Les amalgames de l'histoire (01/02/2013)

0.jpgLe 30 janvier 1933, il y a 80 ans qu'Adolf Hitler accédait au pouvoir. Cela méritait, à la radio, une émission spéciale au départ d'une école, pour évoquer le souvenir de cette période sombre de l'Histoire avec les jeunes d'aujourd'hui.

Comment parler d'Hitler à l'école (vidéo)?

Résumé: "Le 30 janvier 1933, Hitler accédait au pouvoir en devenant chancelier du Reich. Dès sa nomination, il publiera les premières lois raciales et mettra en œuvre son funeste plan, sa politique impérialiste, antisémite et raciste.

Que connaissons-nous encore du parcours d’Hitler, de son accession au pouvoir dont le parti, le NSAPD, au discours populiste, a été porté par une situation de crise économique qui faisait suite au krach de 1929 ?  Les années 30 sont-elles comparables aux années de crise que nous connaissons aujourd’hui ? La montée des populismes en Europe est-elle comparable au populisme de 1930 ? Y a-t-il d’autres éléments de comparaison ? L’Histoire risque-t-elle de se répéter? Qu’enseigne-t-on aux jeunes sur le parcours d’Hitler ?  La transmission de la mémoire est-elle encore assurée, organisée dans l’enseignement alors que les témoins directs se font de plus en plus rares ?  Faut-il s’inquiéter des propos antisémites que certains jeunes diffusent sur les réseaux sociaux ?"

Un seul commentaire pendant toute la première journée: "Parler d'Hitler, on ne le fait pas si mal à l'école. Par contre, on n'informe pas trop les élèves sur l'actualité: l'intervention française au Mali est présentée comme une guerre contre le terrorisme et non comme une guerre pour la reconquête de l'uranium et du gaz. On parle des camps de concentration, mais pas des horreurs belges au Congo ou des massacres d'Algériens par les français (qui connait les massacres de Sétif -mai 1945?) Finalement, Hitler est bien pratique : nous restons les gentils face au vilain nazi. C'est facile !!!!".

L'auditrice préconisait de réactualiser les images que l'on en donne plutôt que ressasser ce "passé qui passe mal". 

"Démocratie et barbarie" est contre tout oubli avec des visites avec les témoins des camps d'Auschwitz ou, plus près, à Breendonck.

0.jpgPour ce jour anniversaire, Angela Merckel inaugurait un mémorial à Berlin.

L'histoire d'Hitler restera toujours une référence de ce qu'il ne faut pas faire.

La dernière guerre et ses évènements, je ne les ai pas vécus. Des échos familiaux. Je n'ai aucune envie de revivre cette histoire. 

Cela étant dit, il ne faut pas être angélique.

Montrer ce qu'a été la guerre, en parler avec les jeunes, est-ce le moyen de l'éradiquer?

La guerre plus ou moins pacifique, pacifiée est partout.

Canaliser l'agressivité des garçons par des palliatifs.

En 2006, j'imaginais des hypothèses sur cette guerre 40-45, que j'avais appelée "L'alterologie", Lors de l'écriture de ces articles, je ne connaissais pas le mot uchronie, un exercice de l'esprit basé sur des "si" de l'histoire. 

Remonter en arrière dans le temps, c'est y chercher des pourquoi, des ressemblances, des alternatives, des compensations et finir par des amalgames, par dire "plus jamais cela" alors que la nature humaine rend la paix toujours aussi fragile.

Les idées ont évolué, heureusement. L'idée d'une Europe unifiée en est née de cette envie de cristalliser la paix. Le jeune ne va plus à la guerre avec le plaisir de devenir un héros. Le service militaire obligatoire a été aboli dans beaucoup de pays.

0.jpgCe serait oublier que l'instinct d'agressivité existe toujours sous une forme ou une autre, que la domination par le pouvoir et/ou l'argent est probablement tout aussi présent si pas plus. Le progrès et la complexité se sont ajoutés.

Qui dit que l'histoire évolue dans le bon sens, poussée dans le dos par le progrès?

Quel est le bon sens? Y en a-t-il un, d'ailleurs?

L'humanisme qui voudrait le représenter, est-il vraiment aux bénéfices de tous sur la planète? L'économie n'est jamais très loin des conflits guerriers ou pacifiques.

Très ou trop philosophique, tout cela.

La philosophie est un des outils du sens, mais a-t-elle pu vraiment améliorer les hommes?

Chercher des analogies entre la période des années 30 et nos années de crises à répétitions, c'est, bien entendu, y trouver des similitudes. De là à croire que l'histoire revient tel quelle en ne tenant pas compte des différences notoires apportées par le modernisme, serait bien aléatoire. Trop de paramètres, de contextes différents, font dévier les fils de l'histoire.

Les guerres de religions, d'idéologies, raciales, économiques suivent toujours là même voie.

En 2009, sortaient, sur nos télés, les films "Apocalypse" sur la 2ème guerre mondiale. Remastérisés en couleur, ils s'associaient encore plus aux goûts du jour.1.jpg

"Mein Kampf" n'avait pas récolté un énorme succès dès sa parution et pourtant, tout y était explicité. Cela n'a rien empêché. Hitler disait, déjà en 1924 "Un état qui refuse la contamination des races doit devenir un jour maître de la terre". 

Les alliances entre les pays avant 1914 ont entrainé une guerre sans merci, généralisée et embrasé le monde entier plutôt que de la limiter.

Un jour, ma mère m'a demandé innocemment: "Pourquoi, y a-t-il la guerre?". Elle avait conservé des douilles gravées avec son prénom, par son père, mort des suites de la guerre 14-18 et se posait encore cette question.

Je ne lui ai pas répondu. Cela nécessitait bien plus que quelques mots. 

La question est "D'où vient ce besoin d'éliminer ses semblables?". 

L'animal, lui, tue pour se nourrir. Pas de sensiblerie. Pas de victimisation, le jeu de la vie et de la mort dans une chaîne de prédations avec les seules armes que la nature a données. Pas d'anthropomorphisme à mettre en avant dans ce cas. Chacun a son rôle à jouer dans la nature. 

Sans carapace, sans moyens de défenses naturelles, l'homme n'a que son intelligence pour seule défense.

Il construit des murs pour sa protection et des armes des plus simples aux plus sophistiqués. Ses instincts défensifs et offensifs sont toujours là. 

En plus, il a ses propres pensées idéologiques, ses convictions propres à défendre, ses revendications, sur le territoire où il est né ou s'est installé comme s'il possédait ce lopin de terre comme un dû.

Avec un esprit cartésien et numérique, parler de 40-45, équivaudrait à trouver les raisons qui l'ont précédé et qui ont mené à la guerre.

Une menace? Des problèmes de revanche? Surtout, un Furher, un meneur, prêt à mener un Bal des Maudits et une dette de guerre des années 14-18 qui était une bombe à retardement. Si elle n'avait pas mené à la 2ème guerre, cette dette aurait dû s'achever et ne plus être payée par l'Allemagne qu'en 1988, c'est -à-dire s'étendre sur plusieurs générations. 

La finalité d'Hitler? Simple. Gagner la guerre pour installer son pouvoir sur le reste monde en transformant, au passage, le peuple en une race aryenne pure. Pour y arriver pas de réel coup d'Etat. L'utilisation de la démocratie. L'élimination des opposants et embrigader la génération suivante, la plus ouverte d'esprit, par la propagande.

Penser à la guerre en temps de paix, cela commence toujours par le banal "pan-pan, t'es mort", un revolver en plastic à la main. Ensuite, aujourd'hui, c'est devenir spectateur au ciné et à la télé, de films de guerre avec ses héros. Dernièrement "Brothers" sur notre télé, rappelait l'idée que tout passe, comme dans une course relais "Au nom du père".

Enfin passer à plus  interactif encore, par les jeux vidéo guerriers. Banaliser la guerre. Tout est là.

En contrepartie, les deux heures par semaine réservées à l'histoire du passé à l'école, ne font pas le poids, même si quelques analyses plus fines sont destinées aux futurs historiens.

Devant les écrans de vidéos, à faire la guerre par joysticks interposés,  on ne fait, en principe, pas de mal à personne. C'est une guerre électronique, presque "chirurgicale" comme on le dit sur le véritable champ de bataille. 

La guerre d'Irak a été un exemple avec toutes les étapes, des partisans et des "clans" qui se sont formés sous de faux raisonnements.

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"Si tu ne veux pas la guerre, prépare-là", est-il dit. La guerre froide n'en a été qu'une suite logique de la guerre "chaude".

Aux États-Unis, posséder des armes fait partie d'un amendement. Le lobby des armes est tellement puissant que n'importe quel président ne pourra s'y opposer facilement avant longtemps. 

Le monde que l'on dit libéral et social, va recentrer cette volonté par le patriotisme et le nationalisme. 

On n'assure plus par l'expérience, mais avec une puissance à géométrie variable toujours plus efficace.

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Exister chez les hommes, c'est exhiber ses nouveaux bijoux de la technologie, les plus sophistiqués, lors des parades militaires, lors des anniversaires à périodes programmées dans le temps.

Les musées de la guerre, eux, font dans la pérennité. 

Les médias comptabilisent les points et les évènements en espérant seulement à ne pas en perdre. 

En période de paix, la guerre commerciale prend le relais. Les entreprises exercent une concurrence entre elles en style "Guerre et Paix". 

Les honneurs, les médailles et la gloire sont accordés, en guerre, aux gagnants et deviennent des récompenses, des primes en temps de paix. Les perdants, comme toujours, auront seulement tort d'avoir perdu. Quant aux objecteurs de conscience, les électrons libres, ils tomberont en disgrâce sans avoir reçu le droit à la parole pour en donner les raisons.

Les intégrismes et les fanatismes seront,  par définition, réservés aux extrémistes et aux terroristes. 

Le sport joue aussi son rôle. Il se pratique par l'athlétisme, qui préconise l'endurance, le combat avec soi-même. Mais il prend trop de temps aux spectateurs qui s'acclimatent plus rapidement aux comparaisons entre des adversaires en équipes.

Les antiques JO étaient une période de paix pendant laquelle les adversaires se jaugeaient. Ceux de Berlin en 1936 et de Munich en 1972 ont rappelé, avec emphase, ce qui pouvait s'y cacher. 

Je me suis tourné vers ma bibliothèque. Des souvenirs que l'on se refile de génération en génération.

Un seul livre "Héros et martyrs" qui parle des "Fusiliers de 40-45".

Non, la guerre fait partie de notre environnement, je dirais même, de nos us et coutumes.

Le souvenir d'une visite dans notre Musée de la Guerre avec des regards introspectifs m'avait apporté une preuve par quelques constatations qui révélaient, une fois de plus, qu'il y avait toujours une attraction pour les choses de la guerre. 

La fréquentation n'était pas uniquement due à l'accès gratuit des lieux. Dans un tel musée, on y va en famille, avec des enfants du plus jeune âge qui accompagnent leurs parents.

Je me suis posé des questions bêtes et méchantes. 

Était-ce pour présenter l'histoire aux petits avec de multiples d'explications de papa aux oreilles attentives des rejetons? 

Pour présenter, aux plus grands, la profession de militaire comme une profession d'avenir avec la sécurité d'emploi assurée dans notre époque de pénurie d'emplois? 

Un groupe de trois japonais avait aussi attiré mon regard. L'un d'entre eux, casquette parfaitement dans la norme, s'était placé devant un avion en opposition avec ses deux autres "collègues" avec un large sourire. Il s'était mis au garde à vous en portant la main à sa casquette dans un salut magistral. Les autres s'empressèrent de l'immortaliser avec leur numérique sous les flashs de circonstance. A un moment, j'ai lâché à l'un d'entre eux: "The war is not as simple as a picture". Un sourire et puis il s'en sont allés. Banzai, ils s'étaient trompé de guerre... 

Les souvenirs de la guerre sont bien plus vivants dans les esprits qu'on le pense. Ils se réinventent, s'industrialisent, s'utilisent et s'usent avec le temps pour être remplacés par d'autres voies.   

1.jpgA Woluwe-Saint-Lambert, le parc Georges-Henri était un cimetière. Il a été désacralisé. Les pierres tombales sont encore bien visibles et servent de pavements aux visiteurs. C'est une plaine de jeux pour les enfants. Chacun n'y fait même plus attention.

Dans un coin du parc, il y a toujours, un souvenir de ce passé, un monument qui parle de la résistante Marguerite Bervoets. Massif, sobre, il est gravé par ces mots: 0.jpg

"Je suis tombé pour que le ciel de Belgique soit plus pur, pour que ceux qui me suivent, puissent vivre libres, comme je l'ai tant voulu moi-même. Je ne regrette rien et je songe à vos enfants, qui seront libres demain.".

La liberté, un mot que l'on imagine comme une sorte de monstre du Loch Ness. Une idée qui apparaît comme un point à l'infini. Une définition dont on ne parvient pas à connaître les limites sans devenir en bout de course opportuniste, populiste, voir fasciste collectif en marchant sur les libertés des autres...

Passer de gauche à droite, on se perdrait en chemin, pour moins que ça.  

Quant à la question de départ, "faut-il en parler?".

L'expérience de Milgram, réactualisée en 2010 dans un jeu télévisé qui s'appelait "Le jeu de la mort", témoigne encore que rien n'est encore joué définitivement. 

Quels sont les gagnants des guerres? 

Les survivants, bien sûr. Ceux d'après. Ceux qui récupèrent les restes des victoires et des défaites et qui commémorent le deuil collectif et social. La population doit pouvoir faire son deuil pour reconstruire son futur et ériger des monuments à la gloire de ses héros.    

0.jpgL'exposition "Monumentum", actuellement visible, au "Musée de la Guerre"  à Bruxelles, en présente quelques aspects

Ces monuments du souvenir, il y en a dans toutes les villes et villages. Généralement, installés dans un lieu de rassemblement, pour interpeller un maximum de passants. Ils sont chargés des références identitaires d'une communauté déterminée qui marche aux symboles apportés par les souvenirs de choses apprises à l'école ou ailleurs. 

Le respect des héros de guerre tombés aux champ d'honneur en est la raison et le sens, si pas, l'essence.

Les lendemains de guerres, des souscriptions publiques et appels de fonds, annoncés par voie de presse, des subsides, des manifestations pour financer et entretenir le souvenir citoyen qui ne lésinait pas sur les dépenses même si la situation économique au sortir des guerres était désastreuse. On ne lésinait pas sur les  plaques, les stèles, les obélisques, les statuaires...

Rien n'est trop beau, pour montrer ces moments de gloires.

Des entreprises, des fonderies industrielles et artistes institutionnalisés ajoutent le prestige aux oeuvres d'art originales pour glorifier la mort.

Quel que soit le programme iconographique, le monument donne une vision aseptisée du conflit, niant l'aspect meurtrier pour rendre le souvenir supportable.

Pour le commun des mortels, pourtant, ces monuments ont tellement intégré le paysage, qu'ils en deviennent invisibles.

Après mes idées enfoireuses, je m'en allais me servir un café serré en style climax 

podcast

Fait exprès, il était suivi par la bande annonce du film le "Weekend royal", le weekend qui avait changé le cours de l'histoire. Amusant, tout plein, cette suite.

Le bien et le mal sont, pour moi, à des extrêmes indéfinis, trop dépendants du temps et de l'espace.

En dehors des problèmes de mémoires, c'est peut-être ça, le problème.

Mais, imaginons ce que serait-ce la vie sans un petit conflit quelque part:0.jpg

Ce serait la merde, quoi... 

On dirait le sud, comme chantait Nino Ferrer.


 

Photos en avant-goût de Monumentum et du Musée de la Guerre. 

 

 L'enfoiré,

 

Articles appariés: "Chienne de guerre", "Les jouets de la guerre".

 

Citations:

 

 

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16 mars 2015: Quatre années de guerre en Syrie. Bachar El Assad d'abord ennemi public n°1, a cédé sa première place à l'Etat islamique Daech.

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