Le futur du Capita£i$m€ (2) (11/06/2010)

Imaginer le "Futur du capitalisme" de manière parodique, Roubini ne l'aurait pas fait. L'économie, c'est du sérieux et l'heure est grave. Une synthèse de 60 pages du quotidien "L'Echo" rassemblait, ce weekend, les opinions divergentes pour soigner le "grand malade", le capitalisme.

D'entrée de jeu, l'économiste John Kenneth Galbraith aurait dit "Il y a deux types de prévisionnistes : ceux qui ne savent pas et ceux qui ne savent pas qu'ils ne savent pas". Cela commençait, résolument, très mal, pour trouver des solutions.

Qui se rappelle encore de Elaine Garzarelli, d'Abby Cohen qui orientaient la Bourse comme de véritables gourous pendant les temps glorieux de la hausse de la Bourse ?

Il y a un an, Roubini parlait d'une bonne et d'une mauvaise nouvelle. Depuis, rien ne s'est amélioré, bien au contraire.

Même pas un long répit...

Amusant de relire les idées de l'époque.

Les aides des États ont déstabilisés ceux-ci et ne peuvent investir pour réduire les pertes d'emplois. Les États d'Europe, eux-mêmes, se sont vu, depuis, attaqués à leur tour.

Pour les uns, corriger, c'est envisager des mesurettes et ça repart. Pour les autres, une refonte complète est nécessaire. Dans la population, c'est la peur qui s'est installée avec des idées innocentes. Il y en a même qui se sont mis la corde autour du cou.

Des modèles parfois totalement opposés pour répondre aux crises sortent des réflexions. Ensemble d'actions - réactions, alternées entre secteur privé et secteur publique. 

...

Les personnalités "capitalisantes"

Roubini a donc donné sa vision dans une conférence à Zermatt et à Bruxelles, à l'occasion du "New Insights in Business and Finance". Il a rencontré Paul Jorion à Zerematt.

Sentiment partagé : "Trop peu et trop tard".

"En ce moment, je vois les choses s'aggraver", "L'euro doit encore baisser", dit récemment Roubini.

Il avait, décidément, l'euro dans sa ligne de mire, en oubliant que tout est intégré.

Les problèmes du "Club Med", comme il appelle les pays de la Méditerranée, ce serait, seulement, une mise en bouche.

"Toutes les économies des pays développés devront adresser leur problème d'endettement du secteur public. Résoudre ce problème devra passer par un contrôle des dépenses des gouvernements, une augmentation des taxes, même si à court terme, de telles mesures vont encore peser plus dans la balance. Mais si on ne prend pas ces mesures, ce sera pire. Des pays comme le Royaume Uni et les États-Unis, peuvent faire tourner la planche à billet pour diminuer la valeur réelle de leurs dettes. Mais la zone euro ne peut pas. Il faut que les pays consommant trop, comme les États-Unis, réduisent leur consommation, et que des régions comme l'Asie épargnent moins et ajustent leur devise", ajoutait-il en substance.

Dans les 60 pages de l'Écho du dernier weekend, qui s'intéressaient au futur du capitalisme, on tentait de réinventer l'économie. Le capitalisme de papa avait, semble-t-il, vécu.

Ces pages essayaient de sortir quelque chose de commun dans le constat de chacun, avec les faits, pour terminer par une vision pour les années à venir.

"Quand les choses vont bien, le capitalisme trouve des adeptes. Adeptes qui virent au socialisme dès que le vent tourne. La démocratie doit s'attacher à limiter la douleur, pas à la supprimer.", pensait Raghuram Rajan.

Une rencontre imaginaire, entre Karl Marx et John Maynaerd Keynes, donnerait, sans conteste, un dialogue de sourd.

Pour Karl Marx, ce serait, le capitalisme va s'auto-détruire. Le capitalisme n'amène que crise, marasme, dépression, chaos social.

Pour John Maynard Keynes, le capitalisme va se reconstruire parce que l'économie de marché est le meilleurs système économique concevable en soutenant la consommation. C'est l'État qui veillera au grain quand il y a des échecs mais pas de "socialisme d'État". "In the long run we are all dead", disait-il.20100323Développés;.jpg

Henry Ford avait inventé la classe moyenne en construisant des voitures que ses ouvriers pouvaient acheter.

Warren Buffet, en petit malin a fait sa fortune en partant de rien. Opportuniste, il a appris à bien faire son devoir en capitaliste exemplaire.

Milton Friedman, en champion de la liberté des marchés, irait jusqu'à dire que l'État est le responsable des crises.

George Soros est le "repenti de la finance". Dépité, il dit que les marchés ne peuvent être livrés à eux-mêmes sans dommage. La crise actuelle serait le pic d'un "super-boom" qui a duré 25 ans". "Les plus grands spéculateurs sont les banques centrales du monde entier. Les Hedges Funds anticipent leurs actions".

Eugène Fama, le théoricien de l'efficience des marchés, reste sur l'idée d'un capitalisme qui triomphe assez vite des mauvais coups du sort. La peur du risque apporte la récession. Il accepte la régulation, quoique fondamentalement négative, comme une assurance tous risques et cela pousserait les banques à mieux faire des réserves tampons en acceptant l'inflation pour alléger la dette. "Mais je ne veux pas comparer les investisseurs aux astrologues. J'ai trop de respect pour les astrologues", réplique-t-il avec humour.

Richard Thaler, son opposé, est un adepte de la "finance comportementale", basée sur la psychologie. Les agences de notation sont les 1ers responsables de ne pas avoir sonné la fin de la récréation à temps. Quand un consommateur hypothèque ses biens, il doit psychologiquement comprendre les risques de ses actes. Les marchés se doivent de faire preuve de transparence et cela, sans tromperies.

Pascal Lamy estime que le commerce agit comme une courroie de transmission assurant l'approvisionnement en denrées agricoles des pays qui produisent peu ou mal. Les marchés doivent intégrer certaines exigences écologiques, sociales ou éthiques en agissant sur tous les fronts.

Raghuram Rajan, ex-économiste du FMI, était inquiet des dérives des marchés. Les inégalités de revenus expliquent l'échec de notre enseignement. De ce fait, nous sommes en train de créer un capitalisme pour les faibles. Un capitalisme sans conviction.

Guy Sorman, constate qu'à une période de 25 ans de progression économique, doit correspondre une période de crises et de doutes. Proposer autre chose que le capitalisme ? Oui, mais, même Paul Krugman ou Joseph Stiglitz, pourfendeurs du capitalisme, ne le font pas. Stiglitz parle de re-régulation financière de la démocratie et préconise des réductions efficaces sur les transactions des produits dérivés des banques soutenues par l'Etat.

Après une crise, on se comporte toujours autrement. Des systèmes d'assurance ex-post sont à préconiser pour pouvoir réagir plus sainement et sans urgence. Le protectionnisme, l'autarcie, l'autogestion, la planification centrale ont été essayé sans parvenir à endiguer les crises.

La social-démocratie ne fait qu'amortir les chocs.

Joseph Schumpeter voyait l'avenir dans l'innovation comme une "destruction créatrice", partagée entre inventeur et entrepreneur.

Elinor Ostrom est la partisane de la gestion en commun sans interventionnisme des autorités grâce à une économie verte.

Jeremy Rifkin voit, dans la hausse des prix des matières premières et de l'énergie, les catalyseurs de nos crises en cascade. Un 2ème Siècle des Lumières serait en marche par l'économie verte.

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Les pays challengers "anciens" et "nouveaux"

Le Japon : L'hikikomori plane... "Le miracle est qu'il ait survécu aux difficultés depuis l'éclatement de la bulle spéculative de 1990. La nostalgie de l'âge d'or des années 80 a sapé le moral", constate Jeff Kingston.

Le vieillissement de la population, la réduction de la population, la réduction des salaires sont-ils les bombes à retardement ? Il y a la technologie, la télévision 3D, la robotique comme sauveurs... mais, dans l'ombre, de grands voisins grandissent.

La Chine : "Nous exportons nos produits, pas notre modèle". La Chine fait peur à l'occident, pas parce qu'elle est, mais parce qu'elle donne comme symboles. Une croissance imposante avec un modèle du libéralisme économique à la recherche d'une bonne croissance dans une "troisième voie", le nationalisme chinois avec une vue à long terme. Alors, dire "les États-Unis seraient les otages de la Chine", c'est à voir. Le modèle subit, dernièrement, ses propres crises de croissance ralentie par une main d'œuvre en grève. Une augmentation des salaires de 20% suffira-t-elle pour refroidir l'ébullition ?

Le Vietnam : Nouvelle recrue de la famille capitaliste comme antidote au communisme. Challenger des BRIC, le Vietnam aurait, pour image, des wagons qui poussent la locomotive. Le pays ressemble beaucoup à la Chine, avec, en plus, un commerce plus ouvert et bilatérale.

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Conclusions

Que peut-on en tirer de cet ensemble d'idées ? Des constatations, plutôt que des solutions de rechange ou des changements radicaux d'idéologie ?

Pas question d'abolir le capitalisme ni d'inverser le mouvement. On parle de durcir le socialisme protecteur, de faire des économies par l'austérité, mais pas de retourner au communisme primaire préconisé par Marx. Communisme qui n'a d'ailleurs pas vraiment été tenter dans ses fondements idéologiques.

Et, s'il y avait une autre voie qui s'adapterait avec notre environnement moderne à plusieurs vitesses et qui pourrait corriger notre époque troublée ?

"Instability... as the result of animal spirits" nous rappelait Keynes pour exprimer ce dilemme.

La confiance dans les systèmes en place, n'est plus là. Les futurs candidats à la culbute sont sur les listes noires. On se questionne, de partout, comme un coq le ferait sur un tas de fumier. De là l'idée que nous sommes devenus des coqs sans cervelle, il n'y a qu'un pas.

Alors, vert, j'espère, comme solution à tous les problèmes ?

Et, si le modèle de la nature nous donnait encore plus de modèles avec sa manière de fonctionner ? L'industrie a commencé à la copier.

La nature renaît toujours, si on lui laisse le temps. Elle teste en permanence. Elle crée, s'adapte, élimine les erreurs. Les branches les plus extrêmes de son évolution sont coupées, oubliées. Ce n'est même plus un arbre qui représente l'évolution, mais un buisson ardent et touffu avec des branches innombrables. Les chaînons manquants sont ceux qui n'ont laissé aucune trace. La nature n'hésite pas  entre "stop" ou "encore", elle va de l'avant avec une expérience plus que longue. Nous restons plantés sur des dichotomies du genre droite-gauche, comme si nous étions réglés en numérique.

L'idéologie du capitalisme a basé son idéologie en s'arrogeant, en tant qu'intermédiaires, les droits que ses administrés abandonnaient. Les Bourses, les banques, l'idéologie libérale ont, dès lors, pris la tangente en prélevant une trop grande dîme au passage sur nos investissements et notre travail.

Raboter les excès. Remodeler le paysage politique, la vie de l'homme en fonction de ses besoins initiaux et vitaux, de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de consommer les fruits de son travail sans être obnubilé par amasser.

Revenir à ces bases serait un changement profond des mentalités. Ce ne serait pas revenir à zéro en perdant les avantages acquis par l'expérience. Il suffirait de remonter le temps pour trouver le point où les choses se sont mis à dévier de manière néfaste. L'homme d'aujourd'hui semble trop rechercher sa viabilité dans le court terme.

Ce point pourrait ressembler au chacun pour soi, aux impulsions qui tombent dans l'habitude sans aucun raisonnement préalable. A un point où les buts globaux à atteindre ne seraient même plus défini.

Toutes les niches existent. Les refaire fonctionner mieux ensemble avec des règles générales, un acte de base.20100510Ou va le monde.jpg

L'homme a cru que la compétition tous azimuts entre les sociétés, entre les États, pouvait être un "sport" motivant. Son intelligence, les communications avec sa parole lui ont permis de remarquer qu'une fin existe et qu'elle est inexorable, mais qu'elle peut se ralentir, s'amortir par sa science, sa médecine, ses actions protectrices. Investir dans l'avenir, ce serait ça.

La nature suit ce modèle d'autoprotection. Elle investit dans la vie et sa pérennité. Elle n'hypothèque pas son futur.

Elle dit, peut-être, que le meilleur gagne mais, pas au détriment d'elle-même et de sa finalité. Elle cherche ce qui est le plus viable à long terme, mais elle ne se saborde pas.

Les gains faciles la tentent pour répondre au moindre effort à la recherche de l'efficacité. Mais ce n'est pas du style loterie ou du casino, typiquement choisi par l'homme.

Elle a su distinguer entre l'essentiel, le nécessaire et le superflu après des tests multiples.

Elle ne connaît pas la surconsommation et le "nice to have".
La nature ne connait pas la publicité. Elle se contente du "bouche à oreille" dans la proximité. L'offre ne précède pas la demande. Elle est synchronisée avec la saison.

Nous nous en sommes écarté de la nature. Elle est devenue l'ennemie.

Les anciens Égyptiens ont pu étendre leur civilisation pendant 3000 ans grâce à la fusion de leur vie avec celle de la nature.

Ils l'ont divinisée. Un billet avait attiré mon regard avec son espace partagé. On y faisait référence à Amenemope, Pharaon de la 21ème dynastie moins connue et aussi, moins riche, très certainement.

Cette dynastie suivait, chronologiquement, celle du Nouvel Empire, qui, au contraire, est très connue par son histoire et sa magnificence. Les dieux de l'époque étaient pour la plupart représentés par la nature et les symboles animaliers. La nature faisait partie de leur vie.

"Unlike Psusennes I, Amenemope was buried with much less opulence since "his wooden coffins were covered with gold leaf instead of being of solid silver" while "he wore a gilt mask rather than one of solid gold.", lit-on sur Wikipedia. Cela pour dire, que l'or n'est qu'un symbole parmi d'autres de richesse. La richesse, c'est le potentiel de faire avancer dans le bon sens. Le capital intellectuel en lui-même est une richesse.

Une des citations de ce Pharaon était aussi "C'est le pilote qui voit loin qui ne fera pas chavirer son bateau".

20090129Obama belge.jpgAnalogie de cette 21ème dynastie dans un autre espace-temps, avec notre Empire d'Occident décadent ?

The whole world is growing smaller every day...

L'éconologie, encore une fois, dans une course en vert, est mise en avant par certains philosophes et économistes.

L'économie du 21ème siècle deviendrait ainsi une économie responsable vis-à-vis de cette nature.

20100531Ecologie et Golfe du Mexique.jpg

La nature n'a pas de prix, mais elle n'est pas gratuite ni particulièrement pacifique.

On parle d'acheter des droits de polluer. Nouveaux marchés qui pourraient aussi générer une nouvelle spéculation et engendrer de "pures escroqueries". Le "cap & trade" comme alternative ? Les écotaxes ? Les subventions en compensation pour protéger la nature ? Tout cela nécessite des normes globales.

Capture d'écran 2023-08-18 175139.png"Trouver l'équilibre entre technologie, complexité et réglementation est l'un des plus grands défis du 21ème siècle", disait Kenneth Rogoff.

John F. Kennedy, dans un discours en 1959, déclamait "En chinois, le mot crise se compose de deux idéogrammes. Le premier signifie "danger" et le second "opportunité".". Son interprétation était erronée mais était aussi une variante d'une citation plus ancienne de "Ce qui ne tue pas rend plus fort".

Avec les moyens disponibles, tout est possible, accessible pour éviter l'immobilisme. Le but de l'argent, c'est de construire l'avenir.

L'austérité, dans ces conditions, ce n'est pas garanti sur facture. Ce sera seulement à budgéter dans la catégorie "investissements rentables".

Pour garder l'optimisme, pourquoi ne pas pointer son oreille vers une voix qui continue à chanter et qui aura toujours raison par sa jeunesse ?

Tout est dit et tout commence avec cette chanson et ces seuls mots, "Je veux..."

Pas de panique, donc. Tout est un éternel recommencement.

Alors, "Le droit à la lenteur", bien sûr, mais, seulement, sans exagérer.


 

L'enfoiré,

 

Citations: 

"Never waste a good crisis", Hillary Clinton

"Personne ne mérite d'éloges pour avoir prévu la pluie, mais bien pour avoir construit une arche", Louis Gerstner

"En Bourse, 4 n'est pas égal à 2+2, mais à 5-1", André Kostolany

"La joie panique, il est impossible  de la garder pour soi-même ; celui qui l'a, s'il ne la partage ne fait que la toucher et la perdre.", Jean Giono

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29 octobre 2019: Costa-Gavras était invité pour parler de son nouveau film "Adult in the room"podcast

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