La Catalogne d'aujourd'hui et de demain (03/10/2015)

0.jpgLa semaine dernière, la Costa Brava était à l'honneur. Prenons du recul pour parler de la région catalane. En 2009, ce fut la crise en Espagne et elle fut mieux amortie en Catalogne que dans le reste du pays.

Le 11 septembre, c'était la fête régionale catalane. Un anniversaire qui en rappelle un autre...

Les indépendantistes ont envahi les rues de Barcelone. Plus d'un million et demi de Catalans y ont manifesté leur goût pour l'indépendance: 

"We want independance".

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Le 9 novembre 2014, un simili-référendum montrait que la Catalogne voulait faire sécession. Les élections régionales de ce 27 septembre était une autre occasion de montrer cette volonté, via le parti "Junts Pel Si".

Dimanche dernier, c'était les élections pour renouveler le parlement régionale de Catalogne qui tournait au référendum du "pour" ou du "contre" à l'indépendance et pour un changement radical. 

Le suspense était à son comble. 

Les indépendantistes ont obtenu la majorité absolue en sièges mais pas en voix: 72 sièges sur 135 et 47,3% des voix.

Les résultats ont donné l’impression que les deux bords avaient gagné d'où la confusion. Mais chacun reste sur ses positions parfois frustrés sans le dire.

Les sirènes de l’indépendance sont renvoyées à décembre lors des élections législatives complètes demandant l'avis de tous les Espagnols.

Les indépendantistes se sont mis un agenda de réalisation du projet pour mars 2017 avec à la clé, une nouvelle constitution alors que les objectifs alors que les partis indépendantistes concernés sont parfois très opposés dans leurs conceptions de gauche ou de droite. Serait-ce un président catalan et un roi espagnol protocolaire qui va sortir des urnes? En 1830, ce sont des questions du meme genre qui se sont posées en Belgique qui depuis 1993, est devenue fédérale.

Le gouvernement de Madrid a toujours dit refuser une Espagne fédérale.

Si l’indépendance venait à se confirmer, le gouvernement central serait amputée de sa région la plus industrialisée.

Le pouvoir, l'économie et les racines territoriales sont devenus, à notre époque, les seuls points qui déterminent tout, que cela soit minoritaire ou majoritaire. 

0.jpgLes frustrations de la Catalogne vis-à-vis de la gestion et du gouvernement de Madrid seraient fondées par le fait que:

0.jpgLa partie de jeu d'échecs se joue entre Mariano Rajoy, réactif, et Artur Mas, actif, avec les pièces blanches du jeu.

Il faut avouer qu'avec du recul, on constate que, suite à la crise, la Catalogne s'en tire mieux que le reste de l'Espagne, avec son industrie dans les secteurs de l'automobile, de la pharmacie, de l'électronique, de la chimie et de l'agroalimentaire avec les services qui occupent 70,7% de l'activité.

La Catalogne avec ses 7,5 millions d'habitants catalans, apporte 19% du PIB espagnol. 

Alors on lit des titres: "En Espagne, Podemos paie le prix du chaos grec", "L'Espagne est le pays des travailleurs pauvres";

En même temps en juin, la mairie de Barcelone à Ada Colau  et celle de Madrid à Manuela Carmena, toutes deux avec le soutien de Podemos.

0.jpgLa Catalunya séparatiste voit décidément un avenir moderniste avec le vent en poupe comme Madrid.

N'importe quel livre d’histoire vous dira que la Catalogne a une indéniable vocation méditerranéenne et un esprit entreprenant, sans compter une identité politique et culturelle profondément ancrée dès le 9ème siècle.  

Entre le 18 et le 24 septembre, Barcelone fêtait, psychologiquement, la "Festes de la Mare de Déu de la Mercé" qui fait sortir tous les géants et grosses têtes de Catalogne avec les corre-focs en dragons crachant le feu

En janvier, le parti de Pablo Iglesias culminait encore à 28,2% des intentions de vote. Cependant, le nouveau venu sur la scène politique espagnole, le parti centriste Ciudadanos, a séduit 16% des participants au sondage.

0.jpgBarcelone et Madrid ne sont manifestement plus sur la même longueur d'onde et chacun est prêt à défendre bec et ongles, ses positions jusqu'à l'extrême.

Il y a cette vieille locution "Diviser pour régner" ("divide ut imperes") qui revient à l'esprit avec la stratégie bien connue qui dit: "viser à semer la discorde et à opposer les éléments d'un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer. Cela permet de réduire des concentrations de pouvoir en éléments qui ont moins de puissance que celui qui met en œuvre la stratégie, et permet de régner sur une population alors que cette dernière, si elle était unie, aurait les moyens de faire tomber le pouvoir en question".

Si cela permet de répondre de plus près aux désirs de la population, c'est aussi augmenter les coûts de gestion d'un pays dans la multiplication des postes ministériels, souvent occultés dans la bataille du pouvoir.

0.jpgFinances, cultures et langues différentes donnent un assortiment explosif.

Puis, il faut parler des aspects relativement plus négatifs pour prendre à revers cette volonté de sécession.

Comme on pouvait s'y attendre, le président indépendantiste, Artur Mas, vient d'être convoqué pour "désobéissance civile", mais pour son action dans le référendum du 9 novembre 2014, rejeté par le parlement espagnol.

La Catalogne veut devenir un État européen comme un autre, relié à elle, en direct et sans intermédiaire. Tout s'effiloche.

Un article et un titre "Catalogne vers la (guerre de) sécession?" fait peur.

Tout le monde se rappelle de la sécession de velours de la Tchécoslovaquie avec Vaclav Havel. 

Avec la Yougoslavie, maintenue par la main de fer de Tito, cela ne s'est pas passé dans le calme et le recueillement après sa disparition. 

Tout change en Catalogne et les opinions populaires sont très versatiles.

Arrêter un flux dans l'émotion du moment, cela donne un équilibre très aléatoire. 

Même la traditionnelle sieste catalane a tendance à s'escamoter quand la finance est en jeu (vidéo).

Après la Catalogne, le Pays basque espagnol réclame aussi la tenue d'un référendum. Un signe précurseur, on l'appelle déjà "Pays". 

Entre 1961 et 2011, la lutte avait coûté la vie de 839 personnes. L'organisation terroriste ETA (Euskadi ta Askatasuna ou "Pays basque et liberté"), a combattu contre "l'occupation espagnole du Pays basque", puis cessé les actions violentes en 2011, mais n'a jamais été dissoute. 

0.jpgLundi, Adama Altafaj donnait son avis sur l'indépendance catalane à la radio: podcast

Le résumé en serait de dire que "cette élection a été un pas très important et beaucoup de tabous sont tombés. Ils peuvent compter des voix, la démocratie n'est jamais un risque en soi. Face à l'Espagne, la Catalogne était face à un mur. Il faut être admiratif sur ces réactions sensibles et émotionnelles en Belgique".

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 Quid de la Belgique?

0.jpgOui, la Belgique qui avec la Flandre est un autre pays sur la liste des régions potentiellement candidates à l'indépendance.

Le journaliste Bertrand Henne faisait une bonne analyse à ce sujet podcastqu'enchaînait avec un certain humour perspicace, le Flamand Bert Kruismans podcast.

"La solution belge passe par les réformes successives et nous sommes à la sixième", était-il répliqué par Didier Reynders.

On temporise, quoi...

0.jpgBart De Wever aurait-il un équivalent politique espagnol en la personne de Artur Mas?

Les solidarités ne tiennent pas longtemps face à l'envie d'éviter de payer pour ceux qui en ont moins les moyens. 0.jpg

Parfois, comme on entend, l'union ne fait pas la force, mais c'est l'oignon qui fait la farce.

La Belgique est fédérale et les partis indépendantistes voudraient en faire une confédération comme première étape. Les communautés linguistiques essayent de résister mais parfois, un peu à cause d'une sorte de syndrome de Stockholm, l'idée de faire sortir quatre régions du chapeau en éliminant les Communautés linguistiques.

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Quid de l'Europe?

On parle d'Europe fédérale et pourtant, elle est une parfaite représentation d'un État confédéral dans lequel chaque entité exige que l'on prenne en compte ses propres intérêts et s'arrache en concurrents commerciaux.

0.jpgEst-ce une avantage pour l'Europe de compter un État catalan indépendant de plus sous on giron?

Non, elle est freinée par des élans nationalistes. Elle a déjà tellement de problèmes pour parler d'une seule voix à 28 vers l'extérieur et qui se retrouverait comme dans un jeu de Mikado, bien plus nombreux autour de la table des négociations sans plus rien pouvoir décider et paraître ainsi très faible à l'extérieur à la traîne des décisions américaines ou sous le couvert du "grand machin" qu'est l'ONU, comme le disait De Gaulle.

L'Europe voit se farcir une force centrifuge des États européens sous trois formes:

0.jpgEt peut-être encore d'autres cas individuels ou plus secrets... pour atteindre la cacophonie.

L'indépendance de la Catalogne serait comme un nouveau maillon d'une chaîne sans fin de volontés autonomistes.

Anne Blanpain, spécialiste des questions de l'Europe constatait vendredi que cela craque de partout avec l'émotion des crises ne durent pas face à un certain "MacQuartisme": podcast 

La Suisse ne fait pas partie de l'Europe politique. a-t-elle vraiment une confédération alors qu'elle en a le nom?

Quatre langues, quatre cultures mais qui travaillent en commun un même but, un même décor: réussir en mettant les moyens financiers pour y arriver. Entouré de montagnes, cela permet de rester neutre politiquement et militairement. On peut parler d'une communauté fédérale qui descend jusqu'au niveau de l'entité familiale en transitant par des cantons favorables aux référendums de projets et non plus de personnes dirigeantes.

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 Mon voyage

Je ne suis pas retourné à Barcelone cette année.

Pour moi, pas de doute, Barcelone est une ville d'exception.

Ville où l'Art Nouveau brille par l'excellence de son meilleur représentant Gaudi qui a imprimé son style dans ses artères. 

C'est dans la ville que se trouve la Lluis Companys qui représente le mouvement indépendantiste, puisqu'il a été livré au régime franquiste par la Gestapo et exécuté à Montjuïc, au cri de « Per Catalunya! », il y a 75 ans.

J'ai longé la côte en lacets entre Tossa et San Feliu de Guixols pour admirer son passeig de la Mar qui présentait sites et immeubles historiques, son Casino dels Nois devenu un café moderniste, son église-monastère bénédictin de la place del Monastir.

J'ai visité Girona, la deuxième ville de Catalogne que je ne connaissais pas.

Une ville tout à fait différente de Barcelone, tout aussi historique. Elle fut le siège épiscopal et l'ancienne capitale du comté médiéval, privilégiée au confluent du Ter et de l'Onyar, avec ses vieux quartier avec un réseau de rues, de places et des édifices nobles autrefois entourés de murailles. Le titre de "Gerunda" de l'époque romaine est sur le tracé de la via Augusta. C'était alors une place forte fortifiée d'une enceinte triangulaire bien qu'il n'en reste presque rien aujourd'hui. De la domination musulmane, il n'en reste pas plus puisqu'elle ne dura que 65 ans. La présence juive, elle, reste la plus importante dans l'ancien quartier entre la carrer de la Força jusqu'à la cathédrale: la Call.

De nombreux ponts assurent la transition entre la vieille ville et la plus moderne. On a tourné la page de l'histoire pour parfois la remettre en exergue. Quand j'étais à Gerona, la cathédrale n'était pas accessible pour y tourner une série de films. 

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L'histoire de la Catalogne

La catalogne a eu son siècle d'or au 15ème siècle de style lyrique, influencé par l'humanisme italien.

Entre le 16ème et le 18ème, elle subit une longue période de décadence pendant laquelle une imposition d'uniformisation aux territoires de la couronne d'Aragon, a interdit l'usage du catalan. Ce n'est qu'au 19ème siècle que la bourgeoisie commerçante et industrielle la fit revivre dans une période appelée "Renaixença".    

La Catalogne est une région de fêtes et de traditions folkloriques qui rassemble feux géants, danses et des hommes qui forment des castells en se montant sur les épaules d'étage en étage.

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 La langue catalane

Au Moyen Age, la langue officielle  castillanne s'étendait jusqu'au Roussillon, aux îles Baléares et une partie la Communauté valencienne. La relation entre le catalan et le provençal est évidente. Le témoin du passé se retrouve dans la sardane, une danse où les danseurs en cercle se tiennent par la main.

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 Conclusions personnelles

0.jpgQue conclure à la fin de ces deux articles au sujet de la Catalogne et de la Costa Brava?

La solidarité est souvent moins évidente à déceler. Je connais la vie en communautés avec des nationalités différentes et c'est parfois très difficile de nouer les bouts en mettant de l'eau dans son vin.

Comme en Catalogne, on veut bien essayer de recevoir des "migrants financiers forts" sur la Costa Brava comme les Russes, mais on rechigne et essaye de sortir du carcan de plus pauvre.

Tout devient économique dans le monde quand cela va moins bien. On en arriverait à l’embolie pulmonaire si on se rappelle les extrasystoles de la Bourse avec le sang qui ne passe plus.  0.jpg

La Belgique est très semblable à l'Espagne si l'on oublie l'inversion quantitative de population. Si la Catalogne est minoritaire en nombre d'électeurs, la Flandre est majoritaire.

Dans le journal "Le Point" qui se définit comme journal libéral, européen et universaliste, il était dit que Régis Debray achèvait la gauche et les théologies en toc de notre temps en prêchant pour un humanisme sans dessein dans lequel il mettrait l'histoire en deuil contre la bien-pensance pour "Descendre dans le chaos primitif à s'y sentir chez soi" comme disait Ludwig Wittgenstein.

Régis Debray avait un discours mi-figue, mi-raisin, "La France est aussi devenue étriquée en tombant dans le souverainisme. Les idées messianiques identitaires se payent des promesses qui ne sont plus crédibles au bureau des affaires eschatologiques avec des raccourcis de l'espérance. Les peuples paniquent, n'ont plus confiance en eux-mêmes et finissent par se mettre des barbelés dans la tête. Il n'y a plus d'après, ni au ciel, ni sur terre. Les informaticiens sont plus fondamentalistes que les littéraires et la carte bleue sert bien plus de carte d'identité. Le savoir aura, un jour, plus de valeur que le pouvoir. En attendant, la laïcité et le remède de l'humour contre les pisse-froid, permettent encore de respirer côte à côte".

0.jpgLa volonté d'indépendance de la Catalogne n'est ni un choc ethnique, ni raciste, ni vraiment culturel mais s'il faut appeler un chat "un chat", ce goût d'indépendance touche bien plus près de la proximité de la poche.

Contrairement au film de Yann-Arhus Bertrand, "Human" qui vient de passer à la télé, ce n'est pas une mosaïque de stéréotypes pour représenter un album de cartes postales. Il s'agit de foules identitaires, innombrables et interchangeables qui ne veulent plus vivre ensembles. 

Alors je parlerai en catalan: "Si us plau, no matar al cor de la pau"...  

Les photos de Barcelone datent de 2006 mais en voici

Photos de la Catalogne (clic)

 

L'enfoiré,

 

0.jpgCitations:

31 janvier 2016: La Catalogne est victime de son succès:podcast

1.JPGMise à jour 29 juin 2017: Il y a une semaine, j'étais à Barcelone en visite d'un jour. Parkings presque toujours complets. Dans une rue connexe à la Rambla, j'en ai trouvé. Troisième visite dans cette ville. Le reste à pieds. Descente de la Rambla à partir de la place Catalunya , re-passage dans la rue des magasins de Passeig de Gracia pour revoir en passant La Pedrera, la Casa Batillo  et les autres.  

Le Front de mer, la Barceloneta pour faire mes salutations à Colomb.

Pas de visite à la Sagrada Familia... Qu'est ce qui aurait pu changer en deux ans? Peu de chose....

La remontée partielle de la Rambla par le Barri Gotic en finale et retour à la Costa Brava.

Le grand classique que l'on peut faire en cinq heures de temps.

Celui de beaucoup (trop) de touristes.

Barcelone est une très belle ville, trop connue.

Elle n'a que la monnaie de sa pièce.

0.JPGHeureusement que les bateaux ne peuvent pas approcher comme à Venise.

C'est là son problème comme il est encore dit hier:podcast0.JPG

Mise à jour 10 octobre 2017: Après un référendum chahuté par le pouvoir central. Une solution mi-figue mi-raisin, en verre vide ou verre plein a été décidé pour donner encore droit à la diplomatie et là la négociation. 0.JPG

Au jeu d’Échecs, on appelle cela un Pat.

La fédéralisme à la belge n'est pas encore pris place.

On reste sur ses positions ultimatum pour référendum.

24 octobre 2022: Il y a 5 ans, le 24 octobre 2017
podcast

 

 

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