L'influence des médias et des réseaux sociaux (23/01/2016)
A l'ère du numérique, quel avenir pour la presse écrite ?
Tant de sujets déjà traités sur cette antenne en tant que consommateur de médias.
Recevoir la version du côté producteur d'informations par la radio et la télé pourrait être intéressant.
Ce 19 janvier, au Centre "Les Pléiades", j'ai assisté à une conférence dans laquelle Jean-Jacques Jespers, docteur en droit et licencié en journalisme, en parlait et répondait à des questions de consommateurs avisés des médias.
...
Voici l'enregistrement de la présentation de J.J. Jespers, suivi des questions de spectateurs :
Contenu résumé et commentaires de la conférence
Tout en faisant partie de notre quotidien, les objectifs et comment les médias fonctionnent, restent méconnus.
En théorie, les médias du secteur public apporteraient une représentation sociale et une image de la société en suscitant l'intérêt pour en obtenir un débat citoyen.
Comme un relais, ils interfèrent, en vérité, sur ce que les consommateurs doivent penser.
Par une logique du miroir, ils sont loin d'être une fenêtre sur le monde à donner un reflet de l'actualité en apportant un retentissement maximal à ce qui "marque" dans le marché de la publicité.
De là vient une réalité biaisée dans la presse populaire devenue une industrie comme une autre depuis le 19ème siècle.
La publicité couvre plus de la moitié du prix d'un journal papier et la totalité des revenus de la télé privée.
Le besoin de la finance dépasse ainsi le devoir d'informer.
La conclusion est que pour "performer", les loisirs sont plus appréciés que les valeurs d'usage et que la culture.
Le service social pour apporter un débat démocratique et l'obligation d'être rentable construisent une dualité de fonctionnalités à l'information médiatisée.
Pour mieux faire passer les pilules, les astuces des chaînes de télé passent par les feuilletons qui apportent le suspense et tentent de maintenir le spectateur à l'écoute d'épisode en épisode.
Une relation de connivence intervient entre les fournisseurs de programmes et les spectateurs qui sont plus attirés par le côté émotif, par le cœur et moins par le cerveau.
Si certains médias de la presse écrite sont en crise et disparaissent progressivement au bénéfice d'Internet, il faut peut-être rechercher la raison dans cette volonté de limiter sa culture comme le reste à ce qui est gratuit ou le moins cher.
C'est souvent du "faux gratuit". Le manque à gagner est compensé par la pub et celle-ci peut devenir un véritable lavage de cerveau caractérisé.
Les thèmes porteurs tel que la violence sont les plus faciles à traiter et constituent la "tarte à la crème" pour celui qui parvient à l'introduire au moment opportun dans un débat et pour apporter une réponse jusqu'aux plébiscites des suffrages.
Ouvrir les médias au public en le faisant participer par l'interactivité des idées via Internet est une bonne chose, mais là aussi, du côté pub, cela fait coincer les neurones.
On apprend que la gratuité d'accès à Internet pour les plus démunis est à l'étude.
Cette semaine, eux-mêmes disent que la connexion aux réseaux est plus intéressante et serait privilégiée plutôt que tous les autres moyens d'information tels que la presse écrite, le téléphone ou la télévision. Ce choix est privilégié parce qu'Internet a un champ d'investigation plus large que les autres.
C'est peut-être là le danger : élimer les autres sources de l'information.
La pub et la propagande s'insèrent de plus en plus sur les pages de ce Net qui mérite bien sa traduction de "filet".
Chaque consommateur potentiel est soumis en moyenne à 350 spots publicitaires par jour dédiés à notre inconscient.
Ce n'est plus la presse officielle qui touche les bénéfices mais les premiers acteurs à la base du système de réseau délivrant l'information comme Google et Facebook en les filtrant.
Une dichotomie se creuse entre l'information de qualité payante et celle qui est gratuite et moins validée par des recoupements.
Facebook et Google sont un intermédiaire qui se fait payer en fonction des clics sur ses pages et attirent plus par les atouts des pages de sport et de loisirs que par les aspects culturels. Il faut le dire, s'instruire fatigue...
Si la télé monopolise le temps des téléspectateurs belges pendant 3h50 par jour à 98% et 80% d'entre eux sont connectés sur les réseaux sociaux.
Les infos n'y sont plus recherchées mais apportées suivant des algorithmes construits pour créer des bulles filtrantes correspondant au profil de ses utilisateurs pour ne pas les gêner. Profil très vite catégorisé pour proposer des contenus qui pourraient générer des rentrées financières à l'annonceur.
La "fortitude" d'accès à la créativité et à l'originale en est réduite d'autant.
Plus le contenu de l'information est riche, moins il est consommé parce que le consommateur veut se divertir avant de s'instruire.
La politique est présentée avec le sensationnalisme des scoops ou du buzz comme sur Internet.
Tous les utilisateurs deviennent des journalistes en puissance. Tout le monde se vaut et plus rien ne vaut puisque l'information reste brute, sans validation puisqu'il est considéré qu'il n'y a plus rien à vérifier.
Le travail critique et de recoupements journalistiques des informations disparaît. Ce qui arrange évidemment ces grands acteurs à la source de la soi-disant information.
Plus personne n'a la dimension suffisante pour contrer ce nouveau phénomène sinon par l'entremise des entreprises citoyennes qui travaillent en "open source", non-propriétaire et généraliste comme l'est Wikipédia qui doit demander de manière cyclique une contribution pour continuer à garder une raison d'existence.
Fédérer ce qui intéresse avec de l'info réelle est mis entre parenthèses par des infos très ou trop sélectives. Si les investissements dans les communications augmentent toujours, l'information réelle diminue au niveau contenu.
Quelques niches résistent encore ?
On été cité dans la conférence, la chaîne ARTE qui, dans un consortium franco-allemand, est considérée de qualité mais qui ne représente que 3% de l'ensemble des télés publiques.
Il y a 11 chaînes sur le territoire wallon.
Les télés locales plus proches du citoyen, comme Canal C, sont parfois plus visionnées que les chaînes publiques globales, mais ne sont pas plus à la fête.
Mardi au JT (11:38-14:20), on apprend que le financement et les mutations technologiques forcent celles-ci à demander l'aide du privé en dehors des 69% déjà octroyés par les subsides publics dans un flou artistique publicitaire.
Le même jour (16:35-20:00), on apprend qu'un particulier "Influenceur de réseaux sociaux" prend des photos de la nature, qui, envoyées sur Instagram, lui permettent d'être engagé par des clients qui financent ses déplacements et lui permettent de s'évader dans le monde.
La légèreté, sera-t-elle la meilleure option pour trouver une solution ?
- Le Soir contient trop de pages et devrait être scindé" dit quelqu'un dans l'assemblée en apportant de l'eau au moulin de la spécificité et du grain à moudre pour ceux qui essayent d'être généralistes en apportant une vision globale de l'information.
Est-ce que trop d'informations tue l'information ou est-ce un problème de ciblage ?
Ciblage qui est, aussi, un des points prioritaires de la publicité.
Les médias spécifiques avec une ligne éditoriale fixe résistent mieux que les médias généralistes.
Pour les médias audiovisuels traditionnels, l'audimat agit en maître absolu de la communication. Ce qui est, de suite, récupéré par les annonceurs publicitaires pour insérer leur pub dans les plages horaires adaptées pour apporter le plus d'impact à leurs clients et publicitaires.
Depuis les années 80, l'indépendance des journalistes est assurée sans étiquetage politique, donc ce n'est plus un argument valable actuellement pour expliquer la situation.
Que reste-t-il à faire dans le futur ?
- Apprendre la critique dès l'école qui, dit-on, s'adapte tout doucement à la nouvelle situation de la virtualité en réintroduisant la "fatigue" dans la recherche d'informations si les professeurs veulent s'en charger.
- Percevoir les redevances payées par le public, sans un intermédiaire institutionnalisé comme il se fait à la BBC.
Le nombre de chaînes s'est considérablement accru pour le téléspectateur en même temps que la concurrence entre les chaînes médiatiques pour attirer les publicitaires. Donc, les satisfaire est une question de vie ou de mort pour que les chaînes publiques puissent encore produire et payer leurs productions.
La Belgique a une situation très particulière parmi les grands producteurs d'informations.
Le côté francophone de la Belgique est approvisionné par toutes les chaînes étrangères, souvent françaises, qui ne manquent pas de capter 45% de l'intérêt des téléspectateurs.
Via le câble, les Belges connaissent, dès lors, bien mieux ce qui se passe dans la politique française que les Français de notre pays.
Si personne ne réagit, ce ne seront plus que des ordinateurs qui écriront les articles à l'aide de données chiffrées au départ et l'intelligence artificielle.
Pour contrer les mouvements ségrégationnistes, les contrats de gestions ont dû forcer les médias à concéder des émissions moins publicitaires et accepter des exceptions culturelles et logisticiennes tout comme les émissions pour non-entendant.
Mais c'est souvent contraintes et forcées sans réelle volonté de mission.
La chaîne privée RTL-TVI présentait toutes les astuces de la publicité pour faire passer les messages: stylistes, photoshoppeur. Et comble du comble, ce sont les consommateurs, eux-mêmes, qui s'en mêlent et promeuvent les produits en devenant publicitaires, eux-mêmes, sans le vouloir.
Comme conclusion, ce serait peut-être de dire que nous sommes encore loin de comprendre l'influence que pourrait avoir le savoir sur le pouvoir et que la pub n'est pas prête à concéder le moindre espace culturel s'il ne lui rapporte rien...
Pour changer cela, un effort initial est à donner par l'ouverture d'esprit et les habitudes aidant tout devient plus facile.
Cette semaine, Joëlle Milquet, chargée de l'Education et de la Culture disait d'un ton péremptoire : "La presse dépasse les limites. L’«infotainment», cette nouvelle forme journalistique qui mêle information et divertissement, a conduit à quelques incidents ces dernières semaines. On est dans une totale transformation de la presse, une conversation privée peut vous être volée et diffusée ensuite à la télévision. On n’a pas à accepter ça sous prétexte que nous faisons de la politique. Il y a des limites qui sont dépassées. Je pense qu’il faudrait une réflexion sur des nouvelles règles de déontologie journalistique. ».
Sans blague, si l'infotainment dérange le monde politique alors qu'il en profite, c'est plus fastoche qu'il n'y parait et on n'est pas sorti de l'auberge espagnole avec les "cours de rien". On crache dans la soupe, là ?
Alors si vous voulez un média non politisé, non publicitaire, je vous propose celui qu'Alex Vizorek nous a réalisé hier matin en nous parlant d'un inforoute futuriste :
Pour ne pas trop se faire manipuler, en attendant que l'on communique un peu plus de savoir de personne à personne, que faire sinon "cotiser" comme le font les Chevaliers du Fiel :
Puisque la moyenne d'âge des assistants à cette conférence de J.J. Jespers était assez élevée, un petit rap, bien rythmé, me parait une occasion d'apporter une autre version, plus jeune, plus musicale et souvent pro-Internet
Eriofne,
Articles annexés: "La séduction n'est qu'un jeu" (concernant la publicité), "Les zakouskis de la télé" (le statut de la télé), "Non, mais allô quoi, Fakebook?"
Citations :
- "Ne laissez pas la vérité remplacer une bonne histoire". "Don't be afraid to make a mistake, your readers might like it.", William Hearst
- “Les médias reflètent ce que disent les gens, les gens reflètent ce que disent les médias. Ne va-t-on jamais se lasser de cet abrutissant jeu de miroirs ?”
Amin Maalouf - “La culture est basée sur l'individu, les médias mènent vers l'uniformité ; la culture éclaire la complexité des choses, les médias les simplifient.”
Milan Kundera De Milan Kundera
28 janvier 2016 : Qualimat donne des points de fréquentation des magazines télés.
31 janvier 2016: L'émission Décodeur a choisi le même sujet et les mêmes questions : Où se trouve l'avenir de la télé ? Des chaînes cherchent à rajeunir leur audience en poussant des vedettes vers la sortie. Est-ce suffisant pour retrouver les faveurs d'un public qui se tourne vers Internet ? Et si le web était l'avenir de la télé ?
2 février 2016: Mea culpa des publicitaires qui remarquent que sur Internet les retours sur investissements n'arrivent plus, bloqués par des logiciels :
Commentaires
La presse écrite a probablement encore un avenir pour autant qu’elle évolue.
Il y aura toujours des gens intelligents qui auront du discernement et qui choisiront de s’informer auprès des sources spécialisées.
Les réseaux sociaux sont une véritable catastrophe et nivellent tout par le bas.
C’est la porte ouverte à n’importe qui et n’importe quoi.
Mais je pense que les conneries qui y circulent le font en vase clos .
Ça part d’un illuminé pour toucher ses amis illuminés et les amis des amis du même style.
Tant qu’on voudra que tout soit gratuit y compris l’information……..on va droit contre un mur.
Informer la population est difficile et complexe et doit rester dans les mains de gens compétents et pas dans la plume du 1er plouc !
J’espère que les jeunes auront un sens critique aigu car cela devient de + en + indispensable pour ne pas tomber dans la débilité.
Écrit par : Léopoldine | 23/01/2016
Personnellement, la presse écrite est ma source préférée.
Cela ne veut pas dire, je l'avoue, que je l'achète tous les jours, toutes les semaines...
Je ne le pourrais pas. Une info se partage, se diffuse, mais c'est ce putain d'argent qui pourrit tout.
Mais comme l'actualité me poursuit en permanence, je consulte cette source tous les jours en passant de l'un à l'autre à la recherche d'un flash qui m'orientera vers une inspiration miraculeuse.
Sur Fakebook, je suis inscrit mais seulement pour y constater les conneries de notre monde virtuel.
Et oui, une carte de presse, cela ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval.
C'est ce que je répondais à De Brigode tout au début de mon blog dans une "Concurrence bloguée" alors que j'aurais dû titrer "Concurrence buggée".
J'espère que c'est cela que ce billet a essayé de faire comprendre.
Écrit par : L'enfoiré | 24/01/2016
Dans le Vif Express de la semaine, Jean-Paul Philippot qui dirige la RTBF depusi quelques années, disait "Qaunµd on voit ce qui attend les médias, on ne peut pas être serein".
Il s'agit de comprendre le nouveau processus avec humilité et curiosité
Et parfois chercher à comprendre la finalité en plusieurs étapes.
Écrit par : L'enfoiré | 29/01/2016
Infotainment : une réalité mi-chair, mi-poisson
Par la grâce de quelques dauphins égarés dans le groupe des poissons, le grand public a pu se familiariser avec le mot infotainment. Ce nom, comme la réalité qu’il désigne, est un produit hybride. Formé au départ de information et entertainment “divertissement“, il désigne un type d’émission qui alterne information et séquences divertissantes.
C’est dans le domaine politique que l’ infotainment soulève le plus de questions, voire de réserves. Cette information divertissante n’allie-t-elle pas l’eau et le feu ? Ne fait-elle pas trop le jeu de «people» qui seraient plus à l’aise dans cet exercice que dans celui de leur mandat ?
Postscriptum 1
Certains médias sociaux ont fait leurs choux gras de l’erreur d’une ministre de l’enseignement ayant classé les dauphins dans le groupe des poissons lors d’un quiz en présence de jeunes élèves. C’est l’un de ces incidents récents auxquels renvoie Le Soir du 20 janvier dernier lorsqu’il titre : «L’évolution de l’information vers «l’infotainment» crée un stress dans le monde politique.»
La même ministre, commentant un autre incident (l’enregistrement d’une conversation «privée» lors de la présentation des vœux du CDH à la presse), n’a pas mâché ses mots : «Il y a des limites qui sont dépassées. Je pense qu’il faudrait une réflexion sur des nouvelles règles de déontologie journalistique.» Bien sûr, la captation d’une conversation privée n’est pas, à proprement parler, de l’ infotainment . Elle ne le devient que si elle est exploitée dans une émission qui posera alors la question : a-t-on affaire à une «vraie» information ou à une séquence «divertissante» ? À une divulgation ou à un moment ludique ?
Si la déontologie journalistique est à interroger sur ce point, cela nécessitera une clarification du statut des «informations» proposées par l’ infotainment . Mais cette question est-elle du ressort des seuls journalistes ? Ne s’adresse-t-elle pas tout autant aux pourvoyeurs de ces informations : les personnalités, politiques et autres, qui participent, parfois à l’insu de leur plein gré, à ce type d’émissions ?
Postscriptum 2
L’apparition du mot-valise infotainment remonte aux années 1980. Elle correspond à une évolution significative du paysage audiovisuel, avec des frontières de plus en plus poreuses entre l’information et le divertissement. Les campagnes électorales y ont trouvé une force de persuasion inédite, depuis celles du président Georges Bush Jr aux États-Unis jusqu’aux élections récentes au Canada. Sans parler d’émissions très populaires, tel le célèbre Daily Show , qui a eu pour invités récents des personnalités comme Barack Obama, Hillary Clinton, John McCain et bien d’autres.
Ce mouvement a rapidement gagné l’Europe, dont la France où ce concept a été très tôt exploité par des animateurs de télévision comme Jean-Luc Delarue. Il fait aujourd’hui le succès du Petit Journal sur Canal +, de l'émission On n'est pas couché sur France 2 ou de Bel RTL Matin . C’est une véritable lame de fond qui remet en question bien des pratiques en matière de communication médiatique.
Postscriptum 3
L’emprunt de infotainement à l’anglais – qui nous rappelle le poids des médias anglo-saxons – ne va pas sans poser divers problèmes d’intégration au français, dont celui de la prononciation de la séquence -nment, qui n’est présente aujourd’hui que dans self-government . Divers équivalents ont été proposés, dont information-divertissement (nom féminin), en abrégé infodivertissement (nom masculin), validé en mars 2006 par France Terme a adopté cette dénomination, mais lui associe actualité-spectacle (nom féminin), défini comme “information radio ou télévision, qui a pour objectif de renseigner tout en divertissant“.
http://www.lesoir.be/1113565/article/debats/chroniques/vous-avez-ces-mots/2016-02-05/infotainment-une-realite-mi-chair-mi-poisson
Écrit par : L'enfoiré | 06/02/2016
"Acte d’image, pouvoir des images"
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/acte-d-image-pouvoir-des-images-177426
Écrit par : L'enfoiré | 10/02/2016
Le boom de l’internet est révolu
Les croissances du nombre des utilisateurs de l’internet et du nombre d’utilisateurs de smartphones ralentissent de façon importante dans le monde, sauf en Inde. C’est ce que révèle Internet Trends, le rapport annuel de Mary Meerker, general partner chez Kleiner Perkins Caufield & Byers.
Lors de sa présentation à la conférence de technologie de Recode, en Californie, Mary Meeker a attribué ce ralentissement à la stagnation du PIB. La croissance globale du PIB, durant 6 des 8 dernières années, a été inférieure à la moyenne des 20 dernières années.
Les points-clés de ce rapport sont les suivants :
- Pour beaucoup de pays en voie de développement, internet reste inaccessible et inabordable.
- L’Inde est le seul pays où l’usage d’internet est en augmentation: 40%, contre 33% l’année précédente. Elle est n°2 du marché mondial, derrière la Chine.
- L’Asie Pacifique représente 52% des utilisateurs mondiaux de smartphones en 2015. Sa croissance est tombée de 35% en 2014, à 23% en 2015.
- L’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon représentaient 63% du PIB global en 1985. Leur contribution a chuté de 29%. La Chine et les pays asiatiques émergents représentent actuellement 63%.
- La publicité en ligne n’est toujours pas efficace.
Le nombre de naissances a diminué de 39% dans le monde, ce qui signifie que la démographie n’est pas favorable pour l’internet mondial. Cependant, l’espérance de vie augmenté de 36% depuis 1960, ce qui pourrait contrebalancer pour partie ce fait.
Certains secteurs ont cependant le vent en poupe: le shopping en ligne, les sports en direct, les messageries, la publicité et l’intelligence artificielle.
Source: https://fr.express.live/2016/06/03/le-boom-dinternet-est-revolu/
Écrit par : L'enfoiré | 08/06/2016
Internet peut-il continuer à croître sans limites ?
Le monde devrait se donner les moyens de limiter la croissance de l’Internet afin de maintenir sous contrôle la consommation d’énergie et de contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre, estiment des chercheurs en informatique de l’Université de Lancaster au Royaume-Uni.
Selon ces experts, la croissance continue de l’Internet des objets a le potentiel de générer une augmentation sans précédent et presque illimitée de la consommation d’énergie des technologies intelligentes.
L’utilisation d’Internet a considérablement augmenté ces dernières années, les personnes regardent davantage de programmes par streaming, utilisent régulièrement les réseaux sociaux ainsi que les wearables, explique Mike Hazas, professeur de science informatique à l’Université de Lancaster.
Selon Ofcom, le régulateur britannique des télécommunications, en 2011, une famille consommait mensuellement un volume de données de 17 Gb. L’année dernière, cette consommation était de 82 Gb. En outre, bien que le volume des données pour les appareils mobiles soit encore faible, sa croissance est très rapide.
Quotas
La hausse de l’utilisation de données conduit à une augmentation de la consommation d’énergie et ce, malgré les efforts déployés en ce qui concerne l’efficacité énergétique. Actuellement, on estime qu’Internet représenterait 5% de la consommation mondiale d’électricité. La croissance de la consommation d’énergie d’Internet serait de 7% par an alors que celle de la consommation totale d’énergie serait de 3%.
Selon certaines prévisions, les technologies de l’information pourraient représenter jusqu’á 20% de la consommation totale d’énergie d’ici 2030. Jusqu’à présent, il existe toujours un plafond en ce qui concerne la hausse des données sur Internet. L’activité en ligne est encore limitée par la taille de la population et le nombre d’heures pendant lesquelles les personnes peuvent accéder à la technologie en ligne, explique Hazas.
Cependant, les milliards de données de senseurs intégrés dans le mobilier urbain, des véhicules autonomes, des maisons intelligentes et de la production industrielle en ligne annulent ces contraintes potentielles à la croissance de la consommation énergétique de l’Internet.
Selon les chercheurs, certaines mesures pourraient être prises telles que l’application de quotas de volumes de données et de prix différents pour le trafic de données à forte intensité.
Source: https://fr.express.live/2016/08/16/internet-continuer-a-croitre-limites/
Écrit par : L'enfoiré | 17/08/2016
De la petite histoire du soir.be à la grande histoire d’internet
Avoir un site internet, c’est une évidence aujourd’hui. Cela n’allait pas de soi, il y a 20 ans, quand Le Soir a créé le sien. Aujourd’hui, il est au coeur de toute la stratégie éditoriale. Le Soir a eu la chance de compter en ses rangs des personnes qui, par conviction ou par hasard, ont pris le train de l’internet en marche très tôt. Notre journal sera dès lors le premier média belge francophone à proposer une offre de contenus numériques. Aujourd’hui, lesoir.be est le premier point de contact des lecteurs avec Le Soir. Notre site rassemble tous les jours en moyenne 300.000 visiteurs. C’est autant que le nombre d’internautes recensés en Belgique en 1996…
Reste que 20 ans plus tard, de nombreuses questions posées dès la première heure par l’arrivée de ce nouveau média restent pendantes. « Les modèles éditorial, industriel et économiques ont muté. Le rapport des médias à leur audience a complètement changé : de vertical, à la Citizen Kane, il est désormais davantage horizontal. Le journaliste vit une crise existentielle, car il doit trouver sa place dans un écosystème différent », résume Philippe Laloux, rédacteur en chef adjoint, en charge des développements numériques du Soir depuis 2007. Dans ce contexte mouvant, les éditeurs de presse tâtonnent. Payant, gratuit, les deux ? Les journalistes aussi : comment proposer un travail de qualité quand tout va tellement vite ? La rédaction du Soir se pose ces questions tous les jours, depuis 20 ans. Certaines pistes commencent à émerger. « Internet nous a confrontés à une vitesse de mouvement inédite. Il a fallu procéder par essais erreurs, corriger sans cesse », explique Philippe Laloux.
De l’usage interne à l’usage externe
Quand le projet du site web démarre, au début des années 90, il s’inscrit dans un projet plus large de numérisation des contenus produits par Rossel, l’éditeur du Soir. A usage interne (une base de données indexée permettant de trier et trouver des articles), puis externe (des CD-Rom à destination du public, notamment les bibliothèques). « A l’époque, internet, on en parlait. Mais c’était extrêmement lent et cher », se rappelle Philippe Nothomb, actuel conseiller juridique de Rossel, qui a mené le projet de numérisation à l’époque.
En 1993, la première ligne internet a été installée au Soir. C’est à cette époque que Philippe Nothomb consulte pour la première fois un site de presse en ligne, celui du Boston Globe. « Ils mettaient toute la production de leur journal en ligne. Je me dis, ça, il faut le faire ici. Il fallait mettre le pied dedans. L’idée était de prendre de l’avance. J’en parle à Robert Hurbain, le patron de l’époque. Il trouve le projet intéressant et me donne un budget de départ de 3 millions de FB. » L’aventure du soir.be peut commencer.
En septembre 1994, le chantier est lancé. Sur le plan journalistique, la question est double : que va-t-on mettre dessus ? Et qui va le faire ? Il faut tout inventer. Et créer une équipe de journalistes. « Big problem », se rappelle Philippe Nothomb. La rédaction n’accueille pas l’arrivée de cet objet médiatique non-identifié avec beaucoup d’enthousiasme. Le Soir, c’est, historiquement, un journal papier. C’est sur ce support qu’il a écrit ses lettres de noblesse. Alors l’internet…
Un journaliste est finalement détaché de la rédaction papier pour former le premier embryon de la rédaction web. « Au début, Le Soir en ligne, c’était une punition. On m’a envoyé au placard en me disant : «on cherche un journaliste pour faire un site internet» », se souvient Jean Rebuffat, qui pilotera l’équipe internet du Soir jusqu’en 2007.
Un service « au placard »
On ne parlait pas encore de start-up, à l’époque. Mais le placard y ressemblait furieusement. « On avait été localisés dans un local initialement dédié aux produits chimiques des photographes. Ce n’était pas très marrant comme endroit. On avait peint le carrelage pour rendre l’endroit un peu moins froid. On a physiquement ressenti l’ambiance de l’internet débutant. Et ce placard-là avait l’avantage qu’on y créait quelque chose, on inventait. On a très vite compris qu’il s’agissait d’un outil formidable : un condensé de tous les médias en un ! »
Très vite dans la phase préparatoire du lancement apparaît aussi que tenir un site d’actualités à jour demande un travail énorme. Un second journaliste monte à bord. « On parlait beaucoup des autoroutes de l’information. On ne savait pas ce que c’était concrètement, mais c’était dans l’air du temps. Des journalistes de la rédaction disaient qu’on allait mourir », se souvient Pascal Martin, chef du service Société du Soir aujourd’hui. Alors jeune metteur en page, il aspire à écrire. Il se porte donc candidat au poste qui a été ouvert. « Le rédacteur en chef de l’époque, Guy Duplat, m’a demandé : «tu veux vraiment aller faire ça ?» J’ai donc rejoint le placard, dont tout le monde ou presque à la rédaction papier ignorait l’existence. » Les galères techniques marquent aussi cette période : serveur qui plante, connection lentissime, mise à jour du site impossible…
C’est dans ce contexte un peu chaotique que, le 3 juillet 1996, Le Soir se jette officiellement dans le grand bain de l’internet. Une première pour un journal belge francophone. Le cahier des charges du binôme à la barre du petit navire est limpide : mettre en ligne les contenus du journal papier. « Il ne fallait pas concurrencer le papier avec «ce machin d’internet» », se souvient Pascal Martin. Un attentat est perpétré sur le site des Jeux olympiques d’Atlanta, le 27 juillet 1996, moins d’un mois après le lancement du soir.be. Il y a deux morts et plus de cent blessés. « C’était un samedi. Les radios et les télés en parlaient en boucle. S’il y avait encore eu une édition papier ce jour-là, l’événement aurait fait la Une à coup sûr. J’ai décidé de mettre à jour notre site avec ces infos. Je me suis fait engueuler ! », se souvient Jean Rebuffat. Pas question que la rédaction web intervienne sur le rédactionnel. « On disait que c’était de la faute du site si le journal perdait des lecteurs », remarque Jean Rebuffat. Il faudra des années pour que cette méfiance à l’égard du petit nouveau s’atténue. « Il y avait cette idée que si tu nourris le web, tu fais du mal au papier », se souvient Pascal Martin. Or, la diffusion du journal avait commencé à décliner bien avant l’arrivée du nouveau média. « Aujourd’hui encore, on n’est pas certain que cela va nous faire vivre, mais cela nous donne une chance en plus », estime-t-il.
Le web se démocratise
La fin des années 90 voit l’explosion des sites internet et des connexions dans les foyers belges. En l’an 2000, 3 millions de Belges disposent désormais d’un accès à internet. C’est dix fois plus que quatre ans plus tôt. Pionnier, le site du Soir devient une référence de l’information en ligne. L’audience monte en flèche. L’offre rédactionnelle s’étoffe à mesure que l’audience grimpe. Les attentats du 11 septembre 2001 installent définitivement l’information en ligne dans le paysage médiatique. « Comment suivre l’info en ligne ? La question s’est posée quasiment dès le premier jour !, analyse Jean Rebuffat. Mais ces attentats ont permis de cristalliser une série de choses qui étaient dans l’air : sur le web, l’info se suit en continu, y compris le week-end. Et cela demande des moyens humains importants, que l’on a dès lors obtenus. » La rédaction passe progressivement à huit journalistes et un webmaster. Mais reste une rédaction à part. « On naviguait de manière autonome ».
C’est l’époque du tout au gratuit sur le net. Le flux, de l’information disponible partout et tout le temps, distillée à jets continus. Le pari, à l’époque, est que la publicité en ligne rapportera suffisamment pour financer le nouveau média, qui pourra faire l’économie de mettre à contribution le portefeuille de ses lecteurs. C’est cette logique qui préside à tout le développement des supports numériques durant la première décennie du XXIe siècle.
Il s’agit d’un pari. Internet s’impose comme un média de masse. Une opportunité pour les groupes de presse, autant qu’un facteur de déstabilisation : le modèle économique reste à trouver. La « nouvelle économie » est pleine de promesses, mais les certitudes sont peu nombreuses. En clair, si l’audience des supports numériques dépasse en quelques années celle du journal papier, le premier peine à rapporter de l’argent tandis que le second, malgré une diffusion en érosion constante, assure toujours le plus gros des revenus. En 2005, lesoir.be intègre (à la marge) des contenus payants. Mais l’heure de la monétisation des contenus numériques n’est pas encore venue.
Les pièges du référencement
Avec l’arrivée de Google, au milieu des années 2000, les grands médias perdent la maîtrise de leurs canaux de diffusion. Ils deviennent « Google-dépendants ». « Entre 2005 et 2010, on a connu des années difficiles, avec l’arrivée de Google et la tyrannie du référencement. Pour que vos contenus soient visibles, tout le monde avait tendance à écrire pour Google, et plus pour les lecteurs. Cela alimentait une certaine ubiquité de l’information », reconnaît Philippe Laloux. Cette tendance à l’uniformisation des contenus s’accompagne d’un appauvrissement des revenus publicitaires sur lesquels les éditeurs misaient. Google, puis Facebook, croquent une grosse part du gâteau. Le modèle gratuit n’est plus viable. Il va falloir dessiner une autre stratégie.
L’équation est compliquée : le public s’est habitué à ne pas payer. Et il ne paiera pas pour ce qu’il trouve gratuitement ailleurs. Il va donc falloir se démarquer « par la qualité, et plus par la quantité », dixit Philippe Laloux. « Avec le web et les réseaux sociaux, le rôle des médias change. Ils perdent leur rôle d’alerte, le «faire savoir», et doivent se focaliser davantage sur le «faire comprendre», le décryptage », analyse-t-il.
Et les rédactions du site et du journal continuent à faire chambre à part, en s’ignorant ou presque. Philippe Laloux va être chargé de faire passer l’équipe web de la cave au salon. A partir de 2007, elle intègre progressivement la rédaction centrale. « Toutes les histoires du web ont commencé dans un garage », sourit-il. « Cette intégration de la rédaction web dans la rédaction papier a permis un bond en avant spectaculaire. Cela a permis à beaucoup de journalistes de la rédaction de prendre du plaisir à travailler pour le web. Les frontières se sont progressivement estompées, il y a eu une prise de conscience. »
Suivi de l’information en direct commenté, chats entre internautes et invités de la rédaction, vidéos, webdocumentaires, dont plusieurs primés : les nouveaux formats journalistiques se multiplient. « La vitesse pousse à des dérapages. Il y a eu des moments de doute, des excès de vitesse. Il faut être très humble vis-à-vis du direct, par exemple. Assumer qu’on n’est pas encore parvenu à recouper une info, le dire à nos lecteurs ».
L’arrivée des smartphones pousse aussi à réfléchir à la diffusion de l’information sur mobile, dont l’usage a explosé ces cinq dernières années. « En 20 ans, nous sommes passés d’un mode tayloriste de fabrication de l’information, avec de l’espace à remplir et un bouclage quotidien, à un suivi d’info en continu. Le défi n’est plus de savoir ce qu’on met dans le journal du lendemain, mais de déterminer quelles sont nos priorités, et comment on va les suivre sur l’ensemble de nos supports. Tout cela alors que les effectifs des rédactions n’ont pas doublé », explique Philippe Laloux.
En 2016, les entreprises de médias issues de la période pré-internet cherchent toujours la clé. Leur modèle industriel a été bouleversé. Les journalistes aussi ont vu leurs pratiques questionnées. Comment suivre le rythme tout en maintenant l’exigence de qualité ? Quel est encore le rôle social du journaliste dans cet environnement où l’information, vraie ou fausse, peut être diffusée massivement par n’importe qui ? En 20 ans, ces questions sont loin d’avoir trouvé des réponses définitives.
Le gratuit et le payant
Aujourd’hui, le modèle économique et rédactionnel est hybride. Nom de code « Freemium » (Free + Premium). Il allie la gratuité du soir.be, où l’on retrouve l’info factuelle, très orientée mobile, répondant à la question « qu’est-ce qui se passe maintenant » à un espace abonnés destiné à monétiser les contenus de la rédaction sur les supports numériques.
C’est Le Soir +. « Ironie de l’histoire, on revient en quelque sorte au modèle traditionnel de la presse, avec des contenus plus sélectifs, qui ont une durée de vie plus longue », remarque Philippe Laloux. Car, dit-il, si l’arrivée d’internet a laissé penser qu’il y avait une crise de la demande d’information, il n’en est rien, au contraire : « On n’a jamais autant lu. Mais il y a une crise de l’offre. Le papier doit se différencier du web, pas l’inverse. Et nous devons nous différencier des réseaux sociaux, pour garder la place de vrais médias fiables, où l’on retrouve l’information vérifiée. » Un travail plus exigeant que par le passé, reconnaît-il : « Il doit être mené tout le temps et toujours plus vite. » Et le journal papier, dans ce contexte, a-t-il un avenir ? « Tant qu’il aura des lecteurs, oui. Pour l’heure, il subsidie toujours le web. »
Les espoirs de relève sont placés dans cette offre numérique qualitative. Lancé au printemps 2015, Le Soir + a connu un démarrage prometteur, avec près de 25.000 lecteurs quotidiens. Un « relais de croissance » qui doit, espère-t-on, écrire une nouvelle page de la longue histoire du Soir.
Eric Scherer: «Le citoyen est plutôt mieux informé qu’avant»
Le citoyen est le grand gagnant de la révolution numérique, estime Eric Scherer. Les médias, eux, peinent à trouver un modèle économique viable.
Pour Eric Scherer, le numérique nous a fait passer de la rareté de l’offre de services à l’abondance. Y compris pour ce qui concerne l’information. © Bruno D’Alimonte.
Pour Eric Scherer, le modèle économique des médias sur les supports numériques reste très incertain. D’une part, dans ce nouvel environnement, il est « de plus en plus difficile de forcer les gens à se farcir des publicités », mais en plus, la gratuité des contenus s’est imposée et il sera difficile d’inverser la tendance.
A-t-on encore besoin des journalistes?
L’arrivée du numérique a bouleversé de nombreux secteurs de l’économie, de la vie culturelle et sociale. L’information n’y a pas échappé. Quels sont les changements majeurs qui sont intervenus ces 20 dernières années ?
J’en vois trois. Un : l’hyper-offre. Il y a profusion de nouvelles offres facilement accessibles. Alors qu’avant on était dans un monde de la rareté, on est aujourd’hui dans un monde de l’abondance. C’est valable pour l’information, le divertissement, la culture, les hôtels, les taxis, etc. Cela pose des problèmes : dès lors qu’énormément de choses sont disponibles, cela change les équations économiques, c’est très déflationniste pour les tenants du titre. Deux : dans tous les secteurs, le numérique donne le pouvoir au consommateur, à l’utilisateur. Il a pris le pouvoir et s’en sert. Il prend le contrôle de son expérience d’information, de divertissement, culturelle. Trois : dans cette révolution numérique, la concurrence ne vient pas ses pairs, de La Libre pour Le Soir, mais de l’extérieur de son propre écosystème. Elle vient d’entreprises beaucoup plus agiles, petites, très rapides, qui viennent essayer de vous anéantir. C’est très disrupteur.
Notamment ce qu’on appelle les « Gafa » (pour Google, Apple, Facebook, Amazon) ?
Pas seulement. Les Gafa sont aujourd’hui des géants mais ça n’a pas toujours été le cas. Cela peut venir de personnes qui aujourd’hui travaillent dans un garage et qui vont trouver une manière de disrupter ceux qui ont des positions acquises et les faire basculer parce qu’elles proposent des solutions qui emportent l’adhésion de l’utilisateur par la facilité d’accès, l’ergonomie, la qualité du service rendu, des caractéristiques qui surprennent. Par exemple, AirBNB n’est propriétaire d’aucun hôtel, Uber ne possède presque aucune voiture. C’est très déstabilisant pour les chaînes hôtelières ou les compagnies de taxis classiques.
Le journalisme est concerné dans sa pratique par cette disruption. A quoi ressemblera le journaliste de demain ? S’agit-il du même journaliste qu’hier, que l’on a doté d’un smartphone, ou le métier a-t-il profondément changé avec l’arrivée du numérique ?
Je ne définirais pas le journaliste par son outil, qu’il soit numérique ou en papier. Il est défini par sa mission, qui est de comprendre le monde puis de l’expliquer, et aussi de dévoiler des choses que d’autres veulent cacher. Mais il semble évident que l’avenir du journal papier est plutôt sans espoir désormais. Ceux qui ne veulent faire que du papier sont de plus en plus rares. Les usages du public évoluent. En même temps, la transition sur le numérique ne s’accompagne pas d’une mutation des modèles économiques satisfaisante, notamment dans l’information. On a un double effet : la publicité sur internet rapporte beaucoup moins et est assez mal perçue et en même temps les gens ne veulent pas payer pour de l’information en ligne. C’est un vrai souci que personne n’a résolu, ni aux Etats-Unis, ni en Europe ni ailleurs.
On a longtemps cru que la publicité permettrait de financer une offre d’information gratuite. Ce modèle est mort ?
La publicité n’est pas un vecteur d’avenir majeur. Cela va devenir de plus en plus difficile de faire payer les gens avec leur attention, de les forcer à se farcir des publicités. Les nouvelles générations le refusent, alors que les précédentes l’acceptaient en mode gavage à la télé. 30 à 40 % des internautes ont installé un bloqueur de pub sur leur navigateur internet. Le contrat tacite passé entre le média et l’utilisateur qui accepte la pub pour le consulter gratuitement est en train de voler en éclats. C’est un vrai souci.
D’où la transition vers des modèles hybrides, avec des parties payantes sur les sites d’infos. Viable ?
C’est difficile d’en vivre pour l’instant si l’on ne se situe pas dans une niche à forte valeur ajoutée.
La transition numérique suscite aussi des résistances au changement dans les rédactions. Vous êtes chargé « d’évangéliser » les rédactions de France Télévisions. Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Il s’agit surtout de problèmes générationnels, de culture d’entreprise, de personnel qui à tort ou à raison a l’impression qu’il ne sera pas à la hauteur des enjeux numériques, tandis que leurs enfants le sont. Ce sont en réalité des problèmes très classiques liés au changement. Il faut que les dirigeants aient la volonté de pousser dans le bon sens, sinon cela ne se passe pas bien.
Pour tenter de survivre dans cet écosystème d’abondance de l’offre, il est nécessaire de proposer des contenus qui se différencient de ce qu’on trouve ailleurs. Cela nécessite des moyens rédactionnels importants. Or, vous l’avez dit, le numérique ne rapporte pas assez. Quadrature du cercle ?
Il est nécessaire de faire des choix, des impasses. Il n’est pas nécessaire d’être exhaustif et de répéter ce que les autres médias ont déjà dit. Etre différenciant, c’est ne pas nécessairement avoir les mêmes infos que les autres. A partir du moment où vous proposez des infos à forte valeur ajoutée dans le décryptage, la compréhension d’un monde de plus en plus complexe et difficile à cerner dans son évolution, vous pouvez marquer des points et bâtir une audience. En revanche, si vous vous contentez de bâtonner des dépêches et de remplir votre journal ou votre site avec les mêmes contenus que vos concurrents, il y a du souci à se faire.
La profusion d’informations, dans un monde où tout un chacun est désormais potentiellement producteur et diffuseur d’infos par la voie des nouveaux médias, pose la question de la validité des sources.
L’un des attributs majeurs d’un journaliste professionnel est effectivement sa capacité à trier et à vérifier une information. Cette vérification fait partie des atouts difficilement copiables de la profession.
La nécessaire vitesse de réaction induite par ces nouveaux médias rend cette tâche d’autant plus délicate…
Il est vain d’essayer de gagner la course à la « breaking news ». En revanche, être capable de donner du sens et de l’intelligence rapidement – j’insiste, rapidement – à une information, ce n’est pas donné à tout le monde. Une nouvelle brute tombe, tout le monde l’a. C’est la vitesse pour lui donner du sens qui fait la différence.
Autre bouleversement pour les journalistes, l’interactivité avec les lecteurs, via les réseaux sociaux, les commentaires sous les articles. Comment gérer cette masse de sollicitations, parfois très rudes, émanant de ce contact direct ?
Ce qui est bien, c’est qu’il y a une conversation. La position de surplomb du journaliste a du plomb dans l’aile. La position « je parle, vous écoutez » n’est plus tenable et c’est bien. Si un commentaire apporte une explication, une information que le journaliste n’a pas, il faut saisir l’opportunité. Ou alors, il organise la discussion sous forme d’un débat, la guide, une sorte de conférence. Mais dès le moment où les commentaires aux articles n’apportent rien, il faut passer outre. Soit on les ferme, soit on les ignore. Ce n’est pas aux journalistes de perdre du temps avec les commentaires inutiles, qui n’enrichissent pas l’information.
Le paysage médiatique de demain, c’est une compétition de tous contre tous, sans frontières ?
C’est compliqué. On est effectivement désormais un peu tous contre tous. Google et Facebook ne sont pas des médias d’informations, du moins pour l’instant. Facebook est devenu un kiosque. Aux médias d’y être de manière sérieuse et puissante, sans pour autant être naïfs. L’alliance avec Facebook, comme celle avec Google il y a quelques années, est bonne et mauvaise à la fois.
Pourquoi ?
Elle est bien, parce qu’elle permet d’atteindre des audiences que l’on n’atteindrait pas sans Facebook. Elle est mauvaise, parce qu’elle nous coupe de ces mêmes audiences, puisque c’est Facebook qui a le contact direct avec elles, qui choisit les informations qui sont distribuées sur les murs de ses utilisateurs, ce qui est un comble. Pour l’instant, il faut coopérer avec précaution, ce qu’on appelle en bon franglais être un « frienemy », « friend and ennemy ».
Pour résumer, 20 ans après le lancement des premiers sites internet d’information de masse, quel état des lieux dressez-vous ?
Un média généraliste de masse aura de plus en plus de mal face à des médias qui permettent de personnaliser de plus en plus l’information et des services qu’ils rendent. Mais du point de vue du lecteur et du citoyen, on est plutôt mieux informé qu’avant et c’est une bonne chose.
http://plus.lesoir.be/66332/article/2016-10-29/20-ans-du-soirbe-comment-internet-change-notre-quotidien#_ga=1.252035657.1382736029.1477818877
Écrit par : L'enfoiré | 30/10/2016