Donner sa vie pour qui, pour quoi? (12/02/2014)

0.jpgDans le cadre du centième anniversaire de la guerre 1914-18, la question de savoir si actuellement s'engager et pour donner sa vie est encore d'actualité. Qu'est-ce qui pousse, qui motive, encore, à l'engagement jusqu'aux extrémités? Cela a fait débat, lundi 10 février à la radio après un article publié dans le Vif belge. Aujourd'hui, c'est la journée des enfants-soldats 

C'est dire que l'embrigadement des enfants existe encore.

Aujourd'hui, la question du sacrifice et de l'abnégation ne se pose plus dans les mêmes termes qu'il y a cent ans.

Avant la guerre de 14-18, les hommes s’inscrivaient pour la faire. Après elle, revenus mutilés, gazés, sacrifiés, ils ont définitivement créé la césure avec la volonté d'en découdre en exposant sa vie.

En d'autres mots, l’héroïsme a pris ses quartiers divers. 

Et cela remonte à Super-héros Sapiens

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Les valeurs ne sont plus les mêmes et ce sont, surtout, les bandes dessinées ou dans des films à gros budgets qu'est encore représenté l'héroïsme. Un sentiment transmis par délégation vers des personnages de fiction, les mangas ou des super-héros, sur nos écrans.

0.jpgLa formule "Engagez-vous" a eu tout autant de plomb dans l'aile que celle des Trois Mousquetaires "Un pour tous et tous pour un". Après 1918, l'amour sacré de la patrie a fait place au doute. 

Un siècle, deux mondes. Comprendre les différences, c'est énumérer tellement de paramètres de cette époque de 1914.

L'éditorial de Christine Laurent du 2 janvier s'en chargeait: "C'était au temps où la Belgique était une des premières puissances industrielles mondiales, où l’Église catholique régnait sans partage sur les âmes et les institutions grâce à un système électoral (vote plural) qui récompensait la fortune et l'instruction, où les élites bourgeoises tremblaient devant la menace "rouge", où la fiscalité était socialement injuste et inégalitaire, où les femmes étaient privées de droits, où les enfants travaillaient quinze heures par jour dans les mines, où l'on se bat encore jusqu'à en mourir pour obtenir le droit élémentaire de voter, où enfin, les écoles devenaient obligatoires et gratuites... Sous les cendres et la poussière, on découvre, pourtant, les germes de notre destin d'aujourd'hui".

Aujourd'hui, la vie et la qualité de vie ont pris le dessus. On s'engage encore pour une cause commune, mais on est loin de l'époque pendant laquelle on se faisait tuer pour une idéologie qui nous dépasse très souvent.

Ce 10 février, avait commencé une grande enquête sur le sujet du sacrifice et se terminera le 4 avril prochain par médias interposés. Les radios de divers pays et quelques journaux français comme le Vif-Express concourraient à la tâche de réflexion. 

Quatre personnages publics se livraient dans l'article du Vif à quelques réflexions. Chacun d'eux a son site Internet. Un indice comme un autre qui permet de se rendre compte de leur implication.

Frédéric Lenoir (philosophe et sociologue: "Le sens d'une vie correspond à l'engagement": 

L'individu et le droit inquiètent bien plus le citoyen que l'engagement pour une cause. Le bien commun et l'intérêt collectif a disparu au profit d'un confort de l'individu pour qui souffrir ne se conçoit qu'au minimum possible. La guerre est devenue absurde. Les Droits de l'Homme et les acquis remplacent le christianisme et le nationalisme. La valeur de la laïcité et de la démocratie sont devenus les socles de la pensée occidentale. Le plaisir maximum se retrouve à la recherche de son sens par l'ouverture, l'altruiste et un engagement dans la vie sociale. 

0.jpgCaroline Fourest (essayiste et journaliste): "Sans engagement, la vie est égoïste":

L'humanisme spirituel et l'engagement adviennent quand on souffre d'un monde de domination et de censure. Trouver le juste milieu entre l'individualisme et les valeurs communes. L'exigence de rester critique. Chérir la vie et la qualité de la vie. Comme mourir est douloureux, il faut y recourir quand il n'y a plus d'autres choix sans jouer les kamikazes fanatisés. La propension d'une société à s'engager peut être le pire quand il n'y a plus rien à perdre et le meilleur quand le maximum de démocratie est atteint. Donner sa vie quand il n'est plus permis de parler et de penser.  

Marc Jacquemain (sociologue): "On ne s'engage plus par fidélité à une institution": 

Les valeurs divisent plus qu'elles ne rassemblent. Une valeur commune est devenue rare. Le patriotisme a perdu son attrait pendant la première guerre mondiale. Rejeter ce qui est national, mais garder un patriotisme éthique sous contrôle. Une minorité s'engage pour du concret et un sujet local. Il n'y a pas d'homogénéité dans les mouvements sociaux. C'est un engagement à la carte qui passe par une signature au bas d'une pétition. L'indignation et la défense de l'intérêt d'un groupe social peut arriver à l'engagement. Ne pas s'engager, c'est ne pas avoir prise sur ce qui se décide. S'engager est un moyen possible pour ne pas se fixer des règles du jeu. L'idéalisme des années 60 voulait tout et tout de suite. Le manque de pragmatisme reste encore un problème à résoudre dans les générations suivantes.   

0.jpgGabriel Ringlet (théologien, écrivain): "Je ne méfie des grandes causes":

L'engagement de Camus, son humilité reste exemplaire comme un artiste qui peut accepter de rater sa vie et son œuvre pour avoir tenter d'alléger les servitudes. Les grandes causes ne sont pas là où on le pense. Se poser la question d'où vient la force et le courage de s'engager, c'est se méfier de l'idéalisme béat. La grande aventure se cache dans la grisaille chez des gens qui extrapolent leur métier comme l'a fait, Denis Mukwege dans l'anonymat. La religion ne peut enfermer et réduire la liberté de l'homme debout

  Commençons par ouvrir cette boîte de Pandore des réactions vis-à-vis de ces personnages.

0.jpgPour Frédéric Lenoir, parler du bonheur, des religions, des spiritualités, c'est son moyen de subsistance vu la foule de livres . 

Pour Caroline Fourest, je lisais l'avis, loin d'être flatteur sur elle d'un rédacteur français: "Il faudrait d’abord commencer par nous expliquer comment une personne qui est décrite comme « féministe et militante engagée » se donnerait le droit de nous enseigner ce qu’est l’objectivité dans le journalisme. Surtout quand on sait que ce n’est justement pas dans ce domaine-là qu’elle risque de s’étouffer...". J'arrête ici, mais le reste est à l'avenant.

Le site de Gabriel Ringlet est assez explicite dans ses déclarations progressistes de l'église. Malgré le fait que je ne sois pas du tout sur la même longueur d'onde, j'ai plaisir à écouter sa voix douce et ses sorties de convictions habituelles. "Il nage entre deux eaux en tant que carriériste, les femmes en seraient folles", me glissait-on à l'oreille. C'est peut-être cela qui m'attire dans son discours plus laïque qu'ultra-religieux. L’église belge, une puissance morale sur le déclin

Y a-t-il le mal de la foi, le mal au foie ou les deux à la fois?

0.jpgL'héroïsme et l'engagement sont toujours plus faciles quand on se trouve confronté, ensemble, au mêmes problèmes comme dans le cas d'une inondation.

L'engagement envers un particulier sera moins soutenu que pour une organisation reconnue et en bien en place. Il y aura des avaaz.org, des humanity.com pour le rappeler. Ils donneront l'impression de participer au développement et à l'avenir d'une société dans laquelle vivre signifie se dissocier des malheurs du monde qui ne seraient pas locaux. 

La liberté de penser reste une priorité dans nos préoccupations occidentales.

Plus jamais ça", disait-t-on après la "der des ders" de 1914-18. Puis, il y a eu la suivante.

Le 10 février, France3 présentait un documentaire sur les collaborations de 40-45 nées durant le régime de Vichy. Intéressant de constater comment on passe des principes de droits de l'homme aux principes d'une collaboration dans laquelle la France a été le dindon de la farce, le cocu d'une collaboration mal comprise. En présence,il y avait Hitler face aux baudruches que furent Philippe Pétain, Pierre Laval, Otto Abetz. Il est vrai que collaborer commence toujours avec une envie de "bien faire". Les phases qui suivent, sont plus insidieuses et ont déviée vers l'antisémitisme. Comme il fallait trouver une tête de turc, le bolchevisme en fit les frais, dans l'ignorance complète de ce que cela comportait. La propagande, la répression, la division, les dénonciations, le nationalisme sapèrent tous les instincts de protection et d'humanistes. La résistance ne se constitua qu'à la suite de ruptures stratégiques, de secousses intolérables imposées par les occupants aux occupés.

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0.jpgPourtant, la paix désirée, il faut le rappeler, ce fut après la guerre de 40-45, qu'a progressé la volonté farouche de paix avec laquelle on ne veut plus tergiverser. Elle s'est conclue par des traités et des pactes sous l'égide de l'idée européenne. Celle-ci, même décriée, méprisée par certaines ambitions populistes qui rêvent de l'incendier pour mieux retourner dans leur bac à sable, là où règne l'entre-soi, le repli identitaire, le nombrilisme, la régression.

Les compromis pour lisser les opinions; sont souvent salutaires. Les compromissions seront toujours suicidaires à court ou moyen terme.

En Ukraine, cela se corse en guerre civile rapprochée. Mais, c'est loin. Pas d'ingérence dans un autre État.

La chanson de Brassens (1972), "Mourir pour des idées d'accord, mais de mort lente", peut, ainsi, prendre prendre tout son sens: 

0.jpgAujourd'hui, la guerre se déroule et se déroulera plus dans la virtualité, derrière des écrans vidéos avec des joysticks qui dirigent des drones. Comme le coût du matériel n'est pas exorbitant, un nouveau monde ouvrant la voie aux combats technologiques, a pris la relève avant l'intervention de robots. L'efficacité plutôt que les pertes humaines, idée soutenue, surtout, par ceux qui disposent de ces technologies. 

 

Chez les citoyens lambda, ce sont encore des combats d'égos, les débats d'opinions à la recherche d'une vérité qui n'existe pas sinon mélangée à un mondialisme de bon aloi. Cela n'empêche pas de maintenir une certaine absurdité. Les liens à créer, sans le support de l'intérêt personnel qu'il soit financier ou par le seul plaisir de faire partie d'un groupe, seront, tôt ou tard, voués à l'échec.

Les départs de jeunes vers la Syrie pour s'y battre, ont une source différente, liée avec la charia et l'islam. 

Apporter son expérience, c'est déjà s'engager. Apprendre à pouvoir la communiquer et garder l'obligation de rester en vie se confondent avec la vie elle-même. 

Les vrais héros d'aujourd'hui, se retrouvent parmi les gens simples, rencontrés tous les jours et qui consacrent leur vie au travail comme l'exprimait, récemment, Eddy Mitchell:

... tout le contraire du défi de la "necknomination", de cet héroïsme idiot qui consiste à boire dans les positions les plus originales possibles, qui fait fureur sur les réseaux sociaux anglo-saxons et qu'un psychiatre définissait comme le besoin de se mettre en danger pour évaluer son courage et épater les autres.   


 

L'enfoiré,

 

Citations:

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28 mars 2018: «Le nom de Beltrame est devenu celui de l’héroïsme français» Emmanuel Macron préside la cérémonie d’hommage national dans la cour des Invalides en présence de la famille du gendarme décédé à l’âge de 44 ans et des familles des victimes de l’attaque terroriste de Carcassonne et Trèbes.

Analyse: podcast

 

Mise à jour 22 juin 2020: Les héros pour les uns sont-ils les zéros pour les autres:podcast

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