Une Grand-Place comme un théâtre baroque (02/07/2013)

0.jpgPour débuter nos promenades de vacances, pourquoi ne pas commencer par la Grand-Place de Bruxelles ? Que dire à son sujet qui n'a pas encore été dit ? Son histoire voit loin et vaut d'être approfondie pour en comprendre son déroulement. Ce 2 et 4 juillet, c'est la parade de l'Ommegang, une occasion de plus. 

"La Grand-Place, le plus beau théâtre du monde", comme disait Cocteau.

Moi, qui la connaît depuis toujours, je ne sais pourquoi la Grand-Place m'attire encore.

Est-ce l'ambiance, l'envie de m'apercevoir que les touristes y viennent de partout avec une certaine fierté ? L'ambiance bon-enfant qu'on y trouve avec les jeunes étudiants qui y viennent chanter pour se faire entendre ?

C'est chez moi, ma place, quoi... Et plus je la regarde, plus j'ai envie de la regarder...

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La place, un rectangle parfait de 110 mètres de long sur 68 mètres de large, bordée de 31 maisons corporatives.  

En permanence, des guides se font suivre le bras levé avec le parapluie ou ce qu'il en reste, mais surmonté d'un signe distinctif.

Dernièrement, des touristes chinois m'avaient intéressé par leurs mimiques, leur besoin d'apprendre un passé qu'ils ignoraient par leur guide.

Guide, je l'ai été moi-même, l'espace d'une matinée avec une famille de Suisses. Je me rappelle encore, j'avais dû me documenter, entre autres, au sujet de la Grand Place. 

Ce 22 juillet, je me trouvais sur la place, un Ivoirien, émerveillé, m'avait adressé la parole pour me questionner. C'était la première fois qu'il venait à Bruxelles.

Est-ce le Palais Royal ? Me demanda-t-il en pointant du doigt, la Maison du Roi. Comme j'avais préparé ce billet, je lui ai donné toutes les informations encore fraîches en mémoire. J'avais rendu apparemment, cet Ivoirien, heureux d'être là.

Un jour, au même endroit, de jeunes étudiantes m'avaient demandé si je savais s'il y avait des symboles maçonniques sur les façades de la Grand-Place. Ma réponse fut "oui", sans chercher à les désigner. Avoir eu un premier roi, Léopold Ier, qui était franc-maçon, cela ne pouvait pas être une surprise. 

On dénombre sept entrées pour se rendre sur la place. La rue au Beurre et la rue de la Colline sont les principales rues qui déversent leurs flots incessants de touristes.

La Grand-Place a vu accueillir, avec chaleur, tous les grands de l'histoire comme visiteurs par la population bruxelloise dans un intérêt partagé.

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Histoire

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Au départ de l'histoire, une éminence sablonneuse, un ancien banc de sable au milieu de marécages, entre deux ruisseaux, le Spiegelbeek et le Smaelbeek. Rien qui puisse prédisposer le terrain à devenir une capitale.

Mais qu'est-ce qui a pu attirer des marchands pour y tenir un marché vers 979, date qu'on attribue à la naissance de Bruxelles ?

Charles de France, duc de Basse Lotharingie, qui vient se reposer en son château de l'île Saint-Géry de Bruocsella et qu'il a fait fortifier comme un nouveau castrum.

Il ne se doute pas qu'il vient de fonder une future capitale.

Les ducs de Brabant en font une étape marchande sur la route entre la Germanie et l'Angleterre. 

Dès le XIIème siècle, des échevins constituant la classe riche qui détenait le pouvoir législatif, font naître l'essor commercial et s'installent dans les rares maisons en pierres avec une tour d'Horloge à l'emplacement de l'Hôtel de ville.

En 1390, les gens du peuple se groupent en corporations dans des boutiques en bois.

Au XIème siècle, la place prend le nom de Nedermarkt (le "marché bas") en recevant les premières pierres sur un espace assez irrégulier, bordé de cabarets et de maisons particulières et protégée par un donjon carré, considéré comme une tour ducale avant de devenir un beffroi comme halle de boulangers et de bouchers. Un rappel de cette histoire par le nom de la rue Chair-et-Pain.   

Les premières rues ne deviennent pavées qu'au XIVème. 

En 1401, s'ouvre la première chambre rhétorique, la "Den Boek" (le Livre) qui a pour devise "Om beters wille" (pour vouloir mieux). Le but s'exercer à la déclamation, de cultiver la poésie et de mettre en scène "mistères", "esbattements" et autres facéties.

En 1421, l'activité bruxelloise est intense et très différente des campagnes.

Les métiers sont spécialisés. 49 corporations sont regroupées en 9 Nations avec chacune un Saint patron.

Les draps et les tapisseries deviennent les emblèmes de Bruxelles par leur finesse. 

Le 8 octobre 1430, Philippe le Bon fait sa "joyeuse entrée" à Bruxelles s'installe au Palais du Coudenberg.
Bruxelles devient la capitale des Etats bourguignons.
Les États du Brabant lui jurent fidélité en échange de concessions sur leurs privilèges et jurent de ne jamais engager de guerre contre la principauté de Liège ou contre l'Angleterre.
Aux dépens de Louvain, Bruxelles devient capitale du duché de Brabant, grâce à la qualité de son drap dont les cours de Navarre, de France et d'Aragon raffolent.
Les ducs de Bourgogne s'installent avec un noyau francophone qui investit la bourgeoisie commerçante qui fait sourire les Flamands avec "le pouvoir parler français". Charles le Téméraire jette son dévolu sur Malines. Marie de Bourgogne signe la charte du Grand Privilège en 1477.

0.jpgLe 5 janvier 1515, Charles Quint, presque âgé de 15 ans, est intronisé prince des Pays-Bas devant les états généraux réunis à Bruxelles. 

Né à Gand, il parle le flamand. 

La Grand-Place est prête pour l'accueillir et l'honorer une première fois comme "prince naturel".  

Dès 1530, Bruxelles devient une première fois, capitale de l'Europe puisque les institutions du "Conseil d'Etat" (conseil pour le politique), du Conseil privé (le législatif) et du Conseil des finances (la fiscalité et les monnaies) y sont transférées, tandis que le "Grand Conseil" (justice) reste à Malines. 

Le 2 juillet 1549, c'est sa Joyeuse entrée dans la ville.

Elle sera fêtée tous les ans lors de la fête de l'Ommegang.

Bruxelles devient, ainsi, le centre politique et administratif de son empire "où le soleil ne se couche jamais" comme "une capitale européenne agréable à voir et à habiter". La noblesse obtient des postes clés. Ultra-catholique, la cité ouvre ses portes aux exilés de l'histoire.

Côté plus noir, Charles Quint crée l'Inquisition d'Etat et la terreur religieuse règne. Deux augustins réformés, Henri Voes et Jean Van Essen, sont brûlés vifs.  

Quand, en son Palais de Coudenberg, il abdique, le 25 octobre 1555, son fils, Philippe II, perçu comme un étranger espagnol, prend le pouvoir et fait gronder la révolte des gueux contre la domination espagnole.

Le 5 juin 1568, envoyé par lui à Bruxelles, le duc d'Albe, tyran sanguinaire ou obéissance aveugle à Philippe II, fait décapiter les Comtes d'Hegmont et de Hornes, fidèles au roi d'Espagne, mais qui sont soupçonnés d'hérésie et de crime d'Etat.

0.jpgLe XVIIème siècle se caractérisent en confortant l'indépendance des Provinces-Unies avec à sa tête, l'archiduc Albert d'Autriche et l'infante Isabelle d'Espagne.

Une période de prospérité commence. Elle n'empêche pas les tribunaux d'exceptions pour hérésie et sodomie. Le médecin Van Helmont, du sculpteur Jerôme Duquesnoy, du philosophe René Descartes en font les frais...

En 1648, la Paix de Westphalie est signée.

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En 1667, le États bruxellois votent la levée du gigot, l'impôt sur la bière. 

Fait cocasse, si ce n'était la même révolte que les bourgeois reprendront vingt ans plus tard. 

La même année, les troupes du marquis de Castel Rodrio, gouverneur de Bruxelles sont impuissantes face à la déferlante française.

Pour contrer l'invasion, les Provinces-Unies, l'Angleterre et la Suède s'allient contre la France dans une Triple Alliance.

Le 16 octobre 1673, le gouverneur de Bruxelles, Monterey, déclare la guerre à la France.  

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 Du 13 au 15 août 1695, le Maréchal de Villeroy, envoyé par Louis XIV, choisit de bombarder Bruxelles, pour faire un exemple et surtout, pour redorer son blason auprès du Roi.

De son quartier général à l'abbaye de Dielegem, 25 mortiers et 18 canons à boulets rouges détruisent 16 églises et 3.800 maisons de la ville, dont celles de la Grand-Place. Un gigantesque incendie s'en suivit. L'hôtel de ville et la Maisons du Roi sont touchés.

Mais la ville ne se rend pas, malgré l'affront.

0.jpgAprès le traumatisme, une fièvre de reconstruction réunit plusieurs centaines de milliers de florins.

L'inauguration des travaux aura lieu dès mars 1696.

En 1699, presque toutes les maisons sont reconstruites avec les maîtres d'oeuvre Gian Paolo Bombarda, Guillaume de BruynAntoine PastoranaJean Van Delen, Jean Cosyn...

Dès le XVIIIème siècle, les Pays-Bas deviennent autrichiens.

En 1718, les doyens des Neuf-Nations se soulèvent et refusent de voter des impôts et réclament le retour des privilèges.

Rebelle, François Anneessens est condamné à mort. Le français et le flamand sont déjà des langues concurrentes. 

Le 26 mars 1744, le prince de Lorraine entre à Bruxelles et les hostilités contre l'Angleterre et l'Autriche commencent.  

Assiégée, Bruxelles retombe.

En 1742, deux loges maçonniques "Union" et "Equité" s'ouvrent à Bruxelles.

Le 4 mai 1746, Louis XV y fait son entrée.

Compter sur la Prusse et Frédéric II semble être la solution. 

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Le XVIIIème, le siècle des Lumières, est une période d'envol économique avec le soutien de l'esprit démocratique. Les pénuries, les grèves et d'autres émeutes populaires sous Joseph II, despote éclairé, qui entend soumettre les trois loges maçonniques, vont l'entraver.

La Belgique redevient la zone tampon entre la France et ses ennemis.

La République française anticléricale supprime les neuf départements belges de l'ancien régime.

La ville réalise qu'elle est l'otage d'une culture qui n'est pas totalement la sienne.

En 1793, les Sans-culotte, iconoclastes, s'en prennent aux symboles des pouvoirs royaux et corporatifs...

Le 16 février 1798, Bonaparte entre dans Bruxelles. 

0.jpgAprès 1815, la maison d'Orange-Nasau est appelée à diriger la Belgique, comme nouvelle barrière contre la France.

Elle tente d'imposer la langue "Neerlande".

C'est l'échec, cela ne plaît pas à la partie méridionale et l'anarchisme se développe pour déteindre en volonté d'indépendance qui aboutira à la création de la royauté "Belgique" en 1830.

Une suite à un opéra patriotique, sans grande valeur artistique, joué à la Monnaie.

La ville arbore le français comme un label de prestige tandis que les Flamands, organisés en corporation, s'en insurgent par voie de presse.    

L'industrialisation rapide, les importations de matières premières et les exportations des productions concrétisent l'option libre-échangiste avec le modèle de la puissante Angleterre, alors que les milieux agraires restent favorables au protectionnisme.

Entre 1860 et 1870, Bruxelles s'embellit.

L'eau, le gaz, du rail à l'électricité et le voutement de la Senne insalubre font partie des améliorations...

0.jpgLa Belle époque a commencé pour la ville qui devient la capitale européenne de la science.     

En 1880, le Bourgmestre, Charles Buls, désire conserver l'éclat des maisons de la place et taxe leurs propriétaires en conséquence. L'idée de la valeur patrimoniale de la place prend, ainsi, son essor.
Les dernières invasions seront allemandes lors de deux guerres mondiales malgré la neutralité de la Belgique. 
Trop attiré par la grandiloquence du Palais de Justice, Hitler passera cinq fois à Bruxelles mais ne visitera jamais la Grand-Place.
 
En 1975, le millième anniversaire de la ville est fêté en grand pompe.
Depuis ces années-là, le néerlandais perd son image de langue de pauvres paysans pour être remplacé par celle parlée par le Flamand cossu.
Le bilinguisme s'est installé par la force de l'obligation de trouver un emploi.
 
Le 2 décembre 1998, la place s'inscrit au Patrimoine mondiale de l'UNESCO et des restaurations successives de l'Hôtel de ville et de différentes façades sont entreprises. Elles se poursuivront jusqu'en 2016.

...

Visite des guildes de la Grand-Place

L'Hôtel de Ville D'abord, l'aile gauche, entre 1402 et 1421, faisant le grand chambardement des expropriations d'une quinzaine de maisons.
En 1444, l'aile droite, dont Charles le Téméraire posa la première pierre et de la tour. Charles le Téméraire aimait Bruxelles et était, pour raison d'Etat, sans pitié pour Liège et Dinant.
Sous le patronage du l'architecte, Jan Van Ruysbroeck, l'aile droite de l'Hôtel de Ville fut construite plus courte, parce qu'il ne restait pas suffisamment de place pour la construire en équilibre en largeur. Contrairement à la légende, l'architecte ne se suicida donc pas pour n'avoir pas respecté l'équilibre des dimensions de sa construction. Il mourut, quarante ans plus tard, de vieillesse.
Sur le porche, les statues des saints patrons des Serments, milices qui étaient chargés de défendre la ville, avaient pris place, mais furent remplacés en 1850 lors d'une restauration.
Trois cents statues de personnages importants se partagent la façade (Charles Martel, Pépin Le Bref, Charlemagne, Philippe le Bel...). 
(L'Hotel de ville de Louvain (Leuven), plus petit, suit la même logique avec le même succès).  
Dans la cour intérieure, les statues de l'Escaut et de la Meuse. 

Martin Van Rode fit élever au sommet de la tour de 96 mètres, la girouette de Saint Michel terrassant le dragon en 1454. Girouette dorée de 4,5 mètres qui a été descendue sept fois, pour être restaurée dont la dernière fois en 1996.

Les autres maisons s'ornèrent suivant l'inspiration de la Renaissance italienne du XVIème derrière leurs fiers pignons rutilant d'or, avec leur bannière comme symboles de leurs privilèges. 

A droite, sous le chapiteau, les Moines buveurs et l'Empilement des chaises (skupstoel). A l'intérieur, le vestibule, la galerie des Souverains, la salle du Conseil. Une salle avec plafond qui montre l'assemblée des dieux. La vie de Clovis dans la salle Maximilien et les corporations bruxelloises, les statues des souverains qui régnèrent sur les Pays-Bas dans la salle Gothique.

Avec le dos à l'Hôtel de ville, en regardant de gauche à droite, on trouve successivement les maisons :

Le Renard, la Corporation des merciers (1382) avec le goupil doré, assis qui attend, en façade et saint Nicolas, au sommet de la maison.

Le Cornet, la maison des bateliers (1697) en forme de poupe de vaisseau sur l'un de ses pignons.

La Louve, la guilde des archers, protecteurs de la ville, constitués en milices, avec les statues de la Vérité, du Mensonge, de la Discorde et de la Paix. Les statues de Romulus et de Rémus en façade.

Le Sac, la maison des Ébénistes des Tonneliers (1444) avec un personnage qui tient un sac ouvert entre des vignes.

La Brouette, la maison des graissiers, sanctifiée par saint Gilles avec sa biche à ses côtés.

Le Roi d'Espagne, avec le buste de Charles II d'Espagne et deux esclaves enchaînés, devenu un grand café bien connu des étudiants et de leurs guindailles.

Avant la rue au Beurre...

Les maisons de l’Âne, de la Sainte-Barbe, du Chêne dédiée aux tisserands, du Petit Renard, du Paon, de l'Heaume sont de les toutes premières maisons de Bruxelles, petites. 

La Maison du Roi, la Broodhuis, édifiée comme Halle au pain sur ordre du jeune roi des Espagnes, Charles Ier, futur Charles Quint. Le but, installer le percepteur des impôts impériaux pour payer les frais occasionnés par les guerres avec la FranceÉdifiée entre la rue Chair et Pain et la rue des Harengs. Elle est devenue un musée après sa reconstruction de 1873. Baudelaire y donna des conférences sans succès. Aujourd'hui, elle abrite les costumes de Manneken-Pis qui plus que le "Cortège de noce" de Pierre Breughel, attirent les touristes.  

Le quartier de maisons suivant a été restauré en 2012. 

0.jpgLa chambrette de l'Amman, l'Ammanskmerke, permettait au représentant du duc de Brabant de donner une meilleure vue pour assister à l'exécutions des sentences.

Le Pigeon, la Corporation des Peintres dès 1510. C'est Victor Hugo, exilé de France, qui en 1852, y trouva refuge et y écrivit son pamphlet "Le Petit Caporal".

La Chaloupe d'Or, maison des tailleurs, avec sur le fronton Saint Boniface, leur patron.

L'Ange, maison connue pour ses dentelles de Bruxelles.

La Maison Anne et Joseph occupée par les chocolats Godiva qui n'ont rien d'une légende.

Le Cerf, étroite avant la rue de la Colline.

La Maison des Ducs de Brabant, restauré en 1990 ; présente une rangée de bustes brabançons. Ensemble de sept maisons corporatives : Bourse, La Colline, le Pot d'Etain, le Moulin à vent, la Fortune, l'Ermitage et la Renommée

Le Mont Thabor aux 3 Couleurs.

La maison de la Rose.

0.jpgL'Arbre d'Or qui a changé plusieurs fois de nom et de fonction. Elle est la maison des Brasseurs, mais qui a appartenu successivement aux tanneurs, aux tapissiers et aux cervoisiers, ce qui explique ses caves et son musée de la Brasserie.  Restaurée en 2010, Charles de Lorraine, lui qui a été l'instigateur du style "Grand Siècle", a retrouvé l'or de ses débuts à son sommet. 

La maison du Cygnemaison des bouchers en 1720. Lieu de divertissements, tour à tour cabaret, académie de musique et théâtre, elle devient un restaurant de prestige. Elle a été habitée par Karl Marx en 1845 et a vu la fondation du Parti Ouvrier Belge, le 15 avril 1885.

La maison de l'Etoile, la plus petite maison, reconstruite en 1895 sur une colonnade pour faciliter le passage, détient sous son arche, le monument à Everard 't Serclaes qui chassa les troupes du Comte de Flandre en 1256, ce qui ne l'empêcha pas d'être assassiné et de tomber sous les coups du Sire de Gaasbeek. Il est devenu porte-bonheur pour les passants qui le caressent. Ce qui, à la longue, a envoyé le monument en restauration depuis un certain temps.

Pas de tapis de fleur, cette année. Il a lieu toutes les années paires et le dernier, ce fut en 2012

Jean Cocteau nommait la Grand-Place "Le plus beau théâtre du monde". Alors, il y en a qui se questionnent. Un théâtre... donc des acteurs, des scénarii, des scénaristes. Mais a qui appartient-elle cette Grand-Place ? 1.jpg

Si elle est depuis 1998 inscrite au patrimoine mondiale de l'UNESCO, cela n'a pas toujours été ainsi.

Si en 1695, Louis XIV n'a pas trouvé mieux de la canardé du haut des buttes de Molenbeek avec l'hôtel de ville comme cible et que toutes les maisons environnantes furent détruites et  comme le Maréchal Villeroy devait avoir fait boire les bières de l'endroit, l'hôtel de ville lui-même est resté entier.

Depuis 1972, juste avant le millénaire de la ville, alors que le Bruxellois appelait la place comme le plus beau parking, il fut décidé que les voitures s'arrêteraient en dehors de la place. Mais il y avait les touristes et leur cars qui pouvaient encore y entrer pour déposer les hordes de touristes.

En 1990, c'était fini même pour les cars.

Pour les mariages, on fait encore une exception avec les voitures aux mètres.

Donc, à qui la place appartient ?

Il y a eu des essais de sociétés pour en faire des bureaux.

Mais heureusement, s'il y en a c'est plutôt l'exception.

Le propriétaire aux 3/4, c'est la ville de Bruxelles elle-même.

Il y a les maisons qui ont gardé leurs corporations comme la Louve, le Cornet, le Renard.

0.jpgKBC, le Comptoire du Centre, la National city Bank of New York s'y intercalent.

L'Ommegang, j'en ai parlé l'année passée. Elle a lieu, cette année, aujourd'hui ce 2 et le 4 juillet.

Pas question de trouver la moindre place. Cette année, Jacques Weber a pris le rôle du personnage "Heraut", avec Bert Kruisman et Jo Lemaire comme première entrée sur la scène de l'Ommegang. L'année passée, c'était le chroniqueur, Stephane Bern qui jouait au commentateur.

...

 

Conclusions ou constatations

0.jpgLa semaine dernière, Eric Zemmour était de passage à Bruxelles, interviewé à l'occasion de la sortie de son livre "Le bûcher des vaniteux 2". (Interview au complet)

L'interview se termine par: 

- La vanité est-elle un mal typiquement français ?

- Oui. Quand on a été si grand et qu’on ne l’est plus, il ne nous reste que la vanité du passé qu’on a eu. En plus, c’est un mal qui a été aggravé par notre système de cour. À partir du XVIe siècle, on a imité les cours italiennes, en le faisant en grand, et on a développé la vanité. Défaut encore accru aujourd’hui parce qu’il n’y a plus la puissance qui existait auparavant. C’est tout ce qu’il nous reste, la vanité.

- Et en même temps, il y a un gros courant en France de "France bashing"…

- Absolument. Et, je ne dis pas France bashing, je dis haine de soi. Mais c’est un courant qui date. Déjà au XVIIIe siècle, Voltaire tape sur la France en permanence, mais ça a pris des proportions énormes depuis la défaite de 1940 et surtout à partir des années 70. Toutes les élites bien-pensantes passent leur temps à vomir la France. Si on les écoute, on a du retard sur tout. Le fond de tout ça a pris corps au XIXe avec la domination de l’Angleterre, c’est "ah qu’est-ce que c’est dommage que la France soit un pays catholique et non pas protestant", on aurait été un pays de commerçants et non pas d’agriculteurs. Après, ça a été "qu’est-ce que ça aurait été bien si on avait été Américains". D’où l’introduction du modèle multiculturaliste alors qu’on avait à mon sens, avec le modèle assimilationniste, le meilleur modèle d’intégration des étrangers au monde, et je pèse mes mots. On a abandonné tout ça pour un mythe anglo-saxon. Après, on a voulu être Suédois, maintenant on veut être Allemand car "ils font tout mieux que nous".

0.jpg- En Belgique, le mariage gay est passé comme une couque. Est-ce que ça vous interpelle ?

- Les Belges n’ont peut-être pas la culture du débat idéologique qu’on a en France. Et cette histoire de mariage homosexuel n’est effectivement pas une question qui concerne beaucoup de monde, mais une question idéologique majeure. Je pense que les Belges n’ont pas ce goût des querelles purement théoriques. Ce n’est ni une qualité, ni un défaut à mes yeux, c’est comme ça. J’aime les querelles idéologiques et je pense qu’elles sont importantes car ce sont les idées qui font avancer le monde. Donc, en clair, les Belges sont passés à côté du sujet.

Avec quelques mots, il a compris ce qui nous différencie, Belges et Français. La France est un pays d'agriculteurs, plus tourné vers la terre que vers la mer. Tout ce qui est anglo-saxon est antagoniste pour un Français. 

Bruxelles s'est souvent laissée envahir avec une sorte d'enthousiasmes intéressés. Entrer dans les bonnes grâces de ses envahisseurs avec l'intention de faire des affaires avec eux a généré une tradition d'hospitalité peut-être forcée. L'Ommegang, fêtée tous les ans, n'en est qu'une preuve historique. Tant que la ville profitait de cette collusion, elle n'y voyait aucun inconvénient. Quand les régents exagéraient la ponction des taxes, la révolte finissait par gronder. Le Bruxellois est frondeur, rebelle mais surtout un marchand bourgeois et opportuniste à ses heures. 

Tellement de visiteurs étrangers se sont installés à Bruxelles, temporairement ou à demeure, que la ville est devenue la capitale du commerce libre-échangiste, tournée vers la mer pour les importations et les exportations via Anvers-Antwerpen. Les noms des autres rues qui jouxtent la Grand-Place démontrent l'option marchande : rue des Harengs, du Marché-au-Charbon, du Marché-aux-Herbes...

La ville est devenue la reine de l'assimilationnisme, du multiculturalisme, du cosmopolitisme et n'a pas eu la culture du débat idéologique que revendique Eric Zemmour. Ce qui, aujourd'hui, oblige à s'exprimer, parfois, bien plus qu'en globish pour se sortir de situations inextricables interculturelles dans des affaires relatives au commerce.

L'épisode du bombardement de Villeroy n'a pas été un phénomène banal. Il a été une terrible leçon pour Bruxelles. Se sentant vulnérable sans pouvoir lever une armée, la ville a appris à louvoyer, à composer avec ses ennemis. Profil bas, elle faisait seulement appel à des résistants ou des mercenaires quand ceux-ci la rançonnaient. 

Rien d'anormal à ce qu'en 1831, Léopold 1er débarque d'Angleterre et reçoive une "standing ovation" par la population belge et bruxelloise pour devenir le premier roi de la Belgique indépendante.

Ce fut un espoir de faire table rase des invasions du troisième type même s'il transitait par l'Angleterre.

Bruxelles n'a jamais eu la vanité et le chauvinisme qui dépasse parfois l'entendement d'un Français qui, sans le savoir, ne peut le reconnaître.

L'esprit bruxellois se distingue par un côté très libéral avec une couche zinneke (batarde) qui s'exprime lors de la Zinneke Parade (prochaine en mai 2014). 

Dans les années 1970, on parlait de la Grand-Place comme du plus beau parking de voitures du monde. Etre envahi de voitures quand c'était commode, même si ce n'était pas très esthétique, le Bruxellois n'y voyait pas de drame en la demeure. Aujourd'hui, les voitures n'y sont admises que pour la célébration des mariages du samedi, ce qui ajoute une attraction à la place avec les voitures aux mètres. Weekends pendant lesquels, les vendeurs d'oiseaux venaient vendre leur volière. Remplacés par des vendeurs de plantes et de fleurs, aujourd'hui.

0.jpgC'est peut-être le moment de ressortir un article du journaliste français Quatermer. 

"Bruxelles, une ville sale", comme il le disait... 

Non, peut-être... 

Je ne vais pas aller par quatre chemins et j'avoue que c'est exactement ce que j'ai dit à mes hôtes suisses dont je parlais au début de l'article, en préambule à leur visite. Difficile de faire autrement dans une ville qui véhicule toutes les cultures.

"Une ville qui ne sait pas, suffisamment, mettre son patrimoine en valeur", ajoutais-je, immédiatement après. Il suffit d'aller voir une ville comme Barcelone qui a les mêmes objectifs de représentation de l'art nouveau, pour reconnaître les différences d'approche.

Une ville pour laquelle il faut lever les yeux sur ses façades et non pas de les laisser rivés au sol pour ne pas glisser.

Le Guardian remettait le couvert, en disant que la Gare Centrale était une gare hideuse. Oeuvre de Horta, elle cache beaucoup de passages souterrains qui valent bien plus qu'un coup général.

La ville n'est pas, uniquement, une Grand-Place.

Se prendre au sérieux avec cela, c'est quoi ça, une fois ?

Alors, une question me vient à l'esprit : un Bruxellois, pourrait-il vivre dans une ville trop aseptisée dans laquelle tout est "clean" et "soft" ? Je n'en suis sûr.

Qu'entend-on par Bruxellois, d'ailleurs ?

Le Bruxellois, s'il a besoin d'être étonné et, qu'entre deux visites, que tout ait changé ou presque, il a dû le constater sans pouvoir donner son avis. Avec une ville est en travaux perpétuels, le voilà comblé, si pas saturé.

La bruxellisation l'avait déjà beaucoup entamée en vue de l'Expo 58. Elle n'est pas terminée.  Elle s'est seulement réveillée à vouloir devenir une "métropole" quitte à risquer de perdre son âme en perdant les dimensions humaines d'une ville.

Ce n'est plus le temps où Bruxelles brusselait. Ok.

"Au suivant" comme chantait le Grand Jacques, à condition qu'il reste maître du choix de ce "suivant".0.jpg

Etre patriote, chez nous, c'est quoi ? Je me la suis posée. Une question, très personnelle, en définitive.

Le "Bruxelles, je t'aime", un peu trop PS, était-il dit. Il faut s'y faire, tout n'est que politique par un des bouts.

La visite est terminée...

N'oubliez pas le guide, dirait-on dans ce cas...

Cette visite historico-touristique, une fin en soi ? Pas du tout. Les hommes passent, les bâtiments et les pierres restent comme patrimoine ou non.

Beaucoup de mystères demeurent encore, sur la présence de certaines statues et décorations qui ornent la Grand-Place, ce qui fait que des légendes circulent.

Il y a les fêtes pour rappeler tout cela.

Beaucoup de livres et de photos touristiques sur Bruxelles, moins sur la Grand-Place.

En annexe quelques photos qui suivent l'ordre de la visite

 

L'enfoiré,

 

Citations:

Source: "Sociologie de la Bruxellitude" de Louise-Marie Libert 

 

0.jpgMes sources: Entre autres, le "Guide "Belgique" de la Renaissance du livre, le GEO n°86 d'avril 1986.

 

15 août 2013: Du 14 au 18 août Floralie sur la Grand-Place. Quelques photos sont ici

Je m'en voudrais de ne pas citer ce nouveau livre au sujet de la "Grand-Place", le plus documenté que je connaisse (son site). Je n'ai pas 35.000 clichés, mais j'en ai quelques centaines tout de même.

Je me réserve le livre comme cadeau d'anniversaire...

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