converti à la religion orthodoxe et à la Serbie et rend hommage à Princip dans sa « ville nouvelle » de Višegrad. Sarajevo-Est, en Bosnie serbe, a elle érigé vendredi un monument en hommage à l’assassin du kronprinz.
Terroriste pour les uns, héros pour les autres : voilà le destin centenaire de Princip. « Je sors de chez des amis, rigole Moll, et ils m’ont demandé ce qu’ils devaient en penser : eh bien, franchement, j’ai moi-même du mal à répondre à la question de manière définitive. »
D’un côté, Princip est un terroriste parce qu’il est serbe. De l’autre, il est un héros parce qu’il est serbe. Le régime communiste du maréchal Tito, non aligné sur Moscou, le considérait comme un héros de la Yougoslavie (étymologiquement « les Slaves du Sud ») qui apparaîtra après le premier conflit mondial. La Main noire, une société secrète nationaliste serbe, a armé Princip et les siens – mais sans penser qu’ils réussiraient. Quant à Princip et Andric (prix Nobel de littérature en 1961), ils étaient membres du groupe Jeune Bosnie (Mlada Bosna), une organisation nationaliste… bosniaque. Slobodan Šoja tranche le dé bat : « Bien sûr que Princip était un terroriste, bien sûr qu’il a tué quelqu’un et que c’est inacceptable. Mais, c’est 2 secondes dans sa vie. Pour le reste, Jeune Bosnie ne représentait que 0,01 % de la population de Sarajevo, à savoir des gens qui n’étaient absolument pas des tenants d’une Grande Serbie. Ils étaient jeunes, des idéalistes, des rêveurs, Princip et ses amis étaient exactement le contraire de cela. Ce groupe se composait de Serbes, de Croates et de Musulmans de Bosnie. On pourrait dire qu’ils étaient nationalistes, oui, mais alors dans le sens de la construction d’un Etat multiculturel et multiethnique, sans influence de la religion, quelque chose qui ressemble… à la Yougoslavie d’après-guerre. C’est pourquoi Tito en a fait un héros. La Yougoslavie est passée sans transition du communisme au nationalisme parce que Miloševic a utilisé ce ressort. Il n’était pas nationaliste mais opportuniste. » Et notre interlocuteur de conclure : « Je me considère d’abord et encore comme yougoslave. »
http://www.lesoir.be/584845/article/14-18/actualites-14-18/2014-06-28/sarajevo-ou-tout-commence-et-finit
Écrit par : L'enfoiré | 29/06/2014
Le propos rêvé-romancé, mais plausible de l'auteur est curieusement réaliste, mais il est effectivement difficile de trancher.
Par ailleurs, il y a toujours beaucoup trop de débats animés par des "se-faire-valoir-eux-mêmes" qui jettent de l'huile sur le feu sans avoir approfondi leurs connaissances à ce sujet, en particulier en Europe de l'ouest.
L'article du soir.be me semble assez raisonnable, c'est rare.
Écrit par : zelectron | 29/06/2014
Le rêve permet beaucoup d'extrapolations.
Personne ne peut le contester, il reste sien.
Je n'ai pas voulu écrire quelque chose qui serait trop "touristiquement vôtre".
Hier, c'était donc le centième anniversaire de cet assassinat qui d'après certains aurait tout déclenché.
Pourtant, comme je l'ai mentionné, Léopold II avait senti l'oignon dès l'année de sa mort en 1909 en voulant créer un service militaire obligatoire.
L'article du Soir a été repris en commentaire en plus du lien vers l'article pour qu'il ne disparaisse pas avec le temps.
"Avec le temps, tout s'en va" chantait Ferré.
Écrit par : L'enfoiré | 29/06/2014
Un documentaire d'ARTE
"De Sarajevo à Sarajevo"
On peut lire à Sarajevo le destin d'un pays aujourd'hui disparu, la Yougoslavie, et les soubresauts du vingtième siècle. La ville entre dans la grande histoire le 28 juin 1914, lorsque l'archiduc François-Ferdinand, en visite, y est assassiné par l'étudiant Gavrilo Princip, qui proteste contre la domination de l'Empire austro-hongrois. À la fin des années 1920, le royaume de Yougoslavie bascule dans la dictature pour contrer les revendications nationalistes croates. Cela n'empêche pas les habitants de Sarajevo de vivre en bonne intelligence.
Depuis des siècles, juifs, catholiques, orthodoxes et musulmans cohabitent en bons voisins dans ce qu'on appelle la "petite Jérusalem des Balkans". Les vieux démons nationalistes se réveilleront lors de la Seconde Guerre mondiale, puis en 1980 à la mort de Tito, qui avait donné à la Yougoslavie un semblant d'unité. Cette fois, le pays explose et Sarajevo, assiégée pendant trois ans, devient l'épicentre du conflit entre Croates, Bosniaques et Serbes.
La forme d'une ville
À travers un urbanisme marqué par l'histoire et de nombreux témoignages, notamment ceux d'un ancien résistant, d'un rédacteur du journal antifasciste Oslobodjenje, d'un photographe qui a immortalisé la ville avant et pendant le siège et dont les superbes images ponctuent le film, se dessine le saisissant portrait d'une cité traversée par de multiples ondes de choc. Partout dans la ville, on retrouve des traces du passé. L'ancienne piste de bobsleigh construite pour les Jeux olympiques de 1984, devenue une place stratégique, s'est percée de meurtrières durant la guerre de 1990. Bâtiment emblématique, l'impressionnante Vijecnica, dont François-Ferdinand et son épouse franchissent les portes juste avant leur assassinat, brûlera lors du siège et verra partir en fumée deux millions d'ouvrages. Des images d'actualités et d'archives complètent le tableau, certaines très belles, en noir et blanc, montrant l'harmonie qui régnait il y a un siècle, d'autres poignantes, comme celle où Ivica Osim, l'entraîneur de l'équipe de foot de Yougoslavie, en sueur et très ému, annonce sa décision de démissionner d'une sélection qui symbolisait l'unité nationale, en 1992
http://www.arte.tv/guide/fr/050751-000/de-sarajevo-a-sarajevo?autoplay=1
Écrit par : L'enfoiré | 30/06/2014