Mots de l'étrange (05/03/2009)
Les figures de style bien connues ont vu arriver des concurrentes dans les sigles, les diminutifs, les initiales, les éternelles antithèses poussées à l'extrême qui ne sont pas là pour éclaircir la pensée mais pour donner un clair obscur à des pratiques que l'on voudrait cacher.
Il y a d'autres méthodes. Des suffixes jouent aussi dans ce jeu de l'insoutenable légèreté de l'être. Le dysfonctionnement, vous connaissez? Vous en connaissez le mot pour l'avoir entendu de multiples fois dans des cadres de vie totalement différents. Assez récent dans le vocabulaire des dictionnaires, il existe donc bel et bien. Le sens du mot, lui, est par contre volontairement mis en parenthèse. Il met à toutes les sauces et rassure par son ambiguïté réparatrice.
"Trouble du fonctionnement" dit le dictionnaire de manière si peu explicite du côté des exemples.
Le dysfonctionnement prétend mieux circonscrire un concept vague et en fait le rend plus flou. Il en devient toxique comme le serait le subprime, l'eMail, la dénonciation de la situation, elle-même... Un simple papier devient "toxique" en détournant l'attention des empoisonneurs même. Après, plus de question de demander des précisions sur le handicap subit par ce "dysfonctionnement" que le "y" en deuxième lettre range de fait dans le domaine de l'irrégularité de l'"étrange". L'affaire est entendue. Pourtant, que de causes diverses de la plus futile à la plus dangereuse dans ses conséquences avec toujours le même passe-partout de l'idéologie moderne de l'absence de responsabilité. Ça ne se discute pas les "dysfonctionnements", ça se cache derrière un mot. C'est comme si on recevait les messages à moitié.
Cela risque de planer au niveau du "système critique" comme une épée de Damoclès. L'épée a déjà frappé plusieurs fois dans l'air, mais on la camoufle derrière des généralités comme s'il s'agissait de normalité, d'événements que l'on n'aurait pu empêcher. La crise actuelle n'est qu'une suite de dys...fonctionnements qui ont produit un raté du pouvoir de vivre normalement. Le préfixe 'dys", lui-même, est souvent utilisé en médecine pour décrire une maladie, une anomalie mais il a été étendu au système et à une série de concepts. Serait-ce dû, dès lors, à de la dyscalculie, la difficulté d'utilisation du système symbolique, par dyslexie et par la dysgraphie, la difficulté, respectivement, de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture qui génèreraient en finale des dyslalies de paroles et des dysharmonies entre les choses et les personnes?
La "disruption", mot de l'étrange, est un mode de pensée qui défie aussi les conventions établies tout en essayant de créer des visions nouvelles capables de faire évoluer une marque vers un sommet inégalé. Nous sommes dans le domaine des idées qui refusent les modes de pensées répétitifs, des certitudes rassurantes et de l'immobilisme qui dénature son envie de progrès. Pas question de mettre le changement au frigo car il est sensé apporter l'amélioration à quelque chose qui tourne sans problème depuis des lunes. Se tourner du côté des habitudes est la pire réaction que le mot "disruption" ne pourrait accepter.
Beaucoup de mots se montrent sous un jour trouble, impalpable, imperceptible dans leur concept avec toujours le même souci de noyer le poisson entre clarté et obscurité.
Cette méthode en déficit d'informations laisse sur sa faim tout en semblant laisser la situation ouverte à la discussion. 80% des gens en seront lâché sur le chemin de la vérité non expliquée. C'est évidemment tout bénéfice quand il s'agit de cacher un vice de construction, une malversation tout à fait indépendante de la volonté de son initiateur, comme il se doit.
L'exceptionnel ramené au niveau de la normalité. Chacun doit y trouver son compte en cascade à l'événement irrationnel. Jamais de péril en la demeure, juste une petite défaillance de jeunesse car le fournisseur garde tout le contrôle.
Pas question dans ces conditions de revenir en arrière. Un coup de frein à la marche du progrès, sans catastrophe, serait pure affabulation irrationnelle. Simple parenthèse dans l'évolution. Simple consolidation avant de faire le plongeon dans l'inconnu de la technicité. Le coupable sera-t-il recherché? Sherlock au boulot dans ce monde moderne et pratique!
Nous sommes ici en pleine abstraction ou explication de l'inexplicable. Globalement, tout marche sans pépin, mais vous avez eu la malchance d'être tombé à pieds joints dans cette anormalité. Dire que vous êtes fautif en tant que client, il n'y a qu'un pas. L'erreur ne vient aucunement de l'objet de la transaction.
On ne peut, aussi, pas tout dire et avec cela vous avez tout compris. La particule "dys-" s'étiole alors à la recherche du seul "fonctionnement".
On commence l'explication de la déviance par le "comment" pour finir longtemps après par le "pourquoi".
Le principe de précaution, souvent évoqué dans les cas extrêmes de danger sous-jacent, est trop limité à ces inventions du progrès. Les assurances, en cas d'erreur, ne sont pas faites pour les chiens.
Toutes les nouvelles technologies sont passées par cette moulinette de cette équation à "n" inconnues qu'il faut présenter le plus positivement. IBM, il y a bien longtemps, a fait tester ses machines par ses clients. Microsoft a fait de même avec ses logiciels. Google se réparti dans les fils du net.
Anormal? Pas forcément, mais il vaut mieux mettre les cartes sur table. Les combinaisons de risque, les tests de compatibilité sont tellement nombreux qu'il serait quasiment impossible de réaliser un contrôle complet de A à Z dans les temps impartis par les clients eux-mêmes et par la concurrence. Leurrer le client en disant que la disponibilité et la sécurité des systèmes hardwares ou softwares est à 100%, en donnant de fausses explications vide de sens, n'est que reculer pour mieux sauter.
Il en va de l'honnêteté que l'on trouve dans un futur de progrès et des hommes qui le prépare et qui le consomme.
L'éducation a montré le chemin du rang mais s'effacerait devant l'exception? Non, dès le plus jeune âge, on n'aime résolument pas les incartades. Les pas de travers doivent seulement s'effacer pour subir la punition.
Le conformisme est faussement de rigueur, le plus souvent. Les moutons de Panurge sont, alors, légions.
Vacciné, le client l'est depuis longtemps, pourtant. Le point de non retour, par contre, il n'est pas prêt de l'accepter. Ce serait la perversité ultime et son arrêt de mort.
Pour apporter des nouvelles moins positives, les mots de la bizarrerie et de l'anormal, si elles ne sont pas aimées, fascinent par leur côté étrange.
Alors, la vie qui suit, les ornières bien profondes sont préférées à toutes les nages entre deux eaux de droite ou de gauche. Albert Jacquard dans son livre "Mon utopie" avouait qu'il avait été un bon élève en tout sauf en gymnastique. Visiblement, il s'était mis au vélo depuis en proposant cette utopie comme devoir citoyen. Le réalisme sans esprit de recul devrait, tôt ou tard, avoir vécu après avoir vu défiler en bloc les blogs sur le net et surtout avoir constaté que les voies tracées sont bouchées.
La confiance fait partie du processus de redressement.
Quand on s'adresse à celui qui n'est pas le commun des mortels et qu'il a fait en principe quelque chose de répréhensible, on parle d'une procédure et de motion de défiance constructive. Ça présente mieux.
Une nouvelle loi va prendre place prochainement pour observer la notion d'égalité des chances. Cette fois, on citera "Loi contre la discrimination". On est général et on ne parle plus de ce vilain "racisme" ou de "différences entre hommes et femmes". C'est étudié pour. Enfin, on espère que ce ne sera pas un lendemain de carnaval.
Par "atypique", qu'entend-on? Cela va de l'extrême gauche à l'extrême droite. C'est imprécis à volonté.
Seule la réflexion de tous pourra contrer une démence du Système qui se partage dans des directions contreproductives.
Appeler un chat, un "chat" et oublier les métonymies?
Les dysfonctionnements fleurissent depuis toujours et changent de braquet. La grande crise d'aujourd'hui, une méprise sur ce qu'il fallait éviter en sachant jusqu'où aller trop loin?
Internet a aussi son langage et un rédacteur d'Agoravox l'avait détecté dans "Les mots du net: technologie de la clarté?"
L'antithèse, la petite dernière, est la figure de style qui s'accrochera par le verbe à ce mode de raisonnement.
Une notion de méfiance constructive parachèverait-il le tableau action-réaction? On manque de confiance en nous et en notre avenir, alors, on cherche des idées, des mots qui renverseront nos impulsions négatives pour les minimiser ou les emphaser selon le cas. Il faut n'apporter que de bonnes nouvelles, disais-je, récemment.
Car, amour et haine seront toujours préférables que l'absence d'opinion.
Pour couronner le tout et exprimer des idées dont on ne connaît plus les risques de mauvaises compréhensions, il y a aussi les suffixes. Les plus dangereux et malgré cela les plus souvent utilisés, il y a ces mots qui se terminent par "-isme" ou "-iste". Ces mots-là, vous en connaissez énormément. On les prononce et on les écrit sans même s'en rendre compte. Il y a les anciens, mais aussi les nouveaux, les néologismes plus ou moins péjoratifs comme récemment entendu "court termistes". Il y en a qui, dans la note, ne manque pas de parler de discrimination positive.
Paul Hermant de la RTBF avait un billet, ce mardi, au sujet du catastrophisme qui nous chatouille ou nous grattouille les oreilles sans plus traverser nos esprits acculés à la peur du lendemain. Rien de changé. Les figures de style ont repris leur fonction pour s'écarter de l'usage minimal de la langue et verser dans l'imprécision.
Mais alors, avec l'humour, ne serais-je pas dans le domaine de l'oxymore, vous savez cet oxyde qui mord et qui ne s'use jamais, ou, plus fort, du pléonasme qui meurt après sa perte totale de souffle?
Vous avez dit bizarre. Comme c'est étrange...
L'enfoiré,
Sur Agoravox, des mots étranges ou bizarres?
Citations:
- "Étrangement, on en veut souvent à la personne qui vous dit une vérité difficile à entendre, impossible à croire.", Marc Levy
- "C'est étrange, mais vrai ; car la vérité est toujours étrange, plus étrange que la fiction.", Lord Byron
- "Une conséquence immédiate du fait que l'homme est rendu étranger au produit de son travail : l'homme est rendu étranger à l'homme.", Karl Marx
- "Quel étrange plaisir de réaliser ses mensonges !", Jean Anouilh
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Commentaires
La notion de dys-fonctionnement comporte -aussi en médecine- une note tout-à-fait positive : le retour à un fonctionnement normal rapide. Un dysfonctionnement du côlon ou de certain mécanisme hépatique par exemple ne sont PAS des maladies, et donc leur "chance" de disparaître sont bien plus importantes ...
Mais ce "dys"fonctionnement a, comme l'adjectif "idiopathique", une connotation nébuleuse d'incompréhension et de magie que nous essayons de conjurer afin de retrouver un fonctionnement harmonieux ...
Écrit par : Jean-Pierre | 08/03/2009
L'enfoiré
Très belle démonstration de la déculturation massive et de la crétinisation de masse.
Les mots ont un sens, mais on s'en fout après tout ...
C'est ce que je retiendrai de notre époque.
Génération autiste .
La dernière frasque du gouvernement Sarokozyste : Mettre en examen un syndicaliste pour incitation à la haine raciale.
Son crime, avoir dit : -" Nous ne sommes pas prêts à revivre l'esclavage" .
Voilà où en est le sens des mots, ne pas accepter d'être esclave c'est une incitation à la haine raciale désormais...
Épiphénomène, je ne le pense pas ....
Accuser un type de terrorisme pour être suspecté d'avoir détruit un caténaire SNCF est croustillant une fois mis en perspective avec les propos de Michèle Alliot Marie (ministre de l'intérieur) suite à des tirs de roquette sur une gendarmerie Corse qu'elle a qualifié "d'actes de délinquance" ...
Des tirs à l'arme de guerre c'est de la délinquance mais de la détérioration de biens c'est du terrorisme .
Julien Coupat prisonnier politique depuis 100 jours .
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=52674
De même que la qualification de terrorisme est retenue là où résistance était de mise :
Un peuple dépossédé de 80% de sa terre, 80% de ses citoyens poussés à l'exil, la légitimité de leur gouvernement niée, enfermés dans une prison à ciel ouvert sont qualifiés de terroriste et non de résistant, très très troublant ...
Des terroristes qui n'arrivent à tuer que 8 personnes en 7 ans, là franchement le mot est pour le moins exagéré sachant que les accidents de la route en Israël tuent plus de 50 personnes par an .
Il faut dire qu'ils ont l'air terrorisés, ils regardent le spectacle de leur armée le sourire aux lèvres avec des jumelles pour ne rien manquer de l'épuration ethnique :
http://na.mo.free.fr/gaza2008/03-01/3159767076_c97846afea.jpg
Hé bien voilà le constat fait, en 2009 les mots n'ont plus aucun sens et c'est "normal" .
Le premier ennemi d'une dictature est le verbe .
Il faut bien détruire le verbe et le sens des mots pour commencer .
La maladie est si bien répandue partout qu'en France le vol de fonds publics porte le doux nom "d'abus de biens sociaux".
Comme s'ils s'agissait d'un abus d'autorisation et non de vol caractérisé.
Dire "telle personne fais partie de telle communauté et vous ne le savez pas" est également puni par la loi.
Propos qui choquent les amis de l'homme qui nous parlait de gène de la délinquance chez les mineurs délinquants . (théorie tout droit empruntée aux médecins de la solution finale, mais ça ce n'est pas choquant, puisque ces propos sortent de la bouche de Sarkozy VRP du peuple élu.)
Dire : "Ils sont Juifs et vous ne le savez pas", c'est interprété comme incitation à la haine raciale.
(En revanche, que Anne Sinclair dise : -" jamais je n'aurait accepté de me marier avec un non-juif" est totalement admis, non discriminatoire et non raciste... C'est même un signe de grande ouverture d'esprit il parait ...)
Encore une fois je prends en otage un de tes articles pour m'exprimer, ce n'est pas là le moindre de mes défauts ...
J'ai l'impression de vivre dans la 4 ème dimension parfois, toi non ?
-Je peux dire et je l'écrirai que le « Paradis, cela n'existe pas » ou cela existe quand on veut bien le trouver par l'esprit.
Comme tu as raison !
Le paradis étant un privilège, je suis au paradis de garder un peu de discernement dans cette période d'épuration sémantique du verbe .
Écrit par : Liberty | 08/03/2009
Jean-Pierre,
Merci d'avoir apporté ce témoignage avec la vision de la médecine.
En répondant, je regarde l'émission de France 2 « L'objet du scandale ». Tout à fait dans la ligne pour y répondre. On parle de la médecine chinoise. J'ai eu dans le passé un article qui démarrait d'un hommage à Bourvil ("Hommage à un pince avec rire" http://vanrinsg.hautetfort.com/archive/2006/11/19/hommage-a-un-pince-avec-rire.html ) et qui se terminait par une extrapolation très spécifique et qui nageait volontairement dans l'étrange pour celui qui n'était pas l'initié. La langue s'y est mise aussi. Les néologisme fleurissent tous les jours pour se sortir de la morosité ambiante. Elle permet de paraître plus savant. Mes dernières réflexions suites à un Science et Vie avec les les physiciens quantiques ne sont pas étrangers. Ailleurs "Ne bosons pas, mais si" était aussi une manière humorisitique d'en parler.
L'informatique a joué aussi dans ces eaux-là. Mon eBook en parle longuement.
Écrit par : L'Enfoiré | 08/03/2009
Liberty,
Démonstration de l'expérience vécue de nos jours.
La masse entendait souvent mais n'écoutait plus sinon elle réagirait.
Mais cela change, puisque j'en fais partie comme d'autres qui se trouvent dans les forums et je reste attentif à cette évolution. L'autisme se soigne donc.
Les mots ont un sens, absolument. Mon maitre en la matière était Raymond Devos.
La dernière frasque de Sarkozy sur l'esclavage, c'est parce que comme beaucoup de « sommets » ne se rendent plus compte de ce qui se passe dans le bas de l'échelle. On a tellement mis de filtres, de chefs, de sous-chefs, de sous-sous chefs, que les paroles n'ont plus le même sens. Et pourtant...
Les contacts avec la base avec la presse en concert ne valent rien dans leur véracité. Vivre l'épisode ne fait pas ou plus partie de l'arriviste du sommet.
« Délinquance », « terrorisme » sont aussi des mots qui ne veulent plus rien dire. On est toujours le délinquant ou celui qui fait peur, de quelqu'un d'autre. A quand le « délinquisme »?
Résister est-ce du terrorisme ou est-ce une obligation morale pour le genre humain de demain?
Voilà la question de base.
Deux poids, deux mesures qui ne pourraient pas se faire si les poids d'évaluation avaient les mêmes grades. La réflexion fait partie des outils de cette évaluation.
« le premier ennemi d'une dictature est le verbe »
Exact. Mais quels sont les acteurs d'un poste ministériel ou présidentiel?
Seul le ministre de la Justice est probablement à sa place parce qu'il a des études de Droits derrière lui.
Les autres ministres ne sont pas des experts dans les disciplines qu'ils président, mais sont d'anciens hommes de loi. Donc, le verbe n'est pas un problème.
Entre écrire « juif » et « Juif », j'ai appris qu'il y avait une différence.
Mais quand on parle, on n'en voit pas la trace.
Être « juif », faire partie de de la diaspora fait pour certaine personne office d'identité pour être reconnu parmi les siens. Je ne vais pas dire qu'ils ne peuvent pas vivre seuls, mais ils se sentent plus à l'aise.
Question qui ne se dit pas surtout à la presse mais qui se vit en sourdine. 10% de l'humanité vivent ainsi sous des « toits » de vraie ou fausse protection.
« Vivre dans la 4ème dimension »?
Oui, le temps, parce que cette une donnée qui fuie et qui ont espère voir évoluer dans le bon sens.
L'espace est plus rigide. Mais c'est à ton esprit de le découvrir. Ton cœur suivra le mouvement.
Écrit par : L'Enfoiré | 09/03/2009