Une semaine numérique philosophique (03/05/2015)

0.jpgLe 23 avril, j'assistais à un colloque de la "Semaine numérique" autour des projets "écoles numériques, "passeports TIC" et NEET's organisée par TechnofuturTIC dans le cadre de Wallonie-Bruxelles.

Le but

Le ministre Paul Magnette disait que passer à côté de la révolution numérique avec le Plan Marshal 4.0 serait une tragédie pour la Wallonie.

Une tragédie pas uniquement pour la Wallonie, d'ailleurs.

Depuis une trentaine d'années, les TICS (Traitement des Informations et des Communications) se sont imposées comme un standard dans notre manière de s'informer, de communiquer, d'établir des liens sociaux, de travailler, d'acheter, de mener des démarches administratives, de se divertir...

Leur impact sur notre quotidien est loin d'être neutre.

S'ils se révèlent positifs pour ceux qui en maîtrisent l'usage, ils restent une source de vulnérabilité et d'exclusion pour ceux qui n'y accèdent pas.

Si elle favorise la créativité et accède à la connaissance, la fracture numérique en devient plus sociale que symbolique en manque de repères NEET's "Not on Education, Employment and Training" d'où l'idée de créer un EPN, un "Espace Publique Numérique".

...

Des TICs au numérique

Ai-je été un geek avant l'heure, me suis-je demandé en 2009 après 40 ans de développements informatiques, eu égard des geeks fastoches qui tentent d'être dans le coup, non tombés dans la "potion magique" comme Obelix ? Monté dans le train du numérique quand celui-ci était encore à l'arrêt ou à vitesse réduite, est un avantage. Aujourd'hui, il a prit une allure de croisière à moyenne ou à grande vitesse.

Parler de l'histoire de l'informatique, je l'ai fait. Sous un angle insolite et insolent dans la "La Grande Gaufre" par la base, alors qu'elle était vue sous l'angle des sociétés d'informatiques qui disparaissaient l'une après l'autre, par un ancien GM avec le titre "La Grande Trappe".

0.jpgLa première tâche de l'informatique fut de dépasser le taylorisme aveugle, d'éviter les tâches répétitives et abrutissantes dont Charlot a été le représentant dans le film des "Temps modernes".

Une autre différence, l'informatique était réservée, au départ, aux entreprises sous la forme de hardware d'abord, de software ensuite.

Le hardware, la "quincaillerie", les grosses machines dont il a fallu se rendre compte que comme outil, elles avaient besoin de plus "mou", de software, de logiciels et de têtes pensantes pour les faire fonctionner de commun accord.

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Les années 80 ont élargi la diffusion de ces machines sous forme du "Personnal Computer" dont les premiers utilisateurs ne savaient que faire avant que les communications via internet ne viennent à leur secours.

On ne parla plus vraiment d'informatique au moment d'entrer dans l'ère du numérique. Ce fut une évolution en marche vers la miniaturisation en suivant l'imagination de ses concepteurs poussée par les rêves de ses utilisateurs.

Aujourd'hui, tout est modulé, organisé en "objets" autonomes les uns des autres qui transitent dans le "cloud", dans les nuages par l'intermédiaire de serveurs gigantesques.

Ces objets sont assemblés, triés, adaptés par encapsulation avec le pouvoir des algorithmes pour en extraire des résultats. 

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Les algorithmes secrets de PageRank de Google traitent ainsi plus 3 milliards de requêtes par jour pour donner des résultats plus en fonction de leur popularité que pour leur pertinence ou leur fiabilité avec la publicité sous-jacente.  

Dans le domaine du numérique, il faut savoir que la fin justifie toujours les moyens.

Le "qui fait quoi" n'intéresse personne, c'est le résultat qui compte et qui sera récompensé.

Pas plus de sentimentalisme inclus dans les processus du numérique avec la règle essentielle du moindre coût.

Un "Question à la une" du 15 avril dernier "Pourquoi tant d'Indiens dans la ville?" était assez explicite de ce que le "moins cher" pouvait apporter, par l'externalisation des hommes et par les tâches délocalisées à Bollywood. Le choc des cultures n'a pas que des douceurs dans les réalités.

Le dumping est devenu social, sociétal et même fiscal.

Il faudra bien, un jour, redescendre du "cloud" pour atterrir sur le plancher des vaches et des hommes pour en faire le P&L (les Profits et Pertes). 

...

Le colloque de la "Semaine numérique" 

0.jpgAprès une introduction par la députée, Olga Zrihen, plusieurs orateurs ont donné leur opinion et leurs expériences sous l'angle de l'école numérique.

André Delacharlerie de l'Agence du numérique a exposé comment l'école se doit d'intégrer le numérique dans les cours:

podcastavant d'énumérer les manquements de moyens:podcast

Bernard Van Asbrouck, lui, sortait un peu du cadre du numérique et remontait les questions au niveau de l'enjeu social majeur pour le futur des jeunes quitte à déterminer ce qui crée leur décrochage dans l'éducation: 

podcastpodcast
Le désaffiliation des jeunes à la modernité et donc du numérique, les amène à devenir une sorte de Robin des Bois dans une "sherwoodisation" qui casserait tout parce qu'ils ne la comprend plus rien dans la société occidentale.  

Cet angle clairvoyant le portait à dire qu'il n'y avait pas réellement une révolution du numérique mais une révolution au niveau des comportements humains vis-à-vis de la complexité des concepts que la société inclut dans ses processus numériques.

La société en est devenue trop exigeante pour l'humain.

0.jpgDéconnecté, le jeune se sent humilié. De plus, l'illisibilité des normes verse dans le flou et le manque de sens des réalités. Un imaginaire qui ne trouve plus de causes qui n'apporte que des effets négatifs, les pousse à anéantir cette société occidentale et à virer dans la symbolisme de la foi. Ils se sont ré-affiliés à une foi qui penche vers Daesch, qui lave plus blanc que blanc.

La dignité humaine impactée dans ses racines saute ainsi de la phase de la responsabilité à celle de la culpabilité.

La solution d'après Bernard Van Asbrouck serait d'adapter les humains à ce qu'ils sont capables de faire en réintroduisant les usages et coutumes du réel.

Réintroduire les us et coutumes veut dire utiliser la pratique plutôt que la théorie.

C'est peut-être ça aussi qui manque dans l'étude du numérique. 

Considérés comme plus efficaces ou simplement plus modernes, les processus virtuels dont le numérique construit sa foi, ne fait pas toujours avancer le schmilblick. 

Le FIFO trop rapide ne prend même plus le temps de consolider ses bases dans une lutte entre PPCM et PGCD.

Pas besoin de se leurrer, les TICs ont tué quantitativement plus de jobs qu'il n'en a produit. 

0.jpgCeux que les TICs ont créé, se sont vus eux-mêmes mis en porte-à-faux si pas au rancart dans la poubelle de l'histoire pour seule raison d'efficacité et de rendement. 

Le problème, c'est que nous sommes dans un état d'inefficacité, disait l'écrivain Alexandre Jardin sur son blog «Laissez-nous faire! On a déjà commencé» où il détaille les actions du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre. 

De jeunes "vedettes" pleines d'espoirs, de promesses, surchargées de diplômes même au nième degré n'ont plus trouvé la contrepartie de leurs efforts, même conseillés par des imprésarios, des entraîneurs physiques et mentaux dans une recherche d'un temps à gagner parce que le temps c'est de l'argent dans la physique des fluides intellos.

La métaphore du numérique avec ses boîtes noires, ses objets "unbundled" (dégroupés) qu'il faut intégrer ou désintégrer existe dans l'individualisme et les compétences compartimentées, que nous vivons aujourd'hui.

0.jpgOn a construit des experts, des spécialistes qui pourront dire que le version 6.83 d'un bidule ne fonctionne pas avec la toute nouvelle version 1.02 d'un autre, mais qui n'auront plus une vue d'ensemble à jouer à la marelle au moment de sauter dans la case suivante. 

Si Coubertin disait, le tout est de participer. Il n'avait jamais dit qu'il fallait toujours être le meilleur pour correspondre à l'entreprise d'aujourd'hui, même il s'agit de vaincre la concurrence ou mourir avec elle et pour elle.

Le seul choix serait-il celui de souplesse de la singularité ou celui de la lourdeur de la globalité, entre startups et multinationales?

Aujourd'hui, au bureau, pour raison d'efficacité et de coût, ce sont les téléphones, les écrans, qui construisent les liens entre les hommes. La virtualité entre les gens avec comme complément du "home working" et un peu de "convivialité" des "business centres" ou des "open-space".

Les complexités ont obligé à tout couper en rondelles dans des réductions de voilure en réseaux neuronaux très ou trop spécialisés.

Les professions du savoir ont apporté dans la profusion de la pharmacopée des antidouleurs ou des antidépresseurs.

Mais, comme disait Mikaël Petitjean, "si l'objectivité absolue n'existe pas, des garde-fous méthodologiques permettent de lutter contre les méfaits de la subjectivité pure ou des idéologies. Le principe thèse-antithèse est à la base de toute réflexion sérieuse sans passer obligatoirement d'une démocratie des opinions à une aristocratie des connaissances".  

Le management s'est ainsi retrouvé entubé dans des tubes très étroits comme Madame pipi qui l'est en nettoyant ses lunettes.... de WC.

Alors, pour ne pas faire désobligeant, pour ne pas trop les payer, on les range parmi les "managers du coton tige" ou des "techniciens de surface" ou quelque chose de très approchant.

Chacun met dès lors sa propre petite sève dans la balance, mais ne vit plus assez longtemps pour voir si la plante grandit convenablement.

"Mille milliards de dollars" était un film prémonitoire dans lequel seul la renommée et l'image n'avaient de prix.

0.jpgQuelques questions en stock lors de ce colloque dont il a été tenu note:

0.jpgEn finale, ne faudrait-il pas parler du jargon du métier numérique qui est plus spécifique qu'on le croit et qu'on apprend au fur et à mesure sur le terrain des opérations et pas à l'école?

L'humour, Laurence Bibot en avait manifestement cette semaine sans la bosse des maths:podcast

L'article sur la génération Y que les dirigeants devaient savoir pour la diriger, disait:

0.jpgDe toutes manières, l'éducation ne s'arrête pas à la période de l'école. Elle se continue toute une vie.

Une vie qui en plus, s'allonge et dont plusieurs carrières différentes seront du parcours.

Le syndrome d'Asperger utilisé à bon escient reste à mettre en parallèle avec "The Big Bang Theory" qui met en lumière le contraste entre l'intelligence et la « geekitude » et le bon sens avec l'intelligence sociale (Newton, Gould, Welles, Gates, Zuckerberg en font partie). Les "Aspies" ont appris une stratégie pour compenser leur faiblesse en communication et pour gérer les imprévus.

... 

Vue philosophique de la vie en numérique ou non

0.jpgLe livre de Jean-Louis Servan Scheiber "C'est la vie" permet de revoir les questions existentielles, telles que:

Les droits, les devoirs ne vont de pair que s'il y a un besoin réel alors que les besoins se créent de plus en plus dans la virtualité.

Le shopping sur Internet apporte des similitudes de pensée, sans jamais y trouver d'égalité complète.

La réalité se construit au travers de plusieurs vérités par les échanges théoriques qui ont leurs mystères et leurs illusions pour finir par établir des lois personnelles de vie au travers d'une moralité qui ne l'est pas moins à rassembler, en toute impunité, les idées dans un "je" modeste et sincère. C'est, en finale, sortir de l'emprise des religions et des idéologies et combler son ignorance par la curiosité en explorateur de l'évolution des choses et des êtres vivants.

Comme le disait Bernard Van Asbrouck, le sentiment de l'absurde existe quand il n'y a plus de sens et de compréhension des complexités que notre monde a construit.

Il faut assumer ses erreurs dans un acte de contribution mais pas d'acte de contrition.1.jpg

Dire que si je ne l'avais pas fait, d'autres l'auraient fait, ce serait trop simpliste et d'une lâcheté sans nom.

Oui, le numérique donne encore des débouchés dans le marché du travail.

Dans mon article du "code jusqu'à la nausée", je n'ai pas écrit que le numérique était la solution unique pour réussir dans la vie à chanter "Quand la logique est bonne".


Dans le jeu de l'imitation, l'école n'a jamais compris que que certains jeunes peuvent être atypiques et qu'à les pousser dans leur dernier retranchement, c'est tricher avec leur potentiel.

Réussir dans la vie passe parfois par d'autres extrémités moins numériques.

Le billet "L’homme est un roseau pensant agité de biais cognitifs" venait bien à propos pour dire que seule la sagesse a le pouvoir d'absoudre.

A la semaine prochaine.

Je prendrai le chemin de l'expérience personnelle avec un humour placide.

 

 

L'enfoiré,

 

La suite de l'aventure, dans une semaine en nuances vert de gris

 

Citations:

...

Laurence Bibot et son café serré, pas dans la note? Cherchez bien...:

podcast

Vous ne voyez pas?

Pour vous aider, une phrase: "Il faut assumer ses erreurs dans un acte de contribution mais pas d'acte de contrition."

7 mai 2015: On parlait d'anglais dans l'article. Pourquoi pas un "strangled coffee for the elections in Britain" :podcast

 

8 mai 2015:"Forum Changer d’Ère spéciale Empowerment":


 

11/05/2015: Parler des cours de "rien", cela peut être cela 
podcast

04/06/2015: Le numérique dans l'entreprise
podcast

25/06/2015: le Web à l’école, le côté  obscur de la Force,  sans la Force

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