L'humour est un sujet trop sérieux pour le plier (13/05/2017)

0.jpgCette semaine, j'écoutais dans ma voiture Florence Pire alias Daisy Croquette, interrogée au sujet de sa profession "humoriste au travail" consistant à redonner le rire dans les entreprises. 

"Ce qui m'intéresse, c'est l'entreprise souriante... L'humour au travail, c'est sérieux?"

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L'article en parlait en ces termes: "Vous êtes soucieux du bien-être au travail, de l’enrichissement des relations professionnelles et de la performance de votre entreprise ?

Et si l’humour était l'une des réponses ? 

Tendances Première en parle avec la sociologue, coach en impro-relationnelle et clown Florence Pire, de l’ASBL Ex-pression.

En tant qu'improvisatrice, Florence Pire donne des workshops axés sur l'impro, pour développer les compétences relationnelles et intelligences collectives dans les équipes. En tant que 'clown sociologue', elle intervient dans des événements sérieux pour décaler, recadrer et amener un autre regard sur ce qui se dit. 

Ce qui l'intéresse, c'est d'amener du sens, de la réflexion, de donner un autre regard sur la société, les réalités, les problématiques, les dits et les non-dits... Elle amène l'humour là où on ne l'attend pas nécessairement : "La surprise va amener un autre regard".

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Dans une entreprise, l'humour va agir à 3 niveaux:

1. sur le bien-être, par le rire et la détente qu'il procure

2. au niveau inter-personnnel, en créant du lien

3. sur la performance de l'organisation, grâce à ces interactions positives.

L'humour va aider à aborder les choses d'une autre manière, à prendre une distance pour voir où on en est vraiment. "Cela demande de l'autodérision, de pouvoir reconnaître ses propres faiblesses et en rigoler, tout le monde n'est pas prêt à ça. Mais c'est quelque chose qui peut s'apprendre, par l'ouverture d'esprit, la souplesse, l'adaptabilité." 

L'humour peut aider à mettre des mots sur ses émotions conscientes ou parfois inconscientes.

Des petites choses peuvent être appliquées : ça peut être mettre une petite note de légèreté, comme apporter un petit objet-symbole, mettre un clin d’œil dans un Powerpoint, demander à chacun comment il se sent.

Bref développer un autre état d'esprit pour sortir de l'émotionnel, prendre une autre place pour se voir autrement".

Sa définition est très simple: "une forme d'esprit qui s'attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité".

Le podcast de son interview de mardi sur l'humour au travail: podcastpodcastet la vidéo de ses prouesses en prime. 

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L'humour en général et en particulier. 

Bon, je ne suis plus au travail depuis dix ans mais qu'importe, apprécier l'humour ne naît pas au travail et se poursuit toujours sous une forme ou une autre en fonction du caractère après lui.

Si je ne suis pas réellement un humoriste, j'ai toujours été bon public de l'humour et mes billets ont presque tous une ajoute humoristique qui accompagne des sujets trop sérieux.

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Peut-on rire de tout? 

0.jpgPhilippe Geluck alias Le Chat en a écrit un livre sur le sujet.

- Peut-on rire du physique des gens, du malheur des autres, des pauvres, des riches, des vieux, des jeunes, des arabes, des juifs, des politiques, des autres, de soi-même, du Pape, de Dieu… ?

Après quatre ans d'absence, il revient au quotidien dès aujourd'hui. Plus mordant que jamais, l’artiste du bon mot grandit, change de format et publie ses pensées sur papier dans la page de la Petite Gazette, sur tablette et smartphone

- Bien sûr, mais..., même ces sujets n'ont pas le même résultat avec tout le monde et même dans tous les temps.

0.jpgLe rire apporte les dérives du sérieux par des situations non prévisibles et permettent les éclats de rires.

Il est une manière de minimiser, voire d'éliminer, les soucis en les plaçant entre parenthèses

Tous les rires ne fonctionnent pas et ils ont pour but de n'épargner personne.

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Qu'est-ce qui fait rire?

Certainement, le naturel du comique de situation en premier.

Dans le vieux billet "Rions un bon coup", il y a une anecdote à ressortir:

En cherchant avec un collègue la tasse de café rituelle à la machine, survint un de nos nouveaux dirigeants pris de la même envie. Il s'empressa de prendre un gobelet en plastique, mais celui-ci avait résolument décidé de ne pas rester à la disposition du premier venu. Ratage, après ratage, aucun geste de récupération de notre illustre hôte n'arriva à ses fins.

Ma réflexion enjouée fut : "Et, là, on n'est pas au cirque, ici !".

Il me gratifia d'un sourire préoccupé et réussit enfin à la deuxième tentative à épancher sa soif.

0.jpgAu retour, mon collègue, assez étonné, me demanda si je savais à qui j'avais eu à faire.

Ma réponse fut simple et courte : "Oui, bien sûr. Pourquoi? Il y a un problème?".

Et dire qu'il y a des gens qui croient qu'on s'amuse au bureau! S'ils savaient !" 

Se mettre en condition artificiellement ou au forcing comme le fait cette dame experte de métier est une initiation mais devra être mis en chantier dans des périodes de stress pour constater si cela y tient la route.

Blagues ratées, chute, feuilles qui s'envolent à la suite de la poisse de François Hollande pendant cinq ans font rire les uns et râler les autres.

C'est presque étudié pour...

Je me suis mis à interroger autour de moi sur ce qui subsistait comme rires parmi ceux qui travaillent encore.

Une réponse me vint: 

- L'humour est un sujet très sérieux dont il ne faut pas rire. Dans toutes les organisations que j'ai connues, il y a des bouts-en-train, des amuseurs publics, des clowns, ... mais ce ne sont pas eux qui prennent les décisions. Ils aident à les faire passer. J'ai connu un général manager qui faisait rire et dont les décisions passaient l'air de rien. L'humour demande des contacts. Virtuel, il tombe souvent à plat. Sur Facebook, des commentaires devraient faire (sou)rire et blessent sans le savoir.

- L'humour est toujours appelé à provoquer quelqu'un ou dénigré quelque chose. Humoristes, caricaturistes ont un même combat dans ce sens.

D'ailleurs, ces derniers changent de cible dès qu'un changement politique se produit comme le faisait remarquer Charline Vanhoenacker.

Lors des interviews des hommes politiques, cette humoriste belge s'est vu opposé une fin de non-recevoir par François Fillon toujours très sérieux:

... pour arriver à la version Macron plus souriante:


 

Arrivé au stade de l'autodérision, la cible ne risque plus grand chose, mais c'est probablement très dure de faire ce pas de travers quand en politique tous les vrais coups de buttoirs sont permis.  

La psychologie est un de mes dadas et souvent le magazine "Psychologies" me permet de faire ressortir quelques idées parallèles à des sujets très sérieux.

Aujourd'hui, je suis sur Internet où les contacts vont et viennent en fonction des sujets.

Souvent, les suites se poursuivent par emails et cela peut barder avec du sang froid.

Une conversation plutôt "verte" mais pas écolo, sur un sujet hautement stratégique de la politique que j'en ai témoigné dans le billet "Le printemps pour passer de l'avant et changer l'après", billet que je termine par le rappel de 40 caricatures de Kroll qui ont traversées le temps.

Dans l'ombre de la virtualité, dessiner un portrait robot d'un interlocuteur ne permet pas d'aller très loin dans le détail de l'analyse.

Pas de son, pas d'images... seulement du texte.

Alors, quelques écarts par un humour parfois provocants sont nécessaires pour éprouver la résistance et la susceptibilité d'un interlocuteur.

0.jpgEn fait, c'est pour chercher à savoir comment s'installer dans un magasin de porcelaines en "crash test".

Parfois, la connexion fonctionne et le dialogue continue.

Un parti-pris contraire se présente et le ton change pour se terminer en clash.

"Il n'est pas question de caricaturer mais d'évaluer les points communs et les dissonances parfois bien plus enrichissantes pour chacun", est-il dit

Le respect de l'autre est alors primordial.

Comme il y a plusieurs humours, il y a aussi plusieurs troubles de la personnalité qui viennent troubler toutes les relations humaines.

Sept ans depuis la parution de "Connais l'homme pour mieux te connaître".

0.jpgPour être entendu, il faut d'abord écouter ce qui se dit pour comprendre ses différences d'approches et les origines de celles-ci.

La description d'un interlocuteur est utile mais insuffisante.

Dans la virtualité, pas question de voir sa tête et de la colère qu'il peut ressentir.

Ce n'est pas rien que lors du dernier débat, était montré les deux protagonistes en simultané. 

Le livre "La sagesse de nos colères" de Marc Pistorio explique comment on arrive "de la colère qui détruit à la colère qui construit", là où les idées se rejoignent dans une situation qui bénéficie aux interlocuteurs.0.jpg

Préambule: "Ce livre apporte une réflexion sur les colères conscientes et inconscientes qui poussent à faire de mauvais choix, que ce soit dans le domaine amoureux, personnel ou professionnel. Les conséquences néfastes des colères peuvent détruire (dépendances, état suicidaire, automutilation) ou détruire l'entourage (violences conjugales, harcèlement psychologique ) des colériques".

Nos colères sont nécessaires pour se construire un moi.

Les attentions positives du départ d'une relation n'apportent aucune assurance sur les suites si des dissonances deviennent négatives.

L'intimité apparente, le "je" ne devient pas "nous".

En finir avec la colère serait le plus souvent de détourner le passé, de verbaliser son émotion, d'utiliser l'effet miroir, de faire une pause et de faire appel aux TCC, "Thérapies Comportementales et Cognitives"...

Le film "Nos femmes", passé récemment à la télé, est très représentatif de ce que peut ou ne peut pas résoudre l'amitié.

"Un trio de vieux amis a décidé de se réunir chez l’un deux (Max). Simon arrive en retard et paraît tout catastrophé, il dit avoir étranglé, sous l’emprise de la colère, sa femme Estelle. Il demande à ses amis de lui servir d’alibi. Max et Paul sont plutôt réticents, dilemme entre justice et amitié…".

C'est dans une période de stress, que les fausses empathies de l'habitude se transforme en pugilats et que les différences ressortent dans l'impulsivité.

Manque de franchise au sujet de vérités trop longtemps maintenues sous le couvercle d'un côté et c'est l'autre rive qui explose chez le sanguin, Paul. 

 

... et le calme de l'intello de service, Max, n'y change rien

Dans ces conditions, l'humour salutaire doit intervenir pour apaiser une dispute sanguine.

0.jpgUne explication clarifie et rectifie la situation par une autre vision d'une même situation.

On s’aperçoit tout à coup qu'on s'est trompé d'histoire d'amour, que la description que l'on se faisait de l'autre n'était que théorique et cachait des attitudes moins équivoques. 

Si aucune correctif n'est appliqué, c'est la surenchère dans une inflation d'ironies en flip-flop avec la solution win-win du compromis qui s'éloigne de plus en plus.

1.jpgLes cartes ne sont plus sur table et l'incohérence dogmatique arrive à s'y inviter.

Sortir de la position défensive passe par la tolérance sans insérer de critiques sous forme de sarcasmes.

La subtilité et la relativité par des analogies humoristiques sont alors une solution.

Attendre la réouverture du contact lors d'une autre tentative devient même aléatoire.

Il vaut mieux reformuler les mots et les phrases que de changer de sujet.

Pointer ce qui est acceptable pour les deux comme accusé de réception.

0.jpgDétecter le point de rupture et améliorer le style de ce qui reste fait partie d'une opportunité à tenter vu son plus grand intérêt pour chacun.

La situation de conflit se résorbe sans flatteries et sans insultes gratuites, sinon cela deviendrait une manipulation.

Comme les particularismes se retrouvent à tous les étages de la compréhension, en se frayant un chemin au risque de danser au milieu d'un champ de mines.

Un comportement alternatif démontre l'intelligence et la sagesse en "mindfulness" et en pleine conscience de soi.

Ne rien imposer est une autre manière parce que le naturel revient toujours au galop.

L'humour peut intervenir sans agressivité débordante, déclarée ou masquée dans une première phase, tout comme la colère dans un nouveau cycle des émotions du jeunisme à nier la différence rencontrée entre deux générations.

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L'âge, l'expérience des interlocuteurs interviennent pour déterminer si un contact peut s'effectuer plus facilement qu'un autre.

Dans un combat entre anciens et modernes, Laurence Bibot mettait cela en pratique avec cette question humoristique : "est-ce que c'est à force de travailler comme chauffeur de taxi qu'on devient réactionnaire ou faut-il être déjà réactionnaire avant de devenir chauffeur de taxi podcast?"...

La question n'est pas anodine et ne manque pas d'intérêt.

0.jpgSi l'enfer est pavé de si bonnes intentions (la preuve: podcast), c'est que le paradis doit plafonner quelque part avec de très mauvaises résolutions.

Un conseil: Ne cherchez pas à apporter de l'humour à celui qui n'en a pas la moindre fibre au départ et n'aidez pas quelqu'un qui ne vous le demande pas en samaritain d'occasion.

C'est mal vu.

C'est pour cela que si un jour, Messieurs, vous avez vos lattes rouges d'une colère néfaste pour la santé, faites comme vos compagnes qui ont leurs règles, attendez que cela passe... jusqu'à la méno-andro-pause.

L'humour est un exutoire, une sorte d'huile à graisser qu'il faut vidanger quand il y a des grippements dans le moteur et que ce dernier n'est pas trop vieux pour redémarrer.

"Rien, ni soi, ni personne, jamais, ne devrait nous inciter au sacrifice de l'espoir", conclut Marc Pistorio dans son livre.  


Eriofne, 

 

Citation:

Mise à jour 27 novembre 2017: Spéciale Coluche: interview de son fils, Romain Coluccipodcastpodcast

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